Chouinage de riche et mariage arrangé
Avec Olaf et cie
◊ Théodule le con se plaint de sa vie de vieux bourgeois refoulé ◊

« Un mariage arrangé ? »

Pourquoi répète-t-il ce que je viens de dire ? C’est irritant.

« Oui, c’est bien ce que j’ai dit. Tu as un problème avec ça ? »

Olaf m’observe avec un regard de jugement et les narines légèrement retroussées en signe de dégout. Il me fixe un moment, donc je le fixe aussi. Qu’il me dise ce qui le gêne, histoire qu’on en finisse.

« Tu me fais marcher, c’est ça ? »

Son rire gras résonne dans la taverne presque vide en ce début d’après-midi. Je fronce les sourcils et me crispe. Qu’est-ce qu’il a ?

« Pas du tout. Pour qui me prends-tu ? »

Olaf se remet à ricaner nerveusement tout en se concentrant sur le nettoyage de son bar.

« Pour un type qui fait des mariages arrangés, déjà… »

Oh, d’accord. Alors, je ne suis pas assez bien pour les mariages arrangés… ? Non, ce n’est pas ça. Il doit se sentir au-dessus de ce genre de choses, dire que c’est pour les gros pleins de fric et leurs mondanités. Et c’est tout à fait ça. Un mariage d’intérêts. Cela me permettra de me rapprocher de la noblesse. Je veux dire… pourquoi se marier, sans ça ? Oh, je sais, l’amour, fonder une famille, tout ça. Mais ce n’est pas pour moi. Jamais je n’y ait pensé, oh que non. Bien sûr que non. Je n’ai pas le temps pour ça.

« Ecoutes, Mademoiselle Petitpatapon est ma chance pour me rapprocher de la noblesse d’Yggdrasil. Je ne comptais pas sur ta bénédiction. »

L’autre glousse à nouveau, puis hausse les épaules.

« Bof, je m’en fous de ce que tu fais avec ton fric et tes histoires de noblesse et de bourgeoisie de mes fesses. »
« Alors arrêtes de me casser les pieds ! »


Il roule des yeux et souffle des naseaux. Je le vois qui continue de se retenir de s’esclaffer bêtement.

« Et tu crois pas qu’il y a un tout petit problème…? Genre, un détail que t’oublies ? »

Je retrousse les narines d’un air désapprobateur. Qu’est-ce qu’il a ce soir, il est encore plus agaçant que d’habitude. Ça m’empêche de me concentrer sur ma manucure. Je sais que j’ai promis de faire des efforts, mais là, il ne m’aide pas.

« Je n’oublie jamais aucun détail. »

Dis-je en me faisant les ongles avec un air de duchesse. Ils doivent être impeccables pour ce soir. Je vais vraiment devoir leur taper dans l’œil si je veux que ce mariage arrangé marche en ma faveur. Je pensais qu’Olaf se tairait, mais, évidemment, il faut qu’il en remette une couche.

« Bon, bah comme tout va bien, tu vas dire à Mamzelle Petitronducul que t’es complètement gay— »
« MAIS TAIS-TOI ENFIN ! »


Je me suis jeté sur lui pour lui plaquer mes deux mains contre la bouche. Les trois clampins qui sont venus boire leur première bière de la journée pourraient entendre et colporter des rumeurs !

« Qu’est-ce qui te prend ?! Je t’ai déjà dit qu’on ne parlerait plus de ça ! »

Mon frère a l’air exaspéré lorsqu’il soupire et se retourne pour continuer de balayer.

« C’est ça. C’est toi qui viens pleurer sur ta vie amoureuse pourrie de vieux refoulé désespéré quand t’a trop bu, j’te rappelle. C’est toujours bibi qui finit par t’ramasser à la petite cuillère ! »

Est-ce qu’il vient de me traiter de vieux pourri désespéré ?! Il ne manque pas d’air ! Je n’ai jamais été aussi pathétique ce que qu’il avance. Que sait-il de ma vie ?! Tout ce qui l’intéresse, lui, c’est de s’amuser et de jouer à se grimer et à se déguiser !

« Oh, très bien, alors je ne t’imposerais plus mon indécente présence ! »

Je remets ma cape et m’apprête à partir. Olaf revient vers moi et me rattrape par l’épaule. Il a l’air soudain sérieux.

« C’est naze, ce que tu fais. Ça va rien t’apporter de bon. Et accessoirement, t’as pensé à cette nana qui compte peut-être sur ce mariage et qui va se retrouver à peut-être vivre avec un vieux gars qui lui fera jamais un sourire et qui voudra même pas être dans la même pièce qu’elle ?! »

Je dégage mon épaule. Qu’est-ce qu’il raconte ?! C’est un mariage arrangé, rien de plus… il n’y a rien de sentimental, là-dedans. Et je n’ai jamais dit que j’exécrais les femmes comme il semble le sous-entendre. C’est simplement que… je préfère un autre genre de compagnie. V-vous voyez ce que je veux dire… !

« Tu n’y connais rien. Personne n’est là pour de l’amour ou quoique ce soit et de toute façon je n’ai pas le temps pour ça. J’ai fait des choix de vie et mes… préférences… n’interféreront pas dans cette histoire ! Ni aujourd’hui, ni jamais ! »

Olaf ne prend même pas la peine de débattre et s’en va ranger son balai. Il m’offre un regard plein de pitié.

