30 mars 1001 | Classe verte (et rouge) |
avec Natsumeossien
Je ne suis pas objectif. Je connais très peu de personne qui le sont, mais vraiment, je ne suis pas objectif. Puisque je suis militaire, je vais forcément dire à tout le monde que mon travail a de l'importance et que je dois assurer la sécurité des quartiers Eossiens dont je suis à la charge. Habitué aux regards méfiants, ma fonction est quand même de m'assurer qu'il n'y ait pas de bagarre et aussi, quelque part, de montrer que les Altissiens peuvent être dignes de confiance. Je peux concevoir que les Eossiens ne nous apprécient pas puisqu'ils ne nous connaissent pas vraiment encore, mais j'ai espoir qu'un jour, les autres n'aient plus peur de nous simplement en entendant notre nom. C'est aussi le souhait de mes supérieurs qui veulent s'assurer que la paix prospère bien entre tous les habitants d'Yggdrasil, quels qu'ils soient, et qui me demandent par conséquent de me montrer sous mon meilleur jour. Bien sûr, ce n'est guère compliqué, malgré les quelques insultes que je peux recevoir. D'un naturel jovial, je garde le sourire en toutes circonstances en saluant les Eossiens que je croise. Certains sont chaleureux, d'autres un peu moins. Et je peux sentir quelques fois une intense envie de me balancer de nouvelles tomates pourries, comme si celles que j'avais reçu la dernière fois n'avaient pas suffit. Pffrt, saleté de moine ! J'aurais bien voulu l'oublier mais j'ai encore son sale comportement en travers de la gorge. Heureusement que son pote est venu faire bonne figure avant que ça dégénère, sinon je lui aurais bien montré un aller simple pour les geôles. Enfin... Je dis ça, je sais pas si j'aurais été jusque là, mais c'était pas l'envie qui m'en manquait sur le moment. Je suis bien content d'avoir à penser à autre chose avec ma mission d'aujourd'hui.Quand on me demande de me montrer amical, c'est pourtant avec tout le monde. Les marchands, les commerçants, les adultes... et les enfants. Surtout les enfants. Pas que ça me déplaise, hein. J'adore les enfants. À l'orphelinat, quand j'ai fini par être le plus grand des dortoirs, j'étais un peu vu comme l'aîné auprès des plus jeunes et je m'en occupais un peu comme un grand frère. J'aimais bien ce rôle-là. J'avais l'impression d'être important, d'être admiré. Cela m'a un peu manqué quand je suis entré dans l'armée ; ils avaient tous à peu près mon âge, et je semblais bien frêle, comparé à d'autres à qui on avait déjà appris la dure vie au sein de la chevalerie. Mais bon, je suis quand même parvenu, après plusieurs années, à me faire un nom et une place dans cet ordre peu commode. Par la suite, bien sûr, avec mon grade évoluant, je voyais bien que je ne laissais pas les plus jeunes indifférents lorsque je me baladais en ville avec mon armure flambant neuve. L'armée est la plus grande fierté d'Altissia, après tout, alors je ne raconte pas les regards émerveillés que je pouvais sentir à mon passage. C'était pas mal...
Mais évidemment, tout a changé quand j'ai emménagé ici, à Yggdrasil. Dans cet environnement nouveau qui attisait ma curiosité, je savais que je n'aurais pas la même place que celle que j'avais à Altis. Mais peu importe. J'étais honoré qu'on m'ait choisi pour être l'un des premiers à fouler cette terre vieille d'un millénaire. Ce n'est pourtant pas les Eossiens qui allaient m'acclamer, et ça, je l'ai bien vite compris. Mais ça aussi, ça m'importe peu. Cela n'a pas tari mon avis d'être apprécié de cette population dont je ne connaissais rien. Parce qu'ils ne connaissaient rien sur nous non plus. Quand on m'a assigné aux quartiers Eossiens, je me disais, peut-être, que j'allai finir par m'y intégrer. Mission impossible, m'a-t-on toujours dit. Et il est vrai que nous sommes bien trop différents. Toutefois... J'ai quand même cette vision utopique et ce rêve qu'il n'y ait plus du tout de tension dans l'air. Mais bon, avec les assassinats d'Hincmar et Adélaïde, ça démarre mal. Nos têtes pensantes ne savent pas toujours où donner de la tête et on a dû procéder à quelques fouilles chez des Eossiens, déjà. Pas ma partie préférée du métier, si vous voulez tout savoir. On a dû pénétrer chez des familles qui n'avaient rien demandé. J'étais mal à l'aise tout le long, mais bon, j'ai suivi les ordres. C'est comme ça.
