Arnaques et mauvaises strats Avec Judith Yeshua |
Ne faites pas ça chez vous.
Le quartier des loisirs avait été bien épargné par les inondations et les sinistres que les habitants des quartiers eossiens et de la ville basse avaient dû subir. Raol était loin de l’idée de laisser les travaux de son quartier aux autres , mais iel devait tout de même s’occuper de ses affaires en plus. A vrai dire, les derniers jours, la grenouille avait été un peu débordée. N’étant pas du genre à se dire « oh, un peu de repos ne ferait pas de mal » car iel pouvait entendre des voix lui reprocher de gâcher son temps en loisirs, Raol était parti.e prospecter auprès d’un type dont Melchior lui avait parlé. Apparemment, il vendait des matériaux utiles au rabais qui leur serait bien utile étant donné qu’un de leurs fournisseurs avait eu un problème de transports lors de son dernier voyage et donc, il leur manquait beaucoup de pierres et de métaux pour terminer les commandes de la semaines. Melchior avait prévenu saon collègue que la marchandise proposée par le caldissien en question ne serait pas d’une qualité optimale et que, par ailleurs, il doutait que le commerce du gars était entièrement légal mais… aux grands maux, les grands remèdes. Les deux joallie.re.s n’avaient pas trop d’autres options quand iels étaient dans l’urgence. Tandis qu’iel faisait son chemin vers le quartiers de l’est, enfin, le quartier des loisirs, Raol n’était pas spécialement ravi.e de devoir faire affaire avec un Caldissien, surtout qu’iel allait se voir obligé.e de conclure le marché pour le bien de la boutique. Après tout, iel avait l’habitude d’être mielleux.se avec les gens et avec un peu de chance, le type n’était pas un spécialiste et n’y connaissait rien… et serait peut-être facile à rouler dans la farine.
Oh, finalement, ça sera peut-être marrant.
Un sourire vicieux s’allongea sur le visage de l’animorphe qui accéléra le pas en direction de la ruelle dont Mell lui avait parlé. L’adresse en question était un peu éloignée du centre vivant du quartier des loisirs et en entrant dans une impasse un peu plus étroite que les autres, la grenouille ne put s’empêcher de plisser les yeux. Si le gobelin l’avait envoyé là pour lui tendre un piège en embauchant des mercenaires, alors, ce ne serait surement pas la chose la plus stupide qu’il aurait tenté. Pas que Melchior soit stupide, justement, bien au contraire, seulement, Raol ayant une estime assez haute (et faussée) de sa propre intelligence… iel se disait qu’iel avait forcèment plus de jugeote que son collaborateur.
Pfff… Melchior a trop bon cœur pour m’envoyer dans une embuscade, de toute manière. Il n’est pas rancunier et il a certainement oublié pourquoi il m’en veut à la base. Héhé. Heh. Hm.
Raol ne préférait pas repenser aux réactions de son collègue lorsqu’il l’avait vu tuer quelqu’un de sang froid sur son nez. C’est que quand iel y pensait trop longtemps, iel se posait des questions sur les conséquences de ses actes sur les vies d’autres personnes et… bah, euh, ce serait demander à lea Zeteki de ne pas être hypocrite. C’est dur, la vie, quand on est une grenouille égocentrique et xénophobe, hein.
Bref. La grenouille n’eut pas à s’enfoncer très loin dans l’impasse et trouva rapidement l’échoppe en question. Un étalage rudimentaire était installé le long du rebord d’une large fenêtre. Il était effectivement garni de matériaux dont les joallier.e.s auraient bien besoin. A l’intérieur, Raol pouvait apercevoir un nain hirsute en train de trier des babioles dans des boites de bois. En quelques coups d’œil, la grenouille constata que comme iel n’avait imaginé, le fournisseur officieux n’avait pas l’air d’un spécialiste. La manière dont sa marchandise était présentée et organisée prouvait clairement qu’il n’était pas un connaisseur et que ce n’était que de la récupération.
Bien. On va peut-être gagner au change, finalement !
« Monsieur Tomarik, c’est ça ? »
Le nain se retourna et jeta un regard en coin à l’animorphe qui portait un peu trop bien le sourire de faux-cul.
« C’est pour quoi ? »
Au moins il ne perd pas de temps. C’est bien, je le supporterais moins longtemps.
La grenouille se dit que le gars avait peut-être des raisons de ne pas s’égarer en courbettes pour faire affaire, comme le fait qu’il ne s’agissait visiblement pas d’un « vrai » magasin. Pas que Raol en ait vraiment quelque chose à faire, en l’occurrence. Sans perdre son faux sourire des affaires, iel tendit une liste de fournitures au caldissien.
« J’ai besoin de ce qui se trouve sur cette liste. »
Le nain prit le parchemin et commença à faire le tri dans ses boites pour peser les matériaux sous le regard attentif de lea Zeteki ne quittant pas des yeux le moindre de ses gestes.
Tsss… rien que pour le fait qu’il manie les métaux comme un manche, je devrais avoir une ristourne d’au moins 70 %.
Grognant en son for intérieur, Raol se pencha sur la fenêtre, s’appuyant sur son coude dans une attitude plus charmante, essayant de garder une façade aimable.
« Ah, c’est ennuyeux, tout de même, cette pénurie de mon fournisseur… mais j’imagine que vous en avez bien profité ? »
Le « commerçant » se tourna vers la grenouille et lui lança un regard méfiant. En essayant d’être bon.ne acteur.ice, Raol continua.
« Oh, ne vous en faites pas, je crois que vous auriez eu tord de vous en priver. La vie est dure, pour certains d’entre nous… je suis bien placé.e pour savoir qu’avec l’essor commercial actuel d’Yggdrasil, la concurrence est rude. »
Les paroles creuses de la grenouille captèrent tant bien que mal l’attention du nain qui fini par souffler du nez avec un sourire en coin.
« Tss… j’vous l’fais pas dire. Toujours les mêmes qui s’enrichissent sur not’ dos, hein. Ces nobles... »
« Ah, oui, ils sont bien contents quand ils peuvent avoir leurs colliers chers et bien polis, hein ! mais pour la reconnaissance, on peut se brosser ! »
Le nain échappa un rire bref et continua de remplir ses caisses avec ce qu’on lui avait demandé.
« Hm, n’oubliez pas de mettre les métaux et les pierres à part… je préférais qu’ils ne s’abîment pas d’avantage. Je sais que cela peut ressembler à un caprice, mais bon, après, ce sont mes employeurs qui vont me taper sur les doigts ! »
La grenouille n’avait aucune honte de mentir en jouant au pauvre petit eossien maltraité alors qu’iel travaille à son compte. Tomarik sembla tomber dans le panneau et les sourires et poses mielleuses de l’amphibien. Il s’approcha avec la marchandise pour que Raol vérifie et annonça son prix.
« Hm… si je puis me permettre… vu l’état de certains quartz, il faudrait réduire de moitié le prix de certaines pierres. C’est que… je peux les prendre comme ça, mais, normalement, nous travaillons avec des cristaux plus grands et ceux-ci sont beaucoup moins... »
« Hein ? Quand on me les a refilés, on m’a dit qu’ils étaient entiers, pourtant ! »
Oui, ça Raol le savait. Les quartz en question, des cristaux traditionnellement trouvés dans les deserts, étaient loin d’être tous brisés et en mauvais état. Mais comme l’autre n’avait pas l’air d’un spécialiste, la grenouille en profitait pour le baratiner sans se gêner.
« Eh bien… je suis navré, mais on vous a menti. Parole de spécialiste, je ne peux pas vraiment me permettre de prendre ça à leur prix fort. Enfin… j’imagine que je pourrais aller voir ailleurs, si... »
« Euh, non, euh… moitié prix ça me semble beaucoup, mais, une réduction de 25 %... »
Pfff… mais il rêve, cet abruti. 25 % c’est la réduction que je devrais avoir pour simplement prendre du temps à lui causer.
Pendant que Raol continuait à négocier ses prix en espérant gagner au change grâce à ses techniques d’arnaque, iel ne pensait plus vraiment à ce qui se passait autour ni à l’opportunités que ses mensonges pouvaient donner à des personnes qui s’y connaîtraient assez d’intervenir.