« Ta vie est tellement triste. »

Et le voilà qui nettoie ses choppes en chatonnant. Je le foudroie du regard avant de me détourner en direction de l’entrée. Avant de sortir, je l’entends se rapprocher et me glisser à l’oreille, pour me railler.

« Quel dommage, j’ai pleins d’amis à te présenter, moi. »

Je le repousse vivement, le teint complètement rouge.

« LACHES MOI LA GRAPPE ! VAS T’ASSEOIR SUR DES CHARDONS ! »
« OK, BAH, BARRES TOI, TROU DU CUL ! Toute façon tu mérites pas mes potes ! »


Pauvre débile ! Et voila, maintenant je suis en colère et distrait avant cette entrevue qui constitue une chance que je n’aurais pas à nouveau avant un bon moment. Bah, oui, parce que les gobelins n’ont pas vraiment la côte, en général. Alors que les humains sont bien plus laids que nous… la vie est injuste, quand même ! Enfin… Olaf a-t-il vraiment parlé de moi à ses amis ? Argh ! Il m’a mis des sales idées dans la tête. Qu’est-ce qu’il s’imagine à me dire des choses comme ça ? Que je vais revenir en rampant de mon entretient avec ma peut-être future épouse pour chouiner dans ses jupons ?! Tout ça pour lui supplier de me caser avec un de ses amis ignares et moches ?! Hahaha, elle est bien bonne ! Il peut bien se tamponner l’arrière-train avec son plumeau !  




Enfin, nous y voila. La demeure des Petitpatapon. J’ai bien révisé toutes mes fiches, ça va bien se passer. Je suis plutôt bien accueilli par les domestiques pour le maitre et la maitresse de maison. Des humains qui ont l’air bien comme il faut. Tsss… des beaux parents humains, hein, on aura tout vu. Quels sacrifices je ne dois pas faire pour sécuriser mon ascension sociale. J’imagine que leur fille qui a déjà 35 ans doit avoir leur tronche d’endive. Enfin… on ne va pas cracher là-dessus. Si je peux me servir de ces humains stupides pour trouver une meilleure place, alors je---

« Et voici notre fille, Solveig ! »

…Ah.

Moi qui pensais rencontrer une humaine des plus banales, le portrait craché de ses parents, voilà que je me retrouve face à une gobeline à la peau verte, aux cheveux clairs raides et aux longues oreilles tombantes. Je ne me rappelle pas avoir lu quoique ce soit à ce sujet… mais je suis bien placé pour comprendre pourquoi ses parents auraient voulu cacher ce détail. C’est navrant, d’ailleurs, qu’on ne puisse pas juste afficher nos origines sans inspirer la pitié ou le dégoût. Comme je ne dis rien sous le coup de la surprise, les vieux reprennent la parole :

« Nous avons adopté Solveig pendant la guerre… elle a perdu sa famille… enfin, sa « communauté » quand son village a été détruit. Nous ne pouvions pas avoir d’enfants et nous l’avons donc accueillie parmi nous sans aucune hésitation… Vous voyez, quand elle a entendu parler de vous, qui êtes un gobelin à la tête du quartier des affaires, elle a voulu vous rencontrer. Vous n’êtes pas sans savoir qu’il n’y a pas beaucoup de… de personnes comme vous, chez les nobles. »

Qu’est-ce que je suis censé penser de tout ça ? Je dois être touché et verser ma petite larme ? Féliciter ces humains qui ont été un poil plus décents que d’autres (et encore, ça me donne la nausée) à l’égard de notre espèce ? Bon, il le faut bien, après tout, je suis là pour les courbettes mais… ah, diantre, ils m’énervent déjà. Je préférerais entendre ce que Solveig a à dire de tout ça, plutôt que les entendre glouglouter sur leurs bonnes actions de bons humains.

« Père… n’importunons pas M. Von Griffon avec toutes ces histoires. »

J’allais parler mais la gobeline a pris les devants. Elle a l’air du genre plutôt studieuse et calme, mais pas léthargique pour autant. Les deux humains prennent les devants en nous guident vers le salon. Solveig se retrouve à mes côtés et fronce légèrement les sourcils, puis me glisse avec une expression stoïque un peu étrange :

« Mon père fait toujours cette scène aux invités… Je suis la petite étrangeté de la famille. »

Elle prononce ces mots avec un espère de détachement blasé. Elle semble lasse. Je comprends qu’elle a dû voir cette scène des dizaines de fois dans sa vie. Ça n’a pas l’air joyeux. J’ai déjà reçu ce genre de discrimination positive, donc je ne peux pas m’empêcher de compatir un peu. Je finis par lui adresser un sourire poli, mais compréhensif.

« Ne vous excusez pas. Je comprends votre ennui. »

Pour une fois, je suis sincère. Pas la peine d’épiloguer. Nous suivons donc les autres au salon. Pour le plus grand plaisir de ses parents, Solveig m’a pris le bras pour la forme. Je passe au-dessus de mon horreur des contacts physiques imprévus pour continuer la conversation. Je ne sais pas si toute cette histoire au sujet de Solveig voulant me rencontrer est vrai. A vrai dire, elle n’a pas l’air plus enthousiaste que ça durant le repas. On parle affaires, de ma carrière et de mes études, de ma place actuelle, de comment tout ça est arrivé. Je n’hésite pas à me vanter car, après tout, je suis là pour me vendre. On échange des rires mondains… Je complimente les toiles de la gobeline en apprenant qu’elle peint beaucoup pendant son temps libre et plusieurs de ses œuvres couvrent les murs de la demeure. Je crois avoir déjà vu son style quelque part, dans des demeures de riches altissiens… ah, et pour le coup, je trouve réellement sa patte plutôt élégante et expressive. Je ne mens pas.

