Let it burn III- Solo
CW : alors on va parler de maltraitances parent/enfant assez vnr (verbales et physique et aussi tout ce qui est chantage, manipulation, menace et délaissement), comportements toxiques, PTSD, dépression et pensées suicidaires.
(NB : je n’ai pas du tout pour intention de minimiser les actes et les tords d’Helmut en parlant de son passé et de ce que qu’il a pu vivre)




Hiver 977


Mon corps s’enfonce dans un lit à la douceur traitresse. Les draps et le matelas de cette chambre qui n’est pas la mienne me tiennent prisonnier. Je me sens si lourd. Je ne veux plus jamais me lever. Pas après qu’il soit parti. Pas après avoir vu ma chambre dévorée par les flammes. Mais, c’est moi, dans ma colère qui ait voulu que tout se consume et mon corps avec.

Je suis toujours vivant, pourtant.

J’entends une respiration calme et contrôlée à mon chevet. Je n’ai même pas besoin de me tourner pour savoir qu’elle est là. Mère est toujours stoïque. Rien n’a jamais semblé l’atteindre. Je me demande si quelque émotion traverse parfois les murs opaques qu’elle a dressés autour d’elle. Parfois, je l’envie. Ne rien ressentir… ça doit être bon, parfois. Ce doit être plus facile.

Après tout ce qui s’est passé, je redoute ce qu’Alma peut avoir à me dire. Pour la première fois, va-t-elle se mettre en colère ? Son visage trahira-t-il le moindre ressentiment à mon égard ?

S’est-elle seulement inquiétée à mon sujet ? A-t-elle douté de ma survie ? Est-ce que… est-ce que ma mère aura, pour une seule fois dans sa vie, aidé sa progéniture par amour et pas en pensant aux projets de sa famille ?

Je me tourne finalement dans sa direction. Détendue, elle est plongée dans sa lecture. Ce calme glacial m’a toujours effrayé. Mes espoirs sont bien vites déçus quand la mine placide de ma mère se relève légèrement vers mon visage. Aucun mouvement superflu, aucun sursaut de surprise, aucune expression rassurée ou heureuse de me voir éveillé. Je serre les dents sans comprendre pourquoi j’ai soudain envie de hurler et de sangloter. De me donner le droit, pour une fois, d’être un enfant qui ne demande qu’à se jeter dans les bras de sa génitrice, juste pour qu’on lui dise : « Tout ira bien. Je suis là. ».

Mes membres me semblent engourdis. Mes avant-bras me brûlent. En remuant maladroitement sous les couvertures afin de sortir de cette prison d’édredons trop lourds, je peux observer mes mains. Au bout de mes bras bandés, mes doigts tremblent encore. Est-ce que c’est le feu, qui m’a fait ça ? Je ne me rappelle pas. Je me souviens de la douleur, intense. Du choc de mon corps contre le sol lorsque j’ai perdu connaissance. Et après… après, ai-je juste dormi ? Combien de temps ?

« Tu t’es fait ça tout seul. »

J’ai sursauté en entendant la voix d’Alma briser le silence. Derrière cette affirmation sèche, j’entends la menace : « ne penses même pas à recommencer ». Elle n’a pas besoin de me le répéter, je sais que c’est ma faute. Bien entendu, j’ai envie de hurler pour qu’elle me donne des explications au sujet de la disparition de Hanz. Elle continuera de me laisser dans le silence et me rappellera que quelque soit la raison, ma réaction était excessive.

« Lève-toi. »

Je ne sais même pas si j’en suis capable. Mais quand Alma donne des ordres, ce n’est pas négociable. Machinalement, en ignorant mon inconfort, je commence à me redresser. Une fois sur mes pieds, je sens que mes jambes ne parviendront pas à me porter bien longtemps. Alma m’attend déjà sur le pas de la porte. Je la rejoins en trainant des pieds, mes jambes sont faibles et me font mal. Comme le reste de mon corps, d’ailleurs. J’essaie de me ternir droit, comme on me l’a appris. Docile, comme d’habitude, je lui emboite le pas.

A mesure que nous progressons dans le couloir, dont la longueur interminable illusoire me donne le tournis, je sens des courants d’air froids de plus en plus intenses fouetter mon visage. Comme si quelqu’un avait laissé toutes les fenêtres ouvertes. Je rajuste mes robes contre moi. Je grelotte un peu et j’ai faim. Le parquet grince sous mes pieds. Je reconnais l’aile où se trouve ma chambre. Alma pousse la porte du corridor qui y conduit et me fait signe d’avancer.

Il n’y a plus rien.

A part le dehors et des tas de poutre et de vieux murs effondrés, des décombres noircis par le charbon et les flammes qui ont dévoré ce qui était autrefois nos chambres. Celle de Hanz et la mienne. J’ai un haut-le-cœur en réalisant que j’ai détruit ces souvenirs qui restaient. Je serre les dents en sentant mes yeux me piquer et les larmes couler. Je voudrais pouvoir tout arrêter et remonter le temps. Quitter ce cauchemar une bonne fois pour toute. Ne jamais être né.

Alma reste muette un moment. Elle ne prononce pas un mot tandis que je renifle en faisant le moins de bruit possible. Après un long moment, la grande brune reprend finalement la parole.

« Il est hors de question qu’une chose pareille se reproduise. »

Je hoche la tête machinalement. Je le sais. Je sais aussi que je lui dois d’être encore en vie, malgré ce que j’ai fait.

« Je suis désolé. Je… je… »

Alma soupire.

« Je sais. Tu n’as pas su contrôler tes émotions. »

« C’est déplorable », pourrait-elle ajouter. Je sais. C’est inutile de remuer le couteau dans la plaie ou de me plaindre que ce n’est pas ma faute si la disparition de mon grand frère, la personne dont j’étais le plus proche, me met au plus mal. Alors, je me contente de baisser la tête. Qu’y a-t-il a dire de plus, hein ?

« La puissance de ta magie ne peut pas être gâchée ainsi. »

Je suis surpris car je ne m’attendais pas à ce qu’Alma évoque ma « puissance ». Jusque-là, je n’ai jamais eu droit à ce genre de « compliments ». Car, oui, on dirait pas comme ça, mais dans la bouche de ma mère, ces mots pourraient presque sonner comme des félicitations.

Je me trouve encore plus confus lorsque la main de mère se pose sur mon épaule. Mon cœur s’affole. