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Le dragon protecteur d'Yggdrasil s'est réveillé. Au milieu des fiançailles de Gaston et Camélia, souverains d'Altissia et Caldissia, la statue figée depuis un millénaire a quitté son socle pour arpenter le ciel de la cité. De son rugissement puissant, il a fait appel à des monstres sauvages pour encercler Yggdrasil, rendant les entrées et sorties en son sein impossibles. Progressivement, les vivres viennent à manquer et les stocks se vident sans pouvoir se remplir...
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Des histoires de poils et d'écailles
avec Faust-pas-pousser-memere-dans-les-orties



Il est même pas midi et c’est déjà ma fête. Tout ça pour quoi ? Parce que j’ai pris un pauvre petit jour de congé ? Je comprends pas, je ne suis pas non plus du genre à m’affairer comme un forcené, mais c’est ce que le voisinage a l’air de dire en me voyant partir du quartier des loisirs avec ma canne à pêche sur l’épaule. Je ne comprends pas pourquoi c’est si surprenant ? « Oh bah Aaron tu prends des vacances, ah bah c’est pas trop tôt », « Monsieur Ronron, prenez un peu de repos vous êtes tout gris ! »… Mais enfin… ! Je ne suis quand même pas une caricature de moi-même à ce point… pas vrai… ? Pas vrai ?! Euh.Bref. Parlons d’autre chose. La pèche, pas exemple. J’aime bien la pèche. Enfin, j’aime bien le poisson, surtout. Je ne suis qu’un gros requin et j’ai des plaisirs simples. Quand je n’ai rien a faire, j’aime aller au bord de l’eau, faire un peu de feu, pécher quelques petits vertébré rutilants et écailleux, les manger, puis pioncer.  

Je sais que la rivière et les torrents du coin sont très appréciés des pêcheurs, à juste titre. Mais à mon regret je n’ai pas eu le temps de beaucoup en profiter pour moi-même, car je devais m’occuper de l’auberge. Il me faut un peu marcher jusqu’à rejoindre la rivière et me trouver un coin tranquille. Là, le torrent est moins fort et il y a même un petit bac d’eau plus calme un peu plus loin. L’odeur iodée de la mer me manque un peu, parfois. Les rivières du coin me semblent si calmes en comparaison des mers du sud d’Altissia et leurs vagues indomptables. Malheureusement, je ne retournerais pas dans mon village natal de sitôt. Il n’y a plus grand-chose là-bas. Enfin.

Au lieu de déprimer, je ferais mieux de me concentrer sur ma ligne ! Ça ne mord pas beaucoup, mais je suis patient. Après tout, si je suis là, c’est aussi pour contempler le bruit de l’eau qui coule, le soleil de la fin de matinée, les rochers qui sentent le frais et l’humidité… Je profite de cette accalmie pour coincer ma canne entre quelques gros cailloux et commencer à faire mon feu. Diantre, que c’est reposant, tout de même un endroit sans mes 5 habitués qui beuglent au bar… ! Mon boui boui rustique me manque déjà un peu. Je me demande si j’ai bien éteint le feu avant de partir tiens…

Tandis que mes pensées divaguent, j’entends quelqu’un approcher. Quelqu’un qui s’amuse à dégringoler dans le torrent, visiblement, vu comme les éclaboussures se rapprochent. Pourtant, en me retournant, je ne vois personne. Enfin, si. Je vois un très gros toutou qui nage non loin de ma ligne. Bon, bah, j’imagine que pour les poissons, c’est râpé pour le moment. Mais bon. Y’a un toutou !

« Coucou le chien ! Tu viens me dire bonjour ? Oh, mais c’est un bon gros toutou, ça ! Qu’il est beau le gros toutou ! Il est ou ton papa, hein ? »

Huhu. Il est même un peu grand pour être un toutou, je me demande si ce n’est pas une plus grosse bête. Un loup, peut-être ? Peu importe, il reste mignon comme tout et s’il est tout seul, je partagerais mon poisson avec lui !


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Je ne suis pas encore habitué aux températures d'Yggdrasil. En octobre, d'ordinaire, Altis est déjà un bloc de glace ; ici, le vent commence juste légèrement à souffler. Si ce n'est pas trop désagréable le soir, je dois avouer que le froid commence à me manquer. Je n'ai pas beaucoup l'occasion de passer du temps sous ma forme lupine ; comprenez, avec mon pelage, eh bien... On crève de chaud, oui. Mon corps animal n'est pas fait pour ça, et planter mon museau dans la neige avant de me rouler dedans me manque assez.
Mais plonger dans l'eau n'est pas trop mal non plus, et c'est un compromis auquel je me suis vite fait. Les pattes sautant d'une roche à l'autre, je plonge dans la rivière jusqu'à être submergé entièrement avant de remonter avec une mine satisfaite, guilleret et souriant. Je dois avoir l'air bien idiot, mais je m'en fiche assez. Ma forme animale est une bonne manière de pouvoir faire ce que je veux sans avoir à m'inquiéter qu'ont ait pu me voir ou de ce qu'on pourrait en dire : comme lorsque je me roule dans l'eau en tirant la langue comme un crétin bienheureux.

L'air frais sur mes poils, le dos contre les galets, je relève mon regard vers le ciel en souriant bêtement. Qu'est-ce que ça fait du bien... Je pourrais rester là toute la journée. Je ne regrette pas d'avoir pris un peu de congé, pour une fois que la situation est plus ou moins calme. Si les choses s'arrangent, il faudrait que j'envisage de céder à Sofia et Soren pour les laisser venir, mais bon... J'ai encore le temps d'y réfléchir.

J'entends alors une voix qui me fait cligner des yeux, lever les oreilles et tourner légèrement la tête, en cherchant la source. Uh. C'est à moi qu'on parle... ? Je crois, oui. Ce ne serait pas la première fois qu'on me confond vraiment avec un animal. Clignant des yeux, je dévisage l'individu qui m'interpelle. Hm. Ce n'est pas tous les jours que je croise un animorphe requin, mais quelque chose chez lui m'a l'air bien familier-...
Oh bordel de merde.
Mes yeux s'écarquillent en grand et je reste immobile, un flot de souvenirs me remontant à l'esprit soudainement. Des souvenirs que j'avais bien volontairement écrasé dans ma mémoire, car ils n'étaient pas particulièrement bons ; des souvenirs d'une vieille défaite militaire, il y a bien longtemps de ça.

