Le gros lézard et le gros chat
Ou des tentatives de bonne volonté Alors. Je suis bien d'accord pour dire que nous avons des raisons, surtout chez les moines, de nous méfier des caldissien.ne.s et des altissien.ne.s que nous rencontrons, même si ça n'apparaît pas toujours juste. Je serais bien hypocrite de venir faire la leçon à ce sujet, d'ailleurs, vu comme je peux être sur la défensive, mais... Mais là, je trouve tout de même qu'ils exagèrent un peu, les novices. Et les moines, d'ailleurs, car je suis persuadé qu'ils n'ont pas tous subitement trouvé une passion dans le rangement (encore) de la bibliothèque. Dans un soupir agacé, je ne peux que me pincer l'arrête du nez en croisant le regard fuyard du novice qui m'a rapporté la présence d'un curieux inconnu au bataillon près de l'entrée du sanctuaire. « Rapporté » au sens, « on ne veut pas y aller, alors il ne reste plus que vous ». Manque de chance, j'avais prévu de prendre la soirée pour la réserver à mes études, ce soir, et... Je crois que c'est raté. Forçant toutefois un sourire faux mais censé rassurer le cadet, je lui fais signe qu'il peut retourner à ses activités pendant que je m'en charge : même si j'ai un peu l'impression d'être une bonne poire, je me dis que c'est aussi mon rôle, de montrer l'exemple. Délaissant mon office, je prends donc le chemin des escaliers relativement tranquillement, sans m'attarder plus que ça. L'étage extérieur a le mérite d'être agréable, je ne vais pas nier, surtout par cette température. Je préfère la fraîcheur à la chaleur, mais celle du soleil n'est pas déplaisante après des heures passées entre les pierres et l'humidité. Par ailleurs, le printemps n'est pas ma saison favorite pour rien : les fleurs que nous avons fait pousser de part et d'autre du sanctuaire sont on ne peut plus vivaces. Voir les abeilles s'y empresser me met de relative bonne humeur ; comme si leur présence me permettait de me dire que dans le fond, les derniers événements n'étaient pas si importants. Qu'est-ce que je fais là, d'ailleurs... ? … Et je crois que cela fait plus de quelques secondes que j'ai le regard fixé sur les fleurs, au lieu de... De... Tiens, qui c'est, celui-là... ? Ah. Oui. Revenant enfin à la réalité, je cligne des yeux de manière somme toute assez bête, comme si j'avais besoin d'une seconde pour comprendre là où je suis et ce que je suis en train de faire. Dans un premier lieu, je peux comprendre deux choses : de un, je ne l'ai jamais vu, alors il est très probable qu'il ne soit pas éossien (je ne prétends pas avoir la science infuse, mais si personne parmi mes collègues ne l'a jamais vu, il y a de fortes chances que ce soit le cas). De deux, je comprends soudainement mieux pourquoi certains novices avaient l'air bizarrement intimidés, mais cela me ferait presque soupirer. Roh... C'est mal, d'avoir peur des apparences, même si l'individu en face de moi me dépasse d'au moins trente centimètres, en largeur comme en hauteur, d'ailleurs. Un peu désabusé par le comportement des novices que j'ai croisé, je prends toutefois une mine neutre mais polie pour le saluer. « Bonjour. Cherchez-vous quelque chose ? » Je suppose que cela doit être le cas. Très peu sont les altissiens et les caldissiens qui sont venus car intéressés par notre pratique religieuse, et je ne porte aucun jugement là-dessus, pour le coup. Cela m'importe très peu, mais cela ne me rend que plus confus quant à la présence de la personne en face de moi. Je suis certes un peu procédurier, mais je ne vois pas comment procéder autrement, cachant comme je le peux ma curiosité par une apparence désintéressée. Pourtant, je peux m'empêcher une remarque, tournant légèrement la tête sur le côté, quelque peu curieux. « Je ne crois pas vous avoir vu auparavant, mais le sanctuaire est ouvert à tous, aux curieux comme aux disciples. » « D'où qu'ils viennent », me retiens-je de dire, mais ce serait probablement plus maladroit qu'autre chose. Et un peu impoli, aussi. Mine de rien, plus que l'hospitalité, c'est aussi ça, qui me fait me tenir là en ce moment. |
ft. Lïnko AckermanMars 1001