AccueilAccueil  
  • RechercherRechercher  
  • MembresMembres  
  • GroupesGroupes  
  • S'enregistrerS'enregistrer  
  • ConnexionConnexion  
  • FantasMic - Fiche de Jill
    Connexion
    Le dragon n'est plus, miracle est arrivé. Yggdrasil a protégé sa cité. Des mois de siège éreintant cessent, la ville millénaire respire à nouveau. Chaque soir, sous la lueur émeraude et bienveillante du grand arbre, les éossiens fêtent et célèbrent ceux tombés au combat. Après tant d'épreuves, la ville semble reprendre vie...
    Forum Fantasy
    Avatars illustrés
    Pas de minimum de lignes
    -20%
    Le deal à ne pas rater :
    -20% Récupérateur à eau mural 300 litres (Anthracite)
    79 € 99 €
    Voir le deal

    more_horiz
    feat. Un dessin de Jill
    Cémoikilléfé
    Jill H. Lazarus
    >> INFOS
    ✘ Naissance : 35 ans ; née le 15 février 966
    ✘ Prénom(s) : Jill Hamlet
    ✘ Surnom(s) : Jiji, Boubouh, Gneugneu, Ghosty, Zombie...
    ✘ Nom de famille : Lazarus
    ✘ Espèce : Nécromate (née humaine)
    ✘ Profession : Chercheuse et voyante (ex-mage gradée des Arcanes). Son domaine de prédilection sont les recherches sur la vie après la mort en général, mais elle en mène aussi sur l'amnésie et le sommeil des eossien.ne.s, d'où sa présence à Yggdrasil.
    ✘ Origine : Originaire de Caldissia comme toute sa famille depuis de nombreuses générations.
    35 ans
    CALDISSIA
    FEMME TRANS
    NOBLE
    MALADROITE
    CHANCEUSE
    >> Construction

    Classe(s) : Zombie / Magicienne
    Bonus & Malus choisis :
    - Bonus : Chanceuse (+10 CHA. +2ème dé de chance lorsque les PV > 30%)
    - Malus : Maladroite (-6 DEX, -6 AGI)

    La nécromate à de manière générale de bons insctincts. Grâce à ses connaissances, elle parvient à sauter sur les bonnes occasions pour trouver les points faibles de ses adversaires. Sa force et sa santé de nécromate sont très aléatoires et sont la source de bonnes comme de mauvaise surprises : Jill a parfois des éclairs de génie ou des sursauts de force, comme de trucs gros coups de mous... d'où son point faible. En effet, la santé catastrophique de la morte-vivante lui fait parfois perdre le contrôle de ses membres (quand ces derniers ne se décrochent pas purement et simplement de son corps et qu'il faut les recoudre) et littéralement foncer dans un mur alors qu'elle pensait marcher vers la porte.

    Spécialité magique : Conjuration ; spécialisée dans l'invocation de nuées et d'essaims. Elle était connue parmi les Arcanes pour les essaims d'insectes effrayants ou les nuées de serpents noirs qu'elle envoyait se glisser sous les armures des adversaires. Ses corbeaux et ses scolopendres sombres aux yeux rouges étaient ses favoris. Aujourd'hui, ses pouvoirs magiques se sont considérablement amoidris car elle refuse de pratiquer la magie à nouveau pour le moment.

    Guilde : Académie Magique (Botte secrête : Après une victoire, peut lancer un sort pour remonter ses PV à 100%)
    >> PHYSIQUE
    ✘ Couleur de peau : Cadavérique. Alterne entre les nuances de gris et le gris-bleu. Elle a de nombreuses cicatrices plus ou moins laides à divers endroit du visage et l'ensemble de son corps qui fragilisent encore d'avantage son épiderme.  

    ✘ Traits faciaux : Jill fait souvent peur aux enfants avec son physique de cadavre ambulant et son air généralement boudeur. Même si elle a un beau sourire et un regard doux en réalité la Lazarus est crispée et fait la tronche la plupart du temps, qu'elle soit de bonne humeur ou non. Elle se fiche que cela plaise ou non à ses interlocuteur.ice.s. Son regard peut-être très noir et intimidant quand elle fixe quelqu'un méchamment et la maigreur apparente de son visage ainsi que ses cicatrices n'arrangent pas vraiment la chose. La plupart des marques de suture et d'anciennes blessures sont cachées derrière la mèche de cheveux longs couvrant la partie droite de son visage. Elle porte parfois un cache-oeil en plus. De son vivant, Jill avait les yeux vairons, elle a perdu son oeil droit, le bleu clair, durant la guerre, ne lui reste plus que le gauche, brun pour sa part. Sans surprise, la zombie ne dort pas beaucoup et n'arrive plus à évaluer les besoins en sommeil de son corps et porte de grosses cernes sous les yeux.

    ✘ Chevelure : Comme ses cheveux poussent de manière improvisée depuis qu'elle est morte (enfin, de nouveau "vivante"), Jill a abandonné l'idée de les couper et les porte longs. La Lazarus a pris l'habitude de les teindre en brun ou en noir quand elle ne les laisse pas à leur couleur naturelle qu'est le gris terne. Ses cheveux descendent jusqu'au milieu de son dos et couvrent une bonne partie de son visage.

    ✘ Taille : Quand elle se tient droite (c'est à dire plutôt rarement), Jill est très grande, d'autant plus qu'elle aime porter des bottes avec quelques centimètres de talons quand son corps n'est pas trop insupportable. Elle mesure environ 188 cm.

    ✘ Carrure : Comme la plupart des nécromates, Jill a l'air toute cassée. Elle était déjà maigre et mal en point de son vivant, notamment en raison de son usage trop intensif de la magie et la chose ne s'est bien entendu pas améliorée depuis qu'elle a été rafistolée et remise sur patte suite à sa mort. La Lazarus semble frèle et a parfois besoin d'aide ou d'une canne pour marcher. Elle est incorrigible et abuse souvent de ses limites.

    ✘ Style vestimentaire : Ce n'est pas car Jill est morte qu'elle a perdu son goût pour la mode. Enfin "mode" est un bien grand mot sachant qu'elle alterne entre les mêmes tenues toute l'année. Ses vêtements sont tous taillés dans des étoffes sombres, alternant entre le noir, le gris sombre et le violet foncé. Ils sont tous rembourrés, ce qui les rend plus confortables et permet de protéger le corps fragilisé de la nécromate.

    Jill possède de nombreuses robes de mage confortables à capuchons ainsi que des capes lui couvrant les épaules et le haut du buste qu'elle n'oublie jamais pour sortir. Elle adore porter parfois des robes longues plus élégantes et cintrées, que ce soit pour être seule chez elle ou se promener. Sa peau cadévérique est généralement recouverte par des vêtements à quelques centimètres de près : pour cela, elle porte des gants aux longues manches et des bottes, par soucis de protéger son organisme (enfin, ce qu'il en reste). On constatera la récurrence d'un motif d'oeil minimaliste noir ou blanc sur nombre de ses vêtements : il s'agit d'un symbole porté par tous les mages et sorcier.e.s de la famille Lazarus, que l'on retrouve notamment sur leur blason. Jill l'affectionne malgré son éloignement des arcanes magiques, car il renvoie à sa propre histoire et à celle de sa famille.

    Pour aller avec ses tenues, Jill porte parfois des bijoux, restant dans un style globalement gothique, comme des tour de cou avec des pendentifs ou des motifs de pentagrammes ou de têtes de mort. Elle porte parfois des bagues du même genre, quand ça ne la gêne pas pour ses activités manuelles.

    ✘ Particularités liées à l'espèce : Comme cela a déjà été dit, ce qui reste de l'organisme de Jill n'est pas très solide, même si elle a eu la chance d'être ressucité peu après sa mort et dans son propre corps. Elle s'éfforce de faire attention à son enveloppe corporelle mais fait parfois des excès et déteste qu'on lui dise ce qu'elle peut ou ne peut pas faire. Son bras droit est particulièrement pénible et se décroche sans arrêts. Ses sens fonctionnement de manière totalement aléatoire tout comme ses connections nerveuses : ils peuvent être très sensibles pendant une heure, puis se rendormir complètement pendant 2 semaines, revenir à un niveau normal un jour durant... bref, c'est complexe à gérer. Le plus handicapant demeure dans la difficulté à gérer la douleur : un corps comme celui de la caldissienne peut-être très douloureux et engourdi pendant des heures ou complètement indolore selon les jours... ce qui n'aide pas à bien apprendre ses limites. Elle ne ressent que rarement la fatigue de son propre corps et il lui arrive de s'endormir au milieu du chemin car ses jambes ne pourraient plus la porter et qu'elle n'aurait pas vu venir le moment où son cerveau l'aura forcée à se reposer. L'absence de sensibilité de ses connections nerveuses confèrent à Jill une très grande force, ou plutôt, le fait de ne pas sentir les limites de ses muscles lui permettent de manier des objets très lourds. A cause de ça, elle casse parfois le mobilier de sa maison en deux (ainsi que son bras au passage) car elle ne peut pas bien contrôler sa force. Elle en perd souvent ses bras et ses doigts et doit donc les rafistoler régulièrement.

    ✘ Forme de la marque : /

    ✘ Autres détails : Les tatouages qu'elle s'était faite faire de son vivant sont encore là, bien qu'un peu passé sur sa peau terne. Elle en a toujours beaucoup à l'éffigie de ses créatures vivantes ou mythiques favorites (notamment beaucoup de corbeaux, des spectres efrayants, des papillons de nuit, des basilic, des blobs, des nekomata, des kappa...) ou des runes qu'elle appréciait. Ses tatouages se retrouvent surtout au niveau de ses bras, de son dos et de son abdomen.

    ✘ Santé : Comme évoqué plus haut, c'est merde absolue. Si son physique est dans un état lamentable mais encore gérable au quotidien, c'est l'aspect psychologique qui inquiète le plus Jill. Les sautes d'humeur sont fréquentes chez la nécromate en raison de sa fatigue et de sa sensibilité aléatoires et elle a très peur de la dégradation de son cerveau au fil du temps. Elle a passé 5 ans à tenter de se rapeller de sa vie d'avant sa mort et se rapelle désormais des choses les plus importantes, surtout relatives à ses proches. Elle a oublié la plupart des personnes qui sont mortes et qu'elle ne peut plus revoir en vrai et la mémoire de sa propre existence est un véritable gruyère.

    >> MENTAL
    Curieuse
    Intrusive
    Possessive
    Insouciante
    Grincheuse
    Impulsive
    De mauvaise foi
    Paresseuse
    Cachotière

    Aime : Sa môman (Helène), son partenaire (Lionel) son cousin (Illéas) et son neveu (Tolan) - Ses recherches - Le café (même si elle n'en sent pas toujours bien le gout) - Lire des énormes livres obscurs auxquels elle-même ne pige pas grand chose - Les romans fantastiques avec des morts vivants, des fantomes, des gros monstres et des vampires - Les gros insectes moches (surtout les scolopendres) - Les corbeaux - Tirer les cartes aux gens - Raconter des trucs creepy avec le sourire - Passer des journées sous la couette (quand son corps ne lui fait pas mal) - Glander - Les soirées au calme, chez elle ou dans des tavernes tranquilles - Regarder le ciel pendant la nuit et déblatérer sur des trucs gnangnan et fantasques - Se plaindre - Grogner et faire "gneugneu" - Avoir de l'attention et de l'affection des gens qu'elle aime - Embêter ses proches pour rigoler (oui elle est chiante) - Se la péter - Faire des vannes - Les câlins (même si elle fait genre que non pour se la jouer tough cookie) - Les expériences insolites et dangeureuses - Le noir et le violet - Ses robes et ses capes, les habits élégants et confortables (de préférence épais et avec des doublures) - Les coussins et les plaids douillets - Les potions, substances et préparations permettant de soulager certaines douleurs (un peu trop) - La paix - Voir les autres pratiquer la magie pour de bonnes causes - L'odeur des parchemins - Son iguane géant (Dante) - Les 15 chats de sa moman - Etre un zombie (uniquement pour le look)

    Aspirations : Découvrir et percer des mystères sur tous types de sujets, principalement autour de la mort, des morts vivants et de la nécromancie et de l'amnésie pour mieux comprendre sa condition. Le sujet de la Chute, du Réveil et surtout des effets du sommeil la fascine particulièrement ces derniers temps et elle a hâte de pouvoir découvrir des choses sur ce sujet.

    Jill souhaite aussi garder sa vie de famille heureuse et ses liens avec ses proches sains. Elle voudrait pouvoir profiter d'eux au maximum, sachant que même si elle est déjà morte, son corps est loin d'être immortel. Si elle préfère aller de l'avant pour se faire de nouveaux souvenirs pour le temps qui lui reste, Jill est tout de même tourmentée par le fait d'avoir oublié beaucoup d'aspects de son ancienne vie et aimerait remetre en lumière son ancienne existence.

    La nécromate a été très marquée par la guerre et aspire à la paix. Elle espère, par ses recherches, percer certains mystères autout d'Yggdrasil et de l'Eos afin de participer à rendre la cohabitation entre les elysians plus paisible et facile. Par là, elle aimerait aussi contribuer à ce que la société soit plus acceuillante avec les morts-vivants de manière générale... car, mine de rien, ça l'aiderait pas mal et son partenaire aussi. Bref, on l'a compris, Jill a un peu grandi dans une cage dorée et a des tendances fantasques et utopiques, découvrant tout juste que la société n'est pas aussi arrangeante qu'elle le pensait avant de vraiment s'y interesser.

    N'aime pas : Voir sa famille malheureuse - Faire des gaffes (ça lui arrive quand même très souvent) - Qu'on lui dise ce qu'elle doit faire on qu'on lui dicte ses limites - L'autorité - La trahison - La violence - La guerre (même si elle a dû y prendre part) - Les prégugés envers les arcanes taboues, les personnes qui les étudient et la haine envers les morts-vivants - Les jugements sur sa condition de nécromate - Parler de son ancien engagement dans l'armée et dans les Arcanes - Parler de sa pratique magique en générale - Qu'on lui pose des questions sur sa ressurection - Cuisiner (surtout parce qu'elle est nulle) - Etre nulle à quelque chose (elle est mauvaise perdante) - Ne pas reussir à comprendre un truc - Devoir se presser à cause de l'heure - Qu'on lui dise qu'elle est lente (même si c'est vrai et qu'elle le fait un peu exprès) - Qu'on pointe ses contradictions et sa mauvaise foi - Etre sous-estimée - Qu'on la prenne pour une idiote - Qu'on l'apelle une glandeuse quand elle a besoin de repos - Ne pas pouvoir s'isoler quand elle en a besoin - Ne plus avoir une aussi bonne mémoire que lorsqu'elle était humaine - Faire peur aux enfants - Etre une nécromate (non, vraiment, c'est pas cool et en plus c'est pas hyper comode pour briller en soirée)

    Craintes : Ironiquement, Jill a peur de la mort. Elle ne veut pas partir pour de bon sans avoir atteint son ses objectifs dans ses recherches et en laissant ses proches derrière elle trop vite. L'idée de laisser son entourrage sur le carreau la terrifie et la garde souvent éveillée la nuit.

    Jill a très peur de l'abandon et du rejet en général et projette beaucoup cette crainte. Etre une necromate n'arrange pas vraiment cela, bien au contraire : ça amplifie ses peurs. Elle ne veut pas délaisser ses proches et craint de devenir un boulet pour Hélène et Lionel, que ce soit du fait de sa condition de zombie ou de son côté parfois paranoïaque.

    Elle a peur que la guerre reprenne de plus belle en Elysia et ne veut pas être forcée à reutiliser la magie comme elle le faisait du temps où elle était membre des Arcanes. Elle a peur de revivre le traumatisme de sa mort mais aussi celui de sa renaissance, encore frais même si cela fait déjà 5 ans. Et, évidemment, elle a peur de finir sa nouvelle existence trop vite sans avoir pu pleinement profiter de sa nouvelle vie en Yggdrasil ou avancé dans ses projets.

    Personnalité détaillée

    Madame Je-sais-tout - Flemmarde - Coincée avec les trucs sentimentaux - Parfois brusque et indélicate - Peut se montrer capricieuse pour des choses superficielles - A tendance a dire ce qu'elle pense même quand c'est n'importe quoi ou blessant - Maladroite, gaffe souvent - Susceptible - Irresponsable - Lâche - Surprotège les gens qu'elle aime (notamment en leur cachant ses problèmes) - Très famille - Jalouse - Trouve toujours le moyen de grogner et de critiquer - Jamais satisfaite - Prend plus soin de autres que d'elle-même - Hypocrite - Parfois impulsive et souvent sur la défensive - Méfiante - Se fait toujours une montagne de petites choses (c'est une drama-queen, quoi) - Un peu parano (complètement quand il s'agit de ses proches) - Brute de décoffrage - Dans le déni et fermée sur certains sujets (particulièrement la guerre)

    Réfléchie - Analytique (au point de sur-analyser tout) - Maligne - Erudite - Attentive - Empathique - Aime s'interesser aux gens - Aime rendre service - Affectueuse, elle se donne des airs et dit des trucs du genre "oh berk de l'affection" mais en réalité, elle aime être cajolée et prendre soin de ses proches - Passionnée

    Réservée - Tiens à son indépendance - Cynique et sarcastique pour se donner un genre - Dans la lune - Fantasque - Mièvre

    ***


    On ne va pas se mentir, la nécromancienne n'est pas la personne qui semble la plus facile à aborder. Avec son attitude de cadavre ambulant, son côté abrupt, son visage boudeur et son ton perpetuellement grincheux, Jill ne semble pas quelqu'un de très fréquentable. Derrière ses airs, la Lazarus est très curieuse des autres (au point d'en devenir parfois indiscrête). Elle aime poser beaucoup de questions, laisser les autres raconter leurs vie et en retenir des petits détails qu'elle trouve attachants. On lui dit qu'elle a tendance à sur-analyser beaucoup à partir de pas grand chose. D'ailleurs, elle peut-être un peu insistante avec ça, car parfois, ça l'amuse, mais elle comprend aussi quand on lui dit que ce peut-être malaisant.

    Même si elle n'est pas très démonstrative et ne se lâche que rarement en public du fait de sa timidité, cela n'empêche pas Jill de s'interesser sincèrement aux gens, non sans quelques maladresses fréquentes. Souvent empréssée, stréssée et sur la défensive devant un sujet qu'elle ne maîtrise pas, il lui arrive de ramener sa science pour compenser alors qu'elle n'y est pas invitée. La Lazarus n'est pas douée pour relationner avec les gens comme cela se fait dans la haute noblesse ou pour la langue de bois : elle grogne facilement et n'a aucun tact. Elle est bien contente de laisser ce genre de tâches à Lionel ou à Hélène, dont elle admire le talent pour ce qui est de "faire les faux-cul".

    Jill se donne un genre pour se donner l'air plus détachée qu'elle ne l'est en réalité. Après tout, même si elle n'est pas la plus à plaindre la vie de nécromate n'est pas toujours celle dont elle aurait rêvé. Elle a parfois des sautes d'humeurs indésirables à cause de la fatigue permanente de son corps parfois très douloureux. Cela peut la rendre très désagréable  et encore plus défensive. Jill déteste se sentir afaiblie mais elle ne peut plus vraiment l'éviter, même si elle continue de faire la fière. Bref, être une nécromate tend à la frustrer très fort ; aussi, il lui arrive de projeter son agacement sur d'autres personnes qui n'ont rien demandé.

    Elle n'en a pas vraiment l'air comme ça, mais la Lazarus a beaucoup de haine envers elle-même. Elle se trouve souvent égocentrique et horrible à l'idée d'essayer de vivre sa vie de famille "comme si ne rien était" alors que son corps pourrait l'abandonner du jour au lendemain. L'idée de vouloir vivre "normalement" auprès de ses proches la fait souvent se sentir mal, sachant qu'elle pourrait, malgré elle, partir pour de bon sans avoir les moyens de le prévoir. Elle ne veut pas être un boulet et n'ose que rarement parler ouvertement de ses peurs et de son malaise : on peut dire qu'elle a une tendance certaine à faire des cachotteries et à l'omission volontaire même sur des sujets graves. On doit généralement lui tirer les vers du nez, sinon, elle ne dit rien et reste dans son coin en grognant, ruminant jusqu'à saturation.

    Jill culpabilise facilement et à tendance à en faire trop pour les autres (au point d'en devenir lourde), se sentant forcée d'aider en pensant qu'elle pourra se faire pardonner ainsi. Elle veut avoir bonne conscience sans trop avoir à s'occuper de ses problèmes en priorité. Ses actes pendant la guerre, notamment, la questionnent beaucoup et n'aident pas à lui donner meilleure conscience. C'est pour éviter de trop se questionner là-dessus qu'elle cherche à tout prix de nouvelles choses à faire, à découvrir en Yggdrasil. Elle pense qu'elle pourra faire disparaitre ses traumatisme si elle aide des gens... elle peut en devenir un peu zélée. Oh, elle n'est pas méchante mais elle a un côté gosse de riche qui se croit bien placée pour faire des beaux discours sur la cohabitation, la solidarité et la charité. Jill essaie cependant de se modérer depuis qu'elle a constaté que tout le monde n'était pas vraiment prêt à entendre ce genre d'opinion (et accessoirement qu'elle et sa famille ne sont pas le centre du monde).

    Alignement
    Quelle est son opinion religieuse ? : Jill ne pratique aucune religion et ne se retrouve pas vraiment dans ce concept. Néanmoins, la magie la pousse quand même à croire à l'existence de puissances supérieures et surtout, à le vie après la mort. Elle est assez supersticieuse vis-à-vis des disciplines un peu mystiques comme la divination ou l'astrologie (domaines dans lesquels elle pratique régulièrement).

    La Lazarus a des notions basiques d'Omnisme. Sa mère ne l'a pas forcée là-dedans lorsqu'elle était jeune mais elle allait quand même à certaines cérémonies importantes pour son entourage quand il le fallait (c'était l'occasion de voir le reste de sa famille aussi). Si elle considère que l'étude des arcanes taboues et particulièrement de la nécromancie n'est pas en contradiction avec la religion, le fait que ce type d'expérience soit parfois mal vu n'a pas encouragé Jill à s'interésser d'avantage à l'Omnisme, dont elle est toujours restée assez détachée (encore plus maintenant qu'elle est une nécromate et que son espèce n'est pas exactement bien tolérée).

    Dans cet ordre d'idée, elle ne s'est jamais intéréssée à l'Oronisme, encore moins après des années de guerre avec Altissia.

    Parmi les religions elysiennes les plus connues, l'Eonisme est certainement celle qui parlerait le plus à Jill. Surtout pour les principes eossiens autour de la mort et de la réincarnation. Puis, d'un point de vue extérieur, le sommeil des Eossiens peut ressembler à une sorte d'immortalité de 1000 ans et ça, Jill trouve ça aussi fascinant qu'effrayant.

    Quelles sont ses attentes et son avis sur l'Artefact ? : Un mystère des plus fascinants aux yeux de la scientifique. Jill est tout de même inquiète de la manière dont l'Artefact est convoité par beaucoup d'Elysians. Elle craint que cette envie d'un objet somme toute légendaire ne plonge le continent dans un nouveau conflit, encore plus violent que le précèdent.

    Quelle est son opinion au sujet d'Altissia ? : Jill n'aime pas le gouvernement d'Altissia ni ses militaires. Elle n'aime pas le fait d'être méfiante envers ses voisins de l'Ouest mais ne peut pas vraiment s'en empêcher après ce qu'elle a vécu durant la guerre. Elle peut-être très cinglante, surtout avec les gens du gouvernement altissien et de l'arnée. Elle a conscience que les simples civils n'ont rien à voir avec le conflit et ne leur cherchera donc jamais des ennuis. Du reste, elle ne connaît pas bien la culture altissienne et n'a pas trop eu l'occasion de véritablement s'y interesser. Si ses réserves persistent pour le moment, elle tente de s'ouvrir petit à petit depuis qu'elle vit en Yggdrasil et qu'elle n'a pas vraiment le choix.

    Quelle est son opinion au sujet de Caldissia ? : Jill est loyale envers son pays d'origine. Elle a fait partie des Arcanes pendant quelques années et ne se vantera pas d'avoir fait la guerre comme elle a en horreur ce qu'elle a fait à l'époque. Elle aime toujours Caldissia malgré son départ récent et son ancienne vie lui manque parfois. Elle regrette un peu le manoir, mais, c'est surtout son cousin et son neveu restés là-bas, qui lui manquent. Elle n'a jamais été folle du climat ni de la mentalité Omniste très présente dans la capitale et avais simplement besoin de changer de crèmerie après 35 ans, dont 5 en tant que morte-vivante. A part ça, elle avait beaucoup de respect pour Hincmar, en tant que mage et le regrette un peu. Elle l'aimait bien. Elle espère que sa descendante, Camélia, n'aura pas à vivre un conflit comme son père, surtout à son jeune âge.

    Quelle est son opinion au sujet des Eossiens ? : Une curiosité qui peut parfois devenir franchement intrusive quand Jill ne fait pas attention à ses propos. La Lazarus tente de se modérer et ne veut pas déranger ou mettre mal à l'aise les éossien.ne mais nourrit beaucoup d'interêt à leur sujet et tous les mystères de leur civilisation. Quand les choses se seront un peu calmées, elle a hâte de pouvoir découvrir plus dans leurs ouvrages et peut-être, un jour, percer le secret du sommeil des eossiens. Si son côté intrusif la fait paraître souvent un peu brute, Jill n'a pas de mauvaises attentions : ultimement, elle voudrait que ses recherches puisse aider les eossien.ne.s et une cohabitation plus paisible entre les elysians.

    Si Jill s'attache de plus en plus à la cité d'Eos, c'est qu'elle nourrit également l'espoir d'y trouver, en tant que nécromate, une certaine acceptation qu'elle n'a pas forcèment trouvé en Caldissia.

    >> ET VOUS ?

    Une petite présentation ? : Coba est gay pour les lézards et aime bien les trucs (un peu) d4rk.
    Âge : 27 sardines
    Votre/Vos pronom(s) : Il/Iel
    Disponibilité : C'est les vacaaaaances. Bref, surement beaucoup dans les mois à venir :lio:
    Comment nous avez-vous connu ? : I sin everyday
    Un commentaire ? : Eh.
    Auriez-vous un souci à faire remarquer ? : C tro politik issi !!!!
    Double compte de : Raol la tête de fion et Théodule la tête de cul

    Coba


    Dernière édition par Jill H. Lazarus le Mer 22 Juil 2020 - 18:19, édité 13 fois

    more_horiz
    HISTOIRE

    /!/ TW : mort, quelques moments potentiellement un peu gores/violents /!/
    Etant donné que Jill est une nécromate, j'en profite pour aborder quelques sujets un peu sombres dans l'histoire, autour de la mort, notamment. J'essaie de ne pas rentrer dans des détails trop graphique, mais c'est globalement pas trop la joie et on parlera également de guerre et des traumas qui y sont liés.
    Ah, oui, et, l'histoire est longue donc, si vous avez pas envie de tout lire et voulez un résumé, hésitez surtout pas !



    I – Amaranth

    Êtres supérieurs des limbes, tisseuses de vies, entités de l’au-delà.
    Entendez mes prières et venez à moi.
    Je suis à la quête de l’âme de Jill.
    Acceptez ces offrandes et mon sang.
    Suivez le fil des traces qu’elle a laissé en ce monde avant de passer la Porte de vos territoires.
    Je vous en conjure…

    Ramenez-la moi.


    Les formules bouclent et raisonnent entre les grandes arches sombres des sous-sols du manoir Lazarus. Courbée sur mes genoux et mains jointes autour de la pierre aux esprits, je continue de réciter sans relâche. Le ballet incessant des ombres et des spectres m’étourdit, les entités négatives se perchent sur mes épaules et veulent m’entraîner au cœur de la spirale. Je résiste. Je sais qu’au cœur du tourbillon, ils sont à sa recherche. Jill se cache dans l’un de ces frêles silhouettes, elle ne peut pas s’être égarée très loin. Cela ne fait pas 24h depuis qu’elle est… je garde les yeux ouverts et aux aguets malgré les hululements sinistres qui raisonnent dans les oreilles et les mascarades ténébreuses qui défilent. J’ai peur, évidemment, quand ces yeux injectés de sang apparaissent dans l’ombre et me fixent et semblent rire de moi. Mais ils ne sont rien… rien à côté de la peur que j’ai d’échouer et de perdre ma fille pour de bon.

    D’épais fils s’extirpent péniblement du tourbillon noir. Les hurlements s’atténuent. La pénombre naturelle du sous sol reprend progressivement sa place, chassant les spectres aspirés par les restes du vortex. Les traînées obscures tournent entre les arcades, longent les murs, semblent se cacher dans les coins. Elles s’arrêtent devant moi, j’ai l’impression qu’elles me fixent. Elles semblent fragiles et s’approchent avec précaution. Un filament noir effleure ma joue et je me fige, incapable de réagir. Si ma concentration faillit, alors je perdrais mon unique chance. L’ombre tremblotante semble me contempler dans cette cave où ne résonne plus que mon souffle saccadé. Même la poussière et le vent se sont suspendus. Soudain, la colonne ténébreuse difforme s’effondre puis se fragmente en milliers de traînés d’encre éparpillées sur le sol. Tels des serpents, je les regarde et continue de réciter les formules tandis qu’ils se précipitent vers le corps posé à l’autre bout de la cave… vers leur corps.


    *****


    Mes nerfs se crispèrent tous à la fois. Une douleur si forte, si indescriptible me transperçait le crâne, encore. C’était la dernière sensation dont je me souvenais. Impossible d’imaginer cette douleur, même dans mes pires poèmes d’adolescente qui se croyait sombre et extrême.

    Je n’avais même pas conscience que je venais de revivre. D’ailleurs, vu la torture que m’infligeaient tous mes sens réveillés, je n’avais même pas envie de vivre, à ce moment-là. Je voulais que tout cela prenne fin, à nouveau. Si j’avais assez de ma conscience, j’aurais exigé qu’on me rende aux limbes pour ne pas avoir à revivre ma propre mort. Je ne sais pas combien de temps mes cris on résonné contre les plafonds voûtés du sous-sol, dans la pénombre.

    Mais je me souviens quand même qu’elle était là. Cette femme blonde aux traits tirés, pleurant toutes les larmes de son corps en tenant ma main dans la sienne, prononçant un unique mot : « Jill ». Etait-ce mon prénom ? Qu’étais-je à ce moment-là, si ce n’est la certitude d’être déjà morte et que tout ce processus était tout sauf naturel et indolore ? Je me souviens que le silence revint brusquement sous les arcade, le temps que je contemple une fois de plus le visage de la nécromancienne et que je perde conscience.


    *****


    J’avais 23 ans lorsque j’ai accouché de Jill. L’annonce de ma grossesse n’avait pas plu à Papa. Mais rien de lui plaisait, quand il s’agissait de moi. Me marier pour améliorer les rapports de la famille Lazarus avec les autres grandes familles militaires de Caldissia ? Non merci. Révéler le nom de la personne avec qui j’avais conçu mon enfant ? Jamais de la vie. Ça n’avait pas d’importance. Mais pour Horatio, mon père, ça en avait. Ça en avait, car si je me comportais ainsi, cela signifiait que je ne le respectais pas.

    Je respectais Maman, de son vivant. Jamais mon paternel, avec sa grande gueule et sa déception évidente de ne pas avoir eu d’héritier mâle ne m’inspira le moindre respect. Il était comme un vautour depuis la mort de Synna, avait tenu à surveiller ma grossesse de près, à me convaincre d’« au moins faire ça bien » ou de « trouver un homme pour élever l’enfant ». Il n’a certainement pas rendu ces 9 mois faciles, déjà que la grossesse était suffisament pénible comme ça. Tu parles d’un rêve pour une personne assignée femme, hein… quel plaisir c’était, cette douleur et cette sensation d’avoir plusieurs kilos me traversant le bas-ventre à la naissance. Mais, ça en valait la peine. Je n’ai plus eu aucun regret, aucun remords quand j’ai pu finalement sentir son tout petit corps réchauffé contre le mien.

    Ma seule crainte, quand j’ai vu Horatio entrer dans ma chambre tandis que Jill s’était endormie sur ma poitrine, c’était qu’il contrôle sa vie comme il avait longtemps contrôlé la mienne.


    *****


    II – Sleeping Sun

    J’ouvre enfin les yeux. La douleur s’est atténuée mais mon corps qui s’enfonce dans le matelas et les oreilles, sous les couvertures pèse lourd. Je suis encore vidée de mes forces mais j’arrive à observer, à sentir même si ça me fait mal à la tête, à relier avec mes souvenirs…

    Mais, quels souvenirs ?

    Je connais cet endroit, j’en suis sûre. Une chambre avec un lit aux couvertures portant encore une odeur familière… mon odeur. Ma chambre. Un bureau un peu plus loin, encore en bazar, comme s’il avait délaissé il y a seulement quelques jours.

    Quel jour est-on ? Quelle année ? Ai-je dormi ? Ai-je rêvé ? Suis-je seulement encore en vie ?

    Ma vision se trouble lorsque mes yeux s’humidifient… mes yeux ? Non, ma vision n’est plus la même. Je n’y vois plus du côté droit. Ai-je perdu d’autres sens ? D’autre membres ? Mon regard s’attarde sur mon corps emmitouflé dans des habits épais et confortables. Je n’ai même pas chaud. Ni froid, d’ailleurs. Mais je peux sentir la douceur des tissus sur ma peau.

    Les sensations reviennent dans mes membres. Des picotements envahissent mes bras, mon visage et  mon torse. J’arrive à porter mes doigts jusqu’à ma figure. Je peux sentir des bandages sur mes extrémités, des cicatrices et des sutures nombreuses. Je suis… entière, je crois ?

    Du mouvement contre les couvertures me fait sursauter. J’écarquille les yeux en me tournant vers ma droite, vers mon angle mort, tombant encore sur cette femme aux cheveux blonds qui remue près de moi. Elle émerge à son tour, doucement, bâille puis se redresse. Ses yeux croisent finalement mon regard stupéfait. Je la reconnais. Je sais qui elle est, même si je ne peux pas encore énoncer son nom clairement.

    « Jill !! »

    Mon prénom s’échappe encore d’entre ses lèvres, faible, bouleversant. Je sens que mes larmes se remettent à couler, que ma gorge est serrée. Je suis en vie. Je suis en vie pour de vrai. Mais… comment ai-je tant oublié ? Les souvenirs affluent lentement quand je regarde la chambre, des sensations familières reviennent, mais… quelle est mon histoire ? Qu’est-ce qui m’a fait me retrouver dans ce lit, dans un corps rafistolé, en dehors de cette douleur que j’ai ressenti dans ce sous-sol ?

    Ma main a bougé toute seule, péniblement, vers celle de la nécromancienne aux cheveux clairs. Elle se met à pleurer de plus belle en entremêlant ses doigts avec les miens. Ses gestes sont infiniment doux, précautionneux. Comme si elle avait peur  de me briser. Comme… comme si elle venait de me mettre au monde à nouveau.

    « M.. m... »

    Helène. C’est son prénom. Helène cligne des yeux. Sa main libre effleure ma joue, mes cheveux. Ses gestes n’ont pas changé.

    « M-maman. »

    Finis-je par prononcer. Ma voix est presque inaudible, mais ma mère m’entend.

    « Oui… oui. »

    Sa voix se brise de nouveau en sanglots. Si mes sensations sont toujours étranges, je sais que je suis en vie. En vie, oui… je ne devrais pas l’être, n’est-ce pas ? Je me souviens clairement avoir été… je ne sais pas. Je me souviens simplement que tout s’est arrêté à un moment donné.

    Je me souviens que je suis morte. C’est ça. C’est ma seule certitude. La respiration semble soudainement me manquer et la panique m’envahit. Helène s’ébroue près de moi et tente de se calmer pour que je redevienne plus calme. La douleur revient graduellement, de plus en plus intense. Est-ce que ça va être toujours comme ça, désormais ? Suis-je revenue parmi les vivants pour ça ?!

    Mon bras se dresse brusquement sous le coup de la nervosité et s’abat contre le dossier du lit. Je ne ressens pas la puissance de mon coup, mais j’entends le bois qui se brise dans un grand fracas. J’ai un moment de panique, ne comprenant pas ce qui se passe avec mon organisme. Hélène appelle quelqu’un et lui dit d’apporter quelque chose. J’entends des pas dans le couloir et vois la porte s’ouvrir. L’homme de grande taille à grosses lunettes qui vient d’entrer s’arrête et m’observe un instant, pétrifié. Ma mère rappelle « Illéas » à l’ordre et il lui fait passer une fiole.

    Ça va trop vite. Je n’ai pas le temps de suivre.

    « Fais-moi confiance. Respires… suis ma voix. Ça va aller, mon amour. Tout va bien... »

    Helène tente de m’apaiser à nouveau. J’arrive à me concentrer sur sa voix et je sens ma cage thoracique se détendre, mon corps redevenir moins douloureux. Quelques instants de silence passent ainsi.

    « Est-ce que tu as encore mal… ? Tu peux boire ça, si.. »

    Elle me tend la fiole sans me brusquer. Un médicament… ? Je me sens apaisée, mais j’ai trop peur que la douleur revienne, alors je hoche la tête et me laisse faire. Sentir le liquide couler dans la gorge me rappelle d’autres choses. Boire. Manger.

    « J-je... »

    Articulais-je péniblement, scrutant à nouveau le visage de ma mère penché sur moi. De l’autre côté de la pièce, Illéas semble complètement confus.

    « J...je…soif. F-faim. »

    Les deux autres échangent un regard et lâchent simultanément un « oh !! », comme s’ils tombaient des nues. Ils s’activent rapidement dans la chambre, encore une fois, je n’arrive qu’à peine à les suivre du regard.

    « On… on revient tout de suite ! »

    M’annonce Hélène avant de quitter la chambre avec « Illéas ». Je n’ai pas eu le temps de bien le voir, mais c’est assurément une personne dont je suis proche aussi. Son visage sévère m’évoque des sentiments plaisants mais aussi une grande tristesse qui me tord le ventre… des regrets… ?



    Me voila moins assoiffée et nourrie. Je n’ai pu m’empêcher de ressentir un certain dégoût envers moi-même lorsqu’il a fallu me laisser alimenter par ma mère, comme si j’étais de nouveau un nourrisson. Je ne pouvais rien faire contre ça, évidemment, mais… bref. Mon esprit devient un peu plus clair, à présent et mon regard s’est mis à fixer le fameux Illéas. J’aperçois aussi, dans l’entrebâillement de la porte, un jeune homme qui n’a pas l’air d’oser se montrer. Quand je le vois, il se rétracte et semble s’enfuir. J’ouvre la bouche et sens ma mâchoire craquer… mon esprit est toujours aussi embrumé et mon corps semble prendre des heures pour se réveiller. Au moins, il se réveille.

    J’inspire profondément, car, oui, je respire.

    Je ne sais pas si c’est de l’euphorie ou une nouvelle crise de panique qui grimpe en moi alors que je constate à nouveau que je suis en vie. Dans le feu de l’action, je porte une main contre ma poitrine, ou est censé se trouver mon cœur… je ne sens pas de pouls. Avec un peu de recul je me serais sûrement dit que cela n’a pas grand-chose d’étonnant mais, sur le moment, je n’ai pu qu’écarquiller les yeux dans ma confusion.

    « Jill, tu... »

    L’air désolé, Hélène s’approche et prend ma main. Je ne sais pas comment réagir sur le moment et cligne de l’œil.

    « Je… j-je s-suis… morte… ? »

    En osant finalement prononcer ces mots, je lance des regards interrogateurs aux deux autres personnes présentes dans la chambre. Illéas retrousse les lèvres et baisse les yeux, tandis que ma mère continue de me regarder.

    « Tu es… maintenant, tu es vivante à nouveau. »

    Ce n’est pas la réponse à ma question. Mon expression se rembrunit et je plisse l’oeil.

    « Tu as… c’est toi qui… ? »

    Hélène déglutit difficilement avant de finalement reprendre la parole, peu assurée.

    « Ou-oui. J’ai… je t’ai ramenée dans ton corps après que tu sois... »

    Quelque chose dans les propos de maman me serre la poitrine. Me brûle. Mon poing libre se serre sur lui-même sous le coup du malaise, d’une colère sourde. Je ne sais pas bien pourquoi cette conversation me met dans cet état mais j’ai un sale pressentiment. Après un petit moment, j’articule de nouveau quelques syllabes :

    « Et… c-comment... ? »  

    Hélène ne parvient qu’à former une expression de stupeur, sans savoir quoi répondre. Je sens sa main qui tremble. Cette fois, c’est Illéas qui prend la parole.

    « Tu ne te rappelles pas de la bataille… ? »

    En entendant sa voix, de nouveaux souvenirs investissent mes pensées. Je reconnais bien là le ton grave et légèrement hésitant de mon cousin le plus âgé. Il me parle de la bataille avec une expression affectée. La bataille… mon corps est envahi de frissons désagréables mais mon esprit refuse.

    Je ne veux pas. Cette fois, je ne veux pas savoir.

    La main d’Hélène contre mon épaule m’apaise. J’inspire de nouveau. Je crois que je n’ai pas encore la force de réfléchir à tout ça clairement. La blonde reprend finalement la parole. Entendre sa voix me fait un bien fou, même si cette impression de malaise refuse de quitter mes tripes (ce qu’il doit en rester).

    « Tu sais, si ça peut te rassurer… tu ne pouvais même pas ouvrir les yeux il y a encore 2 jours. Ton état est en train de s’améliorer. »

    Je suis toujours dans un sale état. Chose que je ne préfère pas énumérer à voix haute, par ailleurs. Hélène a l’air réjouie de me voir mieux qu’il y a quelques jours et veut m’encourager mais… à quel prix. Savait-elle quels effets la nécromancie aurait sur mon corps et mon esprit, en essayant de me ramener… ? Je ne sais que j’ai étudié ça mais rien qu’essayer de repenser aux détails me fait mal au crâne.

    Je me masse la tempe. Mes yeux sont redevenus lourds.

    « Je d-dois… dormir. »

    Mes deux visiteurs obtempèrent sans discuter et me laissèrent me rendormir après avoir replongé la chambre dans la pénombre.


    *****


    « Bon, euh, ça suffit, maintenant ! Descendez ! »

    Illéas tente de hausser le ton sans pour autant oser crier depuis le bas de l’arbre sur les branches duquel je me suis perchée, toute fière de moi. Le grand binoclard aux cheveux bruns tape nerveusement du pied en regardant vers la cime et se mord les ongles. L’adrénaline bat dans mes tempes tandis que j’essaie de me hisser debout sur ma branche. Je tremble d’excitation mais manque de dégringoler en glissant lorsqu’un peu plus haut, des branches craquent et quelques feuilles me tombent dessus. Je m’agrippe tel un paresseux à ma branche et jette un œil vers le haut à mon tour.

    « Soltan ! Tu vas te faire mal, arrêtes !! »

    Je m’emballe de plus belle en regardant mon autre cousin arriver au plus haut point du tronc. Il est tout là-haut. Je n’arrive pas à voir son visage clairement. Je sais qu’il souriait, peut-être, qu’il riait, tout fier de son coup. C’est un souvenir heureux, en tout cas, j’en suis sûre. Heureux, du moins, jusqu’à ce que la voix sévère et enrouée d’un homme âgé nous interrompe.

    « Qu’est-ce que vous fabriquez ? »

    Je me serre sur ma branche, l’anxiété et le vertige me gagnant soudainement alors que le souvenir semble s’assombrir. Le petit homme que j’aperçois depuis mon point elevé ne me montre pas sa figure. Je ne saurais me rappeller de ses traits. Il s’adresse à Illéas puis semble regarder vers la cime de l’arbre à son tour.

    « Tu n’as vraiment aucune autorité, hein… et ça doit devenir chef de famille à ma place un jour... »

    Les paroles que le plus vieux marmonnent semblent toucher Illéas de la mauvaise manière et je ressens également un malaise intense qui me pétrifie. Je vois mon cousin qui se crispe sur place, puis j’entends la voix de Soltan qui retentit depuis le haut de l’arbre.

    « Pépé !! Regardes comment je suis monté haut ! »

    Wah, il est vraiment grimpé tout en haut ! Il est fort… Soltan est fort, ça, je me rappelle que Pépé le disait souvent.

    « Ahah ! Bravo fiston ! Tu descends ? J’ai des trucs à te montrer. »

    La voix de notre grand-père s’adoucissait toujours lorsqu’il s’adressait à Soltan. Avec lui il est… il était différent. Gentil, même. Je ne me rappelle pas qu’il ait été gentil avec moi comme ça. Je ne me rappelle pas de choses positives concernant Pépé, en fait.

    Tandis que Soltan commence à descendre rapidement de son sommet, pépé s’est rapproché d’Illéas, son regard est redevenu effrayant.

    « Tu vois, Illéas, lui, il deviendra un homme, un vrai. »

    Je vois Illéas qui regarde ailleurs et serre les dents. Je me sens aussi mal que lui. Le paysage s’assombrit encore, devient plus gris, plus terne. Je n’aime pas ça… j’ai l’impression qu’Illéas se sent si mal qu’il va disparaître. Même enfant, je trouve ça méchant… juste méchant, de dire des choses pareilles à son petit fils. Choquée, je n’ai rien su dire pour défendre mon cousin, de toute façon, du haut de mes 8 ans, j’avais trop peur de pépé. D’ailleurs, il continuait de gronder Illéas pour rien.

    « Bref. Grouilles-toi d’aller retrouver ta tante pour travailler ta magie. T’entrera pas à l’Académie dans l’état actuel des choses. »
    « Ah !! Moi aussi j’veux aller faire de la magie ! »

    En entendant parler de magie, je suis descendue de ma branche illico. En me retrouvant par terre, j’ai pris le temps de m’essuyer en courant vers mon cousin, espérant l’approbation du patriarche. Ce dernier, comme d’habitude, ne me regardait même pas. Il était focalisé sur Soltan qui venait d’arriver sur le plancher des vaches et qui rejoint, tout guilleret, pépé.

    « Bravo mon grand. »

    Illéas était déjà parti. Mes paroles raisonnent dans le vide, comme si j’avais été seule depuis le début. Toute seule sous l’arbre. J’ai l’impression que j’ai vécu ça plusieurs fois. Maman était occupée, Tante Alicia disait toujours qu’elle avait trop de travail et Oncle Ronald, bah, il m’ennuyait. J’avais envie de jouer avec mes cousins, moi, mais ils étaient tout le temps pris avec leurs études. Je me rappelle que maman me disait que c’était parce qu’il fallait toujours qu’ils s’entraînent : Illéas pour l’Académie de magie de Caldissia puis pour rejoindre les Arcanes ensuite et Soltan devait devenir écuyer un jour. Apparemment, Soltan était un des seul de la famille qui n’avait pas beaucoup d’affinité avec la magie. Maman disait que ma mamie était comme ça aussi… bref. Je me sentais seule, sous mon arbre ou dans ma chambre, avec mes livres, toute la journée. En plus, Illéas allait bientôt partir pour ses études.

    Tout le monde allait partir. J’en eus la certitude et je me mis à frisonner dans mon petit corps frêle.

    Le vent s’est levé et fait trembler les feuilles de mon arbre. Il souffle de plus en plus fort. J’ai l’impression que des nuages sombres, se sont rassemblés autour de l’arbre et ont fait disparaître tout le reste.. le manoir des Lazarus, le grand jardin... Je ne comprends pas ce qui se passe mais j’ai peur. Je me lève et me mets à courir dans le brouillard grisâtre, m’y perd, ne voit plus que des ombres immenses qui défilent autour de moi.

    « Illéas ! »

    Je veux retrouver mon cousin. Je sais qu’il est là. Une silhouette sort de la brume et attrape ma main, me prend dans ses bras. Je reconnais l’odeur et les cheveux de maman qui m’enserrent. Je me sens toute petite. Je vois l’ombre d’Illéas qui s’éloigne.

    « Non, ne pars pas ! Je veux partir avec toi ! En plus t’as promis que tu m’apprendrais a faire le Flipendo ! »

    Je continue de crier. Les câlins d’Helène ne me consolent pas. J’ai peur qu’Illéas ne puisse pas revenir. Soudain, je me libère de l’étreinte de ma mère et m’enfuis à travers la brume. J’entends des cris, des bruits métalliques et de lutte, le fracas des sabots et des corps dans la terre, des hérissements incessants tout autour. Les nuages gris s’éloignent et révèlent un immense désert. Mes jambes d’enfant se fatiguent tandis que je courre dans le sable. Il n’y a personne. Ma voix résonne comme dans un temple vide.

    « Maman ? Illéas… ? »

    J’appelle encore les deux personnes dont les visages sont encore gravés dans mon esprit. Je n’obtient aucune réponse. J’ai peur… Le vent recommence à souffler, juste assez fort pour me couvrir de sable. Il fait soudain très chaud et j’ai des grains jusque dans la bouche. Je me penche, me mets à cracher, à me gratter et à tenter de me débarrasser du sable qui m’est rentré dans les yeux. Une ombre, longiligne, d’un noir intense, est apparue à mes pieds. J’écarquille les yeux, à la fois terrifiée et fascinée par cette créature d’ombre aux centaines de pattes et aux yeux écarlate qui se déplace autour de mes pieds. Le scolopendre obscur s’arrête soudainement. Puis il s’éloigne. Je me redresse en le suivant des yeux, regarde devant moi--

    Je hurle.

    Le désert est juché par des squelettes, des cadavres, des… cette puanteur. Je la connais. Je tombe par terre, tremblant de tous mes membres au milieu des morts.

    « Jill ! »

    Je me retourne dans la direction de la voix d’Illéas et… je me vois. A terre. Morte. Le visage figé dans une expression de terreur, bouche ouverte, l’œil vitreux et… il y a tant de sang.

    « Au secours... Au secours ! »

    Je me redresse brutalement dans mon lit, le souffle court. Je porte une main à ma bouche, me sens nauséeuse. Je… je sens que celle que j’ai vu dans mon rêve est encore là. Qu’elle me regarde. Je reste pétrifiée un moment, attendant qu’elle parte de mon esprit. Que les visages tuméfiés encore gravés sur ma rétine s’en aillent. Attendre de ne plus sentir leurs yeux sur moi. Ils finissent toujours par partir.

    Mon corps se décrispe finalement et je retombe sur le matelas, contre les oreillers. Les cauchemars, hein. Je me rappelle, maintenant, quel plaisir. Je n’aimais vraiment pas aller dormir, enfant. J’en faisais souvent. J’attendais la journée pour me distraire et me faire de beaux souvenirs avec mes cousins et avec maman. J’espérais apprendre la magie pour chasser les cauchemars, les monstres qui me rendaient visite… chasser cette présence que je pensais parfois voir me fixer dans la nuit. J’ai appris à vivre avec, à mieux dormir. A faire des potions pour me soulager de mes mauvais rêves… peut-être devrais-je recommencer.

    Mon corps est lourd. Je ne contrôle plus vraiment mon sommeil, il opère quand je suis trop épuisée. Je sombre de nouveau pour quelques longues heures. J’espère qu’Hélène dit vrai. Qu’à un moment… ces moments passés sans bouger dans ce lit vont se faire moins nécessaires. Que je pourrais marcher, aller dehors. Peut-être vivre comme si j’étais vivante à nouveau, un jour.


    *****


    La journée est calme, dehors. Illéas a ouvert les volets et la fenêtre pour renouveler l’air de la chambre et je me suis perdue dans la contemplation du paysage. J’avais oublié la vue que j’avais, depuis cette ouverture sur le manoir, sur le centre de Caldissia. Si je ne ressens plus la chaleur comme avant, je m’amuse a essayer de me remémorer la sensation de la caresse du soleil sur ma peau. La lourdeur de l’air, l’humidité quand un orage arrive en été. Nous ne sommes encore qu’au printemps, mais les jours chauds seront là dans moins d’un mois, d’après mon cousin. Mon regard ne veut plus quitter ce panorama… les dômes du grand temple Omniste, les toits de l’Académie de magie, non loin de là. En contrebas, je peux voir le jardin. Il est plus sauvage que dans les souvenirs des dernières nuits. En réalité, tout me semble désert, dans la propriété familiale. Je me demande où est passé tout le monde. Puis, je me rappelle la guerre et je frisonne. Je repense aux désert de mon récent cauchemar puis secoue la tête, me re-focalisant sur la tasse de thé tiède que m’avait apporté Illéas. Il s’est assis à côté du lit et s’est mis à bouquiner tranquillement. Je suis contente qu’il vienne aussi me voir avec l’attention de se détendre, pas seulement pour me demander si tout va bien, si j’ai forcément besoin de quelque chose. Je n’ai pas envie qu’on me rappelle tout le temps mon état et… mon cousin est doué, pour ça. Pour me donner cette impression de « normal » pendant quelques courts moments.

    « Illéas ? »

    Mon regard s’est détaché de la fenêtre afin de me focaliser sur mon cousin. Il marque la page de son ouvrage et le referme partiellement en m’offrant son attention.

    « J’ai fait un rêve de... »

    Je me sens moins engourdie de partout et il m’est donc de plus en plus facile d’articuler. Cela dit, je ne saurais comment qualifier mes cauchemars ou mes souvenirs des dernières nuits. Je ne suis pas sûre d’avoir rêvé à partir de choses enfouies dans ma mémoire ou d’avoir inventé. Pourtant, tout me semblait familier même s’il m’est encore impossible de me rappeler les visages de certaines personnes.

    « Quand tu, quand t’es parti à l’Académie. »

    Du moins, j’ai eu un rêve, peut-être un souvenir de ce que j’avais ressenti ce jour là… peut-être juste une réminiscence de l’importance que la compagnie de mes cousins avait pour moi. Les évènements avaient peu d’importance au final… c’est ce que j’ai ressenti envers eux qui m’a marquée. Tout comme l’anxiété qui m’a envahie lorsque notre grand-père était présent. Enfin, il était toujours moins anxiogène que la suite du rêve… je n’en parlerais pas tout de suite à Illéas ou à qui ce que soit. Je préféré me raccrocher à ses récits de choses que nous avons vécu ensemble. Au moins, ça c’est concret. J’ai l’impression que je peux faire confiance à Illéas pour-- eh bien, j’ai l’impression qu’il n’est pas du genre embellir inutilement les choses ou à les déformer. Contrairement à mam- bref.

    « Oh. C’est vrai. Tu voulais venir avec moi, ce jour là. »

    Je cligne des yeux. Je ne suis pas sûre que ce soit tant ça que la peur de le voir partir ?

