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  • A dragon who wants to be a dog [pv Faust]
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    Le dragon n'est plus, miracle est arrivé. Yggdrasil a protégé sa cité. Des mois de siège éreintant cessent, la ville millénaire respire à nouveau. Chaque soir, sous la lueur émeraude et bienveillante du grand arbre, les éossiens fêtent et célèbrent ceux tombés au combat. Après tant d'épreuves, la ville semble reprendre vie...
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    Yggdrasil, c'était un rêve. Une nouvelle découverte à explorer, à connaître, à résoudre. Cette cité légendaire dont il n'avait entendu parler que dans les livres d'histoire et qui renaissait de ses cendres ne pouvait qu'être extraordinaire à voir, et idyllique à y vivre. Bien qu'il ait entendu par le passé les récits de son père et ceux de son parrain qui dépeignaient la ville d'une façon un peu moins romancée, rien n'aurait pu ternir l'image que Soren s'en était faite, et encore moins éteindre la lueur dans son regard qui trahissait son envie et son excitation. La réalité, il y a fait face à peine quelques jours après son arrivée. Des tremblements venant du sol, un dragon, des gens qui courent partout, et lui au milieu qui a tenté de survivre et ensuite de se raccrocher à un groupe après avoir été sauvé in extremis d'une mort par brûlure vive.
    C'est un rescapé qui a pourtant encore très nettement ces souvenirs-là, l'étreignant parfois le soir avant de dormir. Les attaques de monstres qui se sont répétés depuis lui ont fait tourné le dos à son désir de vivre plus indépendamment et il est finalement revenu chez son père la queue entre les jambes, mais avec au moins l'assurance qu'il ne serait jamais trop éloigné de quelqu'un apte à le protéger en cas de besoin. La honte de son inutilité au moment de l'apparition du dragon fut assez grande toutefois pour lui donner envie de ne plus recommencer de folies. Ce dont il a besoin, désormais, c'est d'apprendre à se défendre.
    Si je pouvais me transformer en chien ou en loup, ce serait plus simple...
    Mais il ne porte pas en lui cette fameuse capacité qui se transmet chez les Donovan de génération en génération et qui est leur fierté. Là, au moins, il aurait eu quelque chose à faire et aurait pu demander directement de l'aide à son père. Le jeune bleu doit néanmoins se contenter d'une magimorphose qu'il n'a pas choisi et qui lui fait plus peur qu'autre chose, ainsi que de petits bras maigres qui supportent à peine le poids d'une épée en bois. Désespoir pour celui qui ne demande qu'à devenir plus fort pour palier à toutes les faiblesses qu'il possède.
    Heureusement, son père a une grande maison ainsi qu'un jardin. C'est au sein de ce dernier que Soren a mis un mannequin pour s'entraîner au combat. Il manque toutefois d'énormément de précision, et rate souvent ses coups même sur un objet immobile. Et il a beau faire mine de se concentrer, ses coups partent dans les airs à de nombreuses reprises et il est parfois même emporté par son propre poids, pourtant pas bien lourd.
    Même qu'un nouveau coup porté cette fois sur le mannequin atteint bien sa cible et frappe la tête de celui-ci. Mais ce faisant, la poupée de paille et de bois se dévisse légèrement et tourne sur elle-même. Elle donne -accidentellement- avec ses bras un coup sur la joue de Soren qui le fait chuter.

    « Ouch ! »

    Le jeune Donovan tombe dans l'herbe, faisant tomber au passage son arme factice. Ses traits se déforment en une grimace de douleur. Sa main frotte sa joue endolorie. Pour sûr, ce n'était pas agréable.
    Un soupir de dépit lui échappe.

    « Ça sert à rien, j'y arrive pas... »

    Il se parle davantage à lui-même comme pour confirmer ce qu'il pense et croit savoir. Il envie les autres membres de sa famille qui comporte beaucoup de valeureux combattants. Mais il faut croire qu'il n'en fait pas partie.

