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  • Les petits poissons grillent aussi bien que les gros
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    Le dragon n'est plus, miracle est arrivé. Yggdrasil a protégé sa cité. Des mois de siège éreintant cessent, la ville millénaire respire à nouveau. Chaque soir, sous la lueur émeraude et bienveillante du grand arbre, les éossiens fêtent et célèbrent ceux tombés au combat. Après tant d'épreuves, la ville semble reprendre vie...
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    Les petits poissons grillent aussi bien que les gros
    avec Samaël Enodril



    Encore une belle matinée qui s’annonce en Yggdrasil. Il fait beau, les oiseaux chantent et les poissons font bloublou en observant le monde de leurs pupilles plus vides que le néant lui-même. Eh. J’espère que ma tronche de requin ne me donne pas une aussi sale gueule car en l’état, je n’inspirerais pas la confiance à grand monde. Mais mon physique n’est pas exactement ce qui m’importe actuellement. Je suis censé vérifier les réserves de nourriture que je veux apporter aux quartiers eossiens aujourd’hui. Ça demande de la concentration, de faire de genre d’inventaire et c’est un peu chiant mais bon, je me dis que c’est pour la bonne cause… et je me retrouverais Gros-Jean comme devant s’il me faut faire un aller-retour supplémentaire, qui fera en plus perdre leur temps aux gens que je souhaite aider.

    Au final, je crois que j’ai fait un peu de zèle. Mon sac, entre la bouffe, les ustensiles de cuisines et d’autres trucs plus ou moins inutiles est plein à craquer. Héhé. Il va exploser en chemin, si ça se trouve, « PAF ». Héhé. Ce serait rigolo. Sauf si la nourriture est gâchée. Hmph. Pas le temps de vérifier ma cargaison et de retirer le trop-plein, je suis déjà bien trop à la bourre. Heureusement, les quartiers eossiens ne sont pas très loin du quartier des loisirs. En plus, ça descend. Et le coin est tout de même joli. M’est avis que, tout de même, ce serait sympa de donner à nos compatriotes fans des arbres des logements un peu plus grands et neufs… je me demande s’ils n’auraient pas besoin d’aide pour des travaux ? Bref.

    Je trouve rapidement mon coin habituel et installe mon matériel. Il n’y a pas foule aujourd’hui mais je commence tout de même à préparer les grillades bien assaisonnées et je réchauffe le riz préparé à l'avance. L’odeur se repend rapidement sur la petite place, certains passants me reconnaissent et les habitués viennent chercher leur part. Je ne prête pas trop attention à certains regards en biais que l’on me lance. Je ne veux pas faire de vagues et depuis que je passe dans le coin, on n’a pas encore exigé que je m’en aille (enfin, il y a eu ce type bizarre aux yeux globuleux qui m’a gueulé dessus à un moment mais j’ai pas tout compris), donc… bah, je vis ma vinaigrette et on verra bien.

    Au bout d’une petite demi-heure, les gens affluent un peu plus et je leurs distribue leur grillades. Je fais un peu la conversation à certains, que je sens tout de même méfiants et je ne peux pas vraiment leur en vouloir, surtout quand j’aperçois une patrouille altissienne s’approcher. Un petit nombre d’eossiens s’éparpillent sur la place et dans les rues adjacentes a mesure que les militaires se rapprochent. Pour être tout à fait honnête, je ne suis pas plus à l’aise devant les gens en armure mais je fais comme si ne rien était, en continuant mon ouvrage. J’espère qu’on ne va pas me demander de me justifier sur ce que je suis en train de faire. La flemme d’avoir des ennuis ou d’en causer aux natifs. Ce que je fais n'est pas interdit, que je sache.


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    20 octobre
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    Les petits poissons grillent aussi bien que les gros
    avec Quinquin le Requin
    Journée ordinaire dans la cité. Le temps est beau, le ciel est bleu, j'ai des amis qui sont aussi mes amour-...

    « Attendez... Qu'est-ce que ça sent ? »

    Je fais arrêter mes gardes, le temps de sentir davantage la bonne odeur qui s'est élevée dans l'air.

    « Euh... J'sens rien, moi.
    - Ouais, moi non plus. »

    Un parfum de grillade qui me donne l'eau à la bouche. Comme hypnotisé, je descends les rues pour en trouver l'origine, ne faisant pas attention aux remarques des soldats derrière moi. Même si je n'ai plus à patrouiller, après ma nomination en tant que Général, je continue tout de même à le faire, accompagné ou accompagnant. Ce sont eux cette fois qui ont demandé à me joindre quand je leur ai dit que j'allai surveiller les quartiers des Eossiens.
    'Au cas où, vous savez... On est jamais trop prudents avec eux.'
    Je pouvais comprendre, autrefois. Ou du moins, je croyais pouvoir le faire. Je disais la même chose qu'eux, après tout, il y a quelques mois. Mais bien des choses ont changé dernièrement. Je confonds les Eossiens avec le reste, à présent, quand j'en faisais une certaine distinction auparavant, me méfiant d'eux même quand ils ne faisaient rien. Nous soupçonnions que cela puisse être de leur faute, ce qui est arrivé à nos souverains. Le mystère à ce sujet reste encore à élucider mais j'ai pris conscience que, même si nous avions nos raisons de douter des natifs -puisqu'ils avaient les leur de prendre la vie d'Hincmar et Adélaïde-, nous aurions dû éviter les conclusions trop hâtives et faciles. Au fond, je crois que nous avions peur de découvrir que les coupables puissent être des Altissiens et des Caldissiens. C'était plus simple de rejeter la faute sur ces personnes dont nous avons pris les terres.
    ... Emprunter. Emprunter les terres.
    Avec un peu de honte, je n'arrive pas à avouer et assumer totalement ce que nous avons fait ; en tout cas, j'y arrive de moins en moins. Je ne veux pas me dire que nous leur avons piqué cet arbre légendaire ou cette ville, alors que les maisons que nous occupons avaient bien des habitants à l'intérieur, avant que nous ne débarquions. On préfère se dire que, puisque nous sommes les descendants des Eossiens, nous ne faisons que récupérer ce qui a pu appartenir à nos ancêtres. Là aussi, c'est une facilité.

    L'odeur m'entraîne jusqu'à une place où il y a déjà quelques personnes. Certaines se retournent vers nous lorsque nous arrivons, avant d'engager des murmures à notre encontre et de détourner les yeux.
    'Ne les regarde pas, Igerne, ils sont dangereux.'
    Une mère s'éloigne en entraînant sa petite fille qui nous observe avec curiosité avant de suivre docilement sa mère, la tête basse. Un soupire m'échappe. Je suppose que je ne peux pas leur en vouloir, même si notre rôle n'est clairement pas d'effrayer la population.

    « Général, vous aviez raison, il y a quelqu'un qui fait un barbecue !
    - Mmmmh quelle bonne odeur !
    - Haha ! Matez le pif du cuistot ! C'est un gros poisson ! »

    Intrigué, je tourne mon regard vers la personne qui a attiré l'intérêt des autres. Je cligne des yeux de surprise en découvrant un requin -sans doute un animorphe du coup- s'affairant à retourner des brochettes qui ont l'air bien appétissantes et me font déglutir. Les soldats ne se privent déjà pas et sont allés voir de plus près, bousculant un peu au passage quelques Eossiens.

    « Hé, hééé, doucement, là. »

    Je les fixe d'un air brièvement sévère et entendu pour qu'ils se calment. Gênés, les trois gardes se mettent en retrait mais louchent tout de même sur les garnitures. Je lève les yeux vers le gros requin.

    « Excusez-les, ils sont très mal élevés, haha. »

    Par Oros, j'espère que je n'étais pas aussi pénible moi-même.
    Mais nous savons tous la réponse à cette question.