Du sang, du feu, des cendres dans l'air et dans mon visage. Des cris partout, des chevaux qui hennissent, des flèches encastrées dans ma chair. Et l'odeur, l'odeur. Une odeur de mort, de sang, de boue, la puanteur qui précède la pourriture. Le flou de ma vision, la douleur dans mon corps affaibli et étalé au sol, foulé par des soldats qui ne voient qu'un loup à l'agonie et sur lequel ils ne jettent pas un regard.
Ce jour-là, je n'avais survécu que par chance. Mais pas que.


Non, c'est pas... Non, tu te fais des idées, mon vieux. Y'a pas qu'un animorphe requin un peu bourru dans le monde. Mais quand même.
Je me reprends, vaguement secoué par les images qui me sont remontées à l'esprit et auxquelles j'aurais aimé ne pas penser, que ce soit aujourd'hui ou un autre jour. J'hésite sur la marche à suivre. « Hé, dites, vous ressemblez bien à un type que j'ai croisé y'a un bail mais je suis pas sûr » me ferait passer pour un imbécile. Ou pire. Même répondre par l'humour que mon « papa » est mort (enfin, plus ou moins) ne passerait pas, quand bien même l'idée de passer au delà de ma gêne par de l'humour douteux est tentant.
Y'a pas de solution pas gênante, gros crétin.
Dans un soupir, je choisis donc finalement de reprendre forme humaine, même si cela veut dire que mes vêtements seront trempés.

« Euh... Bonjour, oui. »

Oros, pourquoi j'ai fait un signe de la main, aussi... J'ai quarante piges, je suis supposé être diplomate, mais il faut croire que toute forme d'éloquence disparaît de mon corps dès lors que je ne suis pas en train de travailler. Si j'essaie un sourire amical, il a l'air plus maladroit qu'autre chose. Pas la première fois que je vis cette situation, mais les souvenirs qui me sont passés par la tête m'ont rendu plus... Disons beaucoup moins à l'aise.

« Je, euhm... La pêche est bonne... ? »

J'ai fait mieux. J'ai fait bien pire, aussi.

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Des histoires de poils et d'écailles
avec Faust-pas-pousser-memere-dans-les-orties



Oh mazette. Vous me croyez si je vous dit que ce chien n’est peut-être pas juste un chien ? Oui, je sais, personne n’est surpris dans un univers comme celui du présent forum. Je me sens débile quand je vois l’animorphe reprendre une forme humaine en se rapprochant de la berge. En même temps… l’illusion était impeccable (en même temps, oui c’est le principe, abruti) ! Euh, enfin… bref. Je souris à mon interlocuteur, j’ai le regard qui dévie sur le côté car je suis gêné. Je réponds tout de même à son signe de main. Je suis un balourd mais je suis pas malpoli pour autant.

« … Ah, oui, vous êtes aussi… héhé. Désolé, d’vous avoir dérangé pendant vot’ bain, hein. »

Je baisse les yeux et hausse les épaules, dans une attitude un peu bisarre mais… qui s’excuse quand même. Je crois que ça ressemble à ça, vu de l’extérieur… ?

Je crois que je l’ai mis mal à l’aise, ce pauvre vieux. Il a l’air tout hésitant en me demandant si mon activité du jour donne quelque chose. J’hausse les épaules en observant ma ligne d’un air distrait.

« Oh, bah... pas trop, pour le moment, mais ça devrait pas tarder ! Ça grouille, dans l’coin. »

Je regarde mes cannes à pèche qui ne bougent pas d’un pouce. Faut dire qu’on est un peu bruyants, là… la poiscaille ne risque pas de trop s’approcher, dans ces conditions.

« Vous voulez vous joindre à moi ? J'ai prévu de faire des grillades ensuite. On pourra partager ! »

Je fais un geste en direction des cannes à pèches.


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C'est gênant, mais j'ai vu pire. Disons que ça n'équivaut pas les séances de bizutage pénibles auxquelles j'avais eu le droit en intégrant l'armée, même si j'avais été relativement épargné de par mon nom. Embarrassé, je rends au requin son salut pour ne pas me comporter comme un ogre, mais je crois que j'ai le regard qui fuit un peu. Je crois... Ouais, non, je me suis peut-être fait des idées ; il n'a pas l'air de me reconnaître. C'est peut-être juste moi qui fait une fixette là-dessus. Mais tout de même...

« B-bah, c'est plutôt moi qui vous dérange dans votre pêche, là. »

Je force un sourire pour avoir l'air avenant, mais j'ai plus l'air nigaud qu'autre chose. Je suis toutefois curieux de le voir faire, pour être honnête. Je n'ai jamais trop eu l'occasion de pêcher, principalement car mon grand-père estimait que ce n'était pas « une activité digne ». J'aurais préféré, hein, ça m'aurait changé du soixantième cours de danse pour se faire mousser en société. Pas que ça n'est pas drôle des fois, mais bon... C'est taillé au millimètre près, il n'y a pas grande place à du personnel.
Je me permets de me mettre assis pour regarder l'eau et essayer de trouver les poissons dont il me parle, même si ils peinent à se montrer. Et faut dire qu'avec l'eau, j'ai du mal à percevoir leur odeur : mais... J'aimerais bien les voir, tiens. Je trouve ça amusant, de les observer. Ils sont lents, ça me force à me concentrer sur une seule chose. Je relève la tête d'un air surpris mais flatté lorsque l'autre me propose soudainement de l'accompagner dans sa pêche.

« Oh, bah, euh... J'veux bien, mais je vous préviens, j'ai jamais pêché. Je vais être nul. »

Nul à... Enfin, bon, vous m'avez compris. Je ne suis pas le loup le plus délicat du coin, en plus, même si je peux avoir mes moments, quelque fois, alors je suis persuadé que toute la poiscaille du coin va fuir en me voyant arriver comme un bourrin. Du coup, je m'excuse à moitié, me sentant un peu coupable des désastres que je vais produire ; mais je ne refuse pas, car je n'en ai pas l'envie. Mon expression perd la crispation de sa gêne pour se faire plus tranquille.

« Mais j'aimerais bien apprendre. »

Y'a plein de choses que j'ai jamais fait. C'est normal, en soi, même passé quarante ans ; mais parfois, j'ai juste l'impression... Que c'est trop tard, quoi. C'est stupide, je le sais. Quand je vois ma mère se mettre à la peinture à son âge, ça m'impressionne, mais j'ai du mal à me dire que je pourrais faire la même chose. Mais bon, l'idée de faire griller des trucs me motive aussi. Relevant la tête vers mon interlocuteur, j'espère ne pas l'enquiquiner avec mes questions, mais ma curiosité me pousse à l'interroger.

« Donc, euh... Vous avez des astuces ? »

J'imagine... ? Il m'a l'air calé, pour je ne sais quelle raison. Ou alors je me dis juste ça car c'est un requin et c'est discriminatoire de ma part. Mm. Je vais éviter de me compliquer la vie en me posant des questions sur mes biais, moi.

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Des histoires de poils et d'écailles
avec Faust-pas-pousser-memere-dans-les-orties



Pécher peinard dans son coin, c’est chouette, mais, pécher à plusieurs, c’est tout de même beaucoup mieux. Le hasard m’a amené un copain pour partager ce moment, c’est tout de même magnifique. En plus, l’autre animorphe a l’air enthousiaste. Sa gêne semble passée et maintenant, il s’intéresse à mes cannes. Je ricane brièvement lorsque le brun admet qu’il n’est jamais vraiment allé à la pèche.  

« Bah, faut bien commencer quelque part ! Z’allez voir, c’est pas sorcier. »

C’est vrai, quoi, une bonne partie du délire c’est quand même d’attendre sur le bord en surveillant les lignes. C’est après, que les choses plus sérieuses commencent. Il me demande si j’ai des astuces et je lui souris avec malice.

« Bah, déjà, vous faut une gaule, héhé. »

Je fouille dans mon matériel et y trouve une vieille canne (faute de mieux) en bambou que je tends à mon comparse. Je pose la perche dans une de ses mains et lui intime de tenir la ligne de l’autre pendant que je vérifie mon paquetage pour retrouver mes appâts. Une fois le gros ver accroché à l’hameçon, je vérifie que la ligne est suffisamment lestée. Je vais chercher ma propre canne, retire le bouchon de l’eau, puis montre les gestes à adopter à mon comparse pour plonger sa gaule dans l’eau.

« Et maintenant bah… ‘pouvez poser vos fesses et attendre que ça morde. ‘Surveillez juste votre bouchon. S’il coule, bah faudra tirer sur votre ligne pour faire sortir la bête. »

Je joins le geste à la parole et me repose sur mon rocher. Je bâille et m’étire en surveillant les bouchons. Bien sûr, selon la bestiole au bout de la ligne, ça peut-être un peu plus complexe que juste tirer dessus. Mais bon, il devrait bien vite le comprendre. Après un petit moment de silence, je sors des petits gobelets en céramique et y verse un peu d’eau afin d’offrir à mon partenaire de pèche.

« Donc… vous v'nez souvent nager par ici ? »

En regardant l’eau couler, j’inspire d’un air apaisé. L’odeur de l’humidité sur les rochers, le bruit du torrent… tout ça parvient toujours à me calmer et à me reposer.

« J’aime beaucoup c’coin. Pis faut bien s’éloigner du rythme de la vie citadine, des fois. »

Oui, je dis des banalités, mais bon. Les clients à l’auberge ont peut-être raison de dire que ej travaille trop, mais eh, c’est un peu le sort de n’importe quel tenancier de bouiboui dans le quartiers des loisirs, nan ?

« Hm, d’ailleurs, moi c’est Aaron. J’tiens une auberge dans l’quartiers des loisirs. « Les Crocs », vous connaissez ? »

S’il connait pas, j’espère qu’il passera et qu’il me fera de la pub, héhéhé.


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Visiblement, mon manque d'expérience n'a pas l'air de déranger l'autre, ce qui me tire un début de sourire amusé. Il a l'air enthousiaste, le larron. Et drôle, d'ailleurs, même si je ne sais pas si il le fait exprès ; ce qui ne m'empêche pas, toutefois, de rire comme un crétin devant ses explications.

« Ah bah, c'est malin, hein. »

Puéril, je ricane bêtement avant de me forcer à me reconcentrer un peu pour ne pas être trop incapable devant les efforts qu'il fait. Je suis ses gestes du regard, tenant ma perche et essayant d'imiter ce qu'il fait, sans grand succès au départ. J'vous jure, j'ai failli envoyer l'hameçon dans un buisson. Toutefois, au bout d'un moment, j'arrive à quelque chose, et mon bouchon flotte au dessus de l'eau. Battant des jambes pour me défouler un peu en attendant, je relève brièvement le regard vers le requin, une moue amusée devant ses propos. Vrai que c'est pas mal, à vrai dire, comme coin. C'est déjà plus agréable que les bureaux où je dois poser mes fesses toute la journée et où j'ai l'impression d'étouffer. La maison me manque, parfois, et cette rivière me rappelle un peu celle autour de laquelle je jouais avec mon jumeau lorsque nous étions petits.

« Ouais, j'vois ce que vous voulez dire. Ça fait du bien. Mais... C'est la première fois que je venais par là, en fait. Je cherchais une échappatoire, si on veut. »

Je ricane un peu pour me moquer de moi-même. C’est-à-dire qu'à mon grand âge, c'est assez ridicule, quand on y pense, mais bon, c'est un autre sujet. Et j'avais oublié de me présenter, visiblement : je grimace de gêne lorsqu'il le fait et me présente son travail, me disant que j'oublie vraiment toutes mes manières.

« Ah, merde, j'avais oublié de m'présenter, désolé. J'm'apelle Faust. Et... Non, à vrai dire, je ne connaissais pas votre auberge. Faut dire que je suis arrivé il y a pas si longtemps, enfin... »

Et que j'ai passé les trois quarts de mon temps avec des gens insupportables qui m'accaparent tout mon temps libre pour se plaindre que leurs oreillers ne sont pas assez moelleux, en gros. Oui, oui, je suis un peu amer, c'est vrai. Mais le but de ces sorties, c'est aussi de me sortir la tête de tout ça, et ce n'est pas plus mal. Et d'ailleurs, aller découvrir une auberge, ça serait pas une mauvaise idée.

« Je connais pas encore trop les lieux, mais je serais pas contre venir visiter à l'occasio-... »

Un mouvement au bout de ma canne me fait sursaute assez brusquemment. J'ouvre de grands yeux, vaguement impressionné par la pression que je sens, et tourne un regard enthousiaste et curieux vers mon camarade de pêche.

« Oh ! Oh, euh, y tire... J'fais quoi ? »

'Bah tire aussi, crétin', pourrait-on me dire. Mais bon, j'ai quand même l'impression que c'est pas si simple, tout ça.

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Des histoires de poils et d'écailles
avec Faust-pas-pousser-memere-dans-les-orties



En plus d’avoir l’air sympa, il est bon public, ce sympathique monsieur. Tout sourire, je le regarde se débattre avec sa ligne. Il s’en sort bien et parvient à jeter son bouchon à l’eau et m’imite en attendant bien sage en silence. Enfin, pas trop non plus, sinon on va s’ennuyer et ça va devenir gênant.

Mon comparse se présente et radote un peu sur son besoin de distraction, ce qui m’amuse et me fait arquer un sourcil.

« Ah ouais… mais z’êtes pas trop mal conservé pour un type qui a visiblement 90 balais, hein. Z’en faites pas, on sert aussi les vieux croutons, chez moi. »

J’ironise et me fend bien la poire, mais, d’habitude, c’est plutôt moi le daron qui se plaint que le temps passe trop vite et que ça s’arrange pas avec l’âge (tout comme mes rhumatismes).

Je n’ai pas idée que mon interlocuteur est du genre connu dans son travail et ne m’étonne pas de ne jamais l’avoir croisé. Y’a beaucoup de gens à vide et vous pensez vraiment que j’ai assez de mémoire pour retenir tous ces visages ? Je suis un requin, pas un éléphant.

On s’amuse bien, mais les poissons, eux, sont loin de dormir. Le bouchon de la ligne de Faust commence à tressauter. D’abbord par petites vagues, puis il coule d’un coup, signe que la poiscaille se fait la malle. L’autre animorphe s’accroche à sa gaule sans trop savoir quoi faire et il m’appelle à l’aide.

« Ah !! Bah tirez sur vot’ canne ouais !! Mais pas trop fort d’un coup sinon y'a tout qui va péter ! »

C’est un coup de main à prendre. Faut sentir quand le poisson tire et quand il s’épuise.

« ‘Sert à rien de s’acharner si vous sentez qu'y tire aussi. 'ttendez qu’y s’épuise pour le ramener. »

Je guette le bouchon. Ce n’est pas évident à voir quand l’on a pas l’habitude, mais le flotteur a tendance à remonter vers la surface lorsque les bestioles sont fatiguées. Je fais signe à Faust de tirer par brèves occurrences mais de se préparer. Et lorsque je vois le bouchon coloré devenir plus net et se rapprocher de la surface…

« Là ! Maintenant ! Tirez ! »

La ligne sort de l’eau et il me semble bien qu’il y a quelque chose au bout. Je braille encore en signe de triomphe (ce qui va totalement faire fuir tout le reste de notre future fricassée écailleuse).

« Alors, alors, c’est quoi ?! »

J’aime vraiment beaucoup le poisson. D’ailleurs, je salive déjà à l’idée de m’en remplir la panse.


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Ah oui. Tirer sur la canne. Je devrais pouvoir faire ça, hein ? C'est bête et méchant, et j'arrive à m'en sortir quand c'est simple et qu'il faut surtout utiliser ses muscles : alors je m'exécute. Pas trop fort, qu'il dit. Je grimace en essayant de me retenir, mais ce n'est pas exactement simple. Vous savez ce que c'est, la force d'animorphe ?! Déjà qu'il m'est déjà arrivé de casser ma chaise en m'asseyant trop fort... Mais l'fatiguer, ça, je peux faire. J'ai plus l'habitude de courir jusqu'à l'épuisement des autres, mais c'est un peu semblable. Et pour dire vrai, l'aubergiste est d'une grande aide. J'écoute ce qu'il me dit et suit ses conseils, tout de même flatté qu'il prenne le temps de m'expliquer quand je dois avoir l'air franchement bêta. Concentré, je tire d'un coup sec à son signal ; et, avec un émerveillement stupide, je vois quelque chose quitter l'eau. Je suis trop surpris d'avoir réussi, même avec énormément d'aide, pour vraiment m'arrêter sur sa forme sur l'instant.

Les questions pressantes de mon collègue me font toutefois m'y intéresser davantage. Reposant les yeux sur la chose au sol, j'essaie de répondre à sa question.

« C'est... C'est un poisson, je crois. Non, je suis pas sûr... »

Je dévisage l'animal que nous avons tiré. J'aurais cru que ma première prise serait une botte, d'ailleurs, ou un truc du genre : mais a ressemble vraiment à un poisson. Le corps courbé, écailleux, les yeux vitreux de part et d'autre d'une tête allongée, les nageoires et autre, mais... Y'a un truc qui cloche.

« … Il a pas l'air très comestible, ç'te poisson. »

C'est en tous cas une manière polie de dire qu'il a l'air franchement décomposé. Je peux voir ses arrêtes au travers de ses écailles, et on dirait presque que son corps a... Pourri, oui. Qu'il se décompose de l'intérieur. L'odeur, en plus, heurte mon odorat sensible avec force. Je vous épargne les détails, car c'est franchement peu ragoûtant, même si j'ai vu bien pire. En grimaçant, je m'accroupis pour mieux l'examiner. Hmm... C'est peut-être un monstre, mais... Je ne sais pas, j'en doute un peu. Ça me préoccupe un peu, même.

« Dites... Le courant, il vient bien de là-bas, hein ? Je vais ptet aller y faire un tour, je trouve ça bizarre. »

On dirait presque que quelqu'un a fait de la nécromancie sur un poisson, même si ça serait complètement stupide. Ou peut-être que quelque chose affecte les poissons, j'en sais rien, mais c'est peut-être un problème. Ou alors, on a vraiment pas eu de chance. Plus jeune, je ne me serais sans doute pas inquiété ; on va dire que je suis devenu plus prudent avec le temps.

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Des histoires de poils et d'écailles
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Mon enthousiasme Aaron retombe assez vite lorsque je vois la tête de… de la bête que Faust vient de sortir de l’eau. Je grimace et émet un son étrange, à la fois peiné et un peu dégouté.

« Eergh.. ! La pauv’ bête… »

Dans mon expérience de pêcheur, j’ai jamais vu un truc comme ça. Franchement, c’est très bizarre que mon camarade ait déniché un… poisson mort vivant ? Car ça a l’air pourri et ça en a l’odeur, en tout cas. Y’a les arrêtes qui dépassent, mais ça gigotte et ça nageait assez bien pour résister lorsqu’on tirait la ligne. Faust ne semble pas parvenir à identifier ce qu’il a sous les yeux non plus et n’a pas très envie d’y gouter.

« Boh, ça on sait jamais, avec une bonne cuisson et une sauce… Pour quelqu’un que vous aimez pas trop. »

J’émets un « héhé » pour souligner mon trait d’humour douteux. En réalité je ne crois pas que j’ai envie de faire une tambouille avec un truc qui pue autant (et pas à la manière d’un bon fromage bien fait).

Plutôt que rester à examiner un cadavre de poisson, Faust a plutôt envie de mener son enquête. Ah, ça, ça me plait, tiens ! Une aventure ! Je me redresse avec un large sourire aux lèvre (bien qu’assez insouciant) un peu trop enthousiaste, alors que la situation est peut-être sérieuse. Bah, ouais, si la rivière est remplie de poissons tous pourris, ça craint, en vrai. C’est un truc à rendre malade toute la ville… Sachant que mon biz’ repose beaucoup sur la qualité des poissons que j’achète au marché et que je vais attraper moi-même, ce serait vraiment une catastrophe. Oui, oui, c’est terrible. Mais… l’aventuuuuure !!

« J’viens avec vous, j’suis quand même préoccupé par l’état d’ces petits poissons. »

Cela dit j’ai aucune idée de pourquoi ils se sont retrouvés dans cet état. Je ne pense pas que l’eau soit empoisonnée. Même si c’était le cas, il aurait fallu des jours et des jours pour que les poissons se retrouvent dans cet état… peut-être que cette pauvre bête est un cas isolé ? J’en sais rien, mon cerveau fume déjà.

Je guide mon pote animorphe vers le haut du courant, en laissant mon matériel derrière moi. En plongeant dans l’eau pour remonter l’onde, je ne vois rien qui attire mon attention. Je plonge la tête sous l’eau afin de nager.

« Ahh !! »

Glapis-je, sous l’eau, lorsqu’un autre poisson zombie m’arrive en pleine face. Malheureusement, il n’arrive pas seul. En sortant la tête de l’eau, un banc de poiscaille toute pourrie atterrit dans ma face ! Au moins, je fais barrage et les empêche de descendre plus loin mais…

« AAAAAAAAAH ! Mais arrêtez ça, lààà ! Ça pue en plus !!!! »

C’est à cet instant que mon regard est attiré par un point plus haut dans le lit de la rivière. Je crois voir une bande d’énergumène qui déversent tout un tas de vertébrés aquatiques aux couleurs peu ragoutantes (et je ne parle pas de l’odeur, je vais finir par vomir).

« Faust ! Là-haut ! »

En me débattant pour jeter les poissons zombifiés sur la grève, je designe les deux maladrins à mon comparse. Peut-être sera-t-il plus rapide que moi pour aller les attraper. Enfin, si on ne dégueule pas partout avant… peut-être que j’ai bien fait de ne pas manger avant de venir, en fait.


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Pas que ce soit ma responsabilité de vérifier que tout va bien, mais tout ça me préoccupe. Et pas que moi, visiblement, vu qu'Aaron semble décidé à me suivre. Je hausse les sourcils, agréablement surpris qu'il s'implique, mais me contente de hocher de la tête pour lui signifier que j'ai compris. Nous remontons donc le courant progressivement, même si de mon côté, je choisis plutôt de reprendre ma forme animale pour rester les pieds (ou plutôt les pattes) sur terre. Bon choix, d'ailleurs, car cela m'évite un banc de pourriture dans le visage : j'ouvre de grands yeux et esquisse une expression dégoûtée en voyant ceux-ci qui heurtent le requin. Je me retrouve à m'inquiéter quelque peu, m'arrêtant dans ma course pour reprendre ma forme humaine.

« Aaron ! Tout va bien ? »

Mine de rien, on ne sait pas ce que c'est, tout ça, et je ne suis pas exactement sûr qu'un bain de corps en décomposition soit la meilleure des choses pour la santé. Vaguement inquiet, je me serais arrêté si l'autre ne redirigerait pas plutôt mon attention vers des silhouettes, plus loin, en flagrant délit. J'ouvre de grands yeux, mais rechigne un peu à partir et laisser Aaron comme ça. Mon hésitation me coûte, toutefois : car je vois les deux énergumènes se tendre et se détourner dès lors que leur regard se pose sur moi.
Rah, merde, ils m'ont vu !

Tant pis, je viendrai voir Aaron plus tard, il a l'air de survivre. Je me redresse donc immédiatement, reprend forme lupine et courre aussi vite que je ne le peux après les deux silhouettes. L'air me frappe la gueule et je sens mon cœur tambouriner dans ma poitrine. Il y a un moment que je n'avais pas fait autant d'efforts sous cette forme, à vrai dire. Je ne dirais pas que je commence à m'empoter, mais...
… Aïe !

La douleur me prend subitement. Comme une lame qui percerait d'un coup la chair de ma jambe, comme la morsure glacée et brûlante d'une plaie qui se réveille. C'est le cas.
Pas maintenant... !
Je perds l'équilibre. Malheureusement pour moi, j'étais en haut d'une pente : et lorsque je tombe, c'est le long de ladite pente. Ma tête heurte le sol et d'autres choses à plusieurs reprises tandis que je ferme les yeux par réflexe, piaillant de douleur comme un chien à qui on aurait mis des coups de pied. Ma vision tourne, et je mets un instant à m'en remettre. Rah, fais chier. Je... Je ne pensais pas que ma jambe me jouerait des tours pour si peu. Grommelant, je tente de me redresser légèrement, avant de sentir quelque chose de très mou sur moi. J'ouvre de grands yeux en constatant que, même avec ma malchance, j'ai été chanceux. L'un des deux énergumènes a dû être emporté dans ma chute, mais il a l'air de reprendre conscience à son tour. Et il n'a pas l'air de vouloir rester discuter. Oups. Je noue mes bras autour pour essayer de l'empêcher de partir, mais le bougre s'agite fort. Je tourne ma tête sur le côté.

« Aaron ! J'le tiens, mais pas pour long ! »

Et c'est étrange, d'ailleurs. Avec ma force d'animorphe, d'ordinaire, j'ai le dessus sur beaucoup de gens d'un point de vue force : mais là...  Un peu d'aide, s'il vous plaît !

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Des histoires de poils et d'écailles
avec Faust-pas-pousser-memere-dans-les-orties



Ce n’est peut-être pas une très bonne idée de prendre une douche de poissons pourris. Mais je suis coriace, moi, au pire j’aurais une petite gastro… héhé ! Et le flux a l’air de se calmer, maintenant que les gugusses responsable de l’infestation prennent la fuite. Je n’ai pas pu jeter tous les poissons pourris sur le côté, mais on a quand même un bon gros tas bien puant sur la rive, là. Des preuves irréfutables ! Héhé !

Faust s’inquiète de ma santé alors qu’il ferait mieux de s’occuper de nos maladrins Mieux vaut pas que j’ouvre la bouche pour lui répondre, je risquerais d’avaler des trucs pas nets (même si j'en ai vus d'autres si vous voyez c'que j'veux dire muehehehe). Je lève mes deux pouces en l’air avec un grand sourire afin de rassurer mon camarade. Celui-ci repart à la poursuite des fauteurs de trouble sous sa forme lupine.

Concentré, je n’ai pas tout de suite conscience du malheur de Faust. C’est un couinement canin caractéristique qui me tire de ma concentration. Immédiatement stressé à l’idée que mon camarade se soit fait mal, je balaye les environs du regard et l’aperçoit en contrebas, occupé à retenir l’un des malandrins.


« Faust ?! »


J’arrête tout ce que je fais et plonge dans la rivière sous ma forme animale. Je descends à toute vitesse et surgis de l’onde afin d’atterrir, sous la forme d’un grand requin blanc, à côté de mon comparse et de son « prisonnier ». Ce dernier pâlit d’un coup et s’immobilise en voyant mon énorme gueule de « méchant » (pff tu parles) poisson à grande dents. L’idée que je fais peur aux gens me déprime toujours un peu, mais au moins, c’est dissuasif. Je reprends ma forme semi humaine, attrape notre frippon par le col et me redresse sur mes pattes. Je soulève le type (soudain bien calme) du sol puis me penche vers Faust.

« Ca va, poto ? ‘voulez de l’aide… ? Que j’aille chercher du s’cours ? »

Mine de rien, il avait l’air d’être mal en point. Je souris mais je m’inquiète réellement. Me croyant distrait, mon « prisonnier » se débat et tente de se défaire de ma prise. Lui montrer mes dents et grogner pour la forme suffit à le calmer.

« Essaie pas de t’barrer comme ça, toi ! C’est super dangereux c’que vous avez fait avec ton pote !! Y’a des gamins qui vont bouffer la poiscaille pêchée par ici, espèce d’abruti ! »

Grrrrrr ! Ça m’énerve ! Ces imbéciles n’ont même pas réfléchi avant de se débarrasser de leurs friture moisie !

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J'ai sûrement un peu sous-estimé le manque de force dans ma jambe, à vrai dire. Je ne m'y suis toujours pas habitué, même si la plaie commence à remonter. Possible que je n'ai pas vraiment de l'admettre, mais ce sera une question pour une autre fois, comme à chaque fois. Au moins, l'arrivée d'Aaron permet de me soulager et je m'étale comme une loque au sol pour reprendre ma respiration. Ouf. Ma poitrine me brûle. Il faut vraiment que je me remette à l'exercice. Il y aurait peut-être moyen de s'incruster aux séances d'entraînement des militaires en chignant auprès de Sam... ?

« C'est bon. C'est bon. Je... Prends juste un peu d'air. »

Même si l'air empeste franchement, disons-le. Mais je vous le promets, j'ai vu pire. Au moins, le zigoto que l'on a récupéré a l'air de moins faire le malin, mais faut dire que je comprends. Aaron a l'air d'être du genre inoffensif, mais si on ne le connaissait pas, bah, les apparences pourraient être trompeuses. … Ouais, c'est complètement injuste, je sais.
Avec une dignité partie se dorer les abdos sur les plages caldissiennes, je finis par me redresser pendant que l'autre animorphe continue de seriner l'imbécile qu'il tient. Je garde un œil sur le cours d'eau, plus loin. Les poissons avaient vraiment une sale tronche, c'est vrai. Pourquoi ? Je tourne la tête vers l'un des coupables, les sourcils froncés par l'interrogation.

« Qu'est-ce que vous cherchiez à faire, au juste ? Empoisonner toute la ville ? »

C'est plus une accusation pour me défouler qu'autre chose, à vrai dire, car l'autre ne répond pas et semble se murer dans son silence. Pas mon problème, cela dit. Je peux essayer de comprendre sans ça. Son sac est encore plein de poissons, je peux le sentir. Je me penche vers ce dernier et l'ouvre, non sans qu'un frisson de dégoût ne traverse mon dos. Urgh. Je vous jure, avoir un odorat sur-développé, c'est pas l'éclate tous les jours. D'ailleurs, je trouve ces bestioles bien frétillantes, vu le temps qu'elles ont passé en dehors de l'eau : on dirait presque que ça ne les gêne pas. En fronçant les sourcils je les examine un peu plus près. C'est étrange, ça, on dirait presque qu'elles sont cannées, vu l'état de leurs corps. Mais elles sont parfaitement mobiles. Comment est-ce que des cadavres pourraient -....

« Attends... Vous avez fait de la nécromancie sur des poissons ? »

C'est absurde, dit comme ça. Vraiment très, très absurde. Mais visiblement, c'est ce qui s'est passé, ou je n'explique pas le fait qu'un poisson sans tête puisse continuer à s'agiter de cette façon. Je trouve ça complètement con, d'une part. Pourquoi faire ça ? Et pourquoi les remettre dans l'eau, en plus... ?

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Des histoires de poils et d'écailles
avec Faust-pas-pousser-memere-dans-les-orties



J’espère vraiment que je n’avais aucune plaie ouverte sur moi… ce serait ballot de chopper le tétanos ou d’autres saloperies après avoir été en contact avec tous ces poissons pourris ! Nos deux fauteurs de trouble ne savent plus quoi répondre… je crois qu’ils savent qu’ils ont fait des trucs pas nets et dangereux. Mais dans ce cas, il fallait réfléchir avant de faire n’importe quoi ! Je ne suis pas bien malin et pourtant… enfin, il faut être mal intentionné pour jeter des trucs moisis dans un ruisseau. Aaaah… j’espère que la faune et la flore ne vont pas trop en pâtir, en plus des gens qui viendront boire dans le coin.  

Bien qu’occupé à fulminer mentalement, je ne rate pas une miette de l’interrogatoire de Faust. Ce qu’il dit me fait bondir.

« D-de la nécromanciiiiiiie ?! »

Je n’aime pas trop la magie. Ça fait peut-être de moi un vieux con d’altissien, même si je sais bien que la magie a son utilité… mais je suis superstitieux. Je ne connais rien des arcanes taboues, mais la simple mention d’une magie qui fait revenir les morts me font dresser les poils—euh, mince, non, j’ai pas de poils ! En tout cas, j’en ai les écailles qui frissonnent.

« Ah… comme si c’était pas assez glauque comme ça, cette histoire… »

Dans tous les cas, nous deux zouaves ont perdu tout leur répondant. Un silence embarrassé s’installe, seulement coupé par le brouhaha produit par le courant de la rivière.

« B-bah, répondez ! »

Je les secoue verbalement, non sans manquer un peu d’assurance, tout d’un coup. Le fait de simplement ouvrir la bouche et de montrer les dents suffit quand même à effrayer nos interlocuteurs.

« Aaaah ! Nous nous… c’est pas nous ! C’est un mec bizarre qui nous a donné des sacs, un gros paquet de thunes et qui nous a dit d’aller tout jeter ! »

Dit le premier gugusse en commençant à geindre. Le second gugusse enchaine :

« Ouais ! Ça puait tellement, on se serait fait remarquer si on les avait jetés en ville… alors on est venus ici ! On… on na pas réfléchi, c’est vrai… mais c’était chelou et le mec nous a fichu la trouille alors on… on… »

Roh, ils vont commencer à me faire de la peine. Mais ça change pas qu’ils auraient du penser  à… bref. On va pas tourner autour du pot pendant des années. J’invite les deux à nous décrire le type, qui avait l’air de se balader avec un gros capuchon, qui le rendra donc méconnaissable. Ah, non seulement ce n’est pas très original, mais en plus, ça ne nous aide pas… Je m’adresse à mon comparse et soupire, l’éloignant de quelques mètres afin de lui parler à voix basse.

« Mouais… bon, on fait quoi… ? On va essayer chercher leur gars quand même ? »

Je regarde mes pieds, l’air peu confiant.

« … et c’est… c’est vrai cette histoire de nécromancie… ? On peut vraiment faire ça… avec autant de poissons ? Brrr… »

Rien à faire, je ne serais jamais à l’aise avec ces histoire d’arcanes sombres.

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J'ai des... Difficultés avec la nécromancie, oui, appelons ça comme ça, pour des raisons somme toute tellement évidentes que je vais éviter de les énoncer de peur d'avoir à y réfléchir un peu trop longtemps. Les sourcils froncés alors qu'Aaron nous offre un beau spectacle d'intimidation qui laisse pourtant entrevoir une certaine maladresse (comme si il jouait un rôle...?), j'observe sans un mot la scène. Au moins, nos idiots de service sont plus bavards que prévu et ne tardent pas à lâcher le morceau, sous mon regard circonspect. Mon expression se fait de plus en plus sévère au fur et à mesure que les secondes passent et que j'en apprends davantage. J'ai, sur le moment, une intense envie de leur claquer l'arrière du crâne, que je gère comme je peux en serrant des dents. Lorsqu'Aaaron m'interroge sur ce qu'on va faire, je ne lui réponds pas tout de suite, le regard toujours fixé sur les deux crétins devant nous. Je crois que ma patience commence à s'user.

« Un individu 'bizarre' vous dit de jeter quelque chose sans rien préciser, et vous le faites sans broncher ? Vous vous rendez compte que vous auriez pu empoisonner toute l'eau de la cité, si ce n'est pas déjà fait ?! »

Mon ton est sec et dur, mais en même temps, je ne cherche pas vraiment à le retenir. Ces deux imbéciles ont bien de la chance d'être tombés sur nous, d'ailleurs ; et je crois qu'ils le réalisent, vu leur manière de s'écraser d'un air piteux. Ils me feraient presque de la peine si je n'étais pas, dans les faits, assez en colère face à leur inconscience. Comme si on avait besoin d'une armée de poissons en décomposition dans l'eau potable ! Grmblr... Je claque de la langue.

« Vous allez expliquer ça à la caserne. Dites que c'est Donovan qui vous envoie. Si vous ne le faites pas par vous-même, je le saurai. C'est compris ? »

Je n'ai pas envie de m'embêter à aller les ramener directement et je crois qu'ils sont suffisamment intimidés pour ne pas trop faire les malins. Au pire des cas, j'ai la main assez longue pour qu'ils soient vite retrouvés. Mais là, j'ai la tête ailleurs, alors je les laisse filer en me faisant pensif, tournant autour du sac en le reniflant à la recherche d'une piste quelconque. Rien ne vient, toutefois.

« On pourrait... Essayer d'aller chercher le responsable, oui, mais c'est comme fouiller dans une botte de foin... Même sur le sac, je ne pourrai pas retrouver l'odeur du type. »

Le fumet du poisson décomposé est bien trop fort et intense pour que mon odorat, aussi surpuissant qu'il soit, puisse détecter quoi que ce soit. C'est frustrant. Je déteste avoir la sensation de ne pas pouvoir faire quelque chose ; assez puérilement, cela tend à me rendre grincheux. Je reviens d'ailleurs sur la question qu'a posé Aaron tout à l'heure, même si je garde une mine austère.

« On peut ramener n'importe quoi à la vie avec de la nécromancie. Des gens, des poissons... Mais c'est plus simple avec des petits animaux, je crois. Ça doit être quelqu'un qui s'entraîne. »

Dans le sac, les animaux sans tête bougent encore et me tirent une grimace de dégoût. Un dégoût qui laisse place à un pincement dans ma poitrine. La vision me déplaît pour une vision autre que l'esthétique et je pince mes lèvres en réfléchissant.

« En vrai... Je crois que ce serait mieux de... Enfin, peut-être les achever, d'abord... »

Ils me font de la peine, oui, même si ce sont des poissons. Sur le moment, cela me paraît plus important qu'aller à la chasse au nécromancien débile.

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Des histoires de poils et d'écailles
avec Faust-pas-pousser-memere-dans-les-orties



Le « type bizarre » devait être drôlement effrayant et convainquant pour que les deux energumènes lui obéissent sans plus y penser. Surtout pour faire un truc aussi… bah, pas franchement chouette, quoi… enfin, vous voyez ! Faust est un peu plus ferme que moi pour remettre les bonshommes à leur place. Ils ont l’air de soudainement prendre conscience de ce qu’ils ont fait et regardent leurs chaussures en faisant la moue. Comme des enfants qui viennent de se faire gronder, ils doivent désormais aller faire amende honorable de la part de… Donovan ? Est-ce que le nom de Faust est connu chez les militaires ? Il n’a pas une tête de grosse brute, pourtant… pas que les militaires soient tous des grosses brutes, hein ! Euh.. je voulais dire qu’il ne correspond pas exactement au stéréotype du guerrier que j’ai tendance à imaginer… et à craindre, aussi, un peu, j’avoue. M’enfin, j’aime pas la violence, moi, j’suis un peu un utopiste qui aimerait qu’on règle tous nos conflits autour d’une bonne grosse bouffe. Et on prive juste les sales cons racistes de repas jusqu’à ce qu’ils règlent leurs soucis comme des grands. J’imagine que si je devais faire de la politique ce serait ainsi… ? Aaah, j’en sais rien !