J’ai l’habitude de tout ce protocole, mais… je ne sais pas si c’est la découverte de l’identité de Solveig ou simplement, ce sentiment habituel de ne pas être à ma place en raison de mon espèce et d’autres choses, mais je ne suis pas vraiment à mon aise. Les paroles d’Olaf me tournent dans la tête. Evidemment que si je me marie, je ne pourrais certainement pas donner beaucoup à mon épouse, si ce n’est au niveau materiel. Je ne l’empêcherais de rien, enfin, tout de même, je ne suis pas un monstre. Mais… enfin, s’il est vrai que Solveig voulait rencontrer un autre gobelin plus proche de son milieu social, eh bien… ce n’est pas un mariage avec moi qui va la faire se sentir moins seule.

Et voilà, j’ai mauvaise conscience. Nom d’Oros de bonsoir… Je ne peux pas faire ça.

Je commence à en avoir marre des mondanités et à avoir épuisé mes sujets de conversation quand nous repassons dans l’autre pièce pour prendre un thé. J’ai beaucoup trop mangé et comme dirait Olaf : « j’ai les dents du fond qui baignent »… eurk, c’est dégoutant.

Il y a un silence et je croise le regard de Solveig qui n’a pas l’air d’en mener plus large que moi. Ses parents échangent un regard complice et se lèvent.

« Nous allons vous laisser seuls. Vous devez êtes pressés de faire plus ample connaissance ! »

Beeeerk, mais pourquoi ces oeillades et ces haussements de sourcils pleins de sous-entendus ?! Qu’est-ce qu’ils vont s’imaginer cette bande de… brrrr ! Nous ne sommes pas des adolescents ! Je me hérisse sous le coup des frissons désagréables qui envahissent mon échine. Mais je dois garder mon sourire hypocrite sur le visage. Solveig a l’air très crispée, elle aussi.

« Soyez sages ! »

Et ils referment la porte. Je fais une grimace discrète en profitant du fait qu’ils aient enfin quitté la pièce et termine ma tasse histoire de réchauffer mes os refroidis par ma chair de poule de dégout.

Après ça, je détends mes épaules et me redresse sur mon siège.

« Vos parents sont drôlement enthousiastes… à les voir, on dirait qu’ils attendaient cette rencontre depuis des années… ! »

Je vois Solveig qui s’avachit sur la banquette en soupirant.

« Oh, pitié, vous pouvez le dire : ils sont insupportables. »

Grogne-t-elle en sirotant son thé. Arhem… c’est vrai, mais que veut-elle que je réponde à ça ? Je suis doué pour les mondanités mais pas pour une conversation normale.

« Hm… cela arrive souvent, ce genre de rencontres, pour vous ? »

Oh, ce n’est pas pour juger quoique ce soit. La verte hausse les épaules.

« Oh, non, enfin, cela faisait longtemps qu’ils ne m’avaient pas entrainé dans ces grandes préparations pour un mariage arrangé. Mais c’est parce qu’il y a cinq ans, je leur ai dit que je n’en voulais plus. Evidemment, ils n’ont pas arrêté d’insister pour me trouver un bon petit mari… bon, quand ils m’ont dit que vous étiez un gobelin aussi, j’ai accepté pour qu’ils me laissent un peu de répit. »

Je cligne des yeux. C’était donc ça. J’aurais pu être scandalisé et lui faire une grande scène de diva, mais ne me sens pas offensé par sa franchise. Après tout, ce n’est pas comme si j’avais été franchement dans mon élément non plus. Ou que je me sentais impliqué sentimentalement dans notre relation.

« Ah. Je vois. »

Elle se redresse.

« Vous n’êtes pas fâché ? Je me rends compte que j’ai été un peu… peut-être que j’ai bu un peu trop d’alcool… les alcools de cette région sont vraiment sucrés, c’est un peu traitre. »

Elle retient un hoquet. Je ne suis pas fâché. Je suis juste un peu las et par-dessus-tout, agacé d’admettre qu’Olaf avait raison. Grmbl.

« Je vois ce que vous voulez dire. »

Je baisse les yeux vers ma tasse.

« Donc, quand vos parents disaient que vous vouliez me rencontrer, c’était… ? »

Pensive, elle finit son thé en quelques gorgées.

« Hm… non, je m’étais dit que ça pouvait être intéressant. Mais, enfin… »

Elle me regarde, mi-blasée, mi-rigolarde. J’ai comme l’impression que la suite ne va pas me plaire…

« Ne le prenez pas mal, mais vous êtes vraiment trop coincé. »

Je crois que j’ai rougi sur le coup. Je ne suis pas coincé ! C’est n’importe quoi !

« P-pardon ?! Mais enfin ! Je ne vous permets pas ! »

Elle souffle du nez, un sourire narquois sur les lèvres.