    « Je... Je ne crois pas vous avoir déjà vu dans le coin. Vous tenez un stand itinérant ? »

    J'essaye de le regarder dans les yeux mais je suis un peu perturbé par les deux billes noires au milieu de son visage ainsi que par sa dentition ma foi impressionnante mais qui ne mettent pas tout de suite à l'aise.

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    Les petits poissons grillent aussi bien que les gros
    avec Samaël Enodril



    « Rooooooohhhh. »

    La rumeur est confirmée : les militaires s’en vont dans notre direction. Tu vas voir qu’ils vont, au choix : me demander d’un air méfiant ce que je fais à donner à manger à « ces gens-là » sans oser nommer les Eossiens ou simplement passer devant tout le monde en espérant avoir leur part. Tout ce qu’ils auront, c’est des brosses pour se coiffer leurs poils de fesses gras, ouais ! D’accord, d’accord, je suis un peu mauvaise langue car je n’aime pas tellement être dérangé quand je travaille. Je ne camoufle pas mon exaspération en grimaçant dans leur direction tandis qu’ils progressent vers ma petite cuisine de fortune. Immédiatement, une partie des eossien.ne.s qui étaient venues prendre leur part et qui mangeaient en famille sans déranger personne décident de se lever et de partir à la vue des soldats. Ça me fait un pincement au cœur. Mon poing se serre… ils ne peuvent même plus manger tranquillement dehors, dans leurs propres quartiers (enfin, les quartiers qui leur ont été imposés) ? J’essaie d’offrir quelques autres grillades à celleux qui s’en vont, je ne voudrais pas qu’ils se sentent obligés de partir mais je suis plutôt impuissant face au mouvement qui s’enclenche.

    Et, finalement les soldats se retrouvent en face de moi. Je l’avais prédit, les voila qui passent devant tout le monde pour observer ma tambouille. Je ma redresse sur toute ma hauteur et les fixe de mon regard le plus noir. Je grogne pour attirer leur attention et les forcer lever la tête vers moi.

    « C’est pas pour vous. Priorité aux eossien.ne.s. »

    Ça ne me fait pas plaisir d’être aussi sec, mais la scène est un peu difficile à soutenir. Bon… Peut-être que s’ils sont sages, qu’il en reste à la fin et qu’ils ont de quoi payer, je leur donnerais des restes. Qu’est-ce qu’ils vont faire, hein ? M’arrêter ? Avec leurs carrures de mini-crottes déshydratées à peine sorties… ? Ah, le manque de fibres… Et quand bien même, ils m’arrêteraient pour n’avoir absolument rien fait de mal… ? Bon… je pense bien qu’ils en seraient capables, s’ils sont vraiment pourris ils seraient capable de trouver une excuse. Si j’étais éossien, ce serait une raison suffisante, par exemple, pas vrai ? ‘Faut que je me contienne pour pas leur montrer les dents et grogner une fois supplémentaire. C’est pas dans mon caractère d’être aussi grincheux et négatif, normalement mais… dans l’absolu, j’espère qu’ils ont compris que je ne veux pas les voir griller la file. Bon sang, tu parles de ruineurs de bonne ambiance ! Ils m’ont mis de mauvais poil.

    Mais voilà qu’un autre ramène sa fraise. Il semblerait qu’il soit le supérieur des tanches en armure de tantôt. Il a déjà l’air une chouille moins bête que ses prédécesseurs (oui c’est moi qui dit ça, j’ai jamais dit que j’étais de bonne foi hein) mais je continue d’être sur mes gardes en l’observant d’un regard en biais. Il s’excuse pour ses sbires et je ne sais pas s’il attend que je réponde à ça.

    « « Mal élevés », hein. Vous appelez ça comme ça, vous. »

    Pas que ce soit faux, mais personnellement je mettrais plutôt ça sur « les militaires ont tellement l’habitude de se croire tout permis ici qu’ils trouvent normal d’abuser de leurs petit pouvoir ». Enfin… Le gradé s’intéresse à ce que je fais et à qui je suis, maintenant. C’est un interrogatoire camouflé ? Bah, qu’importe, de toute façon je n’ai rien à cacher ni à me reprocher.

    « Ouais. J’ai une auberge dans le quartiers des loisirs. J’viens ici distribuer des repas quand j’ai l’temps pendant la semaine. »

    Je m’active sur mes grillades sans lever mon gros tarin de requin vers mon interlocuteur. Hé,  s’agirait pas de rater mes petits plats pour ses beaux yeux !

    « Vous faites vot’ ronde et z’avez un ptit creux ? Malheureusement pour vous et vos gars, j’suis là pour les oessiens. Si vous avez faim, ‘faudra attendre que y’ait pu personne. »


    Et s’y sont pas sages, ce sera pas gratuit pour eux, faut pas déconner… Je m’y connais pas exactement en ce qui concerne l’armée, sur combien les soldats ou les gradés gagnent leur croute… mais je sais que c’est pas les plus à plaindre en Altissia. Et puis, surtout, eux, y sont pas discriminés quotidiennement au point que ça leur pose problème pour vivre sereinement, trouver du travail en ville ou plein d’autres choses importantes. Dans tous les cas, je suis en plein boulot et je n’ai pas vraiment le temps ou le goût pour échanger des politesses avec le grand dadais aux yeux ambrés devant moi… dans d’autres circonstances il m’aurait sûrement été sympathique donc j’espère qu’il ne le prendra pas personnellement et qu’il comprendra.



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    20 octobre
    1001
    Les petits poissons grillent aussi bien que les gros
    avec Quinquin le Requin
    « Heeeeeh ? »

    Les soldats qui m'accompagnent sont outrés de savoir qu'ils passeront après les Eossiens. Il y a quelques mois, j'aurais sans doute fait la même moue. Aujourd'hui, je me dis... Que ça doit être normal. Même si les Altissiens et les Caldissiens ont bien plus de privilèges, nous sommes dans leur quartier, après tout. Cela ne me semble pas -ou plus- si bizarre de considérer que nous pouvons passer après eux.
    Est-ce que c'est normal que je me mette à penser ça ? J'ai l'impression que les autres ne sont pas du même avis...
    Je m'interroge moi-même sur les propres changements qui se sont opérés en moi ces derniers temps, conscient que le comportement des chevaliers sous ma tutelle ne m'est pas étranger, mais que je ne parviens pas à m'y retrouver. Quoiqu'il en soit, le gérant du stand n'a pas l'air de nous avoir à la bonne. Bon, je ne peux pas lui en vouloir, vu qu'on est un peu arrivés avec nos gros sabots. Je commence à avoir un peu honte des manières bourrines de mes gars. Est-ce que tous les soldats se mettent autant à l'aise ?.. Je ne m'en étais jamais rendu compte. Le requin a l'air de plus en plus embêté par notre façon de faire mais se présente quand même, ou du moins nous avoue son métier, et je devine qu'il ne s'agit peut-être pas d'un Eossien.
    S'il possède une auberge, c'est qu'il doit être Altissien ou Caldissien, vu que les Eossiens n'ont pas le droit d'être propriétaires hors des quartiers Eoss-...

    « Quoi ?! Eh mais c'est pas juste ! »

    Tiens, mais... Maintenant que j'y pense, les Eossiens n'ont aucun droit en dehors de leur zone réservée, alors que je crois que nous n'avons aucune restriction pour notre part...

    « Bah alors comme ça on a plus l'droit de se faire servir comme tout le monde ? »

    Je n'avais jamais fait attention...

    « C'est de la discrimination envers les Altissiens ! On est pas traités pareil ! »

    Perdu dans mes pensées, j'ai laissé les soldats déblatérer avec l'animorphe mais je finis par sortir de mes réflexions. Il est sans doute temps de calmer le jeu avant que ça ne s'envenime.