    « Non, je… vraiment ? »

    Je ne peux pas m’empêcher d’être sceptique, quand il s’agit de l’Académie ou juste de magie. Je sais, pourtant, que je suis censée être calée à cet égard, d’après ce qu’on m’a dit. Mais quelque chose ne veut pas… je ne vois pas pourquoi j’aurais voulu partir si tôt du manoir. Illéas continue de me raconter des choses sur cet évènement, me dit que j’étais même allée jusqu’à me faufiler dans un gros sac qu’il devait emporter et que Hélène m’avait cherchée partout, se faisant un sang d’encre  toute la matinée. Je ne peux retenir un sourire en coin en voyant mon cousin habituellement si sérieux se dérider naturellement. Un ange passe après qu’il ait continué de me raconter des anecdotes… c’est curieux qu’il n’en garde pas un aussi mauvais souvenir que moi ? Enfin, c’est normal. Il devait avoir hâte de partir du manoir, si pépé le traitait toujours comme dans mes quelques souvenirs. Un malaise me saisit le ventre en repensant à notre grand-père et à l’influence qu’il avait visiblement sur nous et le reste de la famille Lazarus. Je pense que pour ma part, Hélène était toujours là pour me protéger mais… je n’ai qu’un souvenir très mince des parents de mes cousins et je me demande si cela signifie qu’ils étaient simplement absents.

    Je passe sous silence mes dernières réflexions et le souvenir que j’ai fait beaucoup de mauvaises nuits, après le départ d’Illéas. J’étais une enfant, évidemment que j’étais inquiète, surtout avec la guerre qui allait et venait dans la région de Caldissia. La guerre, encore. Quelque chose m’obsède, avec la guerre. Tout m’y ramène et ce n’est pas que moi… ma famille a manifestement eu une certaine place dans les rangs des militaires durant un long moment.

    « Je suis… j’y suis allé aussi, hein ? A l’Académie ? »

    La réponse me semble logique mais dans ma confusion, des doutes subsistent quand même. Illéas se remet à sourire, plus nostalgique.

    « Évidemment. C’était ton rêve. »

    ...Mon rêve ? L’Académie de magie ? La chose me paraît improbable, tout à coup, d’autant plus que comme la plupart de mes souvenirs, ça reste flou. En plus, l’évocation de la magie depuis mon réveil me dégoutte plus qu’autre chose. Est-ce parce qu’on m’a rafistolée grâce à ça ? Parce que c’est finalement à cause de la magie que je suis dans un tel état et que je ne peux rien faire seule à l’heure actuelle ?

    « Ah, bon. »

    Illéas cligne des yeux et m’observe d’un air confus. On s’observe un petit moment puis j’esquisse un geste du menton afin qu’il pose la question qu’il semble méditer.

    « Tu ne te souviens pas de… enfin, tu n’as vraiment pas de souvenirs du fait que tu voulais faire partie des Arcanes aussi ? »


    Les Arcanes… cela sonne très familier. Je ne dis rien, préférant laisser Illéas continuer.

    « D’ailleurs, tu as fini par en faire partie, avec moi. En fait, c’était… c’était une tradition familiale avant que... »


    Je ne sais pas de quel « avant » il parle, mais ça semble être un sujet qu’il ne veut pas aborder.

    « Grand-père nous racontait souvent comme il était important qu’on fasse honneur aux anciens grands mages Lazarus. Il faudrait que je t’apporte les livres de la bibliothèque à ce sujet, en fait. »

    J’hoche la tête avec enthousiasme. Je ne peux pas me concentrer très longtemps pour lire dans mon état actuel, mais ce sera un début. Mais, maintenant, je me rappelle mieux. Les mages des Arcanes de Caldissia, c’est vrai que cela m’évoque un certain nombre de sentiments… de la passion, de la fierté, de la rancœur, des regrets, de la joie, de la tristesse. Mouais. Mon ressenti à cet égard me semble un vrai sac de nœuds.

    « Les Arcanes, c’était pour la guerre, hein ? »


    Finis-je par dire, non sans sentir l’inconfort envahir à nouveau mes sens. Je n’aime vraiment pas aller sur ce terrain et je crois que la raison est assez évidente. Mais je ne veux pas y penser pour le moment.

    « Oui. C’est une partie de l’armée de Caldissia. »
    « Je me rappelle. »


    Mon ton redevint sec, un peu malgré moi. Illéas a du sentir que je ne voulais pas trop rentrer dans les détails concernant ce sujet précis. On se contenta donc de finir notre thé en silence, mon regard retournant admirer le paysage à l’extérieur.

    Je lirais tout ça. Il faudra bien.  

    Si je veux retrouver mes souvenirs, je dois me faire à cette idée : j’étais mage de profession et j’ai pris part à la guerre parmi les Arcanes. Si l’idée me dégoûte et me fait peur, il me faut accepter qu’avant les batailles et les morts… quelque chose avait dû me motiver, jusqu’à mon entrée dans l’âge adulte, à faire ça. Pfff… je n’aime vraiment pas l’idée de me rendormir avec tout ça en tête.

    *****


    III – Dead Gardens


    « Ne te fatigues pas trop en lisant, hein... »

    Voilà quelques jours que je suis sur les mêmes chapitres de l’ouvrage qu’Illéas m’a apporté. Je soupire avec une certaine exaspération en entendant Helène qui s’inquiète que je m’épuise juste à cause de quelques pages.

    « Oh, ça va, je vais pas en mourir. »

    Je force un sourire narquois dont la dimension provocatrice n’échappe pas à ma mère. Celle-ci pince les lèvres et ne rigole pas du tout à l’ironie évidente de mes paroles.

    Ma tête me fait mal et je sens venir la migraine. C’est pénible. J’en ai marre. Mes doigts se crispent sur la reluire de mon livre. Je commence vraiment à détester… non pas ce corps, mais son état, ma condition de manière générale. Je n’y peux rien, c’est inutile de me mettre en rage envers quelque chose contre laquelle je suis impuissante mais… justement. Quelqu’un, dans cette chambre, était loin d’être impuissante vis-à-vis de mon état.

    « Tu savais, pour mon état, hein ? »

    Je n’avais pas prévu d’être aussi cinglante tout d’un coup mais je ne veux pas me contrôler. Après tout, je ne peux pas contrôler grand-chose. Cette idée me fait peur. L’absence de mesure, chez moi me… je ne sais pas, quelque chose cloche. Ça ne me ressemble pas.

    Dans tous les cas, Helène est très décontenancée par le ton que j’emploie. Elle semble prise de court et cela m’énerve encore plus. Des semaines ont passé, je crois avoir les idées plus claires et j’ai réfléchi à ces histoires de magie, plus précisèrent… ce que moi, je faisais avec la magie, ce que les Lazarus faisaient avec la magie. La lecture du bouquin d’Illéas est particulièrement complexe à cause des choses qui me reviennent sans cesse liées aux Arcanes, à la guerre, à la famille, à la magie. Je sais… je sais que a nécromancie est un domaine censé m’être familier. Et à Hélène aussi. On ne réussit pas à ramener quelqu’un à la vie sans s’être penché très sérieusement sur la question et sur les morts vivants plus largement.

    « Tu savais que tout ça… que je serais dans cet état, en me faisant revenir. »
    « Mais, Jill, je-- »


    Je n’ai même pas la satisfaction d’avoir réussi à mettre le doigt sur le malaise qui m’enserrait le ventre en la présence de ma mère. Je suis… déboussolée. Évidemment, que je l’aime. Je l’aime tellement, Hélène. C’est pour ça que le fait qu’elle ait évité ces sujets, que réaliser qu’elle n’était peut-être pas en mesure de réfléchir en me rafistolant me blesse et me met tellement en colère.

    « Tu savais que ça me ferait souffrir ! Pourquoi t’as fait ça ?! »

    Oui, j’ai mal. Mais ne devrais-je pas m’estimer heureuse d’être encore vivante après tout ? Tout le monde n’a pas cette seconde chance, pourrait-on me répliquer. Je ne sais pas. Je ne peux que me sentir mal… je… je ne sais pas quel mots mettre sur ce qui me met dans cet état. Je suis frustrée de ne pas pouvoir bouger, d’avoir besoin d’aide pour boire, manger, me torcher.

    « Je t’ai rien demandé… je... »

    Je vois les yeux de ma mère qui s’humidifient. Je me sens horrible. Je devrais… c’est la guerre dehors, des gens perdent des personnes qui leur sont chères et qui ne reviendront jamais tous les jours. Pourtant, moi, je suis revenue. Je n’ai pas eu vraiment le choix mais… aussi maigre soit la famille qui me reste, j’ai cette aubaine.

    Après avoir reniflé et ravalé ses larmes, Hélène parvient à reprendre la parole. Ma frustration est contagieuse, on dirait.

    « Pourquoi est-ce-- à ton avis, pourquoi j’aurais voulu ramener ma fille morte à 30 ans en sachant que c’était peut-être faisable ?! »

    Pourquoi me dit-elle ça comme si c’était une évidence ? Je… qu’est-ce qu’elle cherche à me dire ? Qu’elle…

    Elle ne s’est même pas posé la question. La chose m’apparaît comme une évidence et me frappe au visage. Une personne qu’elle aime plus que tout au monde… était morte. Qu’est-ce que j’aurais fait, qu’est-ce que j’aurais pensé, à sa place, sur l’instant ? Je n’aurais voulu qu’une seule chose : que cette personne ne soit pas morte.

    « Laisses-moi. »

    Je suis vraiment trop conne. Quelle égocentrique je fais.

    Ma gorge se serre et les larmes viennent. Tout ça est trop familier et je n’en peux plus, d’avoir ces réalisations parfois violentes, ces souvenirs qui reviennent à l’improviste et me font comprendre que je ne serais peut-être jamais sortie d’affaire. Que peut-être, je ne me retrouverais jamais.

    « Je comprends que tu m’en veuilles mais- »

    J’ai envie de lui dire que ce n’est pas vraiment sa faute. Mais je ne m’en sens pas la force. Je n’ai que la force d’être sèche pour avoir la paix.

    « Laisses-moi. S’il te plaît. »

    Ma voix commence à tomber en miettes à la sortie de mes lèvres. Hélène finit par obtempérer et se dirige vers la porte. Elle s’arrête un instant, peut-être pour le dire quelque chose, mais finit par s’en aller sans dire un mot de plus.

    Je n’aurais pas du m’en prendre à elle comme ça. Je n’ai pas pu me retenir. Je préfère qu’elle ne soit pas là pour voir mon craquage. Je m’expliquerais et m’excuserais après mais là, j’ai juste envie de me remettre à chouiner comme un bébé frustré. Je déteste ça. Je déteste alterner en permanence entre un état léthargique et ce nœud immonde, douloureux de ressentis négatifs qui me donne envie de crier sur tout le monde. Après une nouvelle crise et avoir envoyé un nouveau coup dans cette pauvre table de nuit qui est désormais dans un sale état pour me défouler, je crois que j’ai fini par m’écrouler de fatigue à nouveau.


    *****


    Dehors, il s’est mit à pleuvoir. Le premier mois de l’été est déjà passé, et les moussons sont arrivées en Caldissia. Le manoir est plongé dans le silence. Je m’ennuie. Mon corps est engourdi… je ne me demande si c’est à cause de l’humidité.

    Je veux me lever.

    J’entends l’orage au loin, ça me détend. Même si mon humeur est morose depuis plusieurs jours, je me sens vivante et j’ai envie de bouger. Je crois que c’est le moment. Que je peux y arriver. Je réajuste ma robe de chambre et dégage l’épaisse couverture lestée qui me couvrait. Mes membres bougent plutôt bien alors que je me décale pour me mettre assise sur le bord du lit, j’en suis la première surprise. Je pensais que cela serait plus complexe à gérer. J’imagine que mon état n’est pas si… enfin, que ce n’est pas une si mauvaise journée.

    Je sens le tapis sous mes pieds et hésite encore à me hisser debout. Je dois trouver quelque chose pour m’appuyer, car si je dégringole sur le sol, j’aurais l’air bien débile. Je vois que quelqu’un a eu la présence d’esprit de me laisser une canne près du lit. Je ne peux pas m’empêcher de former un sourire mi-amusé, mi-touché même si je me sens coupable d’avoir cru qu’Helène voulait me garder au lit de force.

    J’arrive finalement à me mettre debout. Mon corps me semble très lourd mais il tient le coup. Je peux même faire quelques pas grâce à ma canne. Je replace quelques mèches qui m’empêchent d’y voir clair derrière mes oreilles et me diriger vers mon petit bureau. Personne n’a touché à mes affaires, vu la poussière qui s’y est répandue. J’époussette quelques ouvrages et mes carnets, vois que l’encre restée ouverte a séché. Je feuillette des notes pleines de taches et de ratures. Il y a des runes annotées de partout… tout cela m’évoque des choses mais je ne parviens pas à me déchiffrer totalement. C’est plus… une semi-compréhension qui est comme… automatique. Des choses me sont revenues mais je ne sais pas bien quoi. Bref. Je ne veux pas encore me donner mal au crâne et décide donc de sortir un peu, reprendre mes marques dans le manoir.  

    Je me retrouve dans le long couloir du deuxième étage. Le corridor à la moquette violette sombre et est complètement désert et plongé dans une certaine pénombre, à cause des gros nuages dehors. Il y a tellement de chambres et de pièce à vivre ici… même dans mes rêves j’ai toujours eu cette sensation de vide en parcourant cette demeure, l’ai toujours connue dépeuplée.

    J’avais oublié les grands tableaux qui ornent les murs de cet étage. Vu à quelle vitesse de limace géante je me déplace, j’ai tout mon temps pour observer chacun d’entre eux. Notre dynastie remonte à loin et visiblement, les Lazarus étaient bien plus nombreux avant. Sur les tableaux, ils posent tous devant le grand œil, le blason qui n’a pas changé depuis des siècles. J’arrive à faire le lien avec certaines choses que l’ai lu dans les bouquins d’Illéas, mais… bon, tout ça ne m’inspire pas grand-chose non plus.

    Bon. Cette gallerie de tableaux était marrant au début mais je commence à la trouver chiante, à force. Pourquoi tous ces gens tirent la tronche ? Venant de moi, c’est fort hypocrite, mais ce n’est pas en regardant des peintures où tout le monde a l’air de se faire profondément chier  que mon humeur va remonter. Surtout quand, après des peintures représentant des familles de 30, on est passés à des tableaux où se trouvent 6, 8 personnes au maximum. J’imagine que la guerre y est pour quelque chose.

    Des visages familiers commencent finalement à apparaître. Je m’arrête plus longtemps devant un tableau sur lequel je reconnais une Hélène toute jeune. Enfin quelqu’un qui sourit, dans ces peintures déprimantes. Je la reconnais bien là, d’ailleurs. Elle a l’air un peu mesquine mais adorable. Pas comme en ce moment, elle a l’air si triste. Je tends à croire que c’est de ma faute, un peu. Je continue d’avancer pour m’occuper l’esprit.

    Je ne m’attendais pas à un tel choc en arrivant à la peinture suivante. Je suis dessus, avec Helène, mes cousins, leurs parents et nos grands parents. Ce n’est pas de me voir, qui me marque tant, mais de me remémorer enfin, violemment, le visage de Soltan. Sa ressemblance avec pépé est effectivement presque perturbante. Ils partageaient les mêmes cheveux gris, le même regard vert sombre fin et perçant. Par contre, même adolescent, Soltan était déjà bien plus grand que notre grand-père, c’est un peu rigolo. Alors que des souvenirs liés à mon cousin me reviennent, je regarde un tableau où nous somme représentés tous.tes les trois, avec Hélène seulement et un jeune garçon qui ressemble à Illéas. Je souris un peu en me rapellant comme Soltan m’emmenait avec lui quand il faisait le mur pour aller s’amuser à la taverne. Oh, on se faisait souvent engueuler pour ça, d’autant plus que j’étais un peu jeune... mais bon, c’était excitant, de braver un peu les interdits, surtout quand à la maison, on avait pas trop de libertés quand Pépé mettait son grain de sel. En fixant le visage boudeur de Soltan figé sur la peinture (encore plus boudeur que le mien, il faut le faire), je sens mon sourire disparaître et la boule revenir dans ma gorge.

    Soltan… n’est plus là, pas vrai ?

    « Aaah ! »


    J’aurais pu sauter au plafond sous le coup de la surprise. Un adolescent m’a surprise dans ma contemplation et ne s’attendait pas à me voir levée, apparemment… en même temps, ma sale tête de morte-vivante ne doit pas aider, sans parler de l’orage dehors, héhé.

    « Tata… ! Tu as réussi à te lever ? »

    Le pauvre a du mal à reprendre contenance. Je reconnais sans mal le gamin du tableau et mon neveu Tolan.

    « Ben, oui, comme tu peux voir. »
    « C’est… c’est bien, non… ? »


    Il a l’air un peu piteux. Je l’observe en penchant la tête sur le côté, sans trop comprendre sa gêne… quoique même pour lui, se trouver devant un cadavre ambulant ne doit pas être l’expérience la moins malaisante.

    « M’ouais. J’pourrais faire une randonnée tranquille. »

    J’essaie de détendre l’ambiance comme je peux mais je crois que Tolan se force à rire plus qu’autre chose en replaçant sa mèche de cheveux ebène derrière son oreille. Blague nulle à part, une promenade dans le couloir a suffit à m’épuiser. Mais bon, c’est pas ma faute, aussi, c’est cette demeure qui est trop grande.

    J’ai finalement demandé à Tolan de m’aider un peu sur la fin du retour comme je sentais que mes membres devenaient trop engourdis. Tandis que je me borde, le jeune homme a l’air de ne pas trop savoir où se mettre. Il a l’air tout piteux lorsqu’il recommence à parler.

    « Euh… Pardon de ne pas être venu te voir plus tôt. »

    Il a l’air gêné et un peu triste. Je le dévisage l’espace de quelques secondes en empilant les carnets sur le bord du lit avec la pile de livre qui commence à grossir sur la table de nuit et les couvertures.

    « C’est pas grave, Toto. C’est pas très réjouissant de me voir comme ça… enfin, dans mon état actuel. »

    Je sais que ce doit être difficile pour Maman et Illéas, surtout s’ils m’ont vu morte… alors je n’imagine pas l’effet de tout ça sur l’adolescent. Peut-être que lui ne se considère plus comme un enfant mais, à mes yeux, c’en est toujours un. Je ne veux pas qu’il culpabilise de s’être protégé et puis… je n’ai aucune envie de lui sauter à la tronche comme j’ai fait avec Helène. En le voyant, beaucoup de questions me brûlent les lèvres, au sujet d’Illéas et de Soltan, principalement, mais je vais éviter de les poser à mon neveu. Celui-ci a toujours l’air de culpabiliser et je ne sais pas trop quoi faire pour arranger les choses de mon côté.

