L'esprit volatile et le corps beau - Lohra

L’histoire de notre volatile prend place au coeur d’Yggdrasil, cette cité ayant, par métonymie, pris le nom de l’arbre qui trônait en son centre. La jeune fille grandit au sein de sa famille adoptive qui n’était nul autre que son oncle et sa tante. Aussi loin que ses souvenirs puissent aller, elle n’a aucun souvenir de ses parents biologique. Cependant, sa famille adoptive ne lui a jamais caché, aussitôt qu’elle eut l’âge de raison. La seule chose qu’elle ne sut jamais, c’était la raison pour laquelle ses vrais parents n’étaient plus de ce monde. Cependant, elle ne s’en souciait pas réellement. Pour elle, ses parents étaient ceux qui l’avait élevée. Cette famille avait beau être en réalité un oncle, une tante et bientôt même une cousine, pour elle ce n’était rien de plus que son père, sa mère et sa soeur.

Au fil des années cependant, un certain mal être commença à naître chez la jeune fille. En effet, toute sa famille était humaine, tandis qu’elle était clairement différente. Cela s’expliquait simplement du fait que, d’après eux, seul son père biologique était un animorphe, tandis que son oncle était le frère de sa mère. Cela aurait pu être anodin, sa famille n’y voyait pas là un problème et elle non plus, à l’origine. En revanche, plus les années passait et plus elle se persuadait, sans même le conscientiser, qu’il y avait un problème. Tantôt il s’agissait de sa famille qui ne comprenait pas ses besoins "différents", tantôt c’était elle qui était un fardeau pour eux du fait de son espèce différente. En bref, il y avait régulièrement une nouvelle raison pour que ça n’aille pas correctement, et c’était presque toujours lié à cette différence d’espèce. De leur côté, ses "parents" associaient ça à une sorte de crise d’adolescence, se disant que c’était sa façon de se rebeller et que ça lui passerait. Sur le papier, ils n’avaient pas totalement tort. En revanche, toute cette période conflictuelle entacha durablement leur relation.

Dès qu’elle en eut l’âge, Lohra s’émancipa de sa famille afin de fuir cette situation qu’elle jugeait toxique. Pendant cette période, elle passa beaucoup de temps à vagabonder, à faire de son mieux pour vivre seule, s’éloigner en partie de la société pour un peu se retrouver et faire la paix avec elle même. Avec sa famille, elle avait presque entièrement coupé les ponts, se disant que c’était mieux ainsi. Au fil des mois, la demoiselle se tourna peu à peu vers l’ordre éoniste. Au début elle le fit principalement par opportunisme, s’attendant à être nourrie et logée. Pour sa part, elle n’avait plus vraiment de possession à mettre de côté, donc elle n’y voyait que des avantages. Rapidement, elle se trouva atteinte de curiosité face aux préceptes de cet ordre. Certes, elle les connaissait déjà dans les grandes lignes, comme probablement tout le monde en ces terres, mais entrer dans les détails de ceux-ci avait quelque chose de fascinant. Une autre chose qui piqua son intérêt fut la magie. En effet, elle n’avait jamais été trop douée dans cette discipline, probablement à cause de son esprit quelques peu torturé. Suivre les préceptes éonistes a, d’après elle, aidé à apaiser ses doutes. Cependant, elle prenait tout ça avec un petit peu de recul. En effet, elle se voyait mal dévouer sa vie entière à une cause religieuse, aussi bénéfique puisse-t-elle être.

Malgré tout, ce fut tout de même une part omniprésente dans sa vie pendant de longues années, d’autant plus que la novice échoua à son interrogation plus d’une fois. Fort heureusement, le jour où elle finit par être acceptée en tant que moine éoniste finit bel et bien par arriver, ce qui fut un grand soulagement pour elle. Certes, elle aurait désormais un certain nombre de responsabilités, mais elle retrouvait également une certaine liberté d’action qui lui avait fortement fait défaut ces dernières années. D’ailleurs, force était de constater qu’elle retrouva bien vite ses habitudes et réflexes de la rue, ce qui s’avéra parfois même utile à ses fonctions religieuses.