« Oh, voyons ! Ne prenez pas cet air outré. C’est vous qui êtes venu en prévoyant de m’épouser pour de l’argent... »

Formulé comme ça… enfin… oui, enfin, de l’argent, c’est important, l’argent. J’en ai besoin. Et de nouveaux titres de noblesse, surtout. Mais bon, il va me falloir d’autres manières d’en trouver. Raaah, elle devrait rencontrer Olaf ! Ils s’entendraient bien, tous les deux ! Et ils passeraient leur temps à me vanner. Greuh.

« Oui, eh bien… que voulez-vous, c’est comme ça. »

Elle roule des yeux et je croise les bras, un peu véxé.

« Puis, il n’y a pas que ça. »

J’arque un sourcil. Qu’est-ce qu’elle va me sortir, encore ? Qu’elle fasse attention, hein, je… je… je n’ai rien contre elle, en réalité.

« Il m’a suffi de vous regarder pour comprendre que vous n’êtes clairement pas intéressé par les femmes. »

Alors là, c’est trop !! Qu’est-ce qu’ils ont tous aujourd’hui ?! Je ne vais pas changer d’apparence pour leurs beaux yeux, je suis bien trop beau ainsi !

« Je vous interdit de faire ce genre d’assomptions sur ma vie privée ! »

Elle hausse les sourcils en me voyant me lever pour continuer en chuchotant plus fort.

« C’est totalement faux ! Je… bien sûr que j’aime les femmes ! Je veux dire… j’aime leurs… leurs… leurs… vous savez, là, les… »

Solveig m’observe en buvant ce qui reste dans sa tasse de thé. Elle a l’air de plutôt s’amuser. C’est vraiment ma fête aujourd’hui !

« … leurs cheveux, je voulais dire leurs cheveux. »

La dame encore avachie sur sa banquette hoche la tête l’air de dire « oui oui causes toujours ducon, tu m’intéresse ». Ça me fatigue ! Pourquoi tout le monde me fait cette réflexion… je fais tout pour que ça ne se sache pas, pourtant. Comment les gens qui ne m’ont jamais vu peuvent savoir que je suis de ce côté de la barque comme ça, juste en un regard ?! C’est tellement honteux. Le silence qui suit me donne envie de disparaître sous terre à jamais. Je n’aurais pas dû venir, tout ça n’a servi à rien ! Par Oros, je n’arrive pas à croire qu’une fois de plus, Olaf avait raison.

Maintenant, je n’ai plus envie que d’une chose : de m’en aller en courant. Cependant je ne peux pas me permettre de faire un scandale, ce serait mauvais pour ma réputation, je passerais pour le taré de service qui s’en va en pleurant dès qu’une dame l’approche ! …Pour le coup, je ne peux m’en prendre qu’à moi-même. J’inspire par le nez et tente de me détendre avant de reprendre la parole.

« Hm… enfin… sur ce, je pense qu’il vaut mieux que je prenne congé. »

L’ambiance est suffisamment gênante comme ça et je ne crois pas que Solveig me retiendra. J’ai vraiment perdu mes moyens, c’est au point où je ne me rappelle plus les protocoles que j’ai pourtant appros par cœur depuis des années.

« Oui, je crois qu’on s’est tout dit. Je voudrais retourner à ma peinture, en plus. »

Sa réponse me soulage, surtout quand elle s’en va ouvrir la porte et que ses deux vieux apparaissent au bout du couloir… Oh, bon sang… c’est vrai, ils sont encore là, eux, je ne peux pas m’en aller comme un voleur, même si j’ai très envie de sauter par la fenêtre.

« Alooooooors ? Comment cela s’est passé ? »

Arrêtez avec ces haussements de sourcils suggestifs s’il vous plaîiîîît… ! Le protocole, ne pensons qu’au protocole.

« Fort bien, vous avez une… Solveig est charmante. »

Je devrais arrêter de leur donner de faux espoirs. Déjà que leurs yeux sont déjà tous brillants… ils ne vont pas se mettre à pleurer de joie, quand même ?!

…Oh.
Oh, ah ben si. Voila qu’ils pleurent à chaude larmes.

« Oh, comme je suis soulagée ! »
« Nous avons réussi, Gertrude, ça y est ! »


REUSSI QUOI ?! MAIS PAS DU TOUT !!

« Euh… »

Qu’est-ce que je fais maintenant ?! Qu’est-ce que… je… je lance un regard affolé à Solveig qui regarde la scène, tout aussi horrifiée que moi. Je crois qu’elle est à court d’idées et panique également. Pitié, faite qu’on ne se retrouve pas mariés sur un malentendu ! Ces deux pintades pleureuses seraient capables de nous porter devant l’autel tout de suite si on ne les arrête pas !

« Je- je vous en prie, ressaisissez-vous… Aha… ahahaha… »

J’émets un rire mondain forcé, en essayant de porter une main vers l’épaule du paternel humain bien trop grand, comme pour le réconforter. Berk. Je vais puer l’humain. Qu’est-ce qu’il ne faut pas faire. Le paternel renifle, se mouche bruyamment et m’observe, toujours aussi implorant. Sont-ils toujours comme ça ?! Je veux dire, j’aimais tellement peu mes parents qu’apprendre leur mort ne m’a fait ni chaud ni froid (j’ai même repris deux fois du gratin au dîner), mais si mes géniteurs étaient comme ceux de Solveig, je crois que j’aurais des envies de meurtre !! Grrrr !  Respires… du calme… apaises-les un peu avant qu’ils ne vous emmènent au monastère devant le… AH ! OH NON ! Il ne manquerait plus que je me retrouve devant le Cardinal pour nous marier, pas lui !!

