Let it burn I - Solo

/!/ Kuku, c'est l'avertissement contenu. L'OS aborde des sujets assez graves, j'ai fait au mieux pour que ça soit pas trop graphique, mais vala :V CW : Pensées et comportements auto-destructeurs / suicidaires, dépression, abus familiaux, entre autres joyeusetés /!/



« Oh non… non, non, non, non, non… !! »

Mes oreilles bourdonnent si fort que je ne peux qu’à peine entendre que mes cris se sont changés en hurlements désespérés. J’appelle à l’aide, encore et encore. Personne ne viendra. Il était le seul qui venait toujours à mon aide et maintenant il a disparu.

Tout a disparu. Sa chambre. Ses affaires. Son visage sur les tableaux de la maison. Je ne comprends même pas comment c’est possible. Comment ils ont pu faire ça.

Ce n’est pas possible. On ne peut pas… on ne peut effacer quelqu’un. On n’efface pas l’existence. Il reste toujours un souvenir…

N’est-ce pas… ?

… N’est-ce… n’est-ce pas…?

Je ne sais plus. Est-ce que j’ai tout imaginé ? Après tout… si le souvenir d’une personne n’est plus, elle disparaît pour de bon. Si je n’ai aucune preuve qu’Hanz a existé, qu’il était mon grand frère, qu’il dormait dans la chambre juste à côté de la mienne, que plus personne ne parle de lui, qu’Alma m’ignore quand je l’évoque… alors… est-ce que mes souvenirs sont vraiment… ?

Même… même Alma insinue que j’ai rêvé. Est-ce que c’était prévu depuis le début ? Est-ce que… combien ont disparu de cette manière ?

Siegfried. Il va me croire, lui. Je suis sûr qu’il va me croire. Il me croit toujours. Il…

Il n’était pas là, quand je suis allé le voir, l’autre jour, juste après que Hanz a disparu.

Est-ce qu’il va disparaître, lui aussi ?

Je vais… je vais être tout seul. Pour de bon. Complètement seul.

Ma respiration s’accélère. J’hyperventile.

Je veux pas… je veux pas… !

Alma m’a dit que je vais finir par ne plus y penser. Que ça va finir par disparaître. Je n’ai pas le choix.

Il va partir.

Je vais l‘effacer.

Ce sera… comme si c’était moi qui l’avais tué.

Comment… comment ne pas l’oublier ? Comment… inscrire son existence quelque part, sans que les preuves soient à nouveau détruites.

Je suis tout seul, maintenant. Au milieu de ma chambre trop bien rangée. Ma chambre… est-ce vraiment ma chambre ? Je n’arrive même pas à me rappeler son ameublement. Est-ce que cette chambre a seulement existé ? Est-ce que c’était réel ? Est-ce que j’ai vraiment existé, moi, à ce moment-là, dans cette chambre… ?

Une seule… une seule chose est réelle. Tangible. Les sensations de mon corps… c’est vrai, ça, non ? Peut-on seulement oublier la douleur provoquée par la perte d’un être aimé ? C’est bien réel. C’est la pire chose. Je n’oublierais jamais cette douleur. Je le jure. Et… et s’il le fait je… je la provoquerais moi-même. Pour ne pas oublier. C’est… c’est la seule solution, non… ? Mon corps brûle déjà. A-t-il jamais cessé de brûler ? Est-ce que mes efforts n’ont jamais servi à autre chose à me faire oublier ça ?

Je me souviens que tout est devenu rouge. Je me souviens avoir entendu mes cris raisonner jusqu’à ce que ma voix s’éteigne et que ma gorge me fasse mal. Je me souviens des flammes qui ont gagné la chambre et une partie du couloir après que je les ai allumées. Je me souviens des éclats de verre éparpillés sur le sol car la fenêtre avait explosé sous le coup de la chaleur. Je me souviens de m’être senti infiniment léger l’espace de quelques instants. La douleur avait disparu, pour un tout petit moment pour seulement laisser place à ce ma magie peut produire quand je ne me contrôle plus. Je me rappelle les ordres pour me calmer. Je me rappelle comme Alma a vu en cette scène une puissance formidable à exploiter. J’avais déjà eu l’occasion d’user de la magie de feu avant ça… mais personne ne s’attendait à ce que j’atteigne ce potentiel.