A regarder dans son passé, Lohra jugeait avoir beaucoup gagné en maturité grâce à l’ordre. Elle se disait que ce serait probablement le bon moment pour essayer de renouer des liens avec sa famille. Une hésitation qui dura un moment. Cependant, avant qu’elle n’ait le luxe de prendre cette décision difficile pour elle, cette fameuse nuit arriva. Cette nuit qui, de prime abord, ressemblait à toutes les autres. La différence importante fut qu’à son réveil, tout semblait incohérent. Être réveillée si brutalement par l’invasion d’un peuple qui sortait de nulle part, voila une chose qui marqua profondément la jeune femme. Les événements se déroulèrent si rapidement, et il faudra de longs mois avant qu’elle ne pense en comprendre réellement les raisons. Pendant ce temps, la vie avait changé du tout au tout. De nation libre et indépendante, ils étaient devenus captifs de deux autres puissances bien plus avancés qu’eux. Depuis ce jour, Lohra se trouvait incapable de dormir paisiblement. L’idée que le monde puisse changer de la sorte en l’espace d’une nuit la terrorisait. Au début, elle essayait de ne s’endormir qu’à proximité d’une personne de confiance, mais rapidement elle commença à se cacher, se disant que si cela se reproduisait, au moins on ne la trouverait peut-être pas vulnérable, qu’elle aurait le temps de se réveiller avant.

Même si l’ordre éoniste fut d’une grande aide psychologique, Lohra de son côté ne comptait pas se laisser faire. De sa propre initiative, et en se gardant bien de prévenir qui que ce soit, la moine se mit à lutter, à sa façon, contre les peuples oppresseurs. Des actes de vol ou de vandalisme, par ci par là. Même si au départ elle frappait un petit peu à l’aveugle, elle se mit bien vite à cibler davantage les nobles et les institutions de ces deux nations, ceux qui avaient le plus d’implications dans cette occupation illégitime. Une fois de plus, l’art de la rue lui fut évidemment d’une grande aide, d’autant que les enseignements de l’ordre, d’une certaine manière. Ce petit jeu de double vie dura un petit moment, et elle se trouvait étonnamment douée à ça. Moine respectable aux yeux de tous, résistante solitaire dans l’ombre. Cette routine aurait pu durer longtemps si elle n’avait pas pris la décision ce jour là d’agresser un garde Altissien en poste dans la cité.

Elle était là, plume en main, à une certaine distance dans le dos de ce garde. Elle ne souhaitait pas le tuer, non, elle songeait plutôt à faire quelque chose de marquant, pour lui comme pour la population, afin de faire passer le message que non, les éossiens ne voulaient pas d’eux et qu’ils étaient prêts à en découdre. Alors qu’elle s’apprêtait à passer à l’attaque, voila qu’un bras vint prendre sa gorge en otage, puis une main se posa sur sa bouche. Avait-elle été repérée ? Qu’allait-elle faire, crier pour alerter la personne qu’elle était sur le point d’agresser ? Bien sûr que non. Elle essayait de se débattre en vain. La jeune femme était loin d’être une montagne de muscles et elle savait pertinemment que c’était perdu d’avance. Il ne lui restait alors plus qu’à se laisser faire, en essayant de se préparer au sort qui l’attendait.

Ce qui arriva surpassa tout ce qu’elle avait pu anticiper. Cette personne qui l’avait enlevée et qui fut bientôt rejointe par d’autres… Ceux-ci se présentèrent comme les éclaireurs, un groupuscule s’étant récemment formé et ayant, semblait-il, les même motivations qu’elle. S’ils l’avaient arrêtée de la sorte, c’était de leurs dires pour l’empêcher de se faire tuer par ce garde. Pourtant, elle s’en était sentie capable, et désormais il était difficile pour elle de prouver que, si, elle aurait pu. Mais tout ceci n’était guère important. Le plus important ici était qu’elle avait des alliés. Au fil des jours, elle se surprit à apercevoir même des collègues de l’ordre éoniste dont elle n’aurait jamais soupçonné la possibilité de se rebeller. Après tout, si elle était capable de camoufler ses agissement, pourquoi serait-elle la seule ?

Au fil des semaines qui suivirent, la jeune femme fit, semblait-il, forte impression au sein de ce nouveau collectif. Bien sûr tout ceci était en parallèle de ses activités moniales, comme lorsqu’elle agissait seule. Après tout, elle commençait à avoir de l’expérience sur le sujet, elle n’avait pas attendu cet odieux "procès" pour juger que c’était déjà trop. Cependant, elle ne s’attendait pas à être reconnue suffisamment par ses pairs pour être promue au rang de lieutenante tout récemment, avec le lot de responsabilité que tout ceci impliquait…