« Ne nous emportons pas, voyons… »
« Euh, oui, oui, ne nous emportons pas, hein… »


Je crois qu’ils ont arrêté de pleurer, maintenant. Solveig leur envoie des regards très appuyés en hochant la tête.

« Nous n’avons pas eu… beaucoup de temps. Il faudrait que… enfin, si Solveig le veut, que nous nous revoyons avant de prendre des décisions, hm… trop hatives. »

La gobeline hoche la tête d’un air entendu, tout aussi nerveuse que moi.

« Ouiiii… euh… exactement… d’ailleurs, pour le moment, Monsieur Von Griffon doit retourner travailler, n’est-ce pas ? »

Oh, elle est de mon côté et n’a pas dévoilé tous mes secrets. Mon regard doit déborder de gratitude. Je pourrais presque me mettre à prier Oros comme si un miracle venait de se produite.

« Oui, exactement, nous sommes vraiment pris par le temps, toutes mes plus plates excuses, Madame et Monsieur Petitpatapon ! »

Je fais une courbette du plus bel effet. Les deux vieux ont l’air navrés.

« Oh, mais quel dommage… »

Les voila prêts à pleurer à nouveau. Mais qu’ils sont LOURDS.

« Ne vous en faites pas. J’enverrais bientôt une lettre à Solveig pour que nous nous rencontrions à nouveau. »

Ou pas. Je ne sais pas. Je veux juste sortir d’ici, on verra ensuite. La gobeline verte hoche la tête et me pousse un peu vers la sortie. Je suis sauvé !

« Oui, oui, allons, mon cher ami, n’allez pas rater votre réunion de quartier à laquelle vous êtes trèèèès attendu ! »
« Oh, bah, oui, ce serait ballot, hohoho ! »


Je ne sais pas quelles autres débilités nous avons échangé pour meubler et nous dire au-revoir, mais me voilà dehors, en train de descendre l’allée de la résidence Petitpatatpon. Je sens qu’on m’observe, donc j’attendre d’être hors de vue pour détaler comme un lapin jusqu’à l’auberge d’Olaf.

Je n’ai jamais été aussi essoufflé qu’en m’écrasant sur le comptoir, devant mon frère qui continue d’astiquer ses choppes en sifflotant. Son sourire ne diminue pas en me voyant dégoulinant de sueur et presque à baver sur le bois. Ah ! Il aime me voir souffrir, cet espèce de dévergondé, je le sais !

« Et revoila le grand bourreau des cœurs ! Alors, on est un homme marié ? »

Mais quel ! Quel espèce de… !

« Fermes ta grande bouche, tu sais très bien comment ça s’est passé ! »

Il veut que je lui dise que j’avais tord, que j’aurais du l’écouter, que c’était une très mauvaise idée et… que je répète tout ce qu’il a dit, globalement. Mais ça n’arrivera pas !

« Ohlala, mon pauvre Théo, je suis vraiment très très triste pour toi, ça doit être difficile de se faire plaquer par une personne qu’on ne connait à peine et qu’on aime pas. »

Il peut bien se moquer… la bave du crapaud ne peut atteindre le Grand Griffon Grâcieux.

« Je t’ai dit de fermer ta gueule ! »

Feulais-je entre mes dents pointues bien taillées. Je veux me cacher sous ma cape mais je ne lui ferais pas ce plaisir. Je suis satisfait quand son sourire de sale gosse disparait enfin de son visage et qu’il se détourne avec une mine vexée.

« Ah, charmant… je sais que t’as les boules d’admettre que j’avais raison, mais c’est pas la peine de me parler comme à un vieux slip qui pue ! »

Pfff… qu’il est susceptible. C’est moi qui devrais me sentir vexé. Il ne cherche jamais à comprendre la pression que je subis tous les jours dans ma vie publique comme ma vie privée ! Je ne suis pas comme lui et il devrait prendre de la graine de l’exemple de son frère ainé.

« Je te parle comme je veux ! Tu penses vraiment que je vais suivre tes conseils d’ancien militaire vulgaire et dévergondé ?! Si je t’écoute, je n’ose même pas imaginer dans quelle position je vais finir sur la scène de ton stupide boui-boui ! Alors je-- »

Je m’arrête dans ma tirade en voyant les regards noirs qu’Olaf m’envoie en plein visage. Il n’y a pas que ça. Mes paroles ont clairement dépassé ma pensée et je crois que ça l’a heurté.

« Bon, eh ben dans ce cas, casses-toi. »

Son ton et son expression n’ont plus rien de joueur et je ne me sens pas bien. Il veut vraiment que je parte. Je me rappelle que j’avais promis de faire des efforts et je ne suis pas quelqu’un de déloyal. Je déteste ne pas honorer une promesse faite à mes proches et…. Ce que je veux dire, c’est que je regrette ce que j’ai dit. Même si ça me fait mal de l’admettre, je suis en tord.

Comme je n’ai pas bougé, Olaf se déplace lui-même pour me prendre par le col et me pousser vers la sortie de la taverne. Bon sang, mais pourquoi est-ce qu’il a autant de force, ce nain ?! Je me débats comme un asticot et m’interpose, les mains en l’air, dans un signe d’apaisement.

