Edwen Blaidd - It's time to take our place

Entre deux montagnes massives aux flancs couverts de forêts, tout en bas de la vallée, un petit village se terre. Cette petite communauté est surtout composée d’humains lambda, mais il y a également une dizaine de Loups-garous ayant établis leurs foyers en ces lieux. Le village vit surtout de l’agriculture et de l’activité forestière, eux s’occupent de la chasse, mettant tout le monde d’accord. Cela fait plusieurs générations qu’ils sont là à présent, et ils sont acceptés à part entière par la plupart des habitants du village, même si certains parents conseillent parfois à leurs enfants de se montrer prudents près d’eux. Ils forment un groupe soudé par une même culture, partagent ensembles les rites & célébrations d’Altissia, s’entraident pour survivre. C’est ici qu’Edwen est née, fille d’Ibrahim et Méride Blaidd.

Elle a grandi entourée des grandes espaces, tant de lieux d’exploration et de liberté. Malgré sa condition qui n’était un secret pour personne, elle avait de très nombreux amis et entrait partout comme chez elle. Elle était cette enfant mignonne qui savait sourire ou baisser les yeux quand il le fallait, qui ne faisait pas de caprices ailleurs que chez elle, qui se montrait curieuse de tout, et même si parfois elle traînait un peu trop dans les pattes des adultes à leur goût, c’était un peu à contre cœur qu’il la chassait. Elle ne leur en tenait pas rancune. Elle revenait le lendemain. Les jours de pleines lunes, les loups-garous s’enfonçaient au plus profond de la forêt et n’en ressortait que le lendemain dans un accord implicite passé avec le reste du village.

Autre que les hivers froids et parfois rudes lorsque la nourriture se faisait plus rare, Edwen ne connut jamais de grandes inquiétudes dans son enfance. La guerre était lointaine et elle n’était jamais sortie de son village, son monde se résumait à cette vallée et ses montagnes, remparts contre le monde qu’elle adorait grimper jusqu’au sommet, sans jamais redescendre de l’autre côté. Elle n’en avait aucune raison pour le moment. En regardant le village de haut, elle se disait qu’il paraissait intouchable, bien à l’abris entre les montagnes, petit, discret, sans importance. La guerre resterait à jamais pour eux une vague inquiétude, n’est-ce pas ?

Et pourtant. Elle semblait chaque jour prendre un peu plus de place dans les conversations et les esprits. Les voyageurs qui s’arrêtaient parfois dans la communauté n’apportaient jamais de bonnes nouvelles, seulement les récits des atrocités qu’ils avaient pu voir, de la progression de l’armée bleue sur les terres de l’empire, des villages désertés et en ruines qu’ils avaient traversés. L’ombre de la guerre avait atteint le village après tout, et déteignait sur les visages assombris des habitants. Les premiers départs s’organisèrent. Les familles voulaient rejoindre la capitale, se mettre à l’abri derrière des murs forts, plus imprenables encore que des montagnes. Les années passèrent, la guerre se faisait à chaque fois plus proche et plus menaçante, le village plus calme et plus vide.

Jusqu’au jour où les parents d’Edwen décidèrent que même pour eux à présent il n’y avait plus rien ici. Ils ne forcèrent pas leur fille à les suivre bien entendu, âgée à présent de 16 ans, bientôt 17, elle l'était bien assez pour prendre ses propres décisions. Mais la question ne se posait même pas. Elle n’avait jamais été seule, et ne se voyait jamais l’être. Elle avait ressenti les désertions du village comme la perte de membres de sa propre famille, se retrouver totalement seule lui était impensable. C’est ainsi qu’elle fit ses adieux à tout ce qu’elle avait jamais connu.

La première partie du voyage se passa sans accroches, ils chassaient en chemin pour se subsister et avançaient sans difficultés. Ils ne croisèrent pas grand monde, échangèrent les dernières nouvelles du pays avec les voyageurs rencontrés en chemin, mais la plupart étaient pressés et préféraient voyager seuls.