Tout aurait pu se terminer ici. J’aurais pu l’entrainer avec moi dans les flammes. J’aurais pu rejoindre Hanz… car ils l’ont tué, pas vrai ? Probablement que ç’aurait été pour le mieux, que je parte à mon tour. Pour mettre fin à la douleur. Mettre fin à cette vie où je sais que tout ce qui m’attend, c’est une pression aliénante qui me détruira à petit feu. Mais je n’ai pas eu ce courage. Je n’ai pas eu cette force de m’opposer.

Et par-dessus tout, hélas, je n’ai pas disparu ce matin-là.




Je me réveille au son des cloches du monastère. Je me disais aussi, cela faisait bien longtemps que je n’avais pas rêvé de cet enfant. De ce gamin faible que j’ai été. Que j’ai oblitéré, d’une manière ou d’une autre, car il n’y avait pas d’autre solution pour continuer. Pas d’autre solution que de le laisser derrière moi, au fin fond de mes souvenirs. Les enfants, les adolescents, sont tous pareils. Faibles, stupides et inutiles. Comme je l’étais à l’époque.

Pourtant, quand mes yeux glissent vers l’intérieur de mes avant-bras que je garde toujours couverts depuis ce fameux jour, je me rappelle. Je pense à Hanz. A Siegfried. Je ne peux pas m’empêcher de me demander ce que je serais devenu, s’ils avaient pu rester à mes côtés.

C’est stupide. On ne retourne pas dans le passé.

Plutôt que repenser à cet adolescent faiblard aux cheveux gras et longs qui lui tombaient dans la figure pour camoufler ses yeux cernés… je devrais aller me préparer pour la messe.

Au bout du lit, Al’ et Astro couinent et ont l’air de réclamer que je me lève pour leur faire prendre l’air. La routine. Je la connais bien. Prendre mon petit déjeuner en les regardant jouer dans le petit jardin du monastère. Les novices vont encore s’arrêter pour les chouchouter, ce qui ne me dérange guère. Il faut bien qu’elles s’amusent. Tout est si calme, avant que la journée ne commence. Pourtant, il fait très sombre, au dehors. Je me disais bien que le temps était orageux, ces derniers jours.

Je me lève avec une nausée et un mal de crâne pesants en me dirigeant vers ma salle d’eau. Les cloches ne se sont toujours pas arrêtées… ? C’est étrange. Ou alors, c’est que je ne les remarque pas habituellement, à force d’habitude. Mais ce matin, leur son résonne dans mon crâne. Et ce n’est pas agréable. C’est oppressant. Et le soleil s’est définitivement caché, si bien que j’ai du mal à trouver ma bassine d’eau pour me débarbouiller. Je n’ai pas peur du noir, mais… les ténèbres envahissant cette salle de bain sont comme un abîme. J’ai un vertige quand je ne me concentre pas sur l’eau que je passe sur mon visage et que je fixe le vide obscur à la place. Comme si quelque chose de terrible y était tapis.

C’est là que je l’ai vu. Son reflet. Près du mien. Déformé par les mouvements de l’eau, il me semble encore plus effrayant. Ce foutu gamin aux cheveux trop longs. Je me retourne instinctivement, certain de ne rien trouver d’autre que la preuve que mon esprit encore endormi me joue des tours. Mais il est là, au fond des ténèbres de la salle d’eau. Ce stupide enfant que je croyais avoir laissé pour mort dans cette chambre, il y a des années de cela. Ses yeux bleus brillent derrière ses mèches et me fixent. Mes yeux brillaient aussi, ce matin-là.

Il fait complètement noir autour de nous, désormais. Je veux courir, fuir, mais lui, il ne bouge pas. Sa présence m’écrase les poumons, me donne des palpitations désagréables. Je cligne des yeux et tente de respirer normalement. Ma main se crispe, mes doigts se tendent et produisent des étincelles qui pourraient très bien changer cet endroit fournaise si je ne me contrôle pas.

Calme-toi.
Il finit toujours par partir. Par devenir un souvenir.

Les cloches continuent de sonner, font trembler mon corps.

« Je ne partirais pas. »

Il n’a eu que quelques mots à dire et je me suis réveillé. Pour de bon, cette fois-ci. Je le sais, car je suis en sueur et qu’Astro gémit à mes côtés, visiblement affolée de m’avoir vu cauchemarder. Les cloches tonnent, plus distantes, puis s’arrêtent après avoir sonné les six heures. Je respire enfin, certain que je suis bien retourné à la réalité.

Oui, c’est bien ma vraie chambre. Ma salle de bain n’est pas plongée dans le noir.

Alors… Pourquoi ai-je l’impression que ça me suit encore ?

Qu’il—que je suis encore—que ce moi enfant est encore quelque part dans mon dos, en train d’observer tous mes faits et gestes. J’ai la sensation que si je baisse la garde, je me retrouverais à nouveau dans cette obscurité écrasante. Ce n’est pas la première fois que ça m’arrive. Et je ne parle pas d’une simple illusion d’optique. Je parle de cette sensation dégoutante… comme si quelque chose s’accrochait à nous… que quelque chose d’invisible qui nous veut du mal. Ça va être une de ces journées, hein… ?

J’ai redouté de l’avoir vu dans les reflets de l’eau. J’ai l’impression de l’avoir vu glisser sur une surface dorée réfléchissante près de l’autel tandis que je récitais des psaumes à la messe, j’ai même dû m’arrêter quelques instants au milieu de ma récitation. Durant la réunion avec le conseil, je n’ai pas pu m’empêcher de fixer le coin d’ombre projeté par une colonne. En passant dans les jardins, je suis persuadé de l’avoir vu me regarder depuis l’arcade d’en face. Al’ a même grogné contre quelque chose d’invisible… et il y a cette odeur. L’odeur de mon ancienne chambre, ce jour-là. Un mélange âpre et collant de fumée, de vieux papiers carbonisés.

Mais qu’est-ce que j’invente ?! C’est stupide. Ce sont juste des chimères. Il n’existe plus.

« Je ne partirais pas », dit-il. Car il est soi-disant une part de moi. Que veut-il ? L’harmonie ? La paix ? Et pourquoi pas croire en mes rêves, pendant qu’on y est ?! Quels rêves, d’ailleurs ? Je suis très bien là où je suis.

Je suis bien trop anxieux pour terminée ma journée à la bibliothèque ou le nez dans mes manuscrits, je me retrouve sur un terrain d’entrainement. Ah, il veut que je fasse brûler des trucs ? S’il veut des flammes, il va en voir. Avec modération, évidemment, si je fais cramer tout le terrain, ça va pas le faire. Je pratique moins la magie élémentaire que pendant la guerre, mais j’ai bien vu récemment que son utilisation militaire pouvait encore s’avérer utile. J’ai profité de la paix pour étudier l’alchimie de plus près, notamment grâce à l’apport de quelques ouvrages caldissiens—

L’ombre. Là.

C’est au moment où je commence à baisser ma garde, à penser à autre chose que je le revois passer dans mon angle mort. Dans une volte-face brusque, je tranche l’air avec ma main et un mur de feu se dresse devant moi, brulant l’herbe à plusieurs mètre jusqu’à l’ombre qui… le mannequin. Ce n’était que ce foutu mannequin de toile. Il brûle, maintenant. Et moi je suis comme un con, seul au milieu de ce terrain, à regarder brûler un vieux sac de tissu au sourire dessiné déformé par les flammes.

Il n’a pas brûlé, ce jour-là.
Je le sais, bien, au fond.
Je le sais, qu’il ne partira pas.






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Helmut se fout de ton avis et méprise ton existence en #333399