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    J'ai mis du temps à me remettre de cette nuit-là. Bien plus que je ne l'aurais cru, mais il faut croire que je n'ai plus la santé de mes vingt ans et que ce que j'ai eu la malchance (ou la stupidité) d'ingérer a fait quelques dégâts sur mon corps. L'attaque du dragon et de ses monstres a été virulente, mais, sans que ça ne fasse vraiment sens, ils ont disparu dès lors que le jour fut levé. Sans doute que tout ça avait une raison, mais je n'étais pas en capacité d'y réfléchir. J'ai passé plusieurs jours alité, affaibli et en proie à des maux de santé qui me rendaient bien incapable de quoi que ce soit, quand bien même mon rôle exigeait toute mon attention. Je n'ai pas eu le choix et ai dû accepter de rester à la maison, même si je garde une certaine honte de l’événement : encore plus quand je pense au fait que Soren était là.
    Je pensais l'accueillir en Yggdrasil dans un contexte plus... Agréable, disons. Déjà que sa mère était hésitante à me donner son accord pour qu'il vienne... Même en sortant mes meilleurs discours pour me faire pardonner, je sais que c'est déjà mort qu'elle va me m'arracher les yeux quand elle me verra. Mais surtout, bien au delà de tout ça, ça me faisait... Plaisir, d'avoir un moyen de passer du temps avec mon fils. Comprenez, même avant que je sois dans cette ville, je ne passais pas autant de temps que je le souhaitais avec mes enfants, même si je faisais de mon mieux pour ne pas faire les mêmes... Disons, pour ne pas me retrouver dans la même situation que mon père. Et avec l'âge qu'ils prenaient, eh bien... Certains d'entre eux n'ont pas forcément envie de passer des après-midi et des soirées avec leurs parents, ce que je peux comprendre. Si Nadja, mon aînée, m'envoie une lettre une fois par mois, par exemple, je considère que c'est une victoire. Kenaï, plus prolixe, reste en contact assez régulièrement, me donnant au passage des nouvelles de Sofia, qui semble préoccupée par son jumeau mais refuse de le lui dire directement. Cédric, lui... Eh bien, disons que j'ai parfois du mal à comprendre le sens de ses lettres. Ce garçon, clairement, n'est pas destiné à devenir diplomate.

    Quelque part, dans tout ça, Soren a toujours été celui qui était le plus attaché à moi-même et à sa mère. Vu mon temps passé à l'armée et le tempérament de sa mère, autant dire que... Disons que nous n'avons probablement pas été les meilleurs parents sur ce point. Même si c'était lâche, j'espérais un peu me rattraper. Et ce fut un désastre. D'une part, mon fils a failli y passer, et d'autre part, j'ai été incapable de protéger qui que ce soit, m'incapacitant au passage et me transformant en un véritable poids lourd pour les autres. Heureusement qu'Yggdrasil est fourni de bons combattants, et que nos généraux ont été bons, ce soir-là... Après ça, Soren est revenu à la maison, quittant, temporairement ou non, l'internat. Je mentirais si je disais que je ne m'en étais pas trouvé rassuré. Pendant plusieurs nuits, malgré mon état, il m'est parfois arrivé d'entrouvrir la porte de sa chambre afin de m'assurer qu'il dormait bien. Je crains quelque peu les dégâts qu'ont pu causer un souvenir pareil sur ses pensées.

    Aujourd'hui, toutefois, je sens que je vais un peu mieux. J'arrive à faire des mouvements plus souples, sans douleurs musculaires et sans ces maudites nausées qui m'ont tenu à la gorge pendant des jours. J'ai même recommencé à travailler, certes avec plus de lenteur, de mon bureau. Je retournerais bientôt au Centre de Commandement, mais pour le moment, j'admets profiter de ce temps de latence pour rester près de mon fils. J'ai l'impression qu'il broie du noir, même si c'est... Parfaitement justifié, en soi. J'ignore comment approcher le sujet, toutefois, même si il le faut. Je préfère attendre le bon moment plutôt que de foncer le tas et risquer de le brusquer. Soren m'a toujours paru plus sensible que ses aînés. Enfin. « Paru ».

    Ayant décidé de prendre une pause, je fais le tour de la demeure. Soren ne doit pas être bien loin, mais je m'étonne de ne pas le voir à l'intérieur, pour une fois. Mes oreilles sensibles perçoivent toutefois des sons non loin, vers l'extérieur, et me guident jusqu'à une scène qui m'étonne quelque peu. Sans un mot, je m'arrête pour observer mon fils en train de se battre avec une épée en bois contre un mannequin et... En train de perdre, oui, aussi. Je grimace quand il prend un coup, même si ce n'est pas grand chose, un léger serrement dans la poitrine. Apprendre à ne pas accourir d'un air affolé lorsqu'ils se font des petits blessures a été difficile, je vous l'avoue, mais c'est parfois mieux pour éviter de les embarrasser. Et vu ce que j'entends, d'ailleurs, il a l'air assez embêté comme ça.