Jusqu’à ce fameux jour. Il s’était présenté sous le nom de Roran. Il voyageait seul et disait apprécier partager quelques temps la route de ceux qu’il croisait. Il était jovial et généreux, se renseigna sur leur vie et leur village, proposa qu’ils partagent ensemble un repas, s’occupa de faire le feu pour la nuit. Edwen le trouva fascinant, avec son corps massif qui contrastait avec sa voix douce et pleine de chaleur, sa manière attentionnée de poser les yeux sur chacun et ses gestes affutés. La nuit avait étalé ses ombres sur la terre et lui se déplaçait toujours avec autant de confiance et d’aisance, il n’avait l’air de craindre ni rien ni personne, l’air assuré de celui qui sait où il va. Lui accorder sa confiance semblait aussi naturel que de respirer. Pendant le repas, il partagea son pain tandis que la famille d’Edwen dépeça et prépara deux lapins pour les faire rôtir au-dessus du feu. Ils étaient tous trois nés dans leur petit village ou leur identité était connue et acceptée. Ils ne la dévoilèrent pas explicitement ce soir-là, mais ils n’avaient jamais eu l’habitude de se montrer discret au sujet de leur odorat ou de leur force peu conventionnelle. Il était clair que les lapins n’avaient pas été tués par arme. Additionner deux et deux ne fut pas bien compliqué pour un œil observateur, et surtout, habitué.

{Il y a du sang, vous pouvez sans soucis passer le passage en allant jusqu'à la prochaine ligne de ces symboles} ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~

Elle rouvre les yeux sur les étoiles. Tout est calme et noir, les braises du feu rougeoient dans son dos. La température est froide, mais emmitouflée dans sa fourrure elle ne la ressent presque pas. En tendant l’oreille, elle ne perçoit rien d’autre que les murmures de la nature. Et pourtant, quelque chose l’a réveillée, elle en est certaine. Quelque chose… ou quelqu’un. Elle reste immobile, et la nuit se fait plus silencieuse que jamais. Les battements de son cœur deviennent des tambours, sa respiration devient haletante, respirer n’est plus naturel du tout d’un seul coup, et le faire produit une véritable cacophonie. Jusqu’à ce bruit étrange qui fait voler en éclat toutes ces sensations, ce bruit dégoûtant, ce bruit d’une lame entre les chairs et du gargouillis du sang qui coule, tant de bruits presque silencieux et qui pourtant retentissent dans la nuit aussi clairement qu’un clairon, qui annonce l’arrivée de la mort qui se fait rapide, déjà toute proche, prête à jeter ses griffes sur Edwen après avoir pris sa seule famille.

Elle se roule sur le côté dans le sens inverse du feu, dans l’ombre, juste avant que Roran ne se jette sur elle pour la transpercer à son tour. Elle ne peut se retenir de hurler quand la lame transperce son bras droit alors qu’elle se retrouve sur le dos, quand son regard terrorisé et perdu croise celui de Roran. Il n’a plus rien de chaleureux et attentionné, ses yeux sont vides et gris, et tout ce qu’elle voit à travers est le reflet de sa propre terreur. Il a les yeux d’un tueur, et elle se demande comment ou pourquoi elle n’a pas pu le voir plus tôt. Et elle se débat, car sa vie vient tout juste de commencer et il est hors de question qu’elle soit prise ainsi par un inconnu avec qui elle vient de partager un repas, à qui elle a accordé sa confiance. L’odeur du sang est présente sur sa lame, présente sur son corps tout entier, donnant le tournis et la nausée à la jeune fille. Elle l’avait trouvé fascinant. Elle lui crache au visage.

