puzzle. avec Gaby & les escrocs +

Ils se faisaient rares les jours où Gabryel était de mauvaise humeur et au fond heureusement sinon ses collègues ne le supporteraient pas très longtemps. Cependant, lorsque le général se montre belliqueux il a toujours de très bonnes raisons et ça ne le transforme pas non plus en une personne hargneuse. Il arbore toujours son élégant sourire, pourtant il suffit de le côtoyer un minimum pour constater que la teinte de ses yeux est différente, plus sombre, moins pétillante. Le ciel était nuageux ce jour-là, c'était comme si la météo s'accordait avec l'humeur du militaire. Ses iris avaient laissés leur couleur violette pour se parer d'un bleu monotone. Soufflant avec mécontentement il tapota son bureau avec ses doigts, comme s'il attendait impatiemment quelque chose. Ce n'était absolument pas dans ses habitudes d'être impatient, alors ce n'était pas cela. Il n'attendait rien. En réalité, il se creusait la cervelle, encore et encore, à la recherche d'une solution à son problème. Cela fait depuis un moment que des rumeurs courent sur des lieutenants faisant du chantage à certains habitants. Et bizarrement ça avait le pouvoir de contrarier le si calme Gabryel. Fatigué de l'interminable et infinie immaturité de ses soldats, il en avait assez de faire travailler des incompétents pareils. Serrant la mâchoire, il ne fit cependant aucune réflexion à ceux l'entourant. Silencieux, chose plus que rare, il ne répondait quasiment pas aux questions que certains lui posaient. Il était là, sans être là. Le prodige qu'il est cherche, encore et encore, une manière pas trop cruelle de faire comprendre aux chanteurs de ne plus jamais oser recommencer. Pourquoi personne ne comprenait que la situation était déjà assez compliqué comme ça ? Les éossiens se montrent de plus en plus agressifs, ils revendiquent leurs droits et au fond qui peut les blâmer ? Enfin, s'il n'y avait que ça ça irait, mais non il faut en plus que les altissiens et les caldissiens se fassent constamment la guerre pour des idioties sans noms ! Passablement agacé, celui à la longue crinière se leva brusquement de son siège et prit la direction de l'extérieur. Peut-être l'air frais l'aiderait à réfléchir correctement ? Il est vrai qu'il se sentait comme étouffé à l'intérieur, avec autant de monde. Respirant profondément, il ignora les effluves malodorantes des chevaliers transpirants, et se concentra sur son problème.

En effet, comme dit précédemment, cela faisait plusieurs fois que des soldats rapportaient au général que les habitants faisaient courir le bruit de fouilles abusives. En se renseignant un peu auprès d'une gentille dame éossienne qui l'appréciait -et cela était réciproque à vrai dire- il pu recueillir assez d'informations pour connaître à peu près ce qu'il en advient. Cette femme que Gabryel appréciait avait elle même était victime du chantage du fameux lieutenant. Malheureusement, elle n'a pu lui donner que la couleur de ses cheveux : un noir ébène, profond et sans reflet, une pure couleur charbon. D'après elle, le chanteur commençait par proposer quelques heures supplémentaires sur le couvre-feu, des fouilles moins régulières, tout cela à des prix plutôt abordables. Mais, une fois le marché accepté, il n'en est finalement rien. Il se contente d'amasser l'argent et de ne rien faire. Les habitants touchés n'ont rien osé dire puisque cet acte est totalement illégal et qu'ils risquaient plus puisque... qui irait croire un éossien remettant la faute sur un lieutenant ? Par favoritisme, sûrement, et pour la remercier de son honnêteté, Gaby promit à la femme qu'il ne dirait rien de ce qu'elle a fait et qu'il se contenterait d'arrêter ce soldat. Cependant, cette promesse semble plus dure à tenir qu'il ne l'aurait pensé. Alors, il a décidé de -pourquoi pas- accompagné une patrouille à une fouille, qui sait peut-être entendra-t-il des ragots ? La démarche assurée, le regard déterminé, il afficha un doux rictus et tapota gentiment sur l'épaule d'un lieutenant pour l'informer qu'il l'accompagnera ce soir lors des fouilles. Surpris, son collègue se contenta d'hocher la tête mais ne dit rien de plus. Cette chose étant faite, l'argenté se mit en quête de rentrer rapidement chez lui avant le crépuscule pour se préparer. Sur le chemin du retour, il examina les chevelures de ses soldats, mais beaucoup avaient les cheveux noirs... comment le reconnaître parmi toute cette foule ? Embêté, il ne se tortura cependant pas plus l'esprit et rentra à la Ville-Haute. Une fois dans sa demeure, il se changea rapidement et entreprit une petite et rapide toilette. Son épée accrochée sur sa hanche, il appela d'un sifflement aiguë son loup et les griffes de celui-ci tintèrent sur le sol tandis qu'il s'approchait, curieux. Le général l'invita à le suivre, peut-être pourra-t-il être utile pour pister quelqu'un ? Ou pour intimider, ça marche aussi. Gabryel calma un peu ses nerfs dans les luxuriants jardins avoisinants sa luxueuse habitation. Les arômes printanières lui raviva l'esprit et son corps était comme soigner par cette douce nature.