    Restant silencieux, je m'approche tranquillement de la silhouette au sol pour venir m'accroupir à ses côtés.

    « Tu mets trop de poids dans tes coups. Regarde en premier où tu mets ton corps, pas ton arme. »

    Une erreur assez classique et basique chez n'importe quel débutant, en soi. Elle ne me surprend donc pas de la part de mon fils qui n'avait jusqu'alors pas montré beaucoup d'intérêt pour le combat, sans que ce soit un mal soit dit en passant. Si vous voulez mon avis, notre famille a même peut-être été trop tourné vers le combat, en profitant soit dit au passage largement des affres de la guerre. Je suis toutefois étonné que Soren essaie de s'entraîner. Un sourire amusé et affectueux au visage, je tends une main à mon garçon pour l'aider à se relever, jetant un rapide coup d'oeil à ses genoux et ses mains pour vérifier que je n'y trouve pas de blessure.

    « Qu'est-ce que t'as fait ce pauvre mannequin, pour que tu te défoules ainsi sur lui ? »

    J'essaie de lui remonter un peu le moral en prenant la chose à la légère, sans forcément savoir si il y sera réceptif. Au moins, je peux lui tenir compagnie, si il le veut bien.

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    Il pourrait rester là, à contempler le ciel et les nuages qui y vagabondent. Ces cumulus n'ont aucune question existentielle à se poser, au moins. Ils volent avec légèreté dans cet azur où ils se sentent en sécurité. Lui aussi, pourrait voler s'il en avait envie. S'il l'assumait. S'il ne rejetait pas sa forme draconique. Mais Soren considère qu'il y a beaucoup de choses qui sont ratées chez lui. A commencer par ses muscles, dont il semble dépourvu. En ses aînés, il ne trouve aucun défaut qui ne saurait être pallié par une qualité. En son sein, c'est comme s'il n'en voyait aucune. Il retient bien les choses, il a eu de bonnes notes à l'école et ses professeurs n'ont jamais eu à se plaindre de lui. Mais ça ne suffit. Devant un dragon, devant d'affreuses créatures visqueuses, ce sont des compétences assez pitoyables, alors qu'il a observé sur le même terrain des guerriers qui se sont courageusement battus pour protéger la cité. Ce qui manque sans doute le plus, chez le bleu, c'est de l'estime.
    Heureusement, alors qu'il ne le sait pas encore, il pourra compter sur ses proches pour l'aider à ce sujet. A commencer par celui à qui il voudrait ressembler : son père. Ce dernier apparaît au-dessus de lui, révélant par son conseil sur sa posture qu'il l'a observé dans son échec. Les joues rouges sous le coup de la honte, il détourne un peu le regard. Faust n'est pas quelqu'un qui juge les autres ; loin de là. Au contraire, s'il est parfois rude dans ses entraînements, il a toujours été plus du genre à encourager qu'à descendre ses recrues. Soren le sait, mais il ne peut s'empêcher de se dire qu'il y a aussi un peu de pitié dans le regard pourtant bienveillant de son géniteur. La comparaison pour son fils est difficile quand il descend d'une lignée de chevaliers émérites et que sa mère n'est pas en reste non plus. Une faible brindille au milieu de chênes majestueux. Se relevant avec l'aide de l'Ambassadeur, il s'époussette brièvement pour se montrer au moins un peu plus digne. Son regard passe ensuite avec dépit sur le mannequin auquel son père fait référence. Puis vers le sol herbu où il bouge nerveusement le pied.

    « Je... Je voulais... m'entraîner un peu. »

    Enfin... "essayer" de m'entraîner un peu, mais bon, vu le résultat...

    « Tu sais... Comme toi, quoi. »

    Plus timidement, ses yeux se relèvent vers ceux, identiques, de son père.

    « On... On sait jamais, le dragon... Il pourrait revenir, et... et... »

    Et d'habitude en classe il n'a jamais eu de problème pour parler et répondre aux interrogations des maîtres, quitte à se faire traiter de fayot. Mais devant quelqu'un qu'il estime énormément, c'est difficile de trouver les mots et d'expliquer qu'il veut progresser pour ne plus rester sur le banc de touche. Il a juste l'impression que rien ne fait sens dans ce qu'il tente de faire, quand il y pense. C'est qu'un jeune adolescent qui a pas grand chose pour lui, qui sait même pas tenir une épée correctement. Un peu dommage, pour le fils d'un grand soldat.