Il avait l’avantage de la surprise mais le perd alors que la salive de Wen l’atteint en pleine face et qu’il ferme les yeux, détournant la tête par réflexe. Elle repousse son corps massif de toutes ses forces, l’envoyant à terre malgré son bras blessé et fuit vers le couvert des arbres. Crie lorsqu'elle sent une main se refermer sur son bras blessé, crie encore, comme si quelqu'un pouvait l'entendre lorsqu'elle trébuche, prisonnière. Elle ne veut pas se retrouver en dessous de lui encore une fois, elle sait qu'elle n'aura pas de deuxième chance. Elle l'entraîne dans sa chute, cette fois ci c'est à elle de le tenir tout contre elle, c'est à elle de se saisir de sa dague alors qu'il grogne, abasourdi du choc que sa tête a reçu contre le sol. C'est à elle de tuer, tuer pour être sauve, tuer parce qu'il a tué. Puis elle fuit, se transformant à mi-chemin pour aller plus vite, fuir de toute ses forces, peu importe vers où. Se cacher. Pour toujours.

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Elle vécu quelques mois seule, au plus profond d’une forêt dont elle ignorait tout. Elle passait le plus clair de son temps sous sa forme animale, n’étant plus que l’ombre d’elle-même, comme si cette fameuse nuit avait effacé tout ce qui avait jamais existé, ne lui laissant plus que la peur et la solitude. Elle commença peu à peu à en prendre conscience, de cette autre elle qui s’était glissée à sa place dans son corps en lui volant tout ce qu’elle avait été, mais elle ne savait plus comment s’en sortir, par ou repartir ? Ou aller ? Il n’y avait plus rien pour elle au dehors de toute manière.

Et puis, un matin alors qu’elle s’était avancée vers la frontière de la forêt, elle sentit dans l’air le fumet de nourriture cuite, entendit la rumeur de conversations. Il y avait là des femmes, des hommes, même quelques enfants. Ils discutaient allégrement, souriaient. Que faisaient-ils là ? Malgré sa peur et sa méfiance, Edwen ressentait quelque chose qu’elle n’avait plus ressenti depuis longtemps, elle était curieuse de ces gens, de leur destination, de la raison de l’espoir qu’elle pouvait voir briller dans leurs yeux - voyait-elle bien clair ?

Elle les observa pendant encore de nombreuses heures sous sa forme humaine, tiraillée. Une partie d’elle tentait de la raisonner, de la protéger du danger, de la ramener à l’abri des arbres, loin des humains. L’autre partie hurlait pour qu’elle aille les rejoindre et qu’elle se remette à vivre. Elle attendit encore, les observa dormir pendant la nuit, drôle de cohorte composée d’humains, de nains, d’elfes, d’animorphes, tous mélangés les uns aux autres. Les regarda s’éloigner au petit matin. Elle avait fait son choix.

Elle avait lavé ses vêtements, seuls objets qu’il lui restait de son passé, tenta de se faire présentable malgré ses cheveux longs et emmêlés et son air sauvage qui avait du mal à s’estomper. Peut-être ne s'estomperait-il jamais. Elle utilisa des pigments pour tracer sous ses yeux et son front les marques qui avaient toujours été les siennes. Se sentit revivre. Elle rattrapa la caravane trois jours plus tard grâce à des nuits raccourcies et passées à marcher. Elle se présenta avec prudence au groupe en pleine journée pour ne pas paraître suspicieuse, donna son nom tout en restant vague sur son passé, disant simplement qu’elle était partie de son village pour fuir la guerre. C’est ainsi qu’elle apprit la réalité de la Paix, du Réveil, d’Yggdrasil sortit du lac, de l’Artefact. Cette ancienne cité réapparue symbolisait l’espoir et la protection pour beaucoup d’entre eux. Les voyageurs trouvèrent sûrement étrange cette femme sortie de nulle part qui semblait avoir vécu dans une grotte pendant les derniers mois. Ce n’était pas très éloigné de la réalité. Mais elle était aussi sympathique et attachante, présentable une fois ses cheveux coupés, semblait maladroite de ses mains (ce qu'elle leur a fait croire pour paraître vulnérable) et inoffensive. Ils décidèrent de tolérer sa compagnie pour le début du voyage, elle resta avec eux pendant son entièreté et devint une présence recherchée autant par les enfants que par les quelques guerriers veillant sur la troupe. Lorsqu'ils aperçurent le lac et la cité, elle faisait partie des leurs à part entière. Ils étaient arrivés à Yggdrasil.