A la tête du premier petit groupe accompagné de son fidèle ami Bjorn, le général gonfla la poitrine et s'avança d'un pas décidé vers les habitations populaires de la Ville-Basse, là où la quasi totalité des habitants logent. Parce qu'apparemment les délits ne s'arrêtaient pas qu'aux éossiens, ils s'étendaient même à toute la population d'Yggdrasil. Les sourcils légèrement froncés, il toqua à la première habitation et se présenta gentiment. Ils procédaient à une fouille calmement, dans le respect, faisant le compte de qui est là ou non -puisque le couvre feu avait été proclamé-. Il semblait ne rien avoir d'anormal ici. Et ce fut le cas d'une bonne dizaine de maisons avant que... avant qu'une famille se montre particulièrement agressive, voire carrément peureuse. Laissant ses collègues faire la fouille, celui à la longue tignasse pris un peu à part le chef de famille et le questionna d'une voix qui se voulait rassurante :

« Excusez moi, Monsieur. Je sens une certaine animosité venant de vous et votre famille, puis-je savoir pourquoi ? Certains de mes soldats vous aurez causé du tort ? » Se mordant la lèvre avec appréhension, il hésitait à répondre. Posant une main amicale sur son épaule, la nymphe enchaîna pour instaurer une confiance. « Vous pouvez tout me dire, si quelqu'un vous a fait le moindre chantage ou la moindre violence, je dois le savoir. Peu m'importe ce que vous avez fait, je passerai outre. »

Ou pas. Et c'est ainsi que l'homme ne mit pas longtemps pour s'expliquer. La même histoire. Gaby lui demanda des détails sur le physique du soldat il pu avoir un peu plus d'informations : un homme d'à peu près vingt sept ans, métissé, des cheveux noirs, des yeux tout aussi noirs et une taille entre un mètre quatre vingt et un mètre quatre vingt cinq. Il n'a pas donné son nom, évidemment. Au bout d'une vingtaine de fouilles, ils allaient s'arrêter mais l'instinct de Gabryel lui hurlait de continuer encore un peu. Et effectivement, il ne fut pas déçu puisqu'un habitant se mit à hurler en apercevant un des hommes accompagnant notre cher militaire :

« Toi ! Va dire à ton collègue de me rendre tout de suite ce qui m'appartient ! J'men fou d'aller au trou, il ira avec moi cet espèce de- ! »

Un bruit sourd résonna dans la pièce sans que personne ne s'y attendait. Violemment, le général attrapa l'homme pointé du doigt par le col et le plaqua contre un mur, faisant tomber un cadre accroché à celui-ci. Le regard glacial, aucun sourire ne s'affichait sur son visage. Il était en colère. Mais, heureusement, il allait pouvoir en finir avec toute cette histoire au bout de plusieurs semaines d'acharnement.