    « A-Allons, allons ! 'Discrimination', euh... Je crois que le terme est un peu fort, vous ne trouvez pas ? Haha !.. »

    Je retiens mes gardes avant qu'ils ne sautent à la gorge du gros poisson, ne désirant pas créer une querelle aujourd'hui. Je sens bien qu'ils sont énervés d'être traités différemment. Et c'est bien normal, non ? Personne n'aime sentir qu'ils n'ont pas les mêmes droits.

    « C'est euh... Un menu spécial pour les Eossiens, peut-être ?.. Je suis sûr que ça n'a rien avoir avec euh... une forme de discrimination, n'est-ce pas ? »

    « Vous ne nous considérez pas comme vos égaux, vous nous soupçonnez et vous vous montrez insultant ! Demandez-vous une seule seconde pourquoi ceux que vous êtes supposés défendre vous détestent ! »
    Les mots du moine me reviennent en tête comme un coup de tonnerre. Si je tente d'apaiser les choses, je me sens pourtant de moins en moins à l'aise au fur et à mesure.

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    Les petits poissons grillent aussi bien que les gros
    avec Samaël Enodril



    Pourquoi je me suis imaginé qu’y allaient bien réagir en fait ? Quel con. Je suis bien naïf. Les militaires commencent à chouiner comme des gros bébés quand je leur refuse le service. Ils ne voient vraiment pas le problème de passer devant des gens qui attendent depuis un petit moment comme si c’était tout à fait normal ? Pour ensuite me faire passer pour le sale con de service qui ferait de la discrimination ?! Bordel a queues de fion de cul de mon croupion de chiotte… ne me lancez pas sinon vos oreilles vont commencer à siffler. Et je n’aime pas crier. Par-dessus-tout, je n’ai pas envie d’effrayer les eossiens.

    Et leur supérieur qui essaie d’arrondir les bords… il n’est peut-être pas dans la bonne position actuellement mais je le trouve bien naïf. Combien de panneaux et d’affiches et de centre-ville en feu il va leur falloir pour comprendre ?! C’est parce que ce sont des soldats qu’ils sont bouchés à ce point ? Non, parce que, tout de même… je suis pas très malin. Vraiment pas. Et pourtant… je ne comprends pas comment on peut -être aveugle à ce point. Bon, c’est ça aussi, quand on est privilégié. On préférerait voir les moins nantis mourir dans la rue et s’étouffer que juste leur tendre la main ou se conduire décemment. C’est ça, hein ? Et merde… restes-calme Aaronounet. Penses à tes brochettes, ne réagis pas… c’est pas ton rôle de leur donner des explications comme si c’était des enfants de 5 ans un peu con-cons.

    Mais j’ai l’impression que le miliaire le plus gradé joue à l’imbécile, là. J’ai l’impression qu’il comprend très bien ce qui se passe et les problèmes que ça soulève, mais qu’il ne veut pas le dire à voix haute. Il faut que ce soit moi le méchant pour que lui ne perde pas la face devant ses sbires, c’est ça ? Boudiou…

    « …Achetez-vous une décence, par Oros. V’z’êtes pas discriminés. Et v’z’avez les moyens d’aller vous acheter à manger ailleurs. Donc, laissez ces gens avoir juste un petit moment de calme, pour une fois. Vous leur faites peur. »

    Je fais au mieux pour être calme mais ma voix tremble. J’ai envie de leur hurler des tonnes d’insultes à la face mais plus personne ne m’écouterait, alors. Et j’effraierais les gens pour qui je suis venu à la base.

    « Vous avez aucune fichue idée de ce que c’est, d’être discriminés. »

    Je ne peux pas parler pour les eossiens, je ne peux pas prendre leur douleur et leurs difficultés car je ne la vis pas. Mon expérience de la discrimination n’a rien à voir avec la leur, mais j’en sais assez pour savoir que l’isolement, la peine et la colère qui vient avec tout ça, c’est destructeur. Je veux être leur allié. Et si ça me vaut de me faire taper dessus par des petits soldats avec des stupides armures moches, bah, tant pis. J’ai la peau dure et je ne riposterais pas. Ils seront en tord sur toute la ligne.

    Mon regard se pose sur le soldat aux yeux dorés, qui semble être à peu près à même d’être raisonné.

    « Les eossiens, y ont droit à aucun traitement de faveur. AUCUN. C’bien ça, l’problème. Y’a pas de « menu spécial », y’a rien d’ce genre qui existe… mais ça devrait, si vous voulez mon avis. Vous leur avez déjà pris leur cité, vous les empêchez d’bosser et d’vivre normalement et maintenant vous voulez leur piquer leur repas ?! »


    Crotte. J’ai élevé la voix. Je suis tendu dans tout mon corps et je déteste ça. Trembler de colère à force de me contenir, c’est vraiment un des pires trucs à ressentir. Je souffle fort des naseaux et des bronchies. Ma voix se pose à nouveau et je regarde ailleurs, pour ne plus voir les yeux de biche des militaires qui ne comprennent rien en face de moi.

    « V’z’attendez quoi, en fait ? Z’avez le pouvoir d’aider et vous restez planté là, à regarder vos sbires passer devant des gens qui viennent juste se rassembler pour manger un bout sans faire de mal à personne. Z’êtes bouchés à ce point ou vous voulez juste pas regarder là où il faut ?! »

    Je pense que le gradé n’est pas bouché. Vraiment, il ne donne pas cette impression. Evidemment, que la situation est complexe, évidemment que sa position n’est pas simple mais au fond… quelle importance ? Je vais pas commencer à le plaindre… Ça ne fait pas avancer le shmilblick. Et le plus triste c’est que s’ils m’écoutent, moi, aujourd’hui, car je suis altissien… bah, je me dis qu’il y a des chances qu’ils n’écoutent toujours pas les eossiens demain.



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    20 octobre
    1001
    Les petits poissons grillent aussi bien que les gros
    avec Quinquin le Requin
    Les militaires à mes côtés sont dubitatifs de ma tentative pour apaiser la situation ; et ils ne sont pas les seuls. Je sens l'agacement du requin en face de nous monter progressivement. Mes doutes se confirment cependant. Pour parler au nom d'Oros, ça ne peut qu'être un Altissien. Et je dois avouer être plutôt surpris de voir l'un des nôtres aider les Eossiens, être naturellement bienveillant avec eux. Je n'ai pas trop l'habitude ce genre de comportement dans la caserne. Beaucoup pensent encore qu'ils doivent aider les Eossiens comme si c'était des enfants ignorants et d'autres se demandent s'ils ne portent pas en eux une malédiction qui a mené à la mort de notre souveraine. Il faut dire que les Quartiers Eossiens abritent naturellement surtout des natifs, à quelques exceptions. Mais de loin, je ne peux pas les discerner des Altissiens ou des Caldissiens (normal, si nous avons en plus des gênes en commun). Alors on va dire qu'en dehors des célébrations où tout le monde se joint à la partie, je n'ai pas été souvent témoin d'échanges complaisants entre nos peuples et celui d'Yggdrasil. Pourtant... Pourtant j'ai de plus en plus envie de croire qu'une véritable entente est possible. Au départ, je n'étais pas sûr. Je ne savais pas quelle position nous avions auprès de nos ancêtres. Je croyais que notre devoir était de les guider dans ce monde où ils venaient de se réveiller. Que c'était logique que nous venions auprès d'eux en tant que guides et que nous avions quelques... bonus ?..
    ... C'est bien ridicule, dit comme ça.
    Surtout que j'ai fini par comprendre, au fil de mon ouverture aux Eossiens... Que nous n'étions peut-être pas si différents. Que je n'avais pas l'impression de parler avec des personnes inconscientes ou immatures. Au contraire, même, quand j'y songe, ils ont prouvé à de multiples reprises qu'ils voulaient s'exprimer et qu'ils avaient des choses à dire.
    Est-ce que lui, été discriminé pour son apparence ? Comme... Rosie qui avait peur de montrer son visage ?..
    Je sens que mes soldats se moquent pourtant de ses plaintes. Qu'ils considèrent qu'il est comme nous puisqu'il vient des mêmes contrés, qu'il n'a pas de leçons à donner. Je crois pourtant comprendre un peu ce qu'il veut dire. Ou du moins, imaginer ce à quoi il peut faire allusion.
    Non ! Non, je ne veux rien leur piquer...
    Mes sourcils se froncent, mais je garde mon calme. Alors que l'attention de l'animorphe se porte sur moi, je soutiens son regard, avant de le détourner brièvement lorsque j'entends murmures autour de nous aller dans le sens du cuisinier.
    J'ai le pouvoir de les aider ?.. Vraiment ?..
    J'aimerais bien me dire ça. Me dire que je peux faire quelque chose. Que je peux faire la différence. J'en suis de moins en moins sûr. J'ignore si j'ai l'autorité suffisante pour protéger ces gens. Je ne peux pas non plus les obliger à me laisser les aider s'ils ne veulent pas.