    « Ne t’inquiètes pas, mon état s’améliore. Peut-être que je pourrais bientôt sortir, même. »

    L’adolescent a un début de sourire plus rassuré. J’imagine qu’on a du lui dire la même chose, mais peut-être qu’il est plus convaincu quand c’est moi qui lui parle de tout ça. J’ai beaucoup de choses à rattraper à son sujet, avec ma mémoire qui me joue des tours. Le jeune homme maigre aux cheveux noirs semble un peu plus à l’aise et s’assoit un peu à côté du lit pour regarder les ouvrages qu’Illéas m’a rapporté, se plaignant qu’ils doivent être « un peu chiants » à lire et je ne peux que ricaner en confirmant son impression… les livres d’histoire, ça n’a jamais été mon truc, mais bon, j’en ai besoin pour retrouver des repaires. Tolan n’a en revanche pas l’air aussi à l’aise quand je me mets à feuilleter mes carnets afin d’essayer de déchiffrer mon propre charabia.

    « Tu… tu es sûre que tu veux refaire de la magie… ? »

    Je ne comprends pas bien le sens de la question de mon neveu du premier coup mais perçois son malaise. En refermant le carnet tout en cornant ma page, je scrute le trouble qui s’affiche sur sa figure.

    « Non, je. J’essaie juste de comprendre des choses sur… enfin, ce que je faisais avant, pour- »
    « Même s’il y a des choses qui sont… ? Enfin… tu sais. »


    Je cligne des yeux. Tolan fuit mon regard et n’a pas l’air d’en mener large. Mëme si je ne sais pas à quelles « choses » précise il fait allusion, je crois que je peux comprendre. Après tout, ce n’est pas comme si j’étais moi-même très à l’aise en pensant au fait que je pratiquais la magie, avant, et plutôt intensément, si je faisais partie des arcanes et que… ben, que c’était littéralement mon boulot. Ce que mon neveu a dit à mi-voix me met la puce à l’oreille malgré tout. C’est vrai que je pourrais… simplement ignorer certaines parts peu reluisantes de mon existence et aller de l’avant, choisir de faire en sorte de ne pas me les rappeler. Tout ça serait bien l’occasion de repartir à neuf mais, ma mémoire me rattrapera toujours.

    « Je crois que je comprends ce que tu veux dire. »

    Mon sourire s’étend et devient plus nostalgique.

    « Ce serait bien, de simplement me faire une toute nouvelle vie, hein. Mais ce n’est pas trop moi, je crois. J’ai besoin de retrouver tout ça, même si… même si je me doute que tout n’est pas très beau à voir. »

    Tolan pince les lèvres et baisse les yeux. Plus j’en sais, plus je me dis qu’être jeune dans une famille aussi versée dans la guerre et la magie, notamment les arcanes taboues, ça ne doit pas être épanouissant tout le temps. Quelque part… je devrais en savoir quelque chose.

    « Tu n’as pas à t’en soucier, d’accord ? »

    J’ai envie de lui dire « fais ta vie », mais je n’ai pas envie qu’il le prenne de travers s’il est déjà paumé dans tous ces évènements, notamment celui de ma mort (je ne crois pas que me voir remise sur pattes atténue le choc, bien au contraire...), encore tout récent.

    « Et si tu veux en parler, je suis là. Enfin, euh, les jours où… dans mes bons jours, quoi. »

    Je me suis mise à marmonner sur la fin de ma proposition. Je repense à mes derniers échanges avec Hélène… je me demande si mon humeur va toujours être aussi imprévisible. Tandis que je tergiverse, Tolan a l’air un peu rassuré et décide de prendre congé pour me laisser lire. Je me demande s’il osera revenir me voir, inquiet comme il me semble toujours être… bon, ce n’est pas comme si je pouvais lui en vouloir pour ça.


    *****


    Des anémones de toutes les couleurs ont déjà commencé à pousser au pied de la tombe. Je vois ces fleurs partout sur le sol du manoir, dans ma chambre, jusque dans les endroits les plus reculés de la demeure des Lazarus. C’est comme si elles me narguaient avec leurs couleurs bariolées et leurs éfluves qui me poursuivent partout. Je les déteste.  

    « Il me manque aussi »

    Une autre fleur éclot entre moi et mon cousin aux cheveux bruns qui se détourne de moi et fuit dans la brume. Elle éclot entre nous. Là où Soltan aurait du être s’il était encore en vie. Comme sur le tableau.

    S’il Illéas regrette tant son frère, comment peut-il être aussi calme ? Comment trouve-t-il encore le moyen de s’occuper des autres plus que de lui-même et s’enfermer dans son travail et ses réunions stratégiques pour « combler le vide laissé par son absence » ?

    « Il ne va pas revenir, tu sais. »

    Pour moi, ça ne passe pas. Égoïstement, je ne veux pas que cela se passe pour les autres. Je pourrais user de  tous les clichés et analogies les plus poussifs pour dire à quel point il me manque et qu’on ne le remplacera pas, ça ne changerait rien. Je suis entourée, pourtant, mais je me sens seule. Soltan me comprenait mieux que d’autres, des fois. Il comprenait ma colère, mon envie de ne pas rester passive face à l’autorité familiale. J’imagine que nous étions devenus un peu fusionnels, avec le temps. Enfin, Maman me comprend aussi, mais, ça n’a jamais été pareil.

    « Je suis désolée. »

    Sans blague. Tout le monde était désolé. Moi aussi.


    Je me suis réveillée en pleine nuit avec l’idée persistante de faire revenir mon cousin. Puis la nuit suivante. Puis celle d’après. J’ai fait des nuits blanches, penchée sur mes notes à étudier toutes les runes interdites qui manquaient à mes connaissances. J’ai tant étudié, autant que mes recherches et celles de maman servent véritablement à quelque chose. A garder les miens auprès de moi.

    Je ne pense sans doute pas logiquement tandis que je descends dans le jardin du manoir. La lune est cachée par les nuages, l’obscurité est dense sur le chemin séparant notre petit cimeterre et la grange où j’ai tout préparé il y a quelques heures. J’entends le vent qui siffle dans les branches, comme d’ultimes avertissements. Ce son résonne sans s’interrompre, il m’a toujours fait peur. C’est comme si on voulait me faire renoncer. M’empêcher de commettre cet excès dans l’utilisation de la magie, déjà intensive de mon côté.  

    En quelques minutes, j’ai franchi la grille et j’arrive devant la tombe. Soltan est dans une boite, enterré non loin de pépé, mémé et ses parents. Je dois commencer à creuser tout de suite et sais perdre de temps si je veux essayer de le ramener avant qu’il fasse jour.

    Il doit être vers 4h, désormais, je dois faire vite.

    Je trace les runes sur le sol, tremble de fébrilité, certaine que je peux réussir. J’en oublierais presque l’odeur nauséabonde de la chair en décomposition. Tout est prêt. Je sors mes carnets et mes parchemins et les étale devant moi, prête à réciter les formules et à donner toute l’énergie qui me reste pour que Soltan revienne à la vie.

    Le vent se remet à siffler dans les interstices des murs de bois de la grange. Le souffle semble prendre vie en tourbilonnant autour de moi. Les sifflements se changent en chuchotements familiers. « N’humilies pas encore plus cette famille en  dépassant les bornes », « Ne termine pas de nous faire disparaître des Arcanes », « Ne nous retire pas la seule fierté qui nous reste avec tes lubies ». Je me demande un instant si Horatio et ses sermons ne s’est pas dissimulé parmi les ombres remontées des limbes. Cette pensée me met très mal à l’aise et me crispe tandis que je récite les formules. L’abysse ouverte à mes pieds profite de ce moment d’inattention pour faire surgir une ombre du sol. Trop semblable aux traits à celui qui m’a terrifiée toute mon adolescence. Une langue obscure s’enroule autour de mon bras et me tire vers les limbes, je cesse mes récitations sous le coup de la surprise et un cri m'échappe.

    J’ai peur. J’ai fait une erreur.

    La porte de la grange s’ouvre brusquement, j’entends réciter des sorts d’altération et de magie blanche. Une prise différente de celle ma mère sur mon corps me protège et m'éloigne, cette fois-ci. Des mains chaudes entourent mon visage sans parvenir à m'apaiser. Ces yeux ambrés et cette voix plus grave que celles que j'ai entendu jusqu'ici... qui...? Je sombre dans l'inconscience avant de retracer les traits de son visage, tandis que l’abysse qui a refusé d’entendre mes négociations est à nouveau scéllée.

    Seule la lumière aveuglante de l’aube me réveille finalement, une fois de plus. Je referme les yeux, submergée par l’émotion encore fraîche de ma rêverie des plus déstabilisantes. Mais, rendue là, sachant ce que j’avais lu la veille dans mes carnets, ce n’était plus une surprise.  

    Pourquoi Hélène aurait-elle voulu me faire revenir, hein ? Pour les mêmes raisons qu’il y a de ça bientôt 10 ans, j’avais tenté de ramener Soltan. Aucun raisonnement. Aucune logique. Simplement un vide qui ne pouvait pas se combler.


    Dernière édition par Jill H. Lazarus le Jeu 23 Juil 2020 - 0:56, édité 12 fois

    more_horiz

    IV - Stargazers

    Les dernières semaines passées nous ont permis, à moi et Hélène, d’éclaircir beaucoup de choses. Nos disputes au sujets de la nécromancie perduraient, mais au moins, nous en parlions. Grâce à mes bribes de souvenirs, aux récits de la mage aux cheveux blonds et à mes lectures, j’ai pu mettre des mots sur les nombreuses choses qui me dérangeaient sans que je  parvienne à les exprimer. Hélène m’a confirmé mes impressions sur la manière dont les Lazarus ont toujours forcé les mages de la famille à pratiquer la magie trop intensivement. Cela induisait pour certain.e.s d’entre nous de verser dans les arcanes taboues. Même plus de dix ans après, Hélène semblait encore affectée par la manière dont son père, Horatio, avait totalement insisté pour qu’elle, sa sœur, Illéas et moi aillons dans ce sens sans nous poser de questions.

    Les Lazarus voulaient toujours être en avance sur leur temps, avec leur magie et leurs recherches. Mais depuis plusieurs générations, ils étaient de plus en plus nombreux à abandonner sous le coup de l’épuisement et les plus vieux ne supportaient pas d’être dépassés par d’autres familles plus jeunes et prometteuses. Horatio tenait à tout prix à réclamer la place des Lazarus au sein des plus grandes familles de mages et son haut grade dans les Arcanes aurait pu le lui permettre. La finalité de tout ça, c’était le pouvoir, bien entendu. Mais avant ça, il devait assurer que sa descendance pourrait lui succéder et faire entrer la famille dans un nouvel âge d’or… comme il y a plus d’un siècle.

    Nous avons parcouru mes vieux carnets ensemble, reconnectant mes ressentis avec ce qui s’était réellement passé. Avec le recul, cette obsession envers l’académie et les Arcanes nous était inculquée dès notre plus jeune âge. On nous lavait le cerveau : nous n’avions pu nous en rendre compte qu’après de longues années. Lorsque j’avais voulu ramener Soltan à la vie, je m’étais persuadée que malgré mon jeune âge et mes lacunes, j’allais réussir. L’échec n’avait jamais été une option, pour prétendre à entrer dans les Arcanes.

    Sans dire que rien n’était notre faute dans toute cette histoire, Hélène, Illéas et moi-même (et sûrement Sophia avant nous) avions clairement été forcés dans une pratique malsaine et aliénante de la magie pour la guerre, entre autre. Après tout ce qui s’est passé et qu’il y a encore des sujets que je ne peux aborder sans faire de crise de panique comme ce qui concerne les circonstances de ma mort, mais ça viendra. Hélène a déjà suggéré de simplement rompre avec notre appartenance aux Arcanes pour essayer de tourner la page. Je ne sais pas encore ce que je pense d'une telle suggestion... cela a quand même fait partie intégrante de notre vie depuis toujours, c'est dur de s'en détacher.

    L’été touche à sa fin. Pour la première fois depuis qu’Hélène m’a ramenée, je parviens à mettre le nez dehors et cela me fait un bien fou. Elle me guide à travers le jardin et me montre ses plantes. Apparemment, lorsqu’elle n’enseignait pas à l’académie, le stress de ces derniers mois a été plus facile à vivre pour elle grâce au jardinage et à ses chats que je croise un peu partout dehors. Je crois que certains des matous me reconnaissent en venant se frotter sur mes jambes et en miaulant, ce qui doit vouloir dire que je n’ai pas changé d’odeur. Après cette courte visite, Hélène m’ouvre la porte des écuries ; enfin, il n’y a pas beaucoup de chevaux, ici, surtout des grosses bêtes écailleuses telles que…

    « Dante ! »

    M’exclamais-je en reconnaissant mon iguane noir géant et en essayant de presser le pas vers lui. Le gros lézard noir me fixe en gardant la bouche ouverte, je crois qu’il me reconnaît mais cela m’aurait étonnée qu’il se jette sur moi comme un gros chien. Ma voix et mon odeur lui semblent tout de même familières et il n’a pas peur. Je lui gratte la tête sans qu’il bouge d’un pouce et fais le tour de son habitacle histoire de vérifier qu’il ne manque de rien. Je me demande si je pourrais remonter sur son dos un jour, vu que mes bras on tendance à se décrocher en cas de mouvement brusque.

    La texture des écailles et l’odeur sèche, sablonneuse émanant du reptile me fait arrêter mon geste. Helène me raconte quelque chose, depuis l’autre bout de l’écurie, au sujet de Dante. Sa voix me semble soudain distante alors que je replonge dans de vieux souvenirs. J’ai fait de la route avec ce gros lézard. Il m’a probablement accompagnée sur le champ de bataille. Je me crispe à cette dernière pensée. J’ai l’impression d’entendre les bruits d’affrontement au loin, résonnant encore et toujours dans mon esprit.

    « Jill… ? »

    La voix d’Hélène me ramène à la réalité. Je l’en remercie intérieurement et continue de caresser Dante qui s’était mis en grogner et à remuer la tête en ressentant ma nervosité passagère. Je m’apaise en inspirant profondèment, me sachant en sécurité ici. Enfin, c’est ce que cet endroit m’inspire… quelque chose d’apaisant.

    Hélène retourne s’occuper des autres bêtes après s’être assurée que je me sentais bien. Je continue de fixer mon iguane et son environnement, cherchant dans son air ahuri des réponses ou de nouvelles pistes pour explorer mon passé. Sans surprise, ça ne donne pas grand-chose… c’est juste un iguane, après tout, si ces bestioles étaient malignes et pouvaient nous prédire l’avenir, ça se saurait.

    Pourtant, alors que je tergiverse sur l’intelligence limitée des iguanes géants, la quiétude des lieux me remet à l’aise. Sans que je ne m’en aperçoive… mon cœur bat plus fort, plus vite. Revoila encore cette espèce de présence chaleureuse qui m'est apparue plusieurs fois dans mes rêves. Ce n’est pas celle d’un membre de ma famille connu c’est… autre chose. Quelque chose de plus intime encore, qui ranime quelque chose de chaud dans mon abdomen, me serre la poitrine.

    « Ne t’inquiètes pas. On se reverra après la bataille. Je ne serais pas loin, en plus ! »

    J’ai l’impression que quelqu’un vient de poser sa main contre la mienne. Ma gorge se serre d’un coup.

    « Quoi ? »


    Je me redresse et balaye les environs du regard. Il n’y a personne en dehors de moi, de Dante et des bêtes. Seul le bruit du vent au dehors me répond. J’étais pourtant sûre que… est-ce que c’est encore un souvenir ? Je sors de l’étable et appelle ma mère qui vaque à ses occupations.

    « C’est toi qui m’a parlé ? »
    « Euh, non ? »


    Je cligne des yeux, encore confuse.

    « Tu es toute seule ? »
    « Mais… tu vois bien… ? »


    Je jette un regard derrière moi, surveillant fébrilement l’étable.

    « Tu te souviens de quelque chose ? »
    « J’en sais rien… j’ai senti une présence, là-bas. »


    Je ne vois pas le regard tantôt encourageant de ma mère s’assombrir légèrement tandis que j’ai le dos tourné.

    « J’ai entendu une voix de… » Je déglutis, soudainement embarrassée. « Enfin… c’est bête. Depuis quelques temps, je rêve de- d’une personne qui a cette voix, une présence particulière qui me... »

    J’ai l’impression d’avoir le rouge qui me monte légèrement au joues. C'est bizarre. Hélène voit que je me sens nerveuse et me caresse affectueusement le dos, me suggérant de m’asseoir. Elle n’a pas l’air d’en mener large non plus, vu la petite mine qu’elle affiche. Après que nous nous soyons assises sous mon arbre favori, celui que j’ai souvent vu en rêve, ma mère regarde un instant le vide. Elle se mord les lèvres en reprenant la parole, redoutant peut-être ma réaction.

    « Je crois que c’est... Avec Lionel, vous vous retrouviez souvent vers l’étable, à un moment. »

    Lionel… ? Est-ce que c’est lui, cette personne dont j’ai du mal à me rappel- ah. Oh. Je ne dis tout d’abord rien. Je ne panique pas, même si l’idée qu’il ne soit plus ici ne me rassure guère. Je reste silencieuse un bon moment, en fait, sans savoir comment réagir alors que les traits de mon amant me reviennent en mémoire de plus en plus clairement.


    *****


    « Il est à toi l’iguane noir géant qui est arrivé ce matin ? »

    J’ai un mouvement de recul tandis qu’un adolescent de mon âge m’approche de manière un peu trop intrusive à mon goût. Il est plutôt grand (mois que moi, quand même), il a des cheveux bleus courts avec une mèche légèrement ondulée sur le côté et son regard ambré me fixe intensément.

    « Bah, oui. »
    « Il est vraiment très beau ! »

    Son enthousiasme me fatigue déjà. Je ne suis pas venue à l’Académie de magie pour me faire des amis. J’ai déjà assez de pression au sujet de mes études et les gens ce n’est pas mon fort, surtout quand ils ont mon âge… je préfère qu’on me fiche la paix.