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    Bon, visiblement, ça n'a pas l'air de l'amuser des masses. Il est évident qu'il broie du noir, même si je ne suis pas exactement sûr de tous les points de détail, quand bien même je pourrais me douter du plus... Simple, disons. Mes traits se font plus sérieux quand je l'entends exprimer ses craintes quant à l'attaque d'il y a quelque jours. Je sens ma poitrine se serrer à l'entente de ses mots. Il n'est pas étonnant en soi qu'il se compare avec moi ou le reste des membres de sa famille, forcément plus âgés, mais le voir et l'entendre me fait de la peine.

    « Ce n'est pas de ta faute, Soren. Et ce n'est pas ta responsabilité. C'est la nôtre. »

    Je me doute qu'il ne m'écoutera pas sur ce point. Je ne l'aurais pas fait, à son âge. Je dois toutefois le lui dire. Avec douceur, ma main se pose sur son épaule dans une tentative de confort, dans un essai de lui montrer que je suis présent.

    « Laisse-toi le temps de grandir et trouver ta voie. Tu n'as pas besoin d'être un soldat. »

    Après tout, il a pourtant des exemples. Deux de ses oncles ne le sont pas, sa grand-mère, quelques uns et unes de ses frères et sœurs... Mais quelque part, j'imagine que je ne peux pas totalement le comprendre. Moi, j'ai suivi la voie « classique ». J'ai fait exactement tout ce qu'on attendait de moi, si ce n'est peut-être mon mariage puis mon divorce, car je ne souhaitais pas voir se répéter ce qu'avait vécu ma mère. Alors... Suis-je vraiment le mieux placé, pour lui parler de ça ?

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    Il y a cette crainte de grandir car l'avenir est incertain, mais ce qu'il voit du présent n'est pas plus sûr, finalement. Tout compte fait, il vaut sans doute mieux qu'il grandisse vite pour pouvoir se rendre utile, mais Soren ne sait même pas par où commencer, quel chemin prendre. Son père le rassure, ne veut pas qu'il se tracasse avec ce genre de questions car ce n'est en effet pas à lui de trouver la solution aux problèmes de la cité. Mais tous les jours, il voit Yggdrasil bouger pour se défendre et lui qui ne peut que regarder en tant que simple spectateur. S'il fuit d'ordinaire, cette habitude commence à lui peser quand il aperçoit ici et là des proches se mettre en danger alors que lui ne fait rien. Son admiration pour son père lui fait même imaginer qu'à son âge, ce dernier était déjà plus fort et courageux que ça. La chevalerie est la voie simple. Soren fait partie d'une des familles les plus illustres du pays et il a comme géniteur un des meilleurs guerriers de la nation alors en théorie il n'y a rien qui pourrait l'empêcher d'être accepté dans les classes de combattants pour peu qu'il veuille y aller ; mais ça, rien n'est moins certain. Pourtant le doute persiste : est-ce que ce ne serait pas la manière pour lui de se rendre le plus utile ?..

    « Mais... Toi, et papy, vous êtes... »

    La main qui se pose sur son épaule dans un geste affectueux lui fait lever brièvement les yeux vers son père, avant qu'il ne les baisse quand brille dans ses prunelles cette lueur incertaine.

    « Tout le monde admire les soldats. Eux, au moins, ils protègent les gens. »

    Contrairement à moi qui les mets en danger.
    Le bleu s'en voudrait toute sa vie si quelqu'un devait perdre la vie par sa faute. Même des personnes qu'il ne connaissait pas comme le moine est venu lui porter secours alors que c'est un Altissien. Mais s'il ne s'était pas mis dans une zone dangereuse en premier lieu, son aîné n'aurait pas eu à le faire.
    Le cadet soupire, son regard las traînant sur l'épée avec laquelle il tentait de s'entraîner.

    « Je sais pas quoi faire. J'ai peur de ne jamais trouver. »

    Pour les uns, la voie est toute tracée. Pour d'autres, elle met des années à apparaître. Et si en temps normal cela n'inquiéterait pas Soren, l'urgence de la situation et son manque de confiance en lui l'amènent à repenser ses choix.
    Il relève à nouveau la tête vers Faust pour lui poser une question qui lui brûle les lèvres depuis en vérité un certain temps déjà, par réelle curiosité au tout début.