    « Hé, l'autre ! T'en profite bien aussi, d'la cité, non ?! »

    Mais calmer les ardeurs des miens, ça, je peux faire. Les soldats devant le stand s'échauffent, s'énervent. On croirait qu'ils vont sauter sur le requin d'un instant à l'autre. Je crois que c'est l'heure pour moi d'imposer le holà. Cette situation commence à m'agacer, moi aussi.

    « Suffit ! »

    Mon ton est sévère mais pas impétueux. Je m'éclaircis la gorge, essayant de préserver un sang-froid mis à rude épreuve.

    « Nous ne comptions pas nous éterniser ici, de toute façon. Si tout est en règle... Nous y allons. »

    Je fais signe à mes subordonnés de me suivre. Outrés de la façon dont on leur parle, ils protestent cependant.

    « Beh Général, vous allez pas le laisser nous parler comme ça ! Il... 
    - J'ai dit suffit ! Nous avons sûrement bien mieux à faire ailleurs, vous ne croyez pas ? »

    Je crois que nous en avons assez fait pour aujourd'hui. Soutenant le regard des officiers, ces derniers hésitent à répliquer de nouveau mais ne se le permettent finalement pas. Ils se contentent de grommeler dans leurs barbes avant d'emboîter mon pas. Mais quand nous quittons la place, je sens tout à coup une certaine tension dans l'air. Et je sais que nous l'avons provoqué.





    Cet épisode aurait dû être classé sans suite, comme d'autres déjà auparavant. On aurait fini par l'oublier. Mais j'y ai pensé durant le reste de notre patrouille, et je n'ai pas pu rentrer chez moi avant d'aller faire un autre tour là où nous étions tout à l'heure. La soirée va commencer doucement. Peu à peu, les gens quittent la place. On éclaire les rues au fur et à mesure pour laisser sortir les noctambules. J'en fais habituellement partie mais ma tête est ailleurs pour le moment. Je reviens, cette fois seul, au stand du requin qui s'occupe de ranger ses affaires, sûrement afin de rentrer chez lui.

    « Il aurait été difficile d'être bouché, vu comment votre voix porte. »

    Mon armure ne me quitte jamais vraiment. Ce n'est pourtant plus en tant que patrouilleur que je suis revenu. J'ai pris le temps de faire reposer mes idées. Sans mes hommes autour de moi, je me sens plus léger.

    « Nous ne voulions pas vous importuner pendant votre tournée. »

    Alors je commence avec calme, sans animosité ou tentative de me faire pardonner. Je ne suis pas venu pour ça.

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    Les petits poissons grillent aussi bien que les gros
    avec Samaël Enodril



    Je commence vraiment à me dire que ça pourrait mal tourner, cette histoire. Et je me sens soudain con, à beugler comme ça, comme un imbécile… un imbécile un peu hypocrite, en plus, à donner des leçons comme ça, si j'en crois les remarques de ces petits malins de militaires. Je n'étais pas en train de leur faire la morale... si ?! Je veux dire… ce qu’ils entendent comme un vieux gars qui leur fait la leçon, de mon côté j’ai juste la sensation d’énoncer des évidences et de simples règles de savoir vivre qu'ils devraient connaître s'ils avaient un peu plus respecté leurs mamans (ou équivalent) !

    Est-ce que je devrais vraiment fermer ma grande gueule de poisson qui pue la marée juste car je suis Altissien ? Ils n’ont pas entièrement tord, en insinuant que je suis privilégié ici, en Yggdrasil, du simple fait de mes origines. C'est vrai, ça et j'ai jamais prétendu le contraire. Mais y’a quand même une différence entre être privilégié, et abuser de ses privilèges à n'importe quelle occasio, comme ils étaient bien tenté de le faire il y a quelques minutes.

    « Bah alors, vous admettez bien que c’est pas normal de profiter, bordel. »

    Rah, mince, je suis vraiment agacé et je deviens vulgaire chiotte prout putain merde merde fait chier comme dirait l’autre. Bref. Je vais vraiment la fermer et retourner à mes grillades, simplement encaisser par la suite… ils voudront avoir le dernier mot dans tous les cas. Je leur reproche de déranger tout le monde et au final c’est moi le plus bruyant. Tss… Ils m’ont mis mal à l’aise. Heureusement pour les eossiens et pour moi (je crois), leur supérieur est un peu plus avisé et décide de les emmener voir ailleurs. Je souffle de naseaux comme pour les encourager à partir fissa. Peut-être que quand ils seront plus loin, mes épaules se détendront enfin.

    Je ne leur dis pas bon vent, j’espère qu’ils ne m’en voudront pas (spoiler : osef en fait). Je ne suis pas soulagé de les voir partir... c'est plutôt l’inverse, en réalité. Je me dis que ceux-là sont partis mais que d’autres auraient pu réellement foutre la merde s’ils l’avaient voulu. Parce qu'ils le peuvent, justement. Personne ne serait venu leu taper sur les doigts. Je reste tendu le reste de l’après-midi et du début de soirée, en craignait de voir une autre patrouille moins « cool » passer dans le coin et rejouer la scène en pire. Ma plus grande peur seraient de voir les soldats en venir une fois de plus au mains face à des civils… j’ai envie de penser que je me battrais pour eux, que je les protégerais mais… je sais pas si j’en suis si capable. Je rugis, je fais peur, je montre les dents, je fais barrage avec mes 2m15 intimidants mais faire de la bagarre, ça. Non, je sais pas me battre. Et c’est surement très naïf, mais j’espère jamais avoir à guerroyer, frapper, blesser voire pire. Or, ça… c’est  des trucs que certains soldats font surement sans plus même y faire attention, « car on leur a ordonné ». On est vraiment pas sortis du sable…

    J’échappe un soupir et je constate que la file devant mon étalage a considérablement réduit. Elle a quasiment disparu en fait. Je sers du rab à quelques derniers passants et vois qu’il m’en reste un peu, comme d’habitude. Je grignote quelques restes en entreprenant de ranger mes affaires, tandis que le crépuscule s’avance… je sais pas si je pourrais servir à manger à l’auberge, ce soir. Peut-être qu’Olaf a raison quand il me dit que je devrais embaucher de l’aide mais… argh… j’ai pas encore assez pour payer un salaire raisonnable à un.e employé.e.

    Je me sens me détendre en nettoyant les couverts et mes ustensiles, en retirant enfin mon tablier qui me serrait un peu. Puis, un coup d’œil sur le côté et l’anxiété me gagne à nouveau. Le gradé de tout à l’heure est revenu. J'observe tout autour, pas très à l’aise avec l’idée qu’il pourrait revenir avec tout le régiment. …Ce serait un peu ridicule, cela dit. Tout un régiment de grands messieurs avec des grandes épées juste pour ma petite personne, faut pas exagérer, les gars, huhu. Bref, non, il est revenu tout seul comme un grand garçon. Je m’attendais pas à revoir sa tronche de cake après notre « échange ». Je reste sur mes gardes tandis qu’il s’approche et va certainement m’adresser la parole, me faire une vanne un peu coconne, même. Mais bon, ça me fait ricaner et je serais vraiment le pire de critiquer l'humour des autres vu le niveau du mien.

