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  • Les petits poissons dans l'eau {Howl - Page 2
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    Le dragon n'est plus, miracle est arrivé. Yggdrasil a protégé sa cité. Des mois de siège éreintant cessent, la ville millénaire respire à nouveau. Chaque soir, sous la lueur émeraude et bienveillante du grand arbre, les éossiens fêtent et célèbrent ceux tombés au combat. Après tant d'épreuves, la ville semble reprendre vie...
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    2 participants

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    Astrid ne saisit pas les actes désintéressés, et elle est encore moins habituée à ce qu'on l'approche ; c'est d'ailleurs tous ses muscles qui se tendent d'un coup lorsque la sirène vient prendre ses mains. L'animorphe renâcle, traîne des pieds. Elle se fige même lorsque l'eau touche ses pieds, le regard figé sur l'étendue aqueuse qui lui paraît profonde malgré sa clarté. Même les paroles rassurantes de l'éossien lui passent au dessus de la tête, sur l'instant, tant son cœur bat rapidement.
    Sa tête se relève avec hésitation pendant que l'autre semble s'enfoncer dans l'eau. Elle doute quelque peu de sa capacité à flotter, à vrai dire, même si c'est dit comme ça. Pour Astrid, ce sont les cadavres, qui flottent, pas les vivants. Elle a du mal à comprendre cette histoire d'air, d'ailleurs ; est-ce qu'il n'y a pas toujours de l'air dans son corps ? Pourtant, si elle s’assoit dans l'eau, elle plongera. Elle trouve ça illogique. Astrid n'aime pas quand les choses ne suivent pas sa logique.

    Malgré sa perplexité, toutefois, elle finit par s’exécuter. Ou du moins, elle essaie. Les épaules haussées, elle fait un pas dans l'eau, puis un autre. Quelque chose dans ses tripes proteste et lui fait mourir d'envie de fuir, mais elle ne recule pas sur l'instant, tournant de dos, le regard rivé sur un point annexe de la grotte comme pour penser à autre chose.
    A-allez, Astrid, tu... Tu as déjà fait bien plus que ça.
    Dans une expiration, elle finit toutefois par s'allonger, même si elle n'est toujours pas foncièrement à l'aise avec le fait qu'on la tienne. La gorge nouée, une partie d'elle-même craignait une plaisanterie qui la ferait couler d'un seul coup, son regard finit toutefois par se relever vers le plafond de la caverne. Nerveusement, ses doigts jouent ensemble au dessus de sa poitrine. Sa première parole est prononcée d'un ton grincheux.

    « … C'est pas logique qu'on flotte comme ça. Y'a d'l'air aussi dans nos corps quand on coule. »

    Elle marmonne pour dissimuler son malaise. Encore un peu crispée, son regard tente de capturer quelque chose pour divertir son attention, mais c'est un pan du plafond qui finit par le faire. Quelques cristaux colorés sont, par chance, plutôt bien placés, et Astrid croit percevoir un mouvement d'ombres assez familier. Lorsqu'elle comprend ce dont il s'agit, sa mine s'adoucit.

    « Hmm... C'est pas moche, c'est vrai. Le reflet des vagues est... » 

    Joli.
    Elle parlait à haute voix sans s'en rendre compte. Elle s'en rappelle toutefois au dernier moment, alors que les mots avaient failli quitter sa bouche. Par réflexe, elle se reprend.
    Mais qu'est-ce qu'on s'en fout, de ce que je pense. On est pas là pour ça.

    « B-bon, euh... Je fais quoi, maintenant ? »

    Elle tente de changer de sujet, ou du moins de revenir au point principal. L'utilité avant le superficiel, tentait-elle de se persuader en y mettant peut-être plus d'insistance que la normale.

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    les petits poissons dans l'eau
    La sirène n'est certes pas le meilleur pédagogue qu'on puisse avoir. C'est difficile pour lui d'expliquer ce qui pour lui est naturel. Comme il respire dans l'eau pour sa part, Howl ne peut que répéter les explications qu'il a pu voir dans des livres pour que les autres -ceux qui ne peuvent pas respirer sous l'eau- puissent quand même apprendre à s'y déplacer sans problème. Pour l'adolescent, cela lui a pris du temps avant de voir l'utilité de savoir ce genre de choses. Ses parents ont tenu toutefois à ce qu'il se mette autant que possible à la place d'autrui pour pouvoir cohabiter avec des espèces terrestres, ne serait-ce que pour lui ouvrir les horizons. Alors même si l'animorphe est dubitative, cela ne l'empêche pas de persévérer, et elle écoute quand même les paroles de la sirène même s'il ne sait pas trop comment faire des explications de ce genre. A son avis, ce serait bien plus simple, évidemment, si toutes les espèces pouvaient respirer sous l'eau. Pendant un court instant, Astrid semble toutefois se laisser aller à l'observation, à présent qu'elle se trouve dans une situation inhabituelle. Howl la sent toujours peu à l'aise, mais il admire ses efforts. La suite ne risque pas de lui plaire cependant.