    « Tu as toujours voulu être soldat, toi ? »

    Le patriarche Donovan est bon à la guerre, c'est un fait. Mais l'est-il parce qu'il est devenu soldat ou est-il devenu soldat parce qu'il l'était ?..

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    J'ai été l'inverse de tout ce que je prêche à mes enfants. Justement car je ne veux pas les voir subir la même voie que moi, à vrai dire. Justement car je ne veux pas les voir vivre tout ça. J'ai passé l'âge de me morfondre sur mon adolescence, mais... Je garde encore aujourd'hui une rancune tenace pour mon grand-père et ce que ma famille m'a fait vivre à la mort de mon père. Encore aujourd'hui, de temps à autre, dans mes mauvais jours, il m'arrive de me demander ce que j'aurais fait, si on avait pas fait de moi un soldat dès lors que j'ai eu l'âge de porter une épée. Un peu stupidement, je me suis rêvé tantôt boulanger, charpentier, aubergiste, comédien... Puis, la réalité s'est plus ou moins imposée. Je me demande parfois ce qui se serait passé, si j'avais eu le courage de me révolter un peu plus ; est-ce que je me mens, en me disant que ça n'aurait fait que décaler la charge sur mes cadets... ? Je n'en sais rien. Refaire le passé ne va pas changer grand chose hormis me faire passer du temps à m'obséder sur moi-même.
    Voilà pourquoi la remarque de Soren, somme toute juste, me fait légèrement grimacer. Il touche vrai. C'est un talent de mon fils, de vite voir où sont les contradictions et de les exposer avec sincérité, et quelque part, j'en suis fier. Simplement... Bah, ça rend les conversations un peu plus complexes, disons.

    Je l'écoute en silence, même si mon expression se fait plus neutre au fur et à mesure de ses paroles. J'imagine que cela fait un moment qu'il pense à tout ça. Soren n'est pas du genre à se confier sur quelque chose qui lui passe par la tête sur le moment. Je mentirais si je disais que je ne suis pas légèrement mal à l'aise, mais le sujet n'est pas moi-même, pour le moment. Je suis surtout interpellé par ce qu'il m'a dit en premier. Mon ton est plus sérieux lorsque je reprends la parole.

    « … Les soldats ne protègent pas les gens, Soren. Ils protègent la couronne. »

    Mon regard est plus sombre, brièvement. Ce n'est pas une vérité facile à entendre quand on est dans une famille de soldats, je le sais. Encore moins lorsque l'on est altissien. Toutefois, je ne veux pas mentir à mon fils là-dessus. J'ai moi-même eu l'occasion de l'observer à de maintes reprises, alors je n'ai pas pu m'empêcher de faire un commentaire. Ce n'est, toutefois, pas le cœur du problème. Dans un soupir, je finis par m'asseoir et invite Soren à faire de même, car il sera plus simple d'avoir cette conversation sur de l'herbe fraîche qu'ailleurs.

    « A vrai dire, je n'ai pas vraiment eu le choix d'être soldat. A l'époque de ton arrière grand-père, c'était... C'était comme ça, disons. »

    Je lui épargnerai les détails. Ils ne sont pas franchement ragoutants. Pas que son aïeul ait été le pire être humain du monde, mais il était loin d'être différent de la majorité de la noblesse, disons-le ainsi.

    « Parfois... Je suis curieux de ce que j'aurais pu faire, oui. Peut-être un peu envieux, aussi. »

    Je me permets un sourire désabusé. J'imagine que ce n'est pas une mauvaise chose de lui parler de ça, pour lui montrer qu'il n'y a pas que lui qui soit en proie aux doutes à ce propos. En revanche, il y a quelque chose dont je suis quasiment sûr, au sujet de tout ça.

    « Je ne sais pas si il y a vraiment une vocation par personne, tu sais. Je pense plutôt... Qu'il y a quelque chose qui te correspond à un moment donné. »

    Pour moi, actuellement, c'est d'être diplomate. Oui, c'est surtout car c'est un métier « acceptable » pour mon rang (oui, je vais vomir après, promis) et car je ne suis plus capable d'être général, mais... Mais dans le fond, j'en suis satisfait. Cela me permet d'avoir plus de temps près des miens et de rester loin des champs de bataille. C'est un compromis, quelque part. J'espère mieux qu'un « mieux que rien » pour mon fils, toutefois. Curieux de ses propos précédents, je me tourne vers lui avec une mine curieuse.