    « Tu penses que tu me laisserais le caresser, un jour ? »


    J’ai beau me décaler sur mon banc, il continue de me parler de Dante comme s’il s’agissait d’un diamant brut. C’est bon, il m’a complètement déconcentrée de ma lecture. Je grogne et referme mon livre, prête à me lever pour partir.

    « Euh… on se connaît ? »

    Lâchais-je finalement en lui adressant mon regard le plus méfiant. Je n’aime pas les autres gamins des grandes familles cadissiennes. Probablement car on m’a appris à les voir comme des rivaux à tous prix et jamais comme des alliés potentiels. On m’a dit que je valais mieux que tous ces enfants dont la famille jalouse les connaissances des Lazarus.

    « Ah ! Pardon ! Je m’appelle Lionel Roque-Lartigue ! »

    Roque-Lartigue, hein… ? Il me dit vaguement quelque chose. Une famille de militaires, je crois. Pas étonnant que certains se retrouvent à l’académie. Je soupire. Il a vraiment l’air d’un imbécile heureux et il parle trop fort. Je lâche un simple « hm-hm » désintéressé avant de me lever, espérant qu’il me lâche pour la journée. Pourtant, même une fois que j’ai commencé à marcher dans la direction opposée, sa voix irritante parvient encore à mes oreilles.

    « Et… et toi… ? »

    Je me souviens m’être retournée et lui avoir dit mon nom, juste assez fort pour que son regard s’illumine sur le « Lazarus ». Cette fois-ci, j’étais parvenue à fuir assez vite avant qu’il ne me suive pour continuer de me tauser avec ses questions.


    *****


    Régulièrement, Roque-Lartigue revenait me voir avec le même sourire niais et le même regard orange brillant d’excitation. Je ne comprends pas pourquoi le bleu avait besoin de se rendre intéressant auprès de moi alors qu’il traînait le reste du temps avec une bande de gamins comme lui… des gens qui avaient cet insupportable air jovial de façade. Est-ce qu’il sait que tout le monde ici se casse du sucre dans le dos ? Moi, je sais. C’est pour ça que je ne traîne avec personne, je sais que c’est tous des hypocrites.

    Enfin… qu’est-ce qu’il me veut, cette fois-ci ? Je remarque qu’il ne s’est pas approché trop près cette fois-ci.

    « Tu sais que je trouve que ta famille est géniale ? Tu as des si grands mages dans ta famille, je t’envie. »

    A un moment donné mes « hm-hm » devraient lui faire comprendre que sa présence m’irrite et me fait perdre mon temps, non ? J’ai mieux à faire... genre… lire des livres. Bosser jusqu’à tard la nuit pour ne pas trop penser au fait que je ne suis pas franchement fière de ma famille. Enfin, si, j’en suis fière, des fois. Mais bon… c’est fatigant, la célébrité. Actuellement, j’ai juste hâte de revoir Soltan le mois prochain pour qu’il m’emmène pour sortir à la taverne et penser à autre chose. Quoique, j’ai 19 ans, maintenant, je pourrais y aller seule ou avec des potes-- ah, bah non, j’ai pas de potes.

    « J’admire tellement les Arcanes ! J’ai envie d’en faire partie, plus tard !! »

    Mais c’est qu’il insiste en plus. J’ai envie de lui dire : « bah oui, crétin, comme beaucoup de monde ici. Tu ne veux pas aller parler de ça avec quelqu’un qui sera ravi de partager d’autres banalités du même genre ? »… je vous, jure, il est à deux doigts de découvrir que l’eau ça mouille.

    « Ah bon. »

    Oh, ça va, on aurait pu le dire, que j’étais gratuitement odieuse avec lui en lui répondant d’une voix de chiotte… mais, eh, euh… avant l’académie, j’avais jamais croisé des gens de mon âge, moi. Enfin, presque pas, en dehors de mes cousins. C’est qu’on nous laissait pas trop sortir non plus, mais, c’est pas comme ça dans toutes les familles ? Soltan avait l’air de dire que non, m’enfin, c’est pas comme si c’était SI intéressant que ça de traîner avec des personnes extérieures… la preuve, haha ! Qu’est-ce qu’il aurait bien pu m’apprendre, le Roque-Lartigue ?

    Après un long silence, mon camarade aux yeux oranges est apellé par un de ses « amis » et prit congé en m’adressant quand même un au revoir que je ne lui rendis pas. Cette fois, je n’ai pas pu m’empêcher de relever le visage de mes notes pour l’observer interagir avec les autres… Pourquoi se forcer ? Je… je crois que quelque part, j’aimerais bien avoir ce qu’ils ont. Mais non. J’ai déjà tout ce qu’il faut. J’ai une famille et tout va bien dans ma famille… après tout, on m’y laisse faire ce que je fais le mieux : étudier la magie. Je suis promise à de grandes choses, avec mes affinités avec la conjuration. Tout le reste c’est… ce n’est pas important. Je suis une Lazarus. Et même Lionel l’a dit : je peux en être fière.


    *****


    Le prochain examen approche. J’ai beaucoup travaillé sur mes invocations et je crois que mes essaims d’insectes et d’araignées vont beaucoup plaire aux professeurs de l’académie. Ça va dégoûter mes camarades, héhé. J’en connais un en particulier qui n’osera plus m’approcher après ça et ce sera tant mieux ! Il ne me manquera pas ! Du tout !

    « Oh ! Ils sont super, tes scolopendres ! »

    ...Non, mais, vraiment ?

    Je souffle du nez, le cœur affolé en entendant la voix familière du Roque-Lartigue. Il est obligé de s’émerveiller sur tout comme ça…? Est-ce que quand son cheval fait caca par terre, il se met dans le même état ? Bon, certes, ma nuée de scolopendre est super classe. Lionel entreprend d’enjamber les insectes sans en écraser aucun, manquant de se casser la figure par terre. J’aurais aimé le voir mordre la poussière, là, pour me moquer. Mais en fait, je suis juste agacée qu’il n’ait pas fui en courant. Je commence à me dire qu’il me veut peut-être quelque chose… en même temps, c’est évident. Pépé me l’a dit, que les gens s’intéresseraient à moi car je suis une Lazarus, pour des copinages. Maman m’encouragerait à en profiter pour me faire des amis mais… pfff… elle m’énerve, ces temps-ci, à me dire ce que je dois faire, hein.  

    L’autre est toujours en train de s’amuser à regarder mes scolopendres. Déconcentrée, je commence à les faire disparaître rapidement. Quelques uns sont restés dans les mains de Lionel avant de se volatiliser.

    « Tu leurs donnes des noms ? »

    Encore plus confuse, je cligne des yeux et dévisage Lionel. Il se tourne vers moi et m’envoie un autre de ses sourires, lâche un rire bizarre que je n’arrive pas à qualifier de sincère ou de nerveux.

    « B-Bah, euh, non. »

    Je fais disparaître les derniers insectes, ramasse mes affaires et m’enfuie le plus vite possible derrière les arcades entourant le grand parc de l’académie. Une fois cachée, je ne peux m’empêcher de regarder derrière moi, voir si l’andouille aux cheveux bleus est toujours là. Il n’a pas bougé mais regarde ses pieds d’un air piteux. Je le vois soupirer, gratter le sol avec le bout de sa botte et rebrousser chemin. Son sourire avait disparu pour laisser place à une expression triste. L’espace d’un instant, j’ai senti ma gorge se serrer. Maintenant que j’y pense… ça fait longtemps que je ne l’ai pas vu trainer avec ses « amis » de d’habitude.


    *****


    Avant ce jour, Lionel m’indifférait trop pour que je l’évite. Je le trouvais juste trop bête et à la limite, je prenais plaisir à le voir gêné des silences que je laissais après ses questions en l’ignorant. Plus maintenant. Je n’avais pas envie de le croiser. Il m’intimidait et je… depuis les examens et avec la réputation de ma famille, notamment celle de ma mère et sa pratique de la nécromancie, que les autres me trouvaient sûrement malaisante ou bizarre. Donc, probablement que lui aussi. En plus, je le rendais triste.

    Je ne m’en veux pas vraiment. Je suis juste blasée. Blasée de me sentir seule après déjà 2 ans à l’académie. Maman s’inquiétait, quand je rentrais, lui disait que je ne me faisais pas vraiment de potes comme elle l’aurait souhaité. Je sais que c’est pas bien de penser ça, mais… c’est aussi un peu sa faute à elle ! Elle n’avait qu’à pas se mettre dans les arcanes taboues, c’est pour ça qu’on a mauvaise réputation ! Je crois que je ne suis pas quelqu’un de franchement fréquentable, finalement. Héhé.

    Dans un coin de la bibliothèque, je me sens plus au calme, mais ma tête me fait mal. Je relis la même page en boucle depuis vingt minutes c’est… c’est juste la fatigue, ça arrive, ce n’est pas si grave, j’ai plus de ressource que ça, non ? A force, ça va se voir, qu’en réalité, je suis douée que parce que ma famille m’a poussée vers la magie dès mon plus jeune âge… je ne comprends plus rien à tous ces livres, j’ai l’impression d’étouffer, des fois, je veux juste rentrer à la maison.

    « Ah ! »

    Sur le moment, je n’entends pas Lionel m’interpeller. Il reste de l’autre côté de la table et je n’ose pas le regarder. Ce n’est pas le moment. Et ce n’est pas sa faute, vraiment. C’est juste que là, ça va pas bien dans ma tête.

    « Dis, quand on nous expliquait le dernier chapitre... »


    Ma gorge me brûle lorsque je réplique avec mon ton le plus sec :

    « Pourquoi tu me colles ? »

    Lionel s’arrête net. J’ai soudain mal au coeur et je ne veux même pas revoir son expression triste. Il se met à bafouiller.

    « B-bah… je pensais que-qu’on pourrait… être amis… ? »

    Je devine qu’il est sincère. Il ne serait pas si déstabilisé, sinon… je crois ? Est-ce que… est-ce qu’il était sincère, pendant tout ce temps ? Je n’aime pas ça. Je serre les dents tandis que je m’apprête à être à nouveau cinglante.

    « T’as pas d’autres amis ? »


    Un nouveau silence. Je serre le poing sur la table. Si je me sentais mieux… je ne l’aurais pas envoyé bouler de la sorte..

    « Ahah, si, bien sûr, tu as raison... »

    J’entends son pas s’éloigner et je ne quitte pas les pages de mon livre des yeux. Je vois mes larmes qui tombent contre le papier et font baver les lettres tracées à l’encre.

    Tu m‘étonnes que je sois toute seule.


    *****


    Les dernières examens approchent. Je me sens prête. En étudiant la magie en m’isolant, j’ai à peu près conservé mon niveau… quoique, il y en a pleins qui sont plus doué.e.s que moi, ici. D’autres n’ont pas eu des résultats assez bons pour prétendre aux dernières épreuves ; je crois que j’ai vu le nom de Lionel, sur la liste de celleux qui devront re-tenter leur chance. J’ai pas mal pensé à lui, ces derniers mois. A comment lui faire des excuses. A comment essayer de lui parler comme à une personne normale et pas comme à un demeuré.

    Il est tard, quand je sors de la bibliothèque pour m’en aller vers le dortoir, il fait déjà nuit. Alors que je vais traverser le jardin, je vois que quelqu’un est assis sur les marches et me barre la route. Oh, non… il n’y a pas trente personnes qui ont des cheveux bleus comme ça, ici.

    Je me plante derrière Lionel et me penche légèrement, assez pour l’entendre renifler. Merde. J’ai vraiment le sens du timing, y’a pas à dire. J’allais faire un détour et le laisser, mais il s’est redressé et m’a remarquée.

    « Arhem… excuses moi je... »

    Penaude, j’essaie de lui expliquer que je voulais juste passer mon chemin sans le déranger. Il se décale pour que je le fraye un chemin. Je fais quelques pas, pensant ignorer une fois de plus, mais, je me retourne. Je croise ses yeux ambrés dont la brillance ne laisse aucun doute quant au fait qu’il a beaucoup pleuré. Il essuie son visage avec sa manche et regarde ailleurs. Il me fait pitié, je ne vais quand même pas le laisser comme ça.

    « Qu’est-ce qu’y t’arrive ? »

    Il hausse les épaules et renifle un nouveau coup, se force à sourire comme pour avoir l’air détaché de ce qui vient de lui arriver.

    « Oh, rien, mes résultats sont si mauvais que je vais pouvoir tirer un trait sur mon entrée dans les Arcanes. »

    Il lâche un rire désabusé. C’était vrai, pour les Arcanes, alors, ce n’était pas juste… un argument ?

    « Alors, si t’essayais de copiner avec moi, c’était pas seulement parce que ma famille est-- »

    Je me rends compte trop tard que mes paroles ont dépassé ma pensée. Je regrette immédiatement quand Lionel fronce les sourcils. Je l’ai blessé, je le vois tout de suite.

    « Quoi ? Tu penses vraiment ça de moi ?! Que je venais te voir par intérêt ?! »

    Sous le coup de l’émotion il s’est enervé et a elevé le ton. J’ai un mouvement de recul mais ne dit rien. Je comprends.

    « ...P-pardon, je… je sais que… »

    Ce n’est pas à lui de s’excuser. Je soupire longuement et relâche mes épaules, venant finalement m’asseoir aux côtés du Roque-Lartigue.

    « Euh, non, c’est moi. Pardon de… enfin, de t’avoir envoyé bouler quand tu essayais de… »

    Je ne sais pas bien ce qu’il essayait de faire. Ce qu’il espérait de moi. Peut-être vraiment rien d’autre qu’être amis. Lionel m’envoie un petit sourire. Il a l’air touché. Un petit moment passe avant qu’il ne reprenne la parole.

    « Mon père m’a crié dessus. Je ne sais même pas s’il me laissera re-tenter ma chance. »

    Hmph… à croire qu’avec Illéas, on est pas les seuls dont le chef de famille ne laisse pas le droit à l’erreur.

    « De toute façon, même si j’avais pu entrer, mon père m’aurais sans doute remis ailleurs. Ça ne sert à rien, tout ça. »

    C’est chiant, de rater son coup. Je compatis. Mais je ne pense pas que ça serve à rien. Je ne sais pas comment le rassurer et je m’étends un peu vers l’arrière en regardant le ciel nocturne. Je vais essayer de détendre l’ambiance.

    « Tu sais, les Arcanes c’est pas si incroyable que ça, hein »
    « Tu dis ça car tu sais que tu y rentreras de toute façon ! »


    Ergh… c’est vrai que la chose ne m’a jamais paru hors de portée, avec ma famile et leur lien avec les Arcanes. J’ai surement des facilités à cet égard, avec la place de mon grand-père… et je n’imagine pas comment tout cela est sans doute plus difficile pour Lionel ou pour les gens qui ne connaissent personne parmi l’élite magique du pays. Je pourrais être de mauvaise foi, je n’ai pas envie. Puis, l’hypocrisie, c’est rarement toujours celle des autres.

    « Hmph. Peut-être, ouais. Mais c’est plein de vieux cons comme mon grand-père. Y ont fait un gros feu de joie avec leurs flammes noires badass un jour et ça a marqué les esprits, alors tout le monde leur fait de la lèche, maintenant. C’est débile. »

    Ah oui, ses flammes noires, Pépé il aime s’en vanter, hein. Tout ça pour pas laisser maman parler. Pff… j’ai pas été cool avec elle non plus, ces derniers temps.

    « C’est tout le temps comme ça. C’est pas que j’ai pas envie d’en faire partie mais… crois-moi, tu seras pas triste de pas bosser avec ce genre de personnes. »

    Lionel émet un « oh... », mi-triste, mi-rassuré. Enfin, je crois. La quiètude qui suit me gêne un peu donc je reprends, en ricanant nerveusement.

    « Hé, la magie, c’est pas tout, hein ! Regardes, toi, au moins, sur le terrain, tu ne vas pas t’envoler au premier coup d'vent. Héhéhé. »

    Je dis ça car comparé à moi qui suis une branche trop maigre, Lionel est plutôt bien fichu. Enfin, euh… pas que j’ai pris le temps de trop regarder, même si… bon, peut-être un peu. Assez pour constater qu'il est quand même pas laid du tout. Heureusement, il ne s’attarde pas trop là-dessus et éclate d’un rire franc. Oups. Je le trouve soudainement adorable.

    « Oh, ça, c’est vrai, j’ai peut-être pas de tête, mais j’ai des bras ! »

    Quelque chose à changé, cette nuit-là. Ce fut le début d’un rapprochement progressif entre nous. On s’est mis à traîner, parfois à sortir de l’académie pour passer notre temps libre ensemble. Ca nous a fait du bien, de laisser un peu les études de côté, des fois. Après tout, il ne nous restait pas beaucoup de temps car Lionel allait sans doute repartir chez lui prochainement, pour poursuivre un entraînement plus axé vers le combat physique. On avait envie de profiter. On ne s’est pas vraiment rendu compte qu’on se rapprochait de plus en plus au fil de ces derniers mois, mais… plus le temps passait, moins j’arrivais à me passer de la compagnie de Lionel. J’avais besoin de lui parler tout le temps, de l’entendre rire quand je chigne sur tout, de lui raconter mes histoires débiles avec mes cousins, qu’il me raconte comment a été sa vie jusque là, qu’on partage toujours plus. Je voulais être là pour lui et j’avais envie qu’il soit là pour moi, qu’on prenne soin l’un de l’autre.

    J’ai eu peur que tout cela prenne brutalement fin lorsqu’on est venu me chercher un matin, en catastrophe, à l’académie. C’était Illéas. Il était tout essoufflé et m’a demandé de prendre mes affaires pour rentrer à la maison en urgence. Apparemment, Pépé venait de rentrer de campagne et était mourant. Je n’ai pas eu le temps de préparer grand-chose ni de dire au revoir. J'ai quand même cherché Lionel mais il m’a croisée juste à temps, avant que j’aille chercher Dante aux étables. Je me rappelle qu’il avait l’air tout paniqué car il venait d’apprendre que je partais. Il m’a tendu un papier pour que je lui note où il pourrait m’écrire et eut l’air rassuré, une fois que ce fut fait. Après un court silence, il me demanda s’il pouvait me prendre dans ses bras. Je n’ai pas pu calmer mon cœur durant les longues secondes qui suivirent. Je l’ai serré fort et je lui ait promis qu’on se reverrait bientôt. J’étais trop anxieuse pour réellement profiter de l’instant, mais je m’étais tout de même sentie apaisée par la douce chaleur qui avait envahi mon abdomen alors que je me détachais de Lionel et lui renvoyait son sourire. J’ai gravé dans mes souvenirs le moment ou ses doigts ont caressé ma joue, que sa main à doucement relâché la mienne. Je n’ai pas eu le temps de le voir s’éloigner car je devais partir tout de suite avec mon cousin. Mais, je savais que ça irait pour moi et Lionel. J’avais l’impression que désormais… ça irait mieux.


