10 octobre 1001 | no more captain |
avec Fosutu
Il y a encore un peu de monde dans les rues mais c'est bientôt l'heure où chacun rentrera chez soi, hormis les quelques derniers fêtards qui prennent leur temps dans les tavernes et autres auberges à boire jusqu'à ce qu'ils n'aient plus toute leur tête. Je regarde d'un air amusé les fenêtres où se dégagent encore de la lumière et de la musique joyeuse, couplée aux rires des lurons qui dansent main dans la main sans forcément se connaître. Je crois que les Altissiens et les Caldissiens ont vraiment pris leurs marques les uns avec les autres et oublient peu à peu que des siècles de batailles les ont férocement séparés. Tant mieux, me dis-je, tandis que je poursuis ma marche dans les rues jusqu'au Quartier des Armes. Je ne tiens pas à ce que de nouveaux conflits sanglants éclatent même si cela nous un peu tous bizarre, je crois, alors que nous étions habitués à ce que les attaques puissent arriver d'un moment à l'autre. Cela m'ennuierait pourtant que je doive à nouveau me battre contre des personnes avec qui j'ai appris à bien m'entendre depuis ces derniers mois.Heureusement, cela n'empêche pas notre terrain d'entraînement d'être très occupé la journée. Les jeunes recrues, aux côtés des vétérans, n'ont pas perdu leur volonté d'apprendre à se battre et s'activent avec ardeur à montrer ce qu'ils valent. Ce soir, comme tous les autres soirs, nous devons pourtant bien les forcer à les faire partir du terrain pour les ménager. Il faut bien qu'ils se reposent, aussi, de temps à autre. En tant que Capitaine, toutefois, même si ce n'est pas mon quartier, j'avoue que je viens parfois en pleine nuit pour profiter d'un instant de paix seul à seul avec le mannequin en bois qui se fait frapper tous les jours (mais tient quand même bon). Il y a cependant, depuis quelques temps, une pensée qui me traverse, réduisant la vitesse de mes pas.
Comment c'était, avant ?
Qu'y avait-il avant que l'on ne débarque pour tout raser et reconstruire ce qui nous plaît comme si nous habitions les lieux depuis longtemps ? Je ne me demandais pas forcément ce que nous avions dû détruire pour se faire une place sur des lieux où nous n'étions jamais passés, mais depuis récemment, de temps à autre... Cela me trouble l'esprit. Me provoque même quelques vertiges quand je laisse mon imagination faire le travail et qu'il prend la liberté d'inventer. Des écoles, des habitations, des centres de soin... Je crois que j'avais peur auparavant de me poser la question. Et je crois que je l'ai toujours, cette peur. Car d'entre la suivraient inévitablement. La peur d'avoir provoqué indirectement la mort d'innocents. La peur d'avoir démoli ce qui était si cher aux yeux des natifs. La peur de les avoir blessé. Blessé. Blessé les Eossiens.
J'aurais sans doute laissé ce soudain creux dans l'estomac un petit moment si je ne m'étais pas rappelé de ma présence près de la caserne militaire. Faust m'a demandé de venir le rejoindre. Un rendez-vous important, d'après ce que j'ai compris. Mais cela semblait grave. Je suis un peu inquiet de ce qu'il va m'annoncer, pour être honnête. Lorsque quelque chose trouble le Donovan, c'est rarement à prendre à la légère. Dans le silence nocturne, que le hululement de chouettes arrive à peine à perturber, je m'approche des bureaux administratifs où seuls quelques privilégiés peuvent demeurer. Toquant à la porte pour annoncer ma présence, je ne me fais pas prier lorsque l'on m'autorise à entrer.
« Que me vaut le plaisir, Monsieur l'Ambassadeur ? »
Avec une démarche nonchalante, je m'approche de mon mentor, une expression détendue sur le visage pour ne pas penser à une potentielle nouvelle qu'il pourrait m'annoncer.