    « Je vais retirer lentement mes mains. Comme ça, même si tu ne sais pas nager, tu sauras qu'en te mettant dans cette position, ton corps va flotter naturellement. Enfin... Ça, c'est si tu sais rester calme et ne pas faire des mouvements brusques. »

    Ou quelque chose du genre. L'apprentissage de la nage ne peut pas se faire en si peu de temps, il en est conscient. A défaut, il préfère donc également lui donner d'abord des pistes si jamais elle oublie comment bouger dans l'eau.

    « J'suis là, dans tous les cas, ok ?.. Prête ? »

    Comme annoncé, il abaisse lentement mais sûrement ses mains qui quittent le dos de la jeune fille, la laissant faire le reste si elle l'ose.

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    Elle ne le sent pas trop, à vrai dire. Bon, déjà, littéralement, son odorat est aux trois quarts partis à cause de l'omniprésence de l'eau, mais Astrid n'est pas très sûre de ce qu'ils sont en train de faire. Nerveuse, elle hoche toutefois de la tête face à la proposition de la sirène, ne se sentant de toute façon pas de reculer maintenant. Ce serait honteux, à ses yeux.
    Alors, quand l'appui dans son dos se retire, elle ferme les yeux comme par crainte que l'eau ne s'y infiltre. Il y a un pic de panique dans son ventre qui la fait s'agiter et, immédiatement, s'incurver dans l'eau de telle sorte que son ventre et ses genoux se retrouvent couverts. Les yeux grands ouverts, elle se débat en somme assez stupidement avec elle-même, ses membres frappant l'onde avec une brutalité qui laisse transparaître le manque de retenue de sa force sur l'instant. La peur fut quasiment immédiate et la poussait à s'agiter pour s'échapper, motivée par le nœud froid et coupant dans son ventre.
    Pourtant, plus les secondes passent, et plus la vague censée l'engloutir ne vient pas. Au fur et à mesure, elle constate que la seule chose qui agite l'eau est bien ses mouvements. Que ses pieds ne coulent pas, que sa tête ne plonge pas. Progressivement, elle se calme et finit par cesser de bouger, petit à petit. Ses yeux, dans une tentative timide, se rouvrent.

    « Ah. »

    Elle ne coule pas. Effectivement, son corps flotte par lui-même, par elle ne sait quelle magie. Est-ce parce que tous les corps en sont parcourus, ou une broutille comme ça ? Elle ne peut pas comprendre, mais ce n'est pas grave, c'est toujours ça de pris. En revanche, elle se sent assez stupide, avec ses bras en étoile et sa tête relevée vers le plafond. Une question la prend alors, et elle retourne (très) légèrement sa tête vers la sirène.

    « Mais toi, genre... Pourquoi t'aimes ça, nager ? »

    La question est sincère. Une réponse simple serait de se dire que toutes les sirènes doivent aimer, mais elle a la sensation que ce serait un a priori grossier. Elle, après tout, ne prend pas plaisir à dévorer des rongeurs (vraiment pas, le goût du rat n'était pas le plus fin). Et au fur et à mesure de leur discussion, elle devient de plus en plus curieuse quant à son interlocuteur.

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    les petits poissons dans l'eau
    Il s'attendait à ce qu'elle panique beaucoup plus que ça. Mais Astrid finit par comprendre d'elle-même avec l'expérience qu'il n'y a en vérité rien à craindre de cette eau et au contraire tout à en apprendre. L'eau est si importante dans la vie quotidienne même de ceux qui ne sont pas des sirènes que Howl se demande comment ils peuvent vivre sans savoir nager. C'est qu'il oublie que même quand une sirène a du mal à se servir de ses nageoires, elle n'a aucun risque de se noyer contrairement à un humanoïde terrestre, alors il ne se rend pas forcément toujours compte des dangers que peuvent prendre les autres. Il n'est pas peu fier toutefois de voir que la féline semble un peu mieux saisir comment la flottaison des corps marche. Bon, il ne va pas la laisser mariner très longtemps ainsi, mais il veut la laisser profiter de cette sensation pour qu'elle devienne familière avec et que cela lui fasse moins peur à l'avenir. Sa question le prend toutefois de court, et il peine à en voir l'utilité d'abord.