    « Est-ce que tu veux aider les autres... Ou être admiré ? »

    Il n'y a pas vraiment de mauvaise réponse. A vrai dire, si il a une réponse tout court, je serai déjà impressionné, mais il fallait que je lui pose la question.

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    Le visage de son père se durcit, s'assombrit. Soren craint avoir dit une bêtise. Sa vision et celle de son géniteur sont simplement différentes mais rien de plus normal lorsqu'un militaire expérimenté et un cadet amateur se font face. S'il est surpris au départ des propos de l'Ambassadeur, le benjamin ne dit rien, car il sait que Faust a raison. C'est une chose que ce dernier a dû remarquer à force d'exercer son métier alors Soren n'a aucun mal à le croire. Mais c'est un fait : ce n'est pas vraiment la population que les soldats protègent. Un constat qui attriste un peu le plus jeune, lui qui s'était fait une image idéalisée de ces fiers chevaliers en armure prêt à défendre le peuple, et pas seulement ceux qui le dirigent. A choisir, on sait toutefois de quel côté se rangerait les combattants s'il y avait une révolution. L'adolescent ressent tout à coup un malaise au fond de son ventre, comme si la vérité était quand même dure à encaisser. C'était une sorte de sécurité, quelque part, de se dire que les soldats les protègeraient même des plus hautes instances en cas de problème. Les militaires n'ont toutefois de noble que le rang, et il commence peu à peu à en prendre conscience.
    Soren s'assoit à côté de son père quand ce dernier l'invite à le faire. Les désillusions prennent forme de plus en plus quand Faust raconte à son fils sa propre expérience. Le choix, ou plutôt le manque de choix, qui s'offrait à lui. C'était une autre période, une autre époque, mais parfois même encore aujourd'hui dans certaines familles, les enfants ne sont pas toujours libres. Le jeune Donovan sait quelle chance il possède d'avoir pu choisir son propre destin quand son géniteur, même avec son titre, n'a pas eu cette chance et qu'il fallait juste faire comme les ancêtres et se taire.L'Ambassadeur a été un chevalier exemplaire dont personne ne doute aujourd'hui de la légitimité ; mais son benjamin ne peut s'empêcher à présent d'éprouver un peu de peine pour l'enfant que son père était alors et qui avait peut-être d'autres ambitions, d'autres désirs, plutôt que de porter l'armure qu'on lui a mise de force.Le magimorphe dragon devient tout à coup lui aussi curieux de la voie que son aîné aurait suivi si la pression familiale n'avait pas existée. 

    Quelque chose qui me correspond un moment donné...Cela paraît simple. Soren aimerait se dire que ça l'est. Son père veut lui expliquer qu'il n'a pas à se presser et qu'il a l'opportunité d'emprunter le chemin qui lui ira le mieux. Soren est soulagé de savoir dans tous les cas que ses parents le soutiendront peu importe ce qu'il décide de faire. L'adolescent craint juste de ne jamais voir ce jour arriver. Et si rien n'était fait pour lui, après tout ? Ou si ce qu'il choisissait ne lui plaisait pas, au final ? Y'a-t-il plusieurs moments dans une vie ? Aura-t-il plusieurs chances pour se rattraper s'il fait une erreur un jour ?

    « Je... »

    Vouloir aider ou juste être admiré, une question qui pourrait sembler bête et Soren, auparavant, aurait répondu sans hésiter la première réponse. Aujourd'hui, avec du recul sur lui-même, il a honte de se rendre compte que c'est plus complexe que ça et qu'il ne peut nier avoir un désir d'avoir posé sur lui le regard d'autrui. Car Soren a surtout fait des choses pour qu'on puisse le regarder et dire qu'il honore le nom qu'il porte. Ses bonnes notes à l'école ne sont pas que le fait de sa curiosité et de son assiduité, mais aussi de la naissance du souhait qu'on l'encourage afin que ses choix lui paraissent valides. Il se sait pas assez mature pour savoir qu'au fond de lui, il n'a pas un côté totalement désintéressé de l'attention qu'on peut lui offrir en effectuant telle ou telle action.Il se trouve tout à coup hésitant de ce qu'il désire vraiment. Ses doigts triturent un brin d'herbe qu'il a ramassé comme si ça pouvait l'aider à y voir clair mais l'interrogation de son père est à la fois légitime et difficile.