    *****


    Je m’étends dans l’herbe à côté d’Helène et soupire en repensant aux derniers instants d’Horatio. Une blessure mortelle avait eu raison de lui. Il est mort juste avant que je passe mes derniers examens à l’Académie ; j’avais 22 ans, je crois. Ces années avaient été décisives. Pour les Lazarus et pour moi… pour découvrir qui j’étais réellement. Qu’Horatio ne soit plus nous a reposés, même si nous ne voulions pas voir les choses ainsi. Je me souviens avoir écrit à Lionel que je me réjouissais qu’il ne soit plus là.

    Avec Lionel, justement, on s’est mis à s’écrire tout le temps, en attendant de pouvoir se revoir. Je n’avais pas trop le courage de lui révéler mes sentiments tout de suite, car c’était trop le bazar au manoir en attendant. Ça a attendu qu’on puisse se retrouver à Caldissia quelques mois plus tard.

    Au manoir, Hélène, Illéas, Soltan et Ronald ne savaient plus où donner de la tête et à part m’entraîner et continuer mes recherches, je ne savais pas où me mettre. Les réunions stratégiques continuaient, tout comme la guerre. Illéas et Soltan partaient de plus en plus souvent sur le champ de bataille, parfois avec Helène. Illéas et ma mère se chargeaient surtout de l’aspect stratégique et me formaient un peu à tout ça, car ce serait bientôt à moi de venir avec elleux. J’étais contente d’avoir Lionel dans ces moments là… je me sentais un peu moins seule et cela m’encourageait à aller de l’avant et réfléchir à mes propres projets, à ce que je voulais devenir. J’avais aussi un peu hâte de pouvoir aider ma famille dans les Arcanes.

    C’est un peu plus d’un an après la mort de Pépé que j’ai trouvé mon prénom. Lionel avait été le premier mis au courant, suivi d’Hélène qui m’avait apportée sa lettre, un matin. C’était la première fois que je voyais « Jill » écrit sur une enveloppe m’étant adressée. Maman s’était contentée de sourire en me disant que c’était un beau prénom et qu’il m’allait très bien.

    Nous avons pu nous revoir à Caldissia avec Lionel après nous être déclarés nos sentiments par écrit à plusieurs reprises. Je dois vraiment relire toutes ces lettres, je ne sais plus où je les aies rangées, c'est bien mon genre de les avoir planquées dans un endroit impossibles car "berk, c'est trop niais". Si j'avais su. Je souris en me rapellant nos retrouvailles, nos promenades nocturnes, la manière dont il posait sa tête contre mon épaule, son air timide et si enjoué lorsqu'il m'avait demandé s'il pouvait m'embrasser. Mon sourire disparait rapidement lorsque je reviens à la réalité et qu'une sensation froide de vide douloureux m'envahit la poitrine.

    « Tu sais où est Lionel, maintenant… ? »

    Finis-je par demander, le cœur au bord des lèvres, à ma mère, en me redressant péniblement. La presque cinquantenaire aux cheveux blonds retroussa les lèvres et secoua la tête.

    « Je ne sais pas. »

    Elle hésite avant de me raconter la suite.

    « Sa famille est partie de la région. Son père a trahi Caldissia et d’une manière ou d’une autre, il s’y est retrouvé mêlé. Il a été relaxé, mais, je ne l’ai plus revu, depuis la bataille où... »


    Ma gorge devient sèche. Je parviens encore à garder mon calme malgré le fait que ces nouvelles me donnent envie de céder à la panique.

    « La bataille où je suis morte ? »

    Je n’arrive qu’à prononcer ces quelques mots dans un souffle. C’est la première fois que j’arrive à relier, à voix haute, cet évènement avec ma mort. Ma mère se contente de hocher la tête. Les choses deviennent plus limpides malgré le sang d’encre que je me fais pour mon amant. Je sais que… cela fait des mois que je n’avais pas réussi à me rappeler son visage et qu’il me croit peut-être morte. De mon côté, je n’ai même pas la certitude qu’il est en vie mais ça, je ne préfère pas y penser. Je vais me contenter de partir du principe qu’il a simplement dû s’éloigner de Caldissia et qu’il a peut-être… trouvé sa place ailleurs. Si je préfère largement cette idée à celle de sa mort, j’ai tout de même un pincement au cœur à l’idée qu’il ait pu refaire sa vie sans moi. Enfin, cela ne fait que quelques mois, mais, je suis tout de même très inquiète à son sujet, même si j’ai l’air zen. C’est que je digère. Que je suis dans le déni, aussi, un peu.

    « J’irais le trouver. »

    Déclarais-je finalement en me remettant sur mes jambes, me tenant à ma canne que j’avais laissée sous l’arbre. Je crois que je vais remonter dans ma chambre avant d’être trop épuisée. J’espère que mes prochaines nuits me porteront conseil.

    *****


    V - Away

    Quand Lionel me dit de ne pas m’inquiéter avec autant d’insistance, c’est qu’il est le plus paniqué de nous deux.

    Il plaisante en disant qu’avec l’opération stratégique qui va nous demander de nous poster à deux endroits opposés du champ de bataille, on ne sera pas bien loin l’un.e de l’autre. Je sens sa main trembler entre les miennes. Il se force à sourire. Plus je passe de temps auprès de Lionel, plus l’idée d’abandonner ma place dans les Arcanes pour m’en aller quelque part avec lui et la famille s’impose. J’aurais peut-être déjà dû le faire avant que Soltan ne meure sur le champ de bataille. Je ne crois pas que Lio se plaise à être militaire non plus, même s’il y a été préparé depuis sa petite enfance. Nous avons à peine 30 ans. Je ne veux pas qu’on passe à coté d’une vie meilleure que nous pourrions avoir ensemble, éloigné.e.s de tout ça. C’est naïf. En côtoyant la guerre depuis toujours, j’ai du mal à voir comment on pourrait vivre « normalement ». Ça me fait presque aussi peur d’y réfléchir que de partir pour la bataille d’aujourd’hui.

    Je prends Lionel dans mes bras. Je lui promets, comme toujours, qu’on se reverra dans quelques heures. Que ce ne sera pas long.


    *****


    Illéas passe une dernière fois la stratégie en revue. Dans les rangs des Arcanes, du côté des gradés, je  me remets les détails en tête. Une attaque en tenaille tout ce qu’il y a de plus classique pour éliminer les dernières troupes altisiennes de la région. Il nous faudra être attentifs, comme nous avons comme finalité la capture de leur supérieur, pour des informations fort utiles sur la localisation des garnisons postées dans les régions voisines. Nous avons l’avantage du nombre et l’habitude des terrains désertiques. Je ne crains pas pour notre victoire, si nous restons prudents. En passant les dernières parties de mon armure et un casque, je regarde les dunes. Lionel est quelque part derrière. Je le retrouverais bientôt.

    Le vent est dans notre dos et balaye le sable dans la direction des troupes ennemies. Nous pouvons profiter de cet avantage encore quelques minutes avant que le vent ne tourne. En retrait, j’ai baissé ma visière, récitant mes formules. Ma main serrée contre mon chapelet de runes sombres, mon bras libre balaye l’air d’un geste circulaire lent, mon poing se ferme, retombe, puis remonte lorsque qu’une nuée de serpents noirs sort du sable. Les longs reptiles glissent sous le sable et ressortent sous les jambes de nos adversaires. Ils s’enroulent et glissent sous les armures, déconcentrant et faisant céder les soldats à la panique. Le groupe en face du mien se désagrège rapidement quand j’envoie un second assaut, des scolopendres, cette fois-ci. Je serre mes pierres plus fort en me sentant faiblir. Ma magie n’est plus ce qu’elle était depuis que j’ai essayé de ramener Soltan, je puise sur mes réserves vitales plus vite. Mes mains et ma poitrine me brûlent plus fort. J’imagine que ce n’était déjà pas normal à la base.

    On nous met en garde sur les assaillants qui arrivent par l’autre côté. La couverture des archers nous permet de nous replacer rapidement. Même peu nombreux, les altissiens sont des adversaires qui se battent jusqu’à leur dernier souffle. Je ne crois pas que je pourrais en dire autant… je tiens trop à ma vie et à celle de mes proches. Je me retourne et écarte les bras d’un geste vif en invoquant des corbeaux qui foncent sur les têtes des soldats rouges toutes serres dehors. Les troupes adverses faiblissent. Les flancs de le armée se resserrent pour se regrouper comme nous l’avions prévu. Les troupes de l’autre côté des dunes devraient désormais se montrer pour porter le coup de grâce.

    Du moins, c’est ainsi que les choses devaient se dérouler. Malgré le signal lancé avec un sort de magie élémentaire, l’autre partie de notre armée ne semble pas bouger. C’est à ce moment-là qu’un son de corne retentit derrière nos troupes. Des renforts ? Ici ?! Je croyais que nous avions fait en sorte de-- non…

    Il n’y a pas que des soldats altissiens, parmi les troupes qui approchent. Est-ce qu’un seigneur serait passé à l’ennemi ? En plusieurs siècles de guerre, ce ne serait pas la première fois mais, bon sang ! J’entends Illéas qui altère sa voix pour nous ordonner de nous replier derrière les dunes avant d’être encerclés à notre tour. Je remonte sur Dante sans la moindre hésitation, prête à cravacher aux côtés de mes subbordoné.e.s s’il le faut. Mon regard se porte sur la dune où j’espère encore voir apparaître Lionel, ses supérieurs et leurs soldats. Mais, rien. Je fais volte-face vers Albator, mon second et déclare qu’il faut porter secours aux autres derrière la dune. J’en prends la responsabilité. Je rappelle à mes subordonné.e.s qu’iels peuvent battre en retraite s’iels ne veulent pas risquer leur peau là-dedans. Au final, Albator et quelques autres me suivent. Dante prend de l’élan et accélére dans le sable en direction de la dune. Illéas va être furax, quand il m’aura vu faire… tant pis, je ne peux pas abandonner Lionel si les troupes ennemies ont- non, pas les troupes ennemies. En arrivant au sommet de la dune, on comprend vite. Une partie des soldats caldissiens postés là se sont retournés contre les autres. Je reconnais les étendards Roque-Lartigue et Al-Kaesar, est-ce que c’est eux qui nous ont trahi ? Est-ce que Lio savait… ? Non. Il n’aurait jamais pu.

    Mon attention se reporte vers un plus petit groupe acculé par les traîtres. Ils ne feront pas de prisonniers. L’ordonne à mes subordonnés de foncer dans cette direction, attaquant sur le côté par surprise. J’écarquille les yeux en reconnaissant un mur de flammes bleutées et un brouillard sombre s’élever entre les deux camps d’assaillants. Lio est là-bas. Je boue de rage, mes réserves de magie explosent et matérialisent un essaim de frelons noirs qui se précipitèrent sur les troupes adverses, pour les aveugler l’espace et s’engouffrer dans les interstices de leurs armures, prêts à leur faire subir quelques piqûres dont ils devraient se souvenir. Albator se charge de nous couvrir en faisant apparaître de larges barrières, de manière à ce que nos alliés se frayent un chemin de fuite. Les Makaio d’Albator arrêtent quelques attaques mais pas tous : des projectiles qui s’ablatent sur les fugitifs, en mettant quelques uns à terre. Certain.e.s s’entraident pour s’en sortir.

    A l’arrière, Lionel se défend au katana mais n’en mène pas large. La raison devrait m’empêcher de faire ça, mais peu m’importe. J’ordonne à Dante de bondir sur nos adversaires et grimace de douleur lorsque mes bras engourdis peinent à invoquer quelques corbeaux supplémentaires. Lionel est monté sur Dante avec moi et m’aide à manœuvrer. J’ai du mal à respirer et ma vue se trouble ; ce n’est pas le moment ! Albator et le reste de nos alliés nous ont distancés… j’espère qu’il ne vont pas attendre, je ne veux pas qu’ils prennent le risque de mourir. Je regarde Lionel dont les yeux fixent le sommet de la dune, déterminé à nous sortir de là. Mais nous n’arriveront pas à temps, pas vrai ? J’ai un haut le cœur alors que Dante bondit pour passer par-dessus une mêlée et que nous sommes éjectés de son dos. Le gros iguane se roule par terre et Lionel lui ordonne de s’enfuir. Je me relève aux côtés de mon ami qui a tiré son sabre à nouveau et en fait surgir des étincelles bleutées. Mes mains se sont crispées lorsque je les relève, chapelet à la main, prête à me défendre jusqu’à la fin. Lionel effleure mes doigts de sa main libre. Mes yeux vairons croisent ses pupilles affolées. Un long instant. C’est ainsi que ça se termine… ? On peut encore reculer en espérant nous enfuir, mais combien de temps leur faudra-t-il pour couvrir la distance ? Je sursaute lorsque des flèches sont tirées depuis les hauteurs et s’abattent contre les traîtres. Des renforts, finalement ? J’accélère le pas et entraîne Lionel avec moi, profitant de cette couverture de projectile. Mes jambes faiblissent et le Roque-Lartigue repasse devant moi. Il m’encourage, me dit qu’on y est presque tandis que ma vue recommence à se troubler, que mes membres me brûlent encore plus que d’habitude.

    Puis, on annonce qu’on tire aussi dans notre direction. Je fais volte-face avant Lionel. Aucune réflexion. Je me jette contre lui et le pousse contre le sable, fais barrière avec mon corps. Soudain, une autre douleur. Je me fige d’un coup. Un liquide au goût métallique me remonte jusqu’au palais. Je baisse les yeux et voit la lourde flèche qui vient de transpercer mon abdomen. Un carreau d’arbalète, sans doute. Lionel me retient quand je m’effondre. Il appelle mon prénom encore et encore, espère que je ne perde pas connaissance. Mais mon esprit est ailleurs, fasciné par les nouveaux projectiles qui s’abattent dans notre direction. Je n’ai pas eu le temps d’avoir peur de mourir. La douleur n’a été que de courte durée. J’ai l’impression que l’éclat qui a eu raison de moi a mis des minutes entières à tomber vers la partie supérieure de mon visage. Si j’avais eu autant de temps, j’aurais pensé à dire quelque chose. Au moins, je l’ai protégé, non… ? Il s’en est fallu que du sifflement du métal taillé dans l’air. D’un choc. De l’obscurité soudaine.

    C’était fini.


    *****


    Ce ne sera pas long, avais-je promis.

    Un an et demi. C’est ce qu’il a fallu pour retrouver sa trace. Pour courir après des rumeurs, des indices laissés dans les lettres de Lionel. Après la trahison de son père et des Al-Kaezar, sa famille est tombée en disgrâce. Si les Roque-Lartigue n’ont pas été exilés, leur chef de famille a dû répondre des accusations à son encontre. J’espère qu’il pourrit quelque part dans une cellule ou que celleux qu’il a trahi se sont vengés. Lionel, sa mère et son frère, pour leur part, avaient rapidement quitté la région de Caldissia. Lionel m’a parlé, dans une lettre, d’une petite maison dans le nord du royaume. Une sorte de refuge pour sa famille « au cas où si les choses tournaient mal ». J’imagine que son père avait toujours eu un plan de repli. Les rumeurs au cours du voyage que j’ai entamé avec Hélène ont confirmé nos hypothèses.

    Me voici donc au pied de la colline que Lionel m’avait évoqué plusieurs fois. Je crois. Apparemment, on y voit bien les étoiles, il y a des fleurs toutes l’année… cela n’a rien d’aussi idyllique dans la réalité. La guerre est passée dans la région et l’endroit semble à l’abandon. J’ai fait les dernières kilomètres seule, demandant à ma mère de m’attendre à la taverne la plus proche le temps que j’essaie d’éclaircir cette affaire. Les rares villageois encore restés dans ce petit village m’ont lancé des regards méfiants. Je ne peux pas leur reprocher de ne pas avoir envie d’accueillir un cadavre ambulant. C’est une vieille magicienne qui m’a conduite ici, m’annonçant que si elle ne connaissait personne du nom de mon ami, vivait dans cette baraque triste « quelqu’un qui me ressemble ». Le poing serré sur ma canne, j’ai monté le sentier à la nuit tombée. Tu parles d’un refuge. Une ruine.

    J’ose frapper après un long moment. Pas de réponse. Je continue, perdant un peu plus espoir à chaque coup. Est-ce que j’arrive trop tard ? Mon dernier coup frappe plus fort la porte et je finis par vociférer :

    « Hé ! Je cherche Lionel Roque-Lartigue et je v-- »

    J’entends un bruit de chute. La lueur d’une bougie derrière les rideaux. Je frémis en entendant des pas progresser en direction de la porte. Je dois m’imaginer des choses mais j’ai l’impression de reconnaître cette manière de marcher.

    « Qu’est-ce que… q-qui le demande… ? »

    Je manque d’air. Elle est faible, empêchée par l’épaisseur de la porte, mais je reconnais cette manière de parler. Cet accent typique de la haute noblesse, ce timbre, cette hésitation. C’est sa voix. Mes jambes faiblissent. Ma voix est faible, chevrotante.

    « Lio… ? C’est moi... »

    Je vais sûrement pleurer. Après quelques secondes interminables, un bruit de serrure se fait entendre et la porte pivote sur ses gonds. J’écarquille les yeux quand son visage m’apparaît. Il est si pâle, si fatigué… je crois que Lionel va tourner de l’œil avant de moi. Ma respiration s’est suspendue en voyant ses yeux cernés me fixer intensément. Il m’a reconnue, je le sais, mais il est évidemment sous le choc, tout comme moi. Est-ce seulement l’épuisement et sa vie ici qui l’a rendu si pâle ?

    Je ne sais plus qui a commencé à pleurer en premier mais c’est lui qui s’est précipité pour me serrer dans ses bras. Je me fiche sur le moment que ses gestes ne puissent être aussi doux que comme je les ais connus. Je résiste à le serrer trop fort, de peur de lui faire mal avec ma force de zombie. Les minutes s’écoulent jusqu’au moment où nous avons assez pleuré et que nous n’avons plus qu’à nous asseoir en attendant que le choc passe. Lionel finit par prendre la parole pour s’excuser de ne rien avoir à me donner à manger, ce qui ne me rassure pas car vu sa tête, j’ai l’impression qu’il ne mange rien. Il a mauvaise mine, ses cheveux ont beaucoup poussé et ne sont pas bien coiffés. Et il a toujours été maniaque avec ses cheveux.