    « Héhéhé. Si j’vous ai cassé les oreilles j’vous l’dis de suite : j’suis pas désolé. »

    Je prononce mes paroles avec un sourire narquois mais un regard pas moins sincère. Machinalement, je vais ranger mes casseroles et mon tablier dans mon gros sac. Quand c’est fait, je m’asseois sur un petit escalier et je souffle enfin.

    C’est marrant, le châtain a l’air en quête de réponses, après ce qui s’est passé en début de journée. Ou alors il est vraiment là pour s’excuser ? Je fais la moue. A vrai dire, je m’en fiche un peu, de ses excuses. J’en ai vu d’autres.

    « Mouais… mais v’nez pas vous excuser chez moi, en fait. J’m’en fous. C’est aux eossiens que vous avez effrayé et dérangé en plein repas qu’y faut vous excuser. »

    Mes yeux balaient les environs, les rues presque vides tandis que le couvre-feu ne va pas trop tarder. Y commence à faire sombre et j’y vois pas super bien dans la nuit… mais mon regard s’arrête sur ce qui reste de mon étale et quelques petites brochettes pas finies. J’en prends une, elle est tiède-froide et la texture du poisson n’est plus aussi savoureuse, mais ça se mange bien. J’esquisse un signe de tête à l’adresse du militaire.

    « ‘Pouvez prendre la dernière si vous voulez. »

    Je m’avachis sur les marches et me gratte le bide. Je suis fatigué, je vais écraser, ce soir… enfin, ma journée de travail n’est pas terminée. M’enfin. J’aime pas trop dormir, toute façon.

    « Z’êtes revenu juste pour vous excuser ou bien ? Si vous rev’nez pour m’arrêter, faites pas d’chichis, dites-le et on y va. J’veux pas que ça traine, j’ai encore du boulot ce soir. »

    En vrai, j’ai pas l’impression qu’il va m’arrêter. Je dis un peu ça pour le provoquer, j’avoue. Ce serait bizarre qu’il revienne tout miel pour ensuite me dire « haut les mains peau de lapin la maitresse en maillot de bain ». Après, je sais pas, y’a des gens chelous, parfois…


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    20 octobre
    1001
    Les petits poissons grillent aussi bien que les gros
    avec Quinquin le Requin

    Je savais qu'il n'était pas du genre à se laisser faire. Même tout à l'heure, il s'est bien défendu. Au moins, il a l'air plus détendu. Sans doute parce que je ne me suis pas ramené avec les autres. Si c'est pour qu'ils finissent par en faire du requin frit, c'était pas la peine. Quoique, costaud comme il est, la tâche serait restée ardue. S'il ne veut pas d'excuses, après tout, je n'en ferai pas. Il n'y a plus trop d'Eossiens dans le coin alors ce n'est pas eux non plus que j'irais voir. Rien ne m'oblige à le faire, alors. Je ne manque toutefois pas d'afficher un air surpris lorsqu'il me propose sincèrement une des brochettes qu'il lui reste. Ce sont sans doute les dernières qu'il a, celles qui donnaient envie à mes soldats tout à l'heure.

    « C'est gentil, je n'ai pas très faim. »

    Dis-je avant d'entendre mon ventre grogner comme pas possible. Les joues rouges face aux caprices de mon estomac, je m'éclaircis la gorge en tentant de pas avoir l'air plus ridicule qu'actuellement.

    « M-Mais si vous insistez... C'est gentil. »

    Humblement, je lui prends sa brochette. Ce n'est pas comme s'il venait de la cuire, bien sûr, mais elle dégage quand même une agréable odeur. Celle qui était alléchante déjà un peu plus tôt et que je pouvais sentir à plusieurs mètres. L'eau me monte à la bouche alors que je commence à goûter le poisson grillé. Je préfère largement la viande rouge et la volaille, mais à ma grande surprise, c'est très loin d'être mauvais. Et je dis ça en euphémisme.
    C'est délicieux.
    Je ne m'attendais pas à aimer ça, mais j'avale le reste en me retenant de tout engloutir pour pouvoir profiter un peu quand même. Encore en train de mâcher mes bouchées, j'avale d'un coup pour pouvoir le regarder, étonné.

    « Vous arrêter ? Pourquoi faire ? Vous n'avez rien fait d'illégal. »

    Même assis, il reste assez imposant et je n'ai pas besoin de beaucoup baisser les yeux pour pouvoir le regarder. C'est qu'il a en plus une tête énorme... Je me demande si c'est vrai, que la faiblesse des requins est leur nez.

    « Enfin, sauf si ça vous ferait plaisir que je vous arrête. »

    Je hausse les épaules d'un air indifférent, ayant déjà été quelques rares fois confrontés à des gens qui tenaient absolument, pour une raison ou pour une autre, finir derrière les barreaux. Vu sa carrure, je ne sais pas si je serais venu seul, en plus, dans le cas où je devais l'arrêter. Je n'aurais même pas attendu aussi longtemps avant de revenir, quitte à me faire incendier par Eossiens. S'il avait fait quelque chose à l'encontre de la loi, alors effectivement, il aurait été de mon devoir de l'emmener ; et encore, je n'allais pas le mettre tout de suite derrière les verrous. Au fond, je sens que... Il a pas l'air bien méchant, on va dire. Ou désagréable. Tout à l'heure, il est vrai que c'est nous qui l'avons dérangé durant son travail, et que mes gardes ont été plutôt malpolis. Je n'ai pas hésité à remonter leurs bretelles une fois à la caserne, d'ailleurs. À être agressif de cette façon avec n'importe qui pour des broutilles, c'est un coup à provoquer des bagarres tous les jours, et j'aimerais éviter que l'armée Altissienne ait cette réputation de fouteurs de merde (même si c'est déjà un peu le cas ahem).

    « Je me disais juste que... C'était con de se prendre le chou pour une histoire aussi bête. On vient des mêmes montagnes, après tout. »

    Quoique dans ce cas, 'montagnes' est peut-être pas le bon terme ?

    « Enfin des mêmes euh... eaux ? »

    Bah euh... Les requins ça vit dans la mer non ? C'est comme les poissons. Je suppose. Quoique s'il tient sur ses deux pattes (ou plutôt jambes), il doit être accoutumé à la vie terrestre.
    Maladroitement, je finis la brochette, prenant davantage mon temps pour être submergé par les arômes qui s'en dégagent. Depuis que mes gènes animorphes se sont réveillés, j'ai l'impression de davantage pour discerner ce qui constitue de la nourriture, quand je me concentre assez pour deviner.

    « Et en plus... Elles sont bonnes, vos brochettes. Je pouvais sentir leur fumet de très loin ! »

    Bon j'avoue, je me la pète un peu. Je sais que les requins ont aussi un odorat de malade.
    Moi, me la péter avec mes gènes non humains... Je n'aurais pas cru.
    D'ailleurs, il semblait bien presser que je l'embarque ; ou du moins, que ça soit fait pour qu'il soit tranquille après. Mais n'allait-il rien faire contre ça ? Sans doute n'aurait pas osé créer du scandale, ou aurait-il accepté la punition sans broncher... Est-ce aussi facile d'arrêter même les gens qui sont de notre côté ?..

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    Les petits poissons grillent aussi bien que les gros
    avec Samaël Enodril



    C’est peut-être moi qui m’imagine des trucs, mais j’ai l’impression qu’il est pas hyper à l’aise, le jeune gradé. Je connais pas vraiment la tronche de nos militaires, leurs rangs, tout ça… les soldats et la guerre c’est pas mon truc. Du coup, je sais pas si ça se fait d’être familier avec un militaire d’un certain rang comme je le fais, mais comme mon interlocuteur ne dit rien (et a l’air le plus intimidé de nous deux), bah, je continue d’être comme d’hab’. Il finit par manger une brochette sous la pression de son ventre qui glougloute et déclare que je ne vais pas me faire arrêter, qu’il n’avait pas de raisons de le faire. Et c’est bien vrai, je tiens pas vraiment à finir la soirée dans une cellule.