    « Je ne sais pas... J'aimerais... trouver quelque chose qui me conviendrait et... En même temps que vous soyez fiers de moi, aussi. »

    Ses joues deviennent un peu rouges, gêné d'admettre ce qui est pourtant évident. Oui, il ne peut pas cacher désirer pouvoir rendre ses parents fiers. Qu'il soit autant admiré et respecté que ses aînés qui possèdent tous des qualités extraordinaires leur permettant de se démarquer.

    « Je veux juste être heureux de ce que je fais, mais... Je veux aussi qu'on me dise que ce que je fais est bien. »

    Que c'est bien et que ce n'est pas vain. Que ce qu'il peut accomplir peut être aussi remarquable que les prouesses des autres membres de sa famille.


    Dernière édition par Soren Donovan le Mer 16 Aoû 2023 - 16:07, édité 1 fois

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    Je ne m'attends pas à une réponse particulière. Je veux surtout le comprendre pour l'aider, mais sa réponse me fait hausser des sourcils. Dire que je suis surpris de son envie de reconnaissance par rapport au reste de la famille est un mensonge : cela correspond bien à sa personnalité, et... Et je peux saisir. Je veux dire, c'est exactement ce que je souhaitais, à son âge. Après la mort de mon père, encore plus. J'en arrivais à tout accepter. Je sens quelque chose se nouer dans ma gorge alors que je l'observe.

    « Je vois. »

    Je reste silencieux sur le moment, même si je sais que cela ne doit pas être la réponse qu'il attendait pour le moment. En même temps, la question est complexe, même si elle peut paraître simple. Un faux pas, et je pourrais dire quelque chose qui le blesserait fortement. Je veux être prudent. J'expire tranquillement avant de me tourner vers lui, la mine calme se voulant rassurante.

    « Je sais que ce n'est peut-être pas ce que tu as envie d'entendre maintenant, mais... »

    Je sais que c'est frustrant. Je sais ce que c'est, quelque part, d'être à sa place. C'est pour cela que je m'excuserais presque de ce que je m'arrête à dire.

    « Je suis fier de toi chaque jour, Soren. »

    J'esquisse un sourire, mi-tendre, mi-désolé.

    « Si tu as besoin d'aide, je te la donnerai autant que tu souhaites. Je veux juste que... Tu sois heureux de ce que tu fais. »

    Je sais que ça a l'air simple alors que c'est loin de l'être, en réalité, mais je ne mens pas. Tout ce que je souhaite à mes enfants, à vrai dire, c'est d'avoir une vie relativement heureuse et tranquille. Je ne veux pas qu'ils se retrouvent emprisonnés par des attentes aussi déraisonnables que celles que nous avons supporté, moi et mon jumeau, ainsi que mon père et mon oncle avant lui.

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    Il a l'impression d'avoir mis son père devant une colle. Ce que dit Soren, à ses yeux, ne fait pas forcément de sens non plus, mais il peine à trouver les mots juste pour expliquer son trouble réel. L'avenir est flou, incertain. Cela l'aurait sans doute davantage rassuré de trouver une voie toute tracée pour lui ; et en même temps il possède une liberté dont beaucoup sont dépourvus. Le cadet craignait d'entendre ce que son père lui dirait. Mais Faust, comme toujours, se montre calme et serein, comme si son fils n'avait pas lieu de s'inquiéter. Les yeux rivés sur l'herbe, il y a dans ses prunelles une inquiétude qui disparaît lorsqu'il les lève en direction de l'aîné. Le plus jeune se demande ce qu'il lui répondra.
    Il ne s'attendait à rien. Encore moins à ça. Encore moins à ce qu'il lui dise qu'il est fier. Fier de lui. Fier de Soren en dépit de ses angoisses et de sa fragilité. Des paroles qui surprennent l'adolescent, mais qu'il avait quand même besoin d'entendre. Sa poitrine se comprime un instant, avant de se relâcher totalement. Ses doigts se serrent autour du tissu de ses manches. Sa tête s'abaisse. Dans sa gorge, une pression qu'il ravale. De l'humidité qui arrive à brouiller sa vue. Cela paraît évident, pourtant, que son père n'a jamais cherché que le bonheur de ses enfants plutôt que leur réussite sur le plan professionnel ou même leur "utilité" dans la société qui paraissait si importante pour Soren. Il avait l'impression que c'était un devoir de briller dans une carrière comme son père qui avait mené une ascension prestigieuse au sein de l'armée. Mais Soren a toujours eu du mal à trouver ce qu'il voulait faire vraiment.
    Je n'ai... peut-être pas à choisir...
    Pas maintenant. Il a le temps. On est déjà fier de lui pour ce qu'il est. Et il avait tant besoin d'entendre ces mots que des larmes finissent par monter à ses mirettes. Il renifle. Mais cela lui enlève un poids considérable que son père lui dise ça. Cela paraît rien. Pour Soren, c'est énorme. Non, il n'a pas le charisme de ses frères ou l'ingéniosité de ses sœurs, mais... peu importe. Peu importe car Faust parvient à chaque fois à lui remonter le moral, à lui dire ce qu'il faut. Peu importe car il est lui, et ça suffit pour ce père qu'il admire.
    Il ne se l'autoriserait pas forcément avec sa mère, mais avec le hérissé, il sait qu'il peut. Doucement, il repose sa tête contre la poitrine du plus âgé. Souffle un coup. Laisse quelques larmes sortir. Cela fait du bien.
    Je suis déjà heureux.
    La vie qu'il a le comble déjà, malgré les peines qu'elle a eu sur son passage. Soren sait qu'il n'a pas à se plaindre ; on lui a appris à rester noble et humble. Et s'il veut se forcer à grandir, cela ne l'empêche pas, parfois, de vouloir redevenir un enfant et de se blottir dans les bras de ses parents. Dans ces bras qui l'ont bercé depuis sa naissance et dans lesquels il a toujours su trouver refuge. Il grandira quand ce sera le moment.