    « Bah... Parce que c'est cool, quoi. »

    C'est facile pour l'adolescent à écailles qui n'a jamais eu à se préoccuper de la peur de se noyer, donc l'interrogation lui semble bête, posée ainsi. Il se contente toutefois de hausser les épaules car il sent que cette unique réponse est peu satisfaisante pour son interlocutrice.

    « Ou parce que je suis une sirène, peut-être. On se sent dans notre élément. C'est comme si je te demandais pourquoi tu aimes te transformer en panthère. »

    Il ne se souvient plus de la toute première fois qu'il a été en contact avec l'eau. Mais ça a toujours été comme une part de lui. C'est naturel. C'est instinctif. Et Howl a en plus de ça toujours eu un certain orgueil quant à son espèce, la flattant d'éloges à chaque occasion. Il essaye tout de même de se mettre à la place de sa comparse qui essaye réellement de savoir.

    « Hmm... Du coup tu peux pas comprendre si tu sais pas nager, mais je me sens bien, dans l'eau. J'ai l'impression qu'on m'embête un peu moins. »

    Ses pouvoirs sont plus forts quand il se trouve dans un environnement aqueux, alors il se sent moins faible et fragile. Mais ce n'est pas encore tout à fait ça. Il y a autre chose en vérité, et quand il ose y réfléchir vraiment, certaines pensées ressortent.

    « Je me sens moins... »

    Les yeux perdus sur les ondes que provoquent les vaguelettes au sein de la caverne, son esprit semble ailleurs.

    « ... étranger au monde qui m'entoure. L'eau, c'est bien la seule chose qui n'a pas changé, en... en mille ans. »

    Mille ans.
    C'est encore difficile aujourd'hui de réaliser qu'un tel laps de temps s'est passé, et de se dire que la jeune fille près de lui est en réalité bien plus "jeune" que lui. Qu'ils n'appartiennent pas à la même époque même si aujourd'hui, avec le Réveil, cela n'a plus eu d'importance. Ses joues se parent de rose de parler ainsi plus librement de ce qu'il ressent au fond, alors il détourne le regard et fait comme s'il n'avait rien dit.

    « Mais je sais pas si tu peux voir ce que je veux dire. »

    Elle doit le trouver ridicule, de dire tout ça, après tout, et pour une Altissienne, ça ne doit pas forcément faire beaucoup de sens.

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    C'est que ça ne saute pas de soi pour elle. Et si la réponse de la sirène laisse entendre qu'il s'agit d'une chose naturelle, Astrid esquisse une moue presque déçue, pas foncièrement convaincue par cette comparaison.
    Ouais, sauf que j'aurais pu ne pas aimer être une panthère. J'veux dire, j'aimais pas être...
    Pas franchement à l'aise à l'idée d'évoquer le sujet devant quelqu'un de quasiment inconnu, ceci dit, elle choisit plutôt de continuer à écouter son interlocuteur qui a peut-être d'autres explications à lui donner. Et elle n'eut pas tort de se taire, pour une fois. Silence, elle ouvre la bouche avant de la fermer. Il y a quelques petits détails sur son interlocuteur qu'elle tend à oublier.
    Putain, ouais. Mille ans, quand même...
    Une notion qui lui donne le tournis et qu'elle a du mal à saisir. Après tout, une dizaine d'années lui paraissait déjà être une éternité, à son échelle, alors envisager quelque chose d'aussi immense était presque impossible. Ironiquement, pourtant, l'idée d'un changement complet ne lui déplaît pas.

    « Ouais. Un peu, en vrai, mais... »

    Il serait mentir que de dire qu'elle ne rêverait pas un peu de ça, en réalité. D'un monde complètement différent de celui qu'elle connaît. Il serait sûrement moins décevant. C'était un peu pour ça qu'elle était venue ici, aussi. Yggdrasil était un peu la promesse d'ailleurs.