    « Nan, ça ira. C’tait juste pour être sûr. »

    Fis-je avec un sourire narquois, résistant à l’envie de le provoquer encore un peu en lui demandant si sa réponse ou ses réactions de tantôt auraient été les mêmes si j’avais été eossien. Après on va dire que je fais une fixette, on aurait pas tord hein… peut-être que je devrais me calmer et cesser de parler à la place des autres. Enfin. Bref. On grignote en silence. Je ne sais pas quoi dire pour relancer notre conversation mais, fort heureusement, le châtain s’en charge bien.

    Je n’ai pas de sourcil à arquer lorsqu’il me parle de nos origines communes, mais j’aurais aimé. Car je ne sais pas où il veut en venir. C’est « con » ? Nous « prendre le chou » ? Je me mets à le fixer, mon gros pif se fronce de petites rides tandis qu’il parle des montagnes puis se corrige. Pour sa gouverne, je viens à la fois de l’eau et de la montagne mais peu importe. Je ne vois pas ce qu’Altissia vient faire dans la conversation mais il va peut-être clarifier son propos, donc je le laisse continuer. Il arrondit finalement les bords en complimentant mes brochettes.

    « Ah bah, merci. Un peu qu’elles sont bonnes, hé. »

    Je pense que je le comprends un peu, d’un côté… moi le premier, j’aime pas finir en mauvais terme avec quelqu’un à la suite d’une rencontre ou d’une conversation houleuse. Mais bon, des fois… bah, on peut pas s’entendre avec tout le monde, même si j’aimerais bien. J’aurais bien aimé pouvoir avoir de bon rapports avec mon con de frangin débile, aussi, hein, faut pas croire. Je sais pas où je vais avec ces banalités. Bref.

    « M’fin, vous savez, me chicaner avec vous et vos subordonnés ça va pas m'empêcher de dormir la nuit. Pis, comme vous l’avez confirmé, j’ai rien à me reprocher. »

    Par contre, me dire que, peut-être, des gens que j’aurais pu aider sont rentrés chez eux sans pouvoir manger, ça, ça me fout en vrille. Est-ce que je devrais lui dire ? J’aime pas continuer de faire la morale comme si j’étais son daron… bon je me comporte déjà comme un daron relou avec tout le monde, en un sens, je suis pas à ça près.

    « Y’a un truc qui m’chiffone, quand même. Si on est tous les deux altissiens, pourquoi y’a qu’moi qu’ça a l’air de faire vraiment chier qu’vous et vos sbires vous vous rendiez pas compte que vous empêchez les natifs de bien vivre dans leur propre ville car vous les terrifiez ? »

    Je pose mes interrogations d’une voix calme. Je suis plus zen que tantôt et je n’ai pas pour but de m’énerver ou d’agacer mon interlocuteur. Bon, je peux pas retirer une certaine provocation à mes mots, faut croire que je suis encore un petit con, quelque part, mais je veux tout de même comprendre. Je veux penser que tout le monde (ou du moins, la plupart des gens), a, au départ, de bonnes intentions. Mais je pense que lorsque les temps sont durs, nombreux sont celleux qui prennent de mauvais tournants qui les conduisent dans des impasses, comme celle qui pousse les eossiens à répondre à la violence par la violence.

    « J’me gourre ptet, mais j’ai l’impression qu’au lieu d’les aider, vous les fliquez juste à longueur de journée. C’est quoi vot’ plan ? ‘Fin… j’veux dire c’est pour ça que derrière, y réagissent en crament des trucs, vous pensez pas ? »

    Peut-être qu’il le sait, en fait, j’suis un peu débile, moi. Peut-être qu’il a les mains liées et ne peut pas faire grand-chose quand sa hiérarchie lui ordonne de continuer la répression. J’en sais rien. Mais j’ai du mal à me dire qu’on puisse rester inactif, même si on devrait, d’un point de vue pragmatique, rester tranquille. Greuh. C’est trop complexe pour moi tout ça. Je dois avoir les branchies qui fument.


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    20 octobre
    1001
    Les petits poissons grillent aussi bien que les gros
    avec Quinquin le Requin

    Pas que je m'attende à faire vraiment ami-ami avec le poisson-cuisinier, mais je trouvais que c'était quand même une bête histoire, ce qui s'est passé tout à l'heure. Je ne souhaitais pas que moi ou mes subordonnés on s'impose ainsi ou qu'on dérange les natifs. La scène a juste... dérapé. L'animorphe n'a pas l'air d'être un mauvais bougre, il voulait sûrement juste faire son travail ; je ne cherche pas à lui jeter la pierre ou à l'empêcher de trouver le sommeil. Nous ne sommes pas grand chose, après tout, le mois suivant, il nous aura oublié, de toute manière. En revanche, la suite me laisse pantois. Finissant la brochette, je mastique toutefois plus lentement lorsqu'il me parle de notre influence sur les Eossiens. Je ne m'attendais pas à ce qu'il évoque le sujet de but en blanc, mais je suppose que ce qui s'est passé tout à l'heure lui a sans doute laissé un goût amer. Les sentiments se mêlent entre agacement face à son insistance et lassitude. Nous terrifions et énervons les natifs. La vérité est difficile à entendre et à percevoir, mais une part de moi le sait depuis le début. C'est frustrant de se rendre compte qu'il y a rien de surprenant à ça. Comme si c'était une fatalité ou quelque chose auquel je devais me résoudre alors que ce n'était pas mon désir. Ça ne l'a jamais été. Même si... Même si j'ai fait et dit des choses que je regrette de plus en plus aujourd'hui. Je sais, tout ça. Tout ce que l'animorphe me dit. Plus personne ne peut rester aveugle ou se voiler la face. Nous ne pouvons pas rester dans l'illusion et nier ce qui est en train de se passer, même si nous voyions Yggdrasil comme une terre promise et légendaire où tout était possible, où tout était à faire et refaire. Nous aurions pu faire de grandes choses dans la cité et pour elle, mais j'ai l'impression que nous sommes passés à côté d'une ère grandiose et engageante, que nous avons raté un coche quelque part qui a amené le feu et le sang jusqu'ici.

    « Je ne sais pas à quelle réponse vous vous attendez. »

    Mes yeux se perdent dans le vague, ou plus précisément sur les pavés de la place. Quoi que je dise, j'ai la sensation que ce sera inutile. Que répondre à ça, de toute façon ? Est-ce qu'il s'attend à ce que je me défende ? Que je lui dise que j'adore fliquer les autres et faire en sorte d'embêter les Eossiens tous les jours ? Que ce qu'on attend de moi avec mon rang est peut-être, en vérité, différent de ce que je pense ? Que je ne sais pas trop où j'en suis, en réalité ? Que ma rencontre Shimomura a changé plus de choses en moi que je ne l'aurais pensé et que j'ignore quel chemin prendre, à présent ?

    « Mais c'est sûr que d'un point de vue extérieur, c'est de ça dont on a l'air. »

    Pourrait-il seulement comprendre ? J'ai envie de me dire que les civils n'ont pas les points de vue les plus objectifs. Qu'en soit, s'il y aurait un fond de vrai, la face cachée est bien plus vaste qu'on ne pourrait le croire. Mais je ne peux pas le blâmer de penser ainsi et ce ne doit pas être le seul. C'est sans doute, inconsciemment ou non, ce qu'on est fait. Une certaine fatigue m'entoure concernant cette question, pourtant. On pourrait croire que je serais en mesure de faire quelque chose. Mais est-ce aussi simple ? En dépit de ma promotion, je ne suis qu'un soldat aux ordres de mes supérieurs. J'ai un grade important, néanmoins ça ne me donne pas tous les droits. Et les rumeurs remontent vite aux oreilles de ceux qui nous dirigent. Je ne peux qu'être honnête à l'instant présent, au moins avec le grilleur de brochettes qui semble avoir de bonnes intentions.