    « Je... »

    Il ravale ses sanglots. Sèche ses larmes. Relève la tête. Son regard s'abaisse vers l'arme en bois à terre. Son paternel a dit qu'il pourrait l'aider. Il y a bien une chose, en effet, que Faust peut faire.

    « Je... J'aurais peut-être besoin d'aide... pour apprendre à me défendre. »

    Un début de sourire naît à nouveau sur ses lèvres. Le reste, il a le temps de gérer. Il a le temps de trouver tout seul les réponses dont il a besoin. Mais pour tout ce qui concerne le combat... Il aura besoin d'un peu de soutien. Heureusement qu'il sait où la trouver.

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    J'aimerais pouvoir faire plus, à vrai dire. Avoir réponse à toutes ses questions, à toutes ses peurs. Quand il était plus petit, comme ses frères et sœurs, les questions étaient relativement simples, ou parfois trop abstraites pour qu'elles attendent de véritables réponses. Maintenant, disons que... Disons que ce n'est plus aussi facile. Ce sont des questions et des attentes devant lesquelles j'ai parfois moi-même été en difficulté, ou devant lesquelles je ne sais pas quoi faire. Je me disais donc que j'allais le frustrer, qu'il serait déçu ; je ne m'attendais pas à ce qu'il s'appuie comme moi de cette façon. Sans rien dire, je l'observe alors que mon expression s'adoucit que mon regard se fait plus doux, quoique marqué d'inquiétude. En silence, je le prends toutefois dans mes bras et le laisse pleurer sans chercher à lui poser moult questions. Même si il me peine de le voir ainsi, je crois... Qu'il en avait besoin.

    Il se passe quelques instants. Quelques moments. Sa requête me surprend et me prend de court, me gardant muet avant qu'une expression plus tendre ne prenne place sur mon visage. L'affection qui me prend la poitrine est chaude et douce. Je passe une main au dessus de ses cheveux. Il ressemble vraiment à sa mère, parfois. Plus qu'il ne s'en rend compte et peut-être pas d'une manière qu'il imaginerait.

    « Ça me ferait plaisir de te montrer. »

    Je n'attends pas de lui qu'il se voit passionné du combat. En vérité, cela me rassure même peut-être un peu. J'ai assez vu comme ça d'adorateurs de la guerre pour une éternité. En revanche, je peux me rendre utile si il le souhaite, d'autant plus que je serai plus rassuré de le savoir un peu plus capable de se débrouiller, même si je sais que ce n'est pas si simple sur l'instant. En posant une main dans son dos, je l'invite à me suivre pour se rapprocher du mannequin qui l'a vaincu quelques instants plus tôt.

    « Viens. Tu te rappelles de ce que je t'ai dit, sur là où tu mets ton poids... ? »

    J'imagine que, à défaut de pouvoir trouver des réponses à toutes ses questions, je peux au moins l'aider à se tenir, et à se rappeler sur quoi il peut s'appuyer, au besoin.

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