    « C'est bête, mais je ne voulais que ça, moi, que... Les choses changent. »

    Sa gorge se serre un peu. Elle ne sait pas si elle s'attendait à cette caverne pleine de cristaux, à vrai dire, ou si elle s'en satisfait. Elle n'a pas vraiment envie d'y penser ; de toute manière, ce n'est pas comme si elle avait quelque part où retourner. Elle n'avait qu'elle-même, au final. Et dans ce que dit la sirène, il y a un point qui résonne chez elle.

    « Mais... Quand je suis sous mon autre forme, eh bien... Je me sens mieux. »

    Bien mieux. Parfois, lors des nuits un peu plus pénibles que d'autre, c'est un réconfort dont elle ne peut pas se passer. De temps à autre, il lui était arrivé de se demander si ça ne serait pas une meilleur vie, de rester ainsi pour toujours.

    « Plus... Moi-même. »

    Son regard se voile un peu. Inconsciemment, elle s'est détendue plus qu'elle ne l'aurait cru.

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    les petits poissons dans l'eau
    L'eau n'est plus danger pour le chat. Howl l'aide à revenir doucement vers la berge. Astrid n'est pas méchante, mais elle ne peut sans doute pas comprendre. De toute façon la sirène ne compte pas sur les Altissiens et les Caldissiens pour savoir ce que ça fait, de se mettre à leur place. Elle pardonnera toutefois à l'animorphe puisque cette dernière semble un peu moins bouchée que ses compères parées de rouge. Celui aux cheveux flashy a cependant du mal à saisir le sens de ses propos, se demandant bien quels changements elle désirait. Par rapport à Yggdrasil ? Par rapport à son pays d'origine ? Par rapport à sa vie personnelle ? Il ne sait pas ce qu'elle a vécu, la féline fait peut-être référence à quelque chose que Howl ne peut pas capter sans éléments essentiels. Lui aussi, dorénavant, il rêve pourtant de changements. Des changements comme le départ des Altissiens et des Caldissiens et le retour à une vie plus ou moins normale où lui et les siens n'auraient pas à subir la pression et l'autorité de peuples venus pour établir une paix fictive.

    L'onde a changé. Elle s'est apaisée. La sirène aussi s'est calmée. Il y a encore beaucoup de rage en elle par rapport à sa situation mais ce n'est pas dirigée envers l'adolescente qui s'exprime finalement sur son propre ressenti par rapport à son espèce. Un ressenti qui ne peut être compris que par ceux qui ont totalement embrasé leur sang pour ne faire plus qu'un avec. Howl se demande parfois s'il aurait eu autant de plaisir à appartenir à une autre race. Sûrement que la satisfaction qu'il ressent en étant une sirène aurait pu se calquer autre part s'il avait partagé d'autres origines.

    « Eh bien il y a certaines choses sur lesquelles nous pouvons nous comprendre, après tout. »

    Eossien, Altissien, finalement des faits les rassemblent parfois quand ils laissent les injustices de côté et que tout le monde est sur un pied d'égalité. Il ne sait pas d'où vient Astrid mais elle a l'air bien différente des autres Altissiens qu'il a pu croiser. Bien différente par exemple déjà de cet autre adolescent qu'il a rencontré par un malheureux hasard au sein de la ville et qui défendait farouchement un terrain Altissien. La panthère est fidèle à l'animal en elle ; elle a ce côté sauvage qui la rend, aux yeux de Howl, plus humaine et appréciable que les semblables de la jeune fille.
    Lorsqu'il est aveuglé par un rayon qui traverse les arbres, Howl se rend compte de l'heure qui a tourné. S'il reste trop longtemps dehors, ses parents vont finir par s'inquiéter ; et même s'il voudrait faire ce qui lui plaît, il ne veut pas les inquiéter.

    « Je ne peux pas rester plus longtemps, je dois rentrer. »

    Détaché, il l'est peut-être un peu trop. Il ne sait pas trop quoi dire à Astrid, hormis que sa compagnie fut moins déplaisante qu'il ne l'aurait cru : et en ses termes, ça veut dire en fait qu'il l'a appréciée. Mais il a un peu trop de fierté envers les Altissiens, même elle, pour admettre une telle chose. Alors il le dit à sa manière.

    « Si tu veux d'autres cours de natation, tu pourras me retrouver ici de temps à autre. Essaye quand même de pas te noyer avant, en attendant. »

    La sirène lui lance un petit sourire en coin, ses jambes commençant à plonger de nouveau dans l'eau du lac. Il ne sait pas s'il reverra la panthère, mais il lui lance quand même un dernier regard en arrière, avant de lui faire un signe de la main et de disparaître enfin sous la surface de l'eau.

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