    « Comment est-ce que tu... »

    Lionel se met à trembler, de nouveau au bord des larmes.

    « Tu es morte… d-dans mes bras. »

    J’ai un haut-le-cœur et reste muette avant de commencer à tout lui expliquer, depuis le moment où Hélène m’a ramenée du monde des morts. La manière dont j’ai retrouvé mes souvenirs petit à petit avant de finalement me rappeler de lui, de la bataille qui a mis fin à ma première existence, puis comment je suis partie à sa recherche. Le pauvre est encore plus déboussolé et me laisse raconter sans un mot. Je lui explique ma condition de nécromate, espérant que cela le rassure. Je finis aussi par réaliser que malgré nos retrouvailles, Lionel ne repartira peut-être pas avec moi même si je l’ai retrouvé. Notre relation ne sera sans doute plus jamais la même après ça… comment est-ce qu’elle pourrait l’être… ? Lionel n’a certainement pas envie de vivre avec l’idée que je pourrais mourir devant lui à nouveau. Je me sens soudain très mal et me met à regarder ailleurs.

    « Tu... vis ici depuis longtemps… ? »

    Je suis obsédée par son teint presque aussi terne que le mien, comme s’il n’avait pas vu la lumière du jour depuis- non… pas possible. Quoique, ce serait raccord avec le fait qu’il n’ait rien à manger ici.

    « Qu’est-ce-- comment tu as survécu sans nourriture… ? »

    J’ai peur de la réponse qu’il pourrait me donner. L’homme aux cheveux bleus tripote ses mèches afin de commencer à en faire une tresse.

    « Biiin... je ne mange plus. En fait, je ne peux plus. »

    Il se mord la lèvre et c’est à ce moment-là que j’aperçois des canines pointues. Trop aiguisées pour qu’elles soient celles d’un humain.

    « Après la bataille, il y a eu le jugement de Père-- d’Agamemnon, et... tu étais morte. Enfin, « morte ». Je.. j'ai fui. » Il a l’air de s’en vouloir de dire les choses de cette manière. En même temps, tu m’étonnes qu'il ait voulu se barrer. « J-je suis parti avec ma mère et mon frère. On s’est séparés pendant le voyage, je suis parti de mon côté et-- les vampires chassent parfois en groupe, tu sais ? Ils se nourrissent après les batailles récentes sur des cadavres encore frais. Je crois que j’étais au mauvais endroit au mauvais moment et il étaient affamés, alors... »

    Il retrousse les lèvres et hausse les sourcils d’un air embêté. Je grimace. J’ai envie de le serrer dans mes bras. Ça a dû être horrible.

    « Je me suis dit que ma vie prendrait fin ainsi et je m’en fichais un peu, sur le moment. Mais je suis devenu un des leurs. J’ai fait la route quelques mois avec eux avant de me réfugier ici. Je me nourris sur des animaux, je ne me vois juste pas... tu sais. »

    Il ne veut pas se sustenter sur des humains, j’imagine. Je ne sais pas quoi lui dire et ne peux que lui offrir un regard des plus compatissants. Tout ça car il a été au mauvais endroit au mauvais moment.

    Au final, on est morts tous.tes les deux. Dans le genre ironique, c’est presque risible. Je m’affaisse contre la petite table dans un long soupir.

    « Je sais que ça doit te faire une belle jambe mais… je suis désolée que tu aies du subir tout ça. »

    Lionel a terminé sa tresse.

    « Mais ce n’est pas ta faute, Jill... »

    Je secoue la tête, ma main attrape la sienne. Sa paume et ses doigts sont aussi froids que les miens. Lui qui avait les mains si chaudes avant.

    « C’est -un peu- ma faute. Je me suis précipitée, pendant la bataille et je- »

    J’ai pris des décisions irresponsables pour mon grade et je n’ai pas réfléchi aux personnes que je mettais en danger. Lionel retire sa main et fuit mon regard.

    « Mais… mais je n’ai jamais vu venir la trahison alors que je-- je savais qu’il en était capable, au fond. J’aurais du te dire que-- peut-être un jour, il allait... »

    Lionel a toujours détesté son père. Il m’a souvent dit qu’il ne pouvait pas lui faire confiance après ce qu’il lui avait fait. S’il ne savait pas, ne voulait pas y croire malgré tout et n’a jamais voulu faire partie de cette trahison, comment pourrais-je l’accuser pour les catastrophes qui sont arrivées pendant le combat ?

    « Bon sang, Lio, c’est moi qui ait… ! Jamais tu n’aurais-- »
    « C’est moi qui aurais du mourir pour toi ! »


    Il a presque crié ces derniers mots. J’ai un mouvement de recul et cligne de l’œil avec confusion, avant de me reprendre.

    On ne va pas faire un concours, hein. Même si ça nous ressemble bien. Je n’aime pas quand il dit des trucs comme ça. Est-ce que… est-ce qu’il pense ça car il culpabilise pour ma mort ? Mais c’est moi qui ait choisi de le protéger ! Je n’ai même pas réfléchi. Vu sa manière de raisonner, il aurait sans doute fait la même chose pour moi, non ? Je suis dérangée qu’il en fasse une montagne, même si je fais exactement la même chose. Probablement pour ça que je me remets à être stupidement cynique.

    « Bah, au final, t’es mort quand même alors... »
    « C-comment tu peux plaisanter avec ça ?! »


    S’étouffe mon ami après un silence blasé.

    « Meh… on s’habitue, tu verras. »

    Il tire une gueule de six pieds de long… bon sang, Jill, ce que tu es conne. Tu es obligée de te comporter comme une adolescente sarcastique qui fait comme si rien ne pouvait l’atteindre ?! Je pince les lèvres.

    « ...c’est trop tôt pour faire ce genre de vanne ? »
    « Oui. »


    Acquiesce-t-il avec un hochement appuyé de la tête. Je soupire et passe une main sur ma nuque, baissant légèrement la tête pour m’excuser.

    « Pardonnes-moi, je sais pas comment... »


    Ma seconde main gantée vient couvrir la sienne. Mon œil fixe ses pupilles désormais allongées. Il a changé physiquement, probablement mentalement aussi, après ces derniers mois chaotiques. Mais c’est toujours lui. Je le vois, je le sens.

    « Je suis juste heureuse que tu sois encore vivan- encore là. »

    Je forme un sourire faible, sentant le nœud dans ma gorge revenir. Je sens qu’on va de nouveau se mettre à chouiner. L’homme aux cheveux bleus se rapproche de moi et me laisse le prendre dans mes bras. Je passe une main dans ses cheveux, le serre avec moins d’empressement que tantôt, les gestes plus tendres tandis que je caresse son dos pour l’apaiser.

    Après un long moment, on se remet à parler. Nos discussions s’éternisent, mêlant nos vieux souvenirs qui me permettent à nouveau de refaire le lien avec ma mémoire et le récit des « joyeusetés » de nos nouvelles existences. Oui, oui, parfois mes bras se détachent, c'est le lol... j'ai vraiment dit ça. On recommence à rire doucement alors que la nuit progresse.

    J’accompagne Lionel lorsqu’il doit aller se nourrir avant l’aube. Je ne peux m’empêcher de sourire en le voyant prendre la forme d’une chauve-souris indigo à la crinière violette très garnie. Il n’est pas bien grand, comme ça, sûrement car en tant que vampire, il est encore très jeune. Il vole autour de moi (je ne sais pas si c’est pour s’échauffer ou pour faire le malin) puis il file dans les bois. J’entends un animal couiner au loin. Lorsqu’il revient, il se pose et reprend forme humaine. Il me demande si je veux bien l’aider pour faire une sépulture à l’animal et prier Omnis avec lui. Les cérémonies religieuses m’ont toujours gonflée mais ça l’air important pour Lionel de me montrer ses rituels. Il a toujours été très croyant, lui. Tandis qu’il récite ses prières, je me contente de souhaiter, en silence, que l’animal inhumé gagne sans difficultés le royaume des morts, que son existence là-bas se fasse sans encombre.

    A mesure que nous rebroussons chemin vers la cabane, beaucoup de questions me brulent encore les lèvres. Est-ce qu’il souhaite rester ici ? A-t-il des projets ? Je ne sais même pas ce que je veux faire moi-même après ces derniers mois. Je ne vais pas contraindre Lionel a revenir à mes côtés, ni le demander en mariage ou de reprendre où on s’était arrêté avant ma- nos morts. Je sais juste que je ne veux pas le perdre de vue.

    « Qu’est-ce que tu comptes faire, ensuite ? »

    Je prends son bras délicatement pour attirer son attention, m’arrêtant sur un banc dans le jardin de sa « propriété ». Lio s’assoit à mes côtés et hausse les épaules d'un air attristé.

    « Tu peux revenir avec moi à Caldissia. Il y a de la place pour toi au manoir, tu sais. Je serais heureuse si tu… enfin, si ça peut te faire du bien à toi aussi. »

    Je ne sais pas comment il pourra interprêter ça. S’il arrive à se projeter. Moi, non, c’est simplement que je m’inquiète en le voyant aussi perdu que moi. Il a été livré à lui-même ces derniers mois et peut-être que maintenant qu’il est devenu un vampire, il avait commencé à se résigner à une existence solitaire et relativement blasée.

    « Je n’aime juste pas l’idée de te laisser dépérir ici. »

    Pourquoi est-ce qu’il ne dit rien ? Je panique intérieurement et le fixe plus intensément. J’essaie de lui faire croire que de mon côté, je suis sereine avec cette improbable situation et me remet dans mon mode idiote cynique détachée.

    « ...enfin, tu… on dépérit déjà, littéralement, hahaha... »

    Il me lance un regard blasé. Je dois vraiment arrêter avec ces blagues. Il n’y a que moi que ça soulage.. et encore.

    « Je ne veux pas vous attirer des ennuis. Entre cette histoire de trahison et mon état actuel... »

    Je soupire et compatis un peu à ses questionnements. Je me détends et m’appuie sur mes bras, me penchant vers l’arrière.

    « Tu nous en causeras pas. Tu sais, on pense quitter les Arcanes. Je ne sais pas trop ce qu’on va faire ensuite mais… avant la bataille, déjà, je pensais à partir de Caldissia, peut-être. J’avais envie de- j'sais pas. Je me fiche qu’on me traite d’abandonneuse ou de lâche, je veux juste en finir avec la guerre et vivre ma vie. »

    Si cela est possible, avec mes proches. Je ne demande pas à Lionel de forcément m’accompagner. Je mentirais si je disais que je n’aimerais pas. Je lui souhaite juste de retrouver sa place quelque part. Je peux rester à l’attendre un moment s’il a besoin de temps pour se décider. Il sait ce que je ressens et la décision finale lui appartient. Je vois qu’il médite. Il me dit que le soleil va bientôt se lever et qu’il doit s’abriter à l’intérieur. Nous avons tous les deux sommeil. Il me propose de rester là pour la nuit et me confie qu’il a besoin de dormir sur toutes ces discussions avant de se décider. Je décide de lui laisser de l’espace pour la nuit et de rentrer auprès d’Helène pour le moment. Il saura où me trouver et je reviendrais le voir.


    Dernière édition par Jill Lazarus le Mar 18 Aoû 2020 - 16:25, édité 2 fois

    more_horiz
    Alors que nous devons nous séparer, même si ce n’est que pour quelques heures, je sens la panique revenir. Et s’il n’est plus là la nuit prochaine ? Si je le perds à nouveau ? Si tout d’un coup, les forces quittent mon corps ? Je vais exploser sous le coup de l’inquiétude. Ma main saisit la sienne.

    « Lio, ne- ne disparais pas encore. »

    Je veux lui crier ce qui me brûle les lèvres depuis que j’ai revu son visage, mais finalement, ma voix n’est plus qu’un soupir.

    « Je t’aime et je... Je ne veux pas te perdre encore une fois. »

    Il me prend dans ses bras, encore, doucement. On a l’air vraiment bêtes, à force de nous répêter.

    « Je te promets que ça n’arrivera pas. »

    Il caresse ma joue.

    « Je t’aime. »

    Je n’ai pas eu la force de repartir, finalement. Je ne sais pas ce que tout ça donnera sur le plus long terme, mais ce jour-là, je ne voulais pas le lâcher.

    *****



    Nous avons fini par rentrer à Caldissia avec Hélène et Lionel. Puis, le temps a passé. Ce furent des années un peu étranges, mais paisibles, sans parler du fait que le détachement des Lazarus des Arcanes et de l’armée a fait jaser. Illéas s’est reconverti comme professeur à l’académie et Tolan va définitivement mieux depuis. Nous avons décidé de faire profil bas pendant un temps. Hélène pratiquait encore la magie blanche pour aider les dispensaires et les hôpitaux. Pour ma part, j’ai repris mes recherches, oubliant un peu la nécromancie pour me concentrer sur les morts-vivants. En dehors de moi-même, il était difficile de trouver des  personnes ayant une condition semblable volontaires pour partager leurs vécus. Je voulais en apprendre plus sur l’amnésie, sur ces vies après la mort, sur les effets psychologiques de telles existences. Je crois que j’avais besoin de ça pour soigner mes propres traumatismes. Lionel, pour sa part, sortait toutes les nuits pour se nourrir dans les campagnes. Avec le temps, il a fini par avoir envie de sortir de sa solitude et nous nous croisions plus souvent. Il m’a dit qu’il était heureux d’être revenu. Je le retrouvais souvent dans la bibliothèque, il lisait beaucoup et avait envie d’écrire des histoires. Je l’ai emmené certaines nuits à l’opéra et au théâtre, je voyais que ça l’inspirait.

    Oh, nous n’étions pas à plaindre, même si sans ces occupations, les choses auraient probablement été différentes. Les cauchemars continuaient, le manoir me semblait toujours aussi vide et j’ai commencé à me questionner. Est-ce que j’avais envie de rester ici encore longtemps ?


    *****


    Puis, un jour, la Paix avec Altissia fut annoncée. Nous avons suivi le mouvement et sommes sortis faire la fête. Nous étions euphoriques à l’idée que la guerre soit terminée et voulions partager ça.

    Les nouvelles concernant Yggdrasil et la cité millénaire d’Eos n’ont pas tardé à arriver. J’ai tout de suite été fascinée par ce qui se disait à ce sujet. Le Réveil, les eossien.ne.s, l’Artefact… de nouveaux mystères fascinants. Je ne savais pas encore comment le dire, mais le vécu des premiers habitants d’Yggdrasil me parlait, en tant que nécromate. Je sais que c’était différent, mais… leur absence de souvenirs ces derniers siècles, la nature et les croyances liées à l’Eos, tout ça m’a évoqué quelque chose. J’avais envie d’en savoir plus, de complèter mes recherches là-bas. Peut-être étais-ce la vie à laquelle je pensais depuis un temps. Peut-être que je trouverais aussi, là-bas, une société plus tolèrante envers les morts-vivants ? C’était utopique, je me voyais déjà prendre un nouveau départ en Yggdrasil, après ces dernières années étranges. Mais je voulais d’abbord en parler avec mes proches. Lionel n’a pas hésité longtemps avant de m’annoncer qu’il voulait venir avec moi. Il était tout aussi curieux et n’avais plus grand-chose qui le retenait en Caldissia. Hélène eut besoin de plus de temps. Elle annonça un jour qu’elle viendrait avec nous, avec l’envie de poursuivre ses œuvres de charité en Yggdrasil.

    Au final, seul Illéas décida de rester à Caldissia avec Tolan, promettant de venir nous voir de temps à autre. Il était heureux de sa nouvelle vocation, les choses se passaient bien avec Douglas, son nouveau partenaire et Tolan n’avait pas l’air de vouloir bouger maintenant qu’il commençait à prendre des repères plus sains.

    La séparation fut plus facile que je ne l’aurais cru. La route fut longue, car nous ne voyagions que la nuit pour préserver la santé de Lionel. Mon corps n’a pas trop apprécié les passages en charrette, mais l’important, c’est que nous étions arrivés entier.e.s à destination.

    Au fil des mois, nous avons cherché à nous intégrer sans faire de vagues, prendre nos nouvelles marques. La vie en Yggdrasil me séduit tout de suite. J’avais envie de tout découvrir de cette cité et de ses habitants, de lire tout ce que je pouvais dans les bibliothèque et à l’académie magique.

    Mais la cohabitation n’était pas si aisée. En vivant dans une cage dorée, beaucoup de choses m’échappaient. Par ailleurs, cohabiter dans cité d’Eos était loin d’être idéal, encore moins depuis le meurtre d’Hincmar et d’Adélaïde, puis de l’exécution d’Erys Dalma.

    Les choses se gâtent et je refuse que ces nouvelles tensions laissent place à un nouveau conflit meurtrier. A vrai dire, j’ai peur et ces derniers mois, je recommence à me plonger dans mes recherches de manière obsessive, parfois au détriment des sentiments des autres, comme par le passé. Je suis la première à vouloir que les coupables de la mort des souverains soit arrêté. Comme beaucoup, je suis certaine que l’anachorète n’était pas en faute... je n’ai pas pu m’empêcher de voir son exécution comme une vengeance dissimulée. Tout ça me travaille et j’espère trouver des réponses. Après tout… il suffit de tout expliquer, de tout comprendre et d’être lucides et nous pourrons peut-être finalement nous entendre et cohabiter dans la paix… ? Non… ? Après toutes ces années, je crois que je resterais toujours un peu naïve.


    Dernière édition par Jill Lazarus le Mar 18 Aoû 2020 - 16:25, édité 1 fois

    more_horiz
    Bon, euh bah voila, je poste juste pour signaler que c'est terminé ByLeeeeTh

    Prenez votre temps pour la lecture et merci d'avance pour la modération o/

    more_horiz
    Bravo, tu es validé.e !
    Eh bien ça fait beaucoup de plaisir de revoir Jiji de cette façon, on sent que tu as mis ton coeur dans l'histoire et c'est touchant comme tout :la:

    Je te valide donc sans plus attendre et je m'occupe de tes affaires sous peu : tu peux, en attendant, commencer à RP et tout le trala, tu connais le chemin.

    Re-bon jeu avec Jiji :love:

    more_horiz
    privacy_tip Permission de ce forum:
    Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum