L'Économie d'Yggdrasil



Explications

Si vous ne connaissez pas quelques bases sur le fonctionnement des économies médiévales (ou "pseudo médiévales" dans le cas d'un monde fantaisiste), il arrive parfois qu'un petit rappel ou résumé soit de mise. Ce sujet vise à expliquer, dans les grandes lignes, les bases et le fonctionnement de l'économie du forum, en essayant si possible de souligner les plus grandes divergences avec notre monde. Il n'est évidemment pas exhaustif et se remplira au fur et à mesure des questions posées par les membres.
=> Si un terme vous paraît obscur, rendez-vous dans le glossaire !

Principes

Richesse
Dans un premier temps, il est important de garder en tête que la richesse "médiévale" ne se calcule pas de la même façon que la nôtre. Ici, pas de compte en banque précisément détaillé au sou près : la richesse se calcule généralement en terme de terres, et surtout en terme de droits.

C'est à dire que les personnes les plus riches ne sont pas riches car elles possèdent X somme d'argent en banque, mais elles sont riches car elles possèdent beaucoup de terres ou de droits qui leur permettent des rentrées financières (matérielles ou pécuniaires) importantes et régulières.

En effet, l'argent en tant que tel n'a pas de valeur fixe car les prix changent énormément en fonction des saisons, des récoltes, des taxes et d'autre circonstances souvent imprévisibles. Le coût des denrées de base peut doubler d'une année à l'autre. De ce fait, il est extrêmement risqué de baser sur sa richesse pérenne sur quelque chose d'aussi instable ; seuls les plus pauvres, qui ne possèdent pas de terre ou qui n'ont pas les moyens/capacités de s'en procurer, le font, ce qui conduit souvent à des chutes rapides dans la pauvreté.

De ce fait, l'on comptabilise souvent la fortune d'une personne à ses terres et ses titres, dont l'on peut bien sûr faire une estimation monétaire, mais cette estimation a avant tout le but de représenter l'importance de ces terres et ces droits.

Propriété
Par ailleurs, la propriété en terme de terres ne fonctionne pas exactement comme dans notre monde. La propriété est un droit moral et non un droit physique. C'est à dire que la propriété ne se concède pas facilement, voir extrêmement peu : ce qui se donne, en revanche, c'est le droit de tenure.

On dit que les vassaux tiennent leurs terres de quelqu'un. Ils ne possèdent pas la terre qui leur est confiée en échange de leur vasselage : ils en ont seulement le droit d'exploitation (ce qui inclut les récoltes, mais aussi le fait de faire tenir une portion de ses terres par un autre vassal) tant qu'ils paient leurs redevances (en corvées, en portion de récoltes, d'animaux...). Il existe trois modes de tenure "principaux" ; ces derniers peuvent évidemment être précisés.

- On appelle cens les redevances dues à un seigneur pour une tenure. La terre est alors appelée censive. Le cens n'est pas dû si la terre est tenue en alleu ou en tant que fief. Généralement, ce sont les roturiers qui tiennent en censive. En rétribution, le seigneur a l'obligation de protéger ceux qui tiennent ses terres.
- Lorsqu'une terre ne relève d'aucun seigneur, on dit qu'elle est tenue en alleu. C'est un mode de détention assez rare
- Lorsqu'une terre est confiée en tenure en échange d'un service ou d'une vassalisation, elle est appelée fief. La différence avec une simple tenure est qu'ici, il est exigé du vassal "hommage et foi". C'est à dire que le vassal doit jurer fidélité et promettre de rejoindre son seigneur à la guerre quand ce dernier l'exigera. Ce système de tenure est généralement celui des nobles.

La tenure est le système de possession le plus commun chez les paysans ; seuls ceux qui parviennent à une certaine richesse possèdent leurs terres. Par ailleurs, il n'est pas rare que des paysans libres (sans seigneur) dans le besoin donnent la propriété de leur terre à un seigneur qui leur rend en tenure en échange de prêts monétaires ou d'un gage de protection.

Les seules personnes capables, d'un point de vue financier, de donner des terres et de se passer de redevances sont les nobles les plus riches et surtout, les familles royales. Pour autant, ces dons "totaux" restent exceptionnels et sont soumis à condition de l'accord de la famille proche du donneur (son époux.se et ses enfants, notamment).
Il arrive donc bien souvent, voir la plupart du temps, qu'une terre donnée en tenure à un noble soit ensuite donnée en tenure à un paysan. Cela aboutit à un système hiérarchique extrêmement compliqué pour qui n'en fait pas partie : on dit alors souvent par exemple que "Un tel tient sa terre du seigneur Chose qui lui même la tient du seigneur Bidule, qui la tenait du roi". La propriété, dans ce cas-là, reste donc au roi, même si le roi n'a pas porté attention à ces terres depuis plusieurs générations.

Le propriétaire garde donc un droit moral sur les terres qu'il laisse en tenure. Ce droit moral équivaut à l'imposition de taxes et d'impôts.

Achats et ventes
Les achats de la vie de tous les jours se font généralement en pièces. L'achat de pain, de nourriture et de produits en petite quantité se fait donc à des prix fixés par les circonstances du moment (voir plus bas).

Pour autant, les pièces ne sont pas faites pour être dépensées en grande quantité : d'une part car ce n'est pas pratique et d'autre part car, comme dit plus haut, la valeur des pièces varie en fonction de l'inflation, ce qui peut vite ruiner un commerçant si ce dernier ne possède que du monétaire.

Les gros achats et les grosses ventes se font donc souvent "en nature", c'est-à-dire en kilos de grains, de nourriture ou même en animaux entiers. Il est plus facile pour un commerçant de revendre des animaux ou de les conserver pour sa propre consommation que de conserver des quantités démesurées de pièces. De même, il est assez simple pour un noble de payer de cette façon : ils auront souvent quelques animaux qu'ils ont obtenu par le biais des redevances que leur doivent leurs paysans. Les biens circulent donc et ce qui n'est pas nécessaire dans l'immédiat est souvent échangé à quelqu'un qui en a le besoin.

Pour autant, il n'est pas nécessairement attendu des gens qu'ils paient à l'instant : c'est surtout le fait des plus pauvres, qui vivent d'un salaire au jour le jour. Chez les familles plus aisées ou chez l'équivalent de la "classe moyenne", les paiements sont plus souvent à la semaine, au mois ou à l'année. Chez le boulanger, par exemple, l'on paie souvent à la semaine. Le boulanger va garder les comptes de la quantité de pain achetée à chaque fois et le paiement se fera généralement le dimanche, voir parfois même au mois.
Pour le paiement des taxes ou la réalisation des corvées, ces dernières sont souvent fixées en fonction des dates liturgiques, afin qu'il n'y ait pas de méprise sur les délais ; il est rare qu'elles soient mensuelles.

Salaire et salariat
Les salaires sont également différents de ce que nous connaissons. Il faut tout d'abord prendre en compte qu'il ne se compose pas de la même façon et qu'il n'est pas donné de la même façon.
Le salaire peut être plusieurs choses :

- La plupart du temps, le salaire se récupère en argent. Mais comme nous l'avons vu plus haut, l'argent est une valeur peu sûre ; c'est pour cela qu'il est souvent plus intéressant pour une personne pouvant déjà subvenir à ses besoins primaires d'obtenir des taxes en nature ou d'avoir une rente. Les salaires, pour les personnes aisées, sont donc souvent des avantages intéressants mais qui ne constituent pas le gros de leur richesse et ils ne sont donc pas dépendants de celui-ci pour vivre.
- La nourriture et l'hébergement peuvent faire office de salaire, ou du moins en composer une partie. Cela se fait surtout pour les métiers moyennement et peu qualifiés, que ce soit les ouvriers agricoles ou les employés de commerces. Par ailleurs, c'est très commun pour les apprenti.e.s artisans qui vivent souvent chez leur patron.ne.
- Le salaire peut également être "en nature". C'est à dire que le paiement se fait en échange de denrées ou de biens, comme lors d'une vente. C'est assez commun, mais il n'empêche toutefois que le salaire comporte souvent une partie monétaire ; la plupart du temps, quand il y a paiement en nature, le "gros" du paiement est en nature tandis qu'une portion plus moindre (généralement 1/3 de la valeur), est en argent. C'est assez souvent le cas dans les métiers agricoles.
- Le salaire n'est pas stable et tous les salaires ne sont pas nécessairement donnés au même moment. C'est à dire qu'un salaire peut être journalier (en fonction de la performance ou en fonction d'un tarif fixé à l'avance), hebdomadaire, bi-hebdomadaire, mensuel, trimestriel voir même annuel. La plupart du temps, la règle est que plus le salaire est important, plus le paiement se fait sur un long terme. Par exemple, un soldat sera payé à la semaine ou au moins, tandis qu'un général sera payé à l'année. De même, plus le métier est prestigieux, plus le salaire tend à se stabiliser, souvent accompagné de primes.

Dans le cas de règlement plus tardifs, il y a trois possibilités :
- Le paiement est réalisé en avance. La personne employée s'engage à travailler le long de la durée pour laquelle elle est payée. Si le contrat est cassé en avance, il faut rembourser le restant.
- La personne salariée prend une avance ; c'est-à-dire qu'il fait le compte de ce qu'il demande, et ce qu'il prend est retiré de son versement prévu à l'année, au mois ou trimestre.
- Le salaire est versé à la fin du temps de salariat effectué. C'est surtout le cas des métiers effectués par les personnes les plus aisées, qui peuvent s'en passer durant leur temps de travail.

Le salaire minimum peut parfois être fixé par arrêté du souverain ou du seigneur. La plupart du temps, il est fixé pour que les employeurs ne descendent pas en dessous d'une certaine somme, et est souvent calqué sur le prix des denrées de première nécessité. Ce salaire minimum change donc chaque année. Si le prix du pain est plus bas, alors le salaire minimum sera plus bas ; si le prix du pain est plus haut, alors le salaire minimum sera plus haut. Ces calculs sont effectués par les économistes au service des souverains et sont souvent sujets de disputes entre les seigneurs.

Prix et coût de la vie
Comme dit précédemment, il est difficile d'évaluer précisément le coût des choses, puisque ce coût varie énormément.
Il peut être altéré par des éléments comme :

- Des conditions climatiques dures ou des destructions, qui vont réduire ou abîmer une partie des récoltes, voir réduire la qualité ou la quantité de bétail mis à disposition. De ce fait, tous les produits qui découleront de ces productions seront plus chers.
- Des taxes hautes sur un outil ou un produit, qui vont par effet de ricochet faire monter le prix des denrées qui en résultant. Par exemple, si un seigneur monte la taxe qu'il prélève pour l'usage du moulin.

Cela peut évidemment avoir l'effet inverse et faire descendre les prix. Pour autant, c'est bien plus rare et a rarement lieu sur les produits de première nécessité, que les gens ont de toute façon besoin d'acheter. Néanmoins, il arrive que les souverains ou les seigneurs interdisent de vendre une denrée au delà d'un certain prix, surtout en cas de famine.

Pour tempérer les prix et les achats, les seigneurs et souverains vont alors moduler les taxes. Augmenter quand ils veulent monter les prix ou diminuer la consommation d'un produit, ou les diminuer quand ils veulent au contraire inciter à l'achat ou inciter à la consommation. Cela se fait surtout sur les produits de luxe (cacao, café, tabac) et les produits de première nécessité, qui doivent être facilement mis à disposition.

Par ailleurs, un élément à prendre en compte est que les sociétés médiévales ne sont pas des sociétés de consommation. Ce sont des sociétés dits "de commande".
C'est-à-dire que le fait de produire un bien puis de le vendre n'était pas la norme avant les environs du XVe siècle pour notre monde : dans ces sociétés, les produits qui ne sont pas de première nécessité, voir même celles-ci (il était courant que l'on commande son pain à l'avance), sont demandées avant d'être produites. C'est-à-dire qu'il est très rare, sauf chez les artisans les plus aisés, que la plupart des produits soient déjà prêts à être achetés.

Cela s'explique assez simplement : par exemple, quand une personne va chez un forgeron, il passe commande. Cela se fait pour que l'artisan puisse calculer le prix des matières premières qu'il aura à payer, des salaires de ses employés qui sont instables et modulés en fonction des autres prix et ainsi déduire à partir de quel moment il pourra faire un profit.
Bien évidemment, la revente existe et permet donc de vendre à l'instant plus aisément, mais cette revente est soumise à la demande qui a existé auparavant.

Un artisan peut bien sûr créer une demande après avoir produit ce qu'il voulait, mais c'est une entreprise assez risquée, qui demande de passer des crédits et qui est donc rarement possible pour les plus modestes.

Pour autant, afin de vous donner une idée du coût des choses, nous pouvons vous donner une estimation sous forme d'échelle. C'est à dire que une valeur représente un bas prix, tandis que l'autre représente la cherté (le moment à partir duquel les denrées sont considérées comme chères).
/!\ Ces estimations sont à prendre avec un grain de sel. Elles servent à vous repérer et ne sont pas des impératifs.

- Le pain : entre 3 et 7 sicams pour une miche de 400gr.
- La farine et les céréales : entre 1 et 3 sicams le kilo.
- Le salaire d'un petit ouvrier : entre 6 et 15 sicams la journée.
- Un salaire "moyen" : entre 15 et 30 sicams la journée.
- Un salaire "confortable" : plus de 30 sicams la journée.