    « Mon but n'est pas de faire peur aux Eossiens. »

    De ce qu'il a vu, il ne me croira sûrement pas à ce sujet, cela dit. Mais même en venant ici pour la première fois et en découvrant les natifs se réveiller, je ne me suis jamais dit que je voudrais les asservir ou en faire des esclaves, loin de là. La maladresse fut de mise, mais j'avais un réel désir de les aider, au contraire. Ils venaient de sortir d'un sommeil d'un millénaire et devaient être perdus sur pas mal de choses. Je voulais simplement qu'ils soient fiers et curieux de l'avancée dont nos peuples modernes faisaient preuve. Mais j'ai fini par comprendre que mon avis n'était pas partagé et que les intentions de nos chefs, finalement, n'avaient pas la bienveillance que je voulais leur prêter.

    « Mais ça me rassure de voir qu'on se préoccupe d'eux. »

    C'est peut-être contradictoire, en fait. Mais c'est pourtant le sentiment que j'arrive à discerner, le seul dont je suis sûr quand je vois des Altissiens faire preuve de générosité sincère envers les Eossiens. Quelque part, dans mon cœur, il y a cette petite flamme qui se ravive d'un seul coup, celle que je n'arrive plus à cacher désormais. Je n'ai plus envie de cacher. Il y a, dans ces moments-là, une petite voix. Un murmure qui me dit qu'un certain moine serait bien triste, si on maltraitait les natifs.

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    Les petits poissons grillent aussi bien que les gros
    avec Samaël Enodril



    Meh, il attend aucune réponse en particulier le requin. C’était un peu une question rhétorique conne, finalement. Enfin, pas tellement, car ce qu’il a à répondre m’intéresse. J’essaie juste de comprendre sa position, finalement. Je sais pas vraiment comment formuler tout ça sans avoir l’air d’un daron relou qui va chercher la petite bête jusqu’à avoir le dernier mot. Je suis pas vraiment comme ça… si ? Peut-être un peu, j’en sais rien. Enrober mes mots, faire des belles phrases, c’est pas mon truc, j’ai pas été élevé chez les bourges… encore heureux, d’ailleurs, imaginez, chez les bourges on m’aurait demander de m’habiller tous les jours ! Le cauchemar, quoi.

    Je laisse mon interlocuteur me répondre, en essayant de lire son langage corporel par la même occasion. Tout ce que je vois c’est qu’il n’a pas l’air à l’aise (sans blague), voila, c’est un peu près tout ce que j’arrive à percevoir dans sa manière de se mouvoir. Je crois que son malaise me gagne. Je me sens un peu con, je voulais pas… enfin, si, je voulais un peu le provoquer. Mais sa réaction me confirme qu’il n’est pas un mauvais bougre et je regrette un peu de l’avoir attaqué de la sorte. En plus, ce n’est pas un gamin qui a besoin d’apprendre la vie, que j’ai devant moi. Probablement qu’il s’est posé ces questions avant que je ne vienne le titiller. Evidemment qu’il n’est pas heureux de la manière dont sont traités les natifs… dans l’absolu, n’importe quelle personne avec un peu d’humanité serait d’accord avec ça. Le problème, maintenant, c’est « comment agir ». Comment on agit, pour simplement laisser les gens tranquilles et les aider, dans le contexte actuel si tendu et incertain ?

    Je ne suis pas militaire et je n’ai pas une grande sympathie pour le métier de la guerre. Mais, beaucoup de bon.ne.s ami.e.s à moi sont des soldats, même si je ne comprends pas leur « monde » ou leur travail. J’ai du mal à me figurer comment on peut se résoudre à enfiler une armure, porter des armes qui peuvent faire du mal, paralyser à vie, tuer. Mais au fond de moi, je sais que c’est pas aussi simple que ça, même s’il y a sûrement quand même beaucoup de connards qui s’enrôlent pour casser des nuques.
    Mon pote Olaf me dit souvent que ce n’est qu’en entrant dans l’armée qu’il a trouvé des amis, une communauté, quelque chose à faire : protéger les siens et son pays au milieu d’une guerre qui n’en finissait plus. C’est chelou… je devrais m’y être fait, à la guerre. La paix devrait me sembler plus inhabituelle que la guerre, quand on regarde l’histoire de notre continent, non ? Peut-être que c’est que je n’ai simplement pas grandi là-dedans, tout simplement. Même si on avait pas grand-chose, j’ai eu la chance de vivre avec les miens loin des conflits durant une bonne partie de mon existence… enfin, jusqu’à ce qu’on vienne raser mon village et tuer les miens. Est-ce que… est-ce que j’aurais pu les protéger, si j’avais été soldat ? Est-ce que c’est pour ça, que les gens deviennent militaires et deviennent ainsi bloqués dans cette idée persistante de toujours « préserver les leurs » et d’étendre cette protection, même aux personnes qui n’ont rien demandé, comme les Eossiens ?

    Pffff… qu’est-ce que je suis sérieux, d’un coup. C’est trop complexe pour moi, tout ça, j’en ai les bronchies qui crachent de la vapeur de cerveau fondu.

    Le gugusse en face de moi m’avoue être rassuré que tout le monde ne soit pas indifférent aux sort des natifs. Il se réjouit que des gens puisse les aider par d’autres moyens. Il le sait, donc, que la voie armée n’est sans doute pas la bonne. Je n’ai rien dit depuis mes dernières questions de vieux con chiant, mais mon expression s’est adoucie. Je suis touché par ce type, je vois qu’il est aussi incertain que moi, qu’il doit aussi interroger ses actions envers les eossiens et leurs conséquences.

    « Z’êtes pas dans une position facile, on dirait. »

    Peut-être que c’est plus simple pour moi, en tant que civil, d’agir. Même si je sais que selon le type qui pourrait m’attraper, je pourrais risquer gros. Mais c’est pareil pour lui, non ? Paraît que les gros bonnets de l’armée sont pas super tendres envers les militaires dissidents.

    « M’fin, j’pense pas que j’suis un exemple non plus. J’pense bien que tout le monde chez les eossiens sont pas forcément super fanas que j’vienne chez eux, même si j’ai pas d’mauvaises intentions. »

    Je souffle des naseaux.

    « D’toute façon, c’est vrai qu’au point où on en est… c’est pas évident de juste se dire que tout le monde va se barrer de la cité pour la rendre aux natifs. Même si, ce serait ptet objectivement le truc à faire, au bout d’un moment... de juste nous casser et les laisser tranquilles. »

    C’est vrai que je profite, quelque part. Je suis bien content d’avoir mon auberge à Yggdrasil et j’ai pas vraiment envie de partir.

    Je laisse passer un silence. Mon ventre se met à gargouiller et malgré moi, j’échappe un rot qui ruine un peu mon aura de grand philosophe (bof).

    « Héhéhé. Oups. Eh bé. Ça m’apprendra à déblatérer comme un vieux daron relou qui s’prend pour un grand sage, ça ! Héhé. »

    Je soupire et me lève, m’en vais vers mes affaires pour ranger ce qui reste dans mon gros sac.

    « J’vous ai tenu la jambe avec mes conneries et on s’est même pas présentés. Moi c’est Aaron, je tiens une auberge dans l’centre des loisirs. « Les Crocs », ça vous dit quelque chose ? »

    Vais-je rater une occasion de faire ma pub ? Jamais de la vie, j’ai une affaire à faire tourner, moi.

    « Si vous avez aimé mes brochettes, v’nez donc boire et manger dans mon bouiboui, vous regretterez pas, héhé. »



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    20 octobre
    1001
    Les petits poissons grillent aussi bien que les gros
    avec Quinquin le Requin

    Je ne m’attendais pas à ce qu’il comprenne, mais il a l’air compatissant malgré tout, en fin de compte. Je ne croyais pas que mes mots allaient l’atteindre ; allaient le toucher. Je me détends alors quand je sais que je n’ai pas parlé à un mur, même si en soit j’ai dit des choses un peu banales. C’est à la fois vrai et hypocrite de dire que je ne suis pas dans une position simple. J’ai des privilèges non négligeables par rapport aux Eossiens, après tout. Mais je ne peux pas tout me permettre aux sujets de mes positions. Même avec un grade de général, je les vois, ces supérieurs qui attendent des verdicts ; qui attendent que je leur révèle tout ce que je sais qui pourrait leur être utile. J’aurais docilement rendu des rapports détaillés, il y a quelques années. Aujourd’hui, il y a des choses que je veux garder pour moi, par envie ou par peur que cela se retourne contre des personnes que j’apprécie.

    Le requin a lui-même ses propres doutes quant à la vision que l’on peut avoir de lui. Je n’ai pas observé beaucoup de dérangement chez les Eossiens tout à l’heure, cependant. Il est imposant de part sa carrure et son apparence, mais il a une dégaine amicale et il sait attirer les gens avec lui, avec son petit barbecue portable. Il n’a pas l’air d’être vu comme quelqu’un de dangereux par les gens du quartier ; au contraire de moi dont on fuit le regard et la présence comme si je venais apporter une maladie. Je repasse juste parfois saluer les enfants de l’école dont s’occupe Shimomura. Certains me reconnaissent et vont me voir. Mais la tension reste présente dans l’air et je peux la sentir un peu plus chaque jour.

    Au point où on en est, toutefois, je ne sais pas si partir de la cité changerait grand-chose. Cela ne ferait que créer encore plus de marginalisation, non ? Et je ne pense pas que ce soit un projet réalisable de toute façon. Des Altissiens et Caldissiens se sont sûrement liés à des Eossiens, depuis le temps ; certains ne voudraient pas partir. Et dans ce cas, eux, comment seraient-ils vus par les natifs ? Comme des étrangers ? À l’évidence, personne n’a l’air de vouloir s’en aller, dans tous les cas. Je dois avouer que je suis moi-même bien, ici, maintenant. Nous avons tous voulu imaginer une nouvelle vie en ce territoire inconnu.
    L’atmosphère de ce soir et entre nous semble s’être apaisée, de ce que je peux déjà constater. L’animorphe peut être grognon mais à bien y regarder de plus près, il a aussi un air plus relax. Je me permets de sourire doucement lorsqu’il se présente et me parle de son auberge. Je crois que je suis déjà passé devant son enseigne deux ou trois fois, à vrai dire, mais sans y rentrer. Nul doute que nous aurions fait connaissance dans une meilleure ambiance qu’aujourd’hui, si j’y étais allé plus tôt.

    « Je n’y manquerai pas. »

    Tranquillement, je l’observe ranger ses ustensiles, probablement pour rentrer bientôt chez lui, ou à son auberge. Alors j’accepte sa proposition avec plaisir, voulant croire à une meilleure entente entre nous.

    « Je m’appelle Samaël. Et ça tombe bien parce que j’adore boire et manger. »

    Et c’est un euphémisme. Moi qui ne rate jamais une occasion de découvrir de nouveaux lieux où me détendre après le travail… Mais je ne crois pas que j’y amènera mes coéquipiers, la prochaine fois.

    « Et rencontrer du monde, aussi. C’est pour ça que j’ai quand même envie de croire en une paix intégrale. »

    On se rend compte de toutes les choses que l’on vit, en un an. Il aura fallu que je pénètre en ces lieux pour découvrir que mon amie n’a jamais eu réellement que quatre pattes et que moi je n’en ai jamais eu réellement que deux.

    « Yggdrasil a permis la fin d’une guerre de mille ans. Je voulais croire que cela nous amènerait à une ère nouvelle où il n’y aurait plus de combats et de morts inutiles. »

    J’ai vécu pour ça pendant des années, alors on pourrait croire que c’est devenu une habitude. Que je pourrais difficilement m’en passer. Et il est vrai que j’ai eu du mal à me faire à l’idée qu’on ne devait plus zigouiller les Caldissiens. Que nous devions cohabiter avec ces derniers, même. Une idée qui m’aurait paru irréalisable et saugrenue autrefois. Elle ne l’est plus vraiment, à présent.

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    Les petits poissons grillent aussi bien que les gros
    avec Samaël Enodril



    Fiou… eh ben, pour tout vous dire, je commençais à avoir peur que toute cette histoire finisse mal ou de manière frustrante. Le bougre en face de moi a l’air tout aussi satisfait de la conclusion de notre conversation. Soulagé, comme je le suis, également. Je soupire en laissant tomber mes épaules, lorsqu’un sourire plus franc apparaît sur le visage de mon interlocuteur. Samaël, qu’il s’appelle. Je vais essayer de ne pas oublier (c’est pas garanti, je croise quand même beaucoup de monde au quotidien) ! Eh, promis, tout ça ce n’était pas un plan pour faire la promotion de mon boui boui ! Quoique… vous ne saurez jamais, héhéhé, peut-être suis-je plus machiavélique je ne le laisse paraître ! Aucune chance en réalité, je ne suis clairement pas un assez bon acteur pour faire croire ça à qui que ce soit. Enfin.

    « Oh, bah, j’vous garantis pas que vous y croiserez toute la ville car ma clientèle est pas encore très étendue ! Mais c’pas moi qui serais contre que vous rameutiez du monde ! »

    J’adresse un clin d’œil au militaire. Quand je saurais que j’ai été aussi familier avec le général, peut-être que je ferais un peu moins le malin, héhé. Ce qu’il a à dire sur la Paix m’interpelle tout  de même tandis que je prends le chemin du retour, en direction de ma maison-restaurant. Je n’avais pas observé les choses sous cet angle. C’est encore difficile de me dire que la guerre n’est plus, même si je suis du genre à scander qu’il faut aller de l’avant et que le pire est derrière nous. Force est de constater que j’ai bien du mal à ne pas voir un conflit inéluctable dès que j’aperçois des militaires quelque part. C’est un soulagement de voir que nombre d’entre eux souhaitent conserver la Paix sans passer par l’affrontement. Cela ne signifie pas qu’il n’y aura pas de crises et que tout le monde partage le point de vue de Samaël. Ils sont surement nombreux, ceux qui courent encore après le pouvoir et la victoire par orgueil. Et je ne parle pas des personnes prêtes à blâmer tous les eossiens pour les tensions récentes et l’assassinat des souverains, sans avoir de preuves tangibles. Nous, les altissiens et les caldissiens, ne sommes pas parfaits ou dignes d’admiration juste car certains d’entre nous aident les natifs. Mais, ce qui est certains c’est que pour avancer, on a surement besoin de plus de Samaël.

    « Heh. V’savez, moi j’pense que ce serait sympa d’en avoir plus des comme vous, chez les gros bonnets. ‘Voudriez pas aller leur donner des cours ? »

    Après tout… la discrimination faite à l’égard des éossiens est semblable à celle qui touche, depuis bien longtemps, les hybrides et les morts vivants. Enfin bref. C’est pas pour faire de la lèche au militaire, hein, mais toute voix qui va dans le sens d’un changement positif est bonne à prendre, non ?

    Sur ces échanges positifs, j’ai fini par arriver dans le quartier des loisirs et ait indiqué la localisation précise de ma taverne à Samaël, en espérant qu’il la retienne. Je dois ensuite me presser pour gagner mes fourneaux, car je ne suis pas en avance sur mon planning habituel et ait salué mon accompagnateur de manière un peu précipitée, en lui rappelant que je compte sur lui et ses amis pour remplir ma salle !


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