Les aventures de Dedenne et Dudule.
- avec Aëden
C’est bizarre, les enfants, quand même. Et ne me lancez même pas sur les adolescent.e.s… ce sont les pires. Enfin, du peu que j’en ai témoigné. Ils n’ont aucun sens de rien et leurs décisions sont totalement aléatoires et guidées par d’obscures motivations se résumant souvent à « bon j’ai faim », c’est… incroyablement stupide et pénible. Ah, je vous vois venir… « Mais, euh, Théo, tu as été adolescent toi aussi-euh ! »… Arhem… Je ne saurais pas dire, en réalité. Je me souviens avoir passé mes années de 12 à 17 ans à Calvaro, soit en étant malade, soit en aidant à l’eglise, donc l’adolescence… on avait pas vraiment le temps pour ça, c’était pareil pour Olaf et Cunégonde ! Bref, je sais pas vraiment ce que c’est de l’intérieur… et ce qui motive ces jeunes gens à faire n’importe quoi.
Parlant de jeunes, j’ai toujours ce gamin bizarre dans le fond de mon jardin et je ne sais vraiment pas quoi en faire. J’aime pas les pauvres et les mendiants, moi, ils sont sales et parfois ce sont des voleurs… donc les voir dans mon jardin ne me fait que très rarement plaisir. Mais, ces gens s’abstiennent dès qu’ils connaissent ma réputation au quartier des affaires et mon avis sur je sujet. Ceci m’a fait réaliser que l’adolescent étrange et hirsute qui est encore en train de surveiller la maison depuis le bord du bassin n’est peut-être pas du coin. Là, je ne saurais pas dire s’il se repose ou fixe la maison en attendant quelque chose. Il fait ça quand il ne regarde pas avec une espèce de fascination étrange mes carpes koï… au moins j’ai l’impression que depuis qu’il m’a vomi le cadavre de Berangère sur les chaussures lorsqu’il a débarqué il y a maintenant dix jours (car je lui avais demandé de me la « rendre »… et moi qui pensais que j’étais trop littéral), il a compris qu’il ne fallait pas les manger. Ce qui veut dire qu’il n’est pas totalement stupide et pas entièrement une bête sauvage, ou du moins qu’il comprend ce qu’on lui dit. Je suppose. Il n’a donné aucun signe d’hostilité et ne m’a d’ailleurs rien demandé ni n’est venu me déranger… je ne sais pas si je l’ai entendu parler entre ses grognements effrayés… sait-il simplement parler… ? Je ne saurais dire, avec les bandages qui lui couvrent le visage, il y a peut-être aussi des changes qu’il porte des blessures qui l’empêchent de parler normalement. Plus j’y pense et plus je l’observe depuis la maison, moins je comprends d’où il pourrait sortir ou même… ce qu’il est. Probablement pas un humain… un hybride, sans doute. Je miserais sans grande certitude sur un animorphe félin.
Bref, qui que soit ce gamin, sa tête (enfin, la description que j’ai faite de son physique dans le quartier) ne dit absolument rien à personne. Ce n’est donc pas un enfant égaré ou qui se serait échappé d’une demeure du coin. Personne n’a eu à se plaindre non plus de vols ou de dégradations (je l’aurais su, je suis tout de même une des premières personnes informées dans ces cas-là) qui auraient pu être faites par un adolescent dans son genre, donc… je pense pouvoir dire avec certitude qu’il n’est pas dangereux. Mais cela ne donne pas réponse à ma principale interrogation : qu’est-ce qu’il fout dans mon jardin, par le caleçon d’Oros ?!
J’imagine que s’il peut comprendre ce que je raconte… il peut peut-être parler ou s’exprimer d’une manière ou d’une autre. Je vois qu’il est l’heure à laquelle je lui dépose à manger dehors… c’est pour ça qu’il doit fixer avec autant d’insistance la porte d’entrée. Bah, quoi ? J’allais pas le laisser crever de faim dans mon jardin… surtout qu’il ne veut pas partir. J’ai tenté la première fois de le chasser, surtout après qu’il ait bouloté Bérangère ! Mais… je ne suis pas complètement stupide. J’ai préféré me renseigner sur le gugusse avant de savoir s’il était capable ou non (c’est qu’il est largement plus costaud que moi et sans doute plus grand, même pour son âge) de se transformer en grosse bestiole et de me bouffer à mon tour. Ah… probablement que je n’aurais pas dû commencer à le nourrir en premier lieu… Mais je ne voulais pas qu’il revienne manger mes carpes !! Pfff… je suis vraiment trop bon, hein… j’imagine que même ma conscience ne pourrait pas supporter l’idée d’avoir laissé à la mort et à la famine un enfant traînant sur ma propriété. Ahlala, ma grosse générosité…
Bref, il est l’heure. J’avais acheté du poisson au marché ce matin et il m’en reste de mon dernier repas. D’ailleurs le poissonnier m’avait fait remarquer que j’en avais pris plus que d’habitude et m’avait demandé si je cuisinais pour deux… mais, euh, c’est même pas vrai, hmph. En mettant quelques restes dans une écuelle (ce sera sûrement meilleur cuit que cru pour sa santé… pas que je me soucie de sa santé, hein!!), j’ouvre finalement la porte afin de sortir dans le jardin. Je le vois déjà qui s’ébroue à ma vue… ou plutôt à la vue de la nourriture. En restant toujours à une petite dizaine de mètres, je lui dépose l’écuelle par terre puis recule prudemment afin d’aller lui prendre un peu d’eau dans le puits (même si ça fait mal au bras, tout ça, dis-donc).
Je lui ramène l’eau et l’observe manger en gardant mes distances, bras croisés sur le torse en réfléchissant à comment tourner mes questions… si tant est qu’il les comprenne. Mon ton n'est pas spécialement aimable, avec ma voix de crécelle, mais bon, les gens prennent généralement vitre l'habitude (pas comme s'ils avaient trop le choix).
« Hem… euh… c’est bon ? C’est du poisson, mais c’est meilleur que des carpes crues, non ? »
Bah, quoi, c’est, euh… bah, faut bien commencer quelque part. Ah, diantre, que c’est embarassant ! Je laisse passer un petit moment pour qu’il me réponde s’il le peut avant de reprendre.
« Dis-moi… qu’est-ce que tu… qui es-tu, en fait ? Qu’est-ce que tu fais là ? T’as un nom ? »
Et pourquoi il squatte mon jardin ? Je sais qu’il est très beau, hein, mais… bon, voila, quoi.