« … Olaf, attends ! »

Mon frère croise les bras. Son regard est glacial et je sens que je vais m’en prendre une si je ne lui fais pas des excuses convenables.

« Ça me fait mal à l’égo de l’admettre et tu peux t’assumer chanceux de—

Il recommence à me pousser et va me refermer la porte dessus. Fort heureusement, je retiens la porte en glissant mon pied dans l’entrebâillement. Ce bourrin m’écrase ma jolie talonnette à motif d’écailles de crocodile doré, évidemment et je me mets à hurler à plein poumon en essayant de garder mon équilibre d’un côté et de repousser le battant de l’autre.

« D’accord, tu avais raison ! Tu as toujours raison ! Je le sais et ça me tue de l’admettre mais c’est vrai ! Tu es le plus intelligent de nous deux ! »

Olaf cesse de pousser la porte. Je libère mon pied et vérifie l’état de ma belle chaussure en continuant de crier de douleur pour la forme. Mon frère me juge toujours du regard avec ses bras croisés. Mais mes dernières paroles ont l’air de l’intéresser.

« Très bien. Continue. »

Hmph. Il est bien content de la tournure des évènements. Mais bon, il faut bien avouer que je suis sincère.

« …et je suis désolé de m’être adressé à toi comme je parlerais au dernier de mes créanciers… si j’avais des créanciers. Ou pour reprendre tes paroles… un v-vieux s-slip. Diantre, que tu peux être vulgaire. »

Olaf émet un « héhé » satisfait et me laisse entrer à nouveau.

« Oh et la décoration de ta taverne, c’est d’un goût vraiment exquis ! Le talent que tu as mis dans la décoration de la scène c’est.. »
« Ouais, bon, ça va ! Gardes ton léchage de cul pour tes diners avec l’ambassadeur. »

Ah, oui. Déformation professionnelle. Bon, sa taverne n’est pas si moche. Mais bon, ça trop reste basique pour mes goûts.

D’une manière ou d’une autre, Olaf a fini par me servir à boire et je suis resté toute la soirée à la taverne, à regarder des reines de beauté défiler sur la scène. Je n’ai pas tant bu mais je me suis laissé aller. Je n’ai vraiment rien fichu, ce soir et je n’ai pas vu passer ces deux dernières heures. Bon, cela ne change pas grand-chose, je ne suis plus à une nuit blanche à travailler près. Je n’ai pas vu les lieux se vider. Et je ne m’attendais pas non plus à voir Olaf s’asseoir en face de moi, avec un parchemin et de quoi écrire.

« Aller, frangin, passons aux choses sérieuses ! »

Ooooh ! Il veut qu’on fasse le compte des recettes de la soirée ensemble ? Quelle délicate attention, il me connaît si bien ! Je souris bêtement, encore groggy après ma dernière bière.

« C’est quoi ton genre de mec ? »

…Ah. Je voulais faire les comptes moi. Enfin… est-ce qu’il était sérieux en me disant vouloir me présenter ses amis ? Je ne suis pas prêt pour ça… enfin… ce n’est pas que je n’en ai pas envie, en réalité (ne lui dites pas). Je n’en sais rien ! Faudrait voir la tronche des amis en question… s’ils sont tous aussi rustres, mal rasés, qu’ils ne se lavent pas et qu’ils ne comprennent rien à un grimoire de magie blanche, alors je ne suis pas intéressé !

« Tu prends vraiment des notes pour ça ? »

Grognais-je en appuyant mon visage alourdi sur mon poing.

« Ouais, alors, réponds à la question. »

Pfff… je vais lui répondre, comme ça il me laissera tranquille. Il va vite comprendre qu’aucun de ses goujats d’amis militaires n’est à mon goût.

« Hm… je ne suis pas exigeant. Tant qu’ils sont riches et ressemblent au Roi Hincmar. »

Je ne m’aperçois pas que mon visage se détend pour former une expression niaise. Mon regard se tourne vers le plafond, soudain rêveur. Ah… le Roi Hincmar. Ces cheveux blonds comme les blés des plus beaux pâturages altissiens (ou peut-être est-ce les sables de Caldis qu’ils imitaient ?), ces yeux pleins de mystère et de dignité, ce visage tellement sensuel qu’on aurait cru taillé dans le marbre, mes traits droits mais tendre tout à la fois… Mais je m’égare. Je redirige mon regard sur mon petit frère qui grommelle en gribouillait sur son parchemin.

« …D’accord, donc tu les aimes riches et morts. »

… Comment ça, « MORTS » ?! Ah, oui, c’est vrai qu’Hincmar est mort… mais je ne voulais pas dire que je… !!

« Mais, non, pas morts espèce d’abruti ! »

Vociférais-je tandis que le nain éclate d’un rire gras.

« Bon, bah, du coup je barre « nécromate » ? »

Uh… des nécromates ? Qu’est-ce que j’en sais ? Ce n’est pas comme si j’avais souvent eu l’occasion d’en fréquenter. J’hausse les épaules et poursuit, absolument sérieux.

« …Bah, ça dépend, si le nécromate est riche et ressemble à Hincmar je ne vois pas le-- »

On m’interrompt avec un long soupir exaspéré.

« Oui, bon, laisses tomber, je vais reformuler… Qu’est-ce qui te plait, chez un mec ? Qu’est-ce qui t’attire ? »

… Mais il est bouché, ou quoi ? Je dois tout le temps me répéter, avec lui !