Je sais comme il est important de se montrer exemplaire auprès de jeunes enfants. Ce sont eux, l'avenir de notre monde, après tout, qu'ils soient Altissiens, Caldissiens, ou Eossiens. Je n'ai jamais vraiment fait de différence. Je les trouve tous plus ou moins adorables ; eh oui, je suis bien faible face à eux, pour être honnête. Ils représentent mon fantasme un jour d'en avoir pour moi-même et d'en élever. Alors... J'aimerais bien leur plaire, à tous ces enfants Eossiens que je vais voir aujourd'hui. On m'a demandé d'aller rendre visite à l'académie d'Yggdrasil. La plus grande et l'une des seules qui existent. Elles regroupent tous les âges, toutes les origines et toutes les espèces, mais les plus grands sont séparés des petits et les Altissiens, Caldissiens et Eossiens sont également répartis entre eux ; il n'y a pas de mélanges. Moi, je trouve que ce n'est pas une très bonne idée, de les garder loin les uns des autres. Pour assurer la paix durable à laquelle on aspire, rien ne vaut la mixité. Mais bon, c'est pas moi qui décide.
Ironiquement, ce ne sont pas les enfants Altissiens, que je vais voir. Mon travail va consister à faire un peu de... 'propagande' disons auprès des jeunes Eossiens. Bon, j'aime pas trop ce terme, mais c'est un peu ça, quoi, en plus gentillet. Je vais leur expliquer un peu mon métier pour qu'ils comprennent qu'ils n'ont rien à craindre de nous et que nous nous assurons de leur protection. Vu qu'il n'y a pas encore d'Eossiens dans l'armée, qui sait... Peut-être qu'ils feront partie des premiers...
Maiiis... Comme d'habitude, je ne suis pas celui qui a le plus de succès. Windie est la reine, quand je l'amène avec moi. Dans la rue et même quand nous arrivons à l'école, les enfants la regardent avec adoration et les plus courageux me demandent s'ils peuvent l'approcher. Avec plaisir, ma chienne se laisse caresser pour le plus grand bonheur des gamins. Pffrt... Tout ça parce que c'est un animal mignon... Même si j'ai vraiment l'impression des fois qu'elle a un truc naturel avec les enfants, mais je mise ça sur le fait qu'elle est, effectivement, adorable. Elle a bien gagné mon affection quand j'étais môme, moi aussi, après tout.
« Allez, ma grande, on y va. »
Je rappelle ma compagne à l'ordre pour qu'elle me suive avant que nous nous dirigions vers le bureau du responsable pour l'alerter de notre venue. Je sais juste qu'il s'appelle 'Shimomura' mais je n'ai aucune idée d'à quoi il ressemble. Héhé, j'imagine un peu un vieux sage avec des tas de parchemins sur sa commode. Ou si ça se trouve c'est un gobelin... Perdu dans mes suppositions, je sens tout à coup que Windie s'agite. Dans le couloir qui nous mène à la porte du bureau, elle se met à battre de la queue avant de trottiner plus rapidement, la truffe au sol. Curieux, je cligne des yeux en la rattrapant. Il est vrai qu'une odeur que j'ai déjà senti auparavant flotte dans l'air, mais je n'arrive plus à me rappeler d'où elle provient et à quoi elle correspond. Courant auprès de Windie pour la retenir de passer la porte avant moi, je la caresse pour lui faire signe de se calmer. Puis, je commence par toquer à la porte, avant d'entrer dans la pièce une fois que l'on m'en a donné la permission.
« Bonjour, je viens pour la visite suuur... »
Mon regard se lève vers l'homme assis derrière le bureau dans lequel je viens d'entrer, et ma phrase reste en suspens. Je cligne des yeux, peinant à reconnaître le brun à pics aux traits fins en face de moi quand bien même j'ai l'impression de l'avoir déjà vu quelque part. Bon, par contre, Windie, elle, sait très bien qui c'est, apparemment, vu qu'elle se rue tranquillement vers la table en battant de la queue vigoureusement.