Baby shark

Sorën viens d’une pauvre famille d’Animorphe Caldisienne. Pourtant, son enfance a été plutôt paisible. Pas de grandes maisons, pas de beaux vêtements, mais des parents aimants. C’était tout ce qu’il comptait, non ?
On lui a toujours appris à se satisfaire de peu – à profiter des jours paisibles. Ses parents étaient des personnes tranquilles, évitant toujours les conflits, jouissant de leurs petites vies de pêcheurs. Même si parfois, on les insultait, les dénigrait pour ce qu’ils n’avaient pas choisi d’être. Alors, ils ne répondaient jamais aux insultes, à la violence – ils avaient choisi de s’installer un peu à l’écart du village, non loin d’un petit lac.

Impliqués dans la religion, ils ne participaient pourtant pas à la plupart des cérémonies. Leurs traits animaux, leurs dents pointues et leurs allures de bête effrayaient les autres – bien qu’ils n’aient jamais eu aucune mauvaise intention. Sorën ne comprenais pas bien ça. Après tout, ils étaient presque comme les autres, non ?

Innocemment, il ne craignait pas d’aller vers les autres enfants. Et innocemment, il subit lui aussi la même violence que ses parents ; les enfants n’étaient que des copies de leurs propres géniteurs. Derrière leur visage candide, se cachait la même peur de l’inconnue, le même dégout des différents, des parias.
Déjà, le requin avait des pertes de contrôle – de façon bien plus exceptionnel, mais ça ne l’aida pas à se faire sa place. Ses parents en avaient conscience ; ils savaient que quelque chose n’allait pas chez leur fils, mais que faire de plus ? Ils étaient perdus, sans doute.

Tout de même, l’animorphe avait réussi à se lier d’amitié avec un autre enfant. Un humain, d’environ son âge. Il était son seul ami – et il lui suffisait. Qu’est-ce qu’il pourrait demander de plus, après tout ?


Puis, vint le feu. Agé d’une douzaine d’année, le garçon était parti se promener en forêt, profitant d’une soirée avec son ami d’enfance.
Un incendie s’était déclaré chez lui. Il avait hurlé, tenté de chercher sa famille parmi les flammes, jusqu’à s’en brûler les mains, sentir sa peau se consumer sous les flammes. Son meilleur ami l’avait retenu, avait retenu sa tristesse, ses cris et sa colère.

Ça, le requin ne s’en souviens que très peu – comme si son cerveau avait choisi de mettre ces souvenirs sous cadenas, de les ostraciser pour éviter qu’ils ne le détruisent de l’intérieur, qu’ils ne le réduisent en cendre.
Mais après cela, plus rien ne fut pareil. Il était plus différent. Instable.
Il avait été recueilli par la famille de son seul ami ; plus jamais, il ne s’est senti avoir sa place, son foyer. Vivant maintenant parmi les autres, les violences et les discriminations à propos de son espèce étaient d’autant plus fréquentes. Ses pertes de contrôle, aussi.
Pourtant, s’adapter était sa seule option.


18 ans – il était presque adulte, à présent. Sa poussée de croissance avait étonné tout le monde. Dans le fond, il restait le même enfant innocent. Enfin, presque.
Entre temps, il avait découvert de nouvelles sensations, de nouvelles émotions. Il rêvait d’une étreinte de ce garçon qu’il connaissait depuis l’enfance, il rêvait de ses lèvres, de l’odeur de sa peau.
Il l’avait repoussé.
« Non. Ça va pas le faire. » Le requin avait reculé de quelques pas. « C’est même tout l’inverse. Si on t’a recueilli, c’est par pitié, tu l’as toujours pas compris, ça ? »
Ses yeux s’étaient emplis de larme.
« Tu pourris la vie de tout le monde ! Peut-être que toi aussi, tu aurais dû y passer ! » C’était la goutte de trop – l’autre garçon c’était visiblement senti des plus coupables, en voyant son ami d’enfance s’enfuir de la pièce. Lui non plus, ne savait pas trop comment gérer la situation – et encore moins comment l’aggraver.
Quelque chose avait été brisé, ce jour-là.

Après quelques jours d’isolement et de réflexion, le requin avait bien compris qu’il n’avait pas sa place ici.
« Je vais partir. » Il lança un sourire courtois aux deux adultes. « Merci de m’avoir accueilli aussi longtemps. » Plein de gratitude, il baissa un peu la tête, avant de lancer un regard vers le fils du couple. Il était blessé – ils l’étaient tous les deux.
Ils s’étaient regardés. Avant de s’étreindre. La fuite était peut-être leurs options la plus simple.

Le requin savait qu’il allait devoir partir, un jour ou l’autre. En lui, il avait cette envie de découvrir le monde, d’aider les autres … et avec toute ces années, il ne s’était jamais senti comme chez lui dans sa terre natale. Habitué à la vie dans la nature, il survit quelques années avant d’enfin arrivé à Yggdrasil, peu de temps avant les pénuries ce qui forcément, n’était pas le meilleur timing pour arriver.
Pourtant, il essaie de reprendre un quotidien normal – d’aider les autres, de faire le bien et d’un jour trouver sa place…