« Je viens de te le dire : déjà, il faut qu’il soit riche et-- »

Olaf me fixe de son plus bel air blasé. Mais enfin, qu’est-ce qui lui prend ? C’est lui qui a commencé à poser des questions. Je ne vais pas lui donner les réponses qu’il désire si ce n’est pas ce que je pense !

« Quoi ? Je te dis mes critères ! C’est toi qui a demandé ! »

Il émet un « gmgrmmmbl gngngng ! » bizarre en levant les yeux et les bras vers le plafond de la taverne. Puis, il se met à masser ses tempes en baragouinant quelques affirmations incompréhensibles. Je crois qu’il me maudit. J’ai les oreilles qui sifflent. Une fois calmé, il reprend, joignant ses mains devant lui.

« Bon sang de bonsoir, mais c’est quoi qui te plait chez, euh… bah, chez Hincmar, tiens. Et ton ex, pourquoi, à la base tu… ! »

C’est…
C’est très indiscrêt comme question ! Qu’est-ce qui lui prend ?! C’est dégoutant ! Je ne vais pas lui raconter ce genre de choses. C’est bien trop intime et… bref !

« Ah, non, on va pas parler de ça ! »

Je croise les bras, me redresse et regarde ailleurs. Les nœuds des boutres de bois me semblent soudain bien fascinants.

« Bah, si, va falloir m’aider… tu veux rencontrer des gens et arrêter d’être un vieux frustré ou quoi ? »

…P-peut-être. Mais j’ai déjà largement assez répondu à ses interrogations. Qu’il se débrouille avec.

« C’est quoi, Hincmar il était… il était grand, blond ? C’est ça que tu kiffes ? »

Mais comment… ! Grrrr ! S’il sait déjà, pourquoi me poser tant de questions !

« Et ton ex… il était grand aussi, nan ? C’tait un elfe ? Et est-ce que par hasard, il était blond aussi ? »

Je me sens devenir aussi écarlate que la pierre précieuse qui décore ma bague. Comment a-t-il reussi à déduire tout ça ?!

« …N-non… »

Hors de question que je lui donne raison ! Mais mon déni ne parvient pas à tromper le plus âgé.

« … D’accord, je vois ce qui se passe. » Comment ça ? Que se passe-t-il ? Qu’est-ce que j’ai fait ?! « Tu penses encore à ton ex, c’est ça ? Va falloir penser à passer à autre chose, là, nan ? »



AAAAAAAAAAAAAAAAAaaaaAAAAAaaaAh !
Laissez-moi crever s’il vous plait. Je veux retourner à la terre et me faire manger par les vers (avec mon argent bien entendu car après sa question rhétorique, Olaf ne touchera aucun héritage).

« HAHA ! M-mais PAS DU TOUT ! De quoi je me mêle ?! »

Je me débats vainement et j’ai l’impression de courir dans de la semoule. Je suis plus empourpré que jamais et ma voix se casse, fait des hauts et des bas tandis que je glapis pour refouler sans espoir les vérités énoncées par le nain.

« Tu sais, le truc le plus judicieux, ce serait peut-être de noter ce que tu peux pas tolèrer dans ta relation ? Genre, les trucs que ton ex t’a fait ? »
« Oh, arrêtes. »


Mais qu’est-ce qu’il me sort, maintenant… ?

« T’as le droit d’avoir des standards, hein. »

Exiger de quoi ? De quoi il me cause ? Que je sache, je ne cherche pas à me marier—bon euh, si, au début de la soirée c’était le plan mais là on parle de… de personnes du même genre que moi. Donc il est hors de question que je me marie avec. Donc, pas besoin d’être soudainement si sérieux ? Non …?

« Genre, de pas vouloir qu’un autre type se casse du jour au lendemain après t’avoir menti et utilisé pour passer le temps ? »

Mon rougissement me parait soudain bien peu important. Je me fige dans un silence pesant en réalisant qu’Olaf vient d’énoncer ce qui a fait que ma « rupture » avec Balthazar m’a fait m’isoler loin de toute relation intime depuis des années. Je déglutis, mal à l’aise et fixe la table, contrôlant du mieux que je peux le tremblement de mes mains.

« …Tu n’es pas censé savoir tout ça. »

Mon frère soupire et s’avachit sur sa chaise. Je voulais vraiment lui cacher tout ça, mais… je ne sais pas ce que je voulais, en réalité. Au fond, comme tout le monde, je veux être un peu compris par mes semblables, mon adelphe le premier. Je suis trop fier pour parler de ces moments honteux de ma vie et je ne voulais pas qu’Olaf me voit autrement par la suite. Maintenant je comprends son implication à mon égard : c’est qu’il a pitié de moi. Je fais pitié. C’est tout ce que je déteste.

« Je suis pas con, je sais lire entre les lignes… bon et Martin m’a raconté une partie, aussi. »

Mais quelle pipelette, ce Martin ! Est-ce que je raconte les choses honteuses qu’il a fait au monastère pour épater la galerie, moi ?! Quel crétin !