« Il parle de qui ? Explique toi ! »

« J-j'ai rien fais, je vous promet mon Général ! Il m'a fait jurer de garder le silence contre une somme d'argent, j-je suis désolé ! »

« Je t'ai demandé c'est qui, je n'en ai strictement rien à faire de tes pitoyables excuses. Par ailleurs, ce n'est pas à moi que tu les dois mais à tous les habitants que vous avez escroqués. »

« J-... Jackson Pazark. »

Lâchant soudainement le soldat, il le poussa avec négligence à l'extérieur de la maison. Gabryel s'excusa platement pour le cadre ainsi que le dérangement. Il promit aussi que toute cette histoire sera régler et que chacun sera remboursé. Le chemin vers la caserne fut d'un silence religieux mais horriblement sinistre. La colère qui grimpait en lui allait bientôt pouvoir être déversé. En réalité, au fond, il s'en fichait de cette histoire, mais c'est uniquement car une personne qu'il aime bien a été victime qu'il y met autant du sien. Après un appel à la concertation de tous les militaires, il prononça publiquement le nom du fameux chanteur. L'invitant à se positionner à ses côtés, un sourire plaqué au visage, il attendit qu'il soit assez prêt et lui infligea un coup de pied violent à la rotule pour qu'il se mette à genoux face à toute l'armée et surtout face à son général. La voix froide et tranchante, il ne lui laissa même pas le temps de geindre :

« Ça, ce n'est rien comparé à ce que j'ai envie de te faire. Tu es immonde, tu ne vaux rien. C'est grâce à mes recommandations que tu as atteint ce poste et tu me remercies ainsi ? Tu pourris l'image de notre armée ? Pour qui te prends-tu ? Ai honte de toi. Combien d'argent tu as amassé grâce à ton petit manège, hein ? Vas-y, prend la parole, dit nous tout ! »

D'une main, il attrapa une touffe de cheveux ébène du militaire et fit pivoter sa tête vers l'assemblée face à lui. Gabryel attendait une réponse et il allait très rapidement s'impatienter. Son poing se serra et à cet instant il se promit de ne pas déraper. Cela ne servait à rien de se mettre à son niveau. L'autre finit par prendre la parole :

« J-... Je me reconnais coupable d'escroquerie envers les habitants d'Yggdrasil et cela qu'importe leurs origines. J'ai eu assez d'argent pour m'acheter des bijoux, des nouvelles affaires et une épée de qualité neuve. »

Des soufflements de déceptions se firent entendre. Gabryel lui lança un regard de dégoût et conclu :

« Tout te serra retiré. Tu devras rembourser chaque personnes que tu as arnaqué. Tu travailleras pendant plusieurs mois pour eux, le droit de fouille t'es retiré ainsi que ton grade. Tu n'es plus lieutenant, mais seulement soldat. J'espère que tu es fier de toi, minable.  Puisses-tu te plaire ainsi. » Ses yeux se posèrent sur le groupe de militaires. « J'espère qu'aucun d'entre vous ne cautionne ce genres d'actes. Nous ne sommes pas ça, nous ne représentons pas ça. Nous sommes l'armée de Caldissia, intelligent, fort et cultivé. Est-ce de cette façon que vous aimeriez qu'on vous voit ou plutôt comme des soldats répugnants et plein d'avarice ? Que ceux qui ne sont pas d'accord s'en aillent immédiatement, je ne veux pas de ça dans mes rangs. Ce que nous représentons est bien plus qu'une armée, nous sommes l'armure qui protège de son propre corps la cité, nous sommes l'épée qui viendra trancher de toute ses forces le moindre ennemi mais nous sommes surtout une famille. Une famille unit par des liens qui ne sont peut-être pas animé par le sang, mais tout de même une famille ! Je ne peux pas accepter qu'un membre de ma famille fasse preuve d'autant de cruauté. Ceux l'ayant accompagné dans cet acte infâme seront eux aussi punis en conséquence puisqu'ils ne m'ont pas informé. Si cela vient à ce reproduire, je ne serai plus clément. La gentillesse ne fait pas partie de nos qualités. Est-ce bien clair ?! »

Après un oui scandé avec ferveur, il hocha noblement la tête et finit sa soirée sur des punitions. En tout, cinq soldats étaient impliqués plus ou moins directement à l'escroquerie. Cinq êtres en qui Gabryel avait placé sa confiance. Bordel. Après plusieurs semaines, tout semblait être redevenu comme avant et les habitants ne semblaient se plaindre de rien.
La dernière pièce du puzzle a été attachée, finalement...
kyro. 017 ldd