Bref. Les deux andouilles (pas Faust et moi, les deux autres) sont finalement partis et nous voila avec un tas de poisson zombifiés sur les bras. J’aurais aimé les oublier ceux-là. Faust n’a pas l’air de trouver la piste de notre malfaiteur et je ne vais pas non plus pousser pour qu’on aille lui botter le train. Aussi, j’hausse les épaules, avec une moue feignante.

« M’ouais… on laisse tomber alors. J’suis un peu fatigué, aussi… »

Les explications de Faust me font froid dans le dos et me donnent encore plus envie de m’éloigner de notre poiscaille avariée. Ça me met très mal à l’aise, l’idée qu’on puisse utiliser des cadavres d’être vivants de la sorte. Je vais avoir du mal à dormir ce soir…

Une partie de moi espérait que les clarifications de mon comparse signeraient la fin de cette histoire, mais… Voila que l’animorphe attire mon attention vers les poissons zombifiés. Je n’aime pas du tout entendre sa proposition mais, c’est vrai qu’on ne peut pas laisser ces pauvres bêtes ainsi. Ma gorge se serre en les regardant à nouveau. Ca me donne envie de pleurer, tout ça !

« M-mais… aaah… »

Je soupire et renifle, essuyant une petite larmichette.

« …Raaaaaah… z’avez raison. Mais… comment on tue des trucs déjà morts ? »

Ouhla, mon cerveau va fumer, à prononcer des phrases paradoxales de ce type… Bon, j’imagine que sans système nerveux ou avec le corps qui tombe en cendres, aucun être vivant (ou mort…?) ne peut vraiment, bah, vivre.

« J’imagine que… bon. »

Je dirige mon regard vers mon matériel, en me grattant nerveusement le crane. J’ai un peu la gerbe, à l’idée de devoir faire ça, mais, nous n’avons pas trop le choix.

« J’vais… j’vais faire un feu. »

Je crois que c’est la meilleure alternative à notre disposition. D’humeur morose, je fouille dans mn grand sac pour y trouver du petit bois et mes silex. Je créé un âtre suffisamment large, délimité de quelques gros cailloux et y installes un bon tas de bois et de matériaux inflammables. Le feu part et prend rapidement de l’ampleur. Je n’ai pas dit grand-chose depuis que j’ai commencé mon ouvrage, j’espère que Faust ne m’en voudra pas trop de ne plus avoir trop envie de faire des blagues. C’est pas contre lui, promis ! Enfin, je vais faire un effort pour essayer d’égayer la situation, alors que je m’apprête à carboniser quelques poissons necromates.

« Aller, hop, que ces flambeurs de flétans qui fouettent s’en aillent flamber dans la flamme qui flotte et qui est très, euh… flormidable—non-- Flammidable… Flarmi… euh… »

Beuh. Je me force sourire, mais j’ai été trop naze.

« …désolé, j’ai rien. »



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Ironiquement, pour un ancien soldat, j'ai toujours grincé des dents quand venait le moment d'abattre un animal. Ce n'est pas quelque chose qui me plaît et malgré mon espèce, j'essaie de rendre la chose aussi rapide que possible quand je dois le faire ; mais dans ce cas-là, ce ne sera pas aussi simple que couper des têtes. Devant la question du requin, je grimace d'ailleurs un peu, conscient par avance que la réponse ne sera pas simple, et je tourne vers ce dernier un regard embêté mais entendu. Oui, il n'y a effectivement qu'un feu qui serait efficace, aussi douteux que ce soit.

En silence, j'essaie d'aider Aaron à mettre en place un simili de foyer, la mine basse, essayant tout de même de retenir ma nausée alors que l'odeur de m'inonde les narines d'une manière presque handicapante. Ce n'est pas simple. Quand j'étais enfant, cela avait même tendance à me surcharger ; entre temps, il y a eu les champs de bataille, et, enfin... Voilà. Peu importe. Il y a à faire.
Muet durant notre opération, je m'étonne toutefois de voir Aaron essayer de... Plaisanter, je crois. Les sourcils haussés, si ce n'est effectivement pas la blague du siècle, je vois bien, malgré tout, que l'autre animorphe fait de son mieux pour alléger l'ambiance. J'admets que... Je me vois un peu là-dedans, en réalité. En même temps, cela tend à me faire grimacer, car je n'ai pas besoin d'être un psychomancien surentraîné pour me rendre compte qu'Aaron est mal.

D'un mouvement négatif de la tête, je me rapproche du requin.

« … C'est bon. Pas la peine de faire genre. »

Avec lenteur, ne voulant pas me montrer particulièrement invasif ou impoli, je me permets de venir prendre les silex dans ses mains pour m'en charger moi-même. Je crois que je lui dois bien ça. Enfin... Si mes souvenirs ne sont pas trop encrassés par l'âge.
Le feu part. Les flammes s'élèvent dans un brasier agité. Les poissons s'agitent d'autant plus, cherchant, sûrement inconsciemment, à échapper à une seconde mort. Certains ne bougent pas, toutefois. Je crois que c'est à peu près logique, quelque part, mais... Ça me tire un peu, en tous cas. L'odeur me rappelle des souvenirs désagréables, aussi. Devenu muet, je le fixe sans un mot, de plus en plus dérangé par une impression dont je ne parviens pas à me détacher. Ma mine se ferme.

« Dites... »

J'hésite. Ma bouche s'ouvre sans qu'un son ne sorte au début. Je ne suis pas exactement sûr de ce que je fais, ni de ce que je veux dire exactement. Si ça se trouve, c'est une mauvaise idée, mais j'ai besoin de voir, ou je sais que la pensée va me tourner en tête pendant des nuits et des nuits.

« Ça va vous paraître un peu aléatoire, mais... »

Et je m'excuserais presque car je ne suis pas sûr que je m'apprête à soulever de bons souvenirs alors que le contexte n'est déjà pas franchement réjouissant. Mes yeux restent fixés sur les flammes qui dévorent les chairs des poissons les uns après les autres.

« Est-ce que... Vous avez le souvenir d'avoir sauvé un loup, il y a une vingtaine d'années... ? Près d'un village de pêcheurs. »

Pour tout dire, je crois avoir déjà une idée de la réponse.

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