Tandis que je grogne, Olaf reprend :

« De toute façon, tu serais jamais venu m’en parler si je te rentrais pas dans le lard de temps en temps ! J’dis pas que faut tout me dire mais des fois… »

… je ne le dirais pas à voix haute, mais il a vu juste, ce coup-ci. Je n’aurais jamais rien dit, s’il n’avait pas abordé frontalement le sujet. Je lui donne raison par mon silence. Après un petit moment de battement, je soupire et me redresse sur ma chaise.

« Si je suis trop exigeant, je trouverais jamais personne. »

C’est un fait. Je n’oublie pas que je suis un gobelin. Je peux être extrêmement beau et intelligent et riche, mon espèce ne jouera jamais en ma faveur. C’est naïf de penser que les gens m’accepterons pour d’autres raisons que le travail que je peux fournir ou pour l’argent et les biens matériels que je peux faire rentrer dans les caisses. Après tout, au final, n’est-ce pas ainsi que la valeur des gens est mesurée, dans la noblesse ? On, en revient toujours à la même chose, même dans l’intimité : soit on est béni à la naissance et on aura rien à faire, soit on l’est pas et on ne peut se reposer que sur soi-même pour marcher ou crever. Donc, bon, avoir des exigences…

Mais Olaf n’est pas de cet avis, évidemment.

« Ouais, bon, le soucis c’est pas tant ça que le fait que t’as un foutu caractère de merde insupportable. »
« Hm… merci… ? »


Eh bien oui, je le sais que je ne suis pas facile à vivre. Je sais que je ne suis pas quelqu’un de populaire en raison de mon tempérament et de ma façon de penser. Mais sans ça et ma détermination, je ne serais pas allé loin. Donc j’en suis fier, d’avoir un caractère irritant… mais je ne crois pas qu’Olaf voie ça d’un si bon œil… ?

« Et que t’es vraiment un gros connard quand tu t’y mets. »

Roh, mais de quel côté est-il, à la fin...

« Rohlala… tout de suite les gros mots… »

Tout dépend de comment on voit les choses… et puis, je fais des efforts, parfois. Et par ailleurs, ce qui s’est passé avec Von Sievert n’était pas ma faute ! Je ne vois pas pourquoi il me fait des reproches maintenant, ça n’a rien à voir avec la personne que je suis en privé… enfin… un peu quand même. Bref. Je plisse les yeux et pince les lèvres, fixant l’autre d’un air sceptique.

« Me regardes pas comme ça, j’veux bien que ça se soit pas toujours bien passé pour toi, mais t’es pu une victime, actuellement. »

Une victime ?! Mais je n’ai jamais été une victime ? Est-ce qu’il m’a déjà vu faire la victime ?!

« Quoi ? Qu’est-ce que tu racontes ?! Je ne me victimise pas ! »

Olaf ricane jaune. Raaah, je déteste quand il fait ça !

« Ah ouais… ? « ouin ouin je suis Théodule je me tue au travail toute la journée et la nuit mais je suis incompris et personne ne m’aime alors que je me comporte comme un sac qui pense qu’à la thune ouin ouin ouin… et puis je me plains de pas être satisfait de ma vie privée alors que je fais rien pour être épanoui, snif snif bouh ». »
« Arrêtes. Je n’ai jamais chialé comme ça ! »


Qu’il arrête ses calembredaines. C’est complètement faux. Je suis peut-être une victime de ma condition, mais jamais je ne me suis plaint, d’abbord ! Je… je suis fier de ce que je suis et de ce que j’ai et- eeeeet… ET JE SUIS TRES EPANOUI D’ABBORD.

« Si tu le dis. »

Je grogne tel un roquet. Je vais le mordre, s’il continue comme ça !

« OH QUE OUI JE LE DIS. MAINTENANT, EH BAH…. Eh bah euh… bah, euh, chut. Voila. »

Olaf souffle du nez et finit par se lever pour aller nettoyer ses choppes et son bar. Je crois que je l’ai blasé. Hmph. C’est lui qui a cherché la petite bête…. Comment ose-t-il viser juste et me faire la morale avec des affirmations qui sont tout à fait vraies ?! Grmbl. Pourquoi est-ce qu’il finit toujours par me faire me sentir si stupide et immature ? Je n’arrive pas à savoir si le fait d’avoir mon frère dans ma vie à nouveau est une bénédiction ou une malédiction pour mon futur. Je pense que je vais aller demander conseil à Oros lorsque j’irais prier. D’une manière ou une autre… les réponses que j’obtiens ces temps-ci me font rarement plaisir. J’ai l’impression que les évènements ne vont jamais dans mon sens ! Ou alors, c’est que le fait de fréquenter Olaf me fait voir les choses sous un autre angle ? Ah ! Je n’ai pas le temps de penser à ça ! J’ai déjà beaucoup de retard dans mon travail.

Je finis par me lever. Je dis au revoir à Olaf et sors de la taverne, non sans trainer un peu la patte. Je dois rentrer à la maison et rattraper le retard que j’ai pris sur mes travaux. J’ai un conseil à préparer pour demain. La routine. Je pense un moment à Solveig Petitpatapon. A son air las de tout. Est-ce que je vais finir ainsi, moi aussi ? A trouver tout ennuyant dans ma routine pourtant si bien organisée depuis des mois ? Aucune chance, hein… ? Si je perds de vue ce que je fais le mieux, je ne sais pas trop ce qui me restera, à part mes pires doutes et ma solitude. Brrr… n’y pensons pas. Il y a des grosses piles de parchemins à remplir qui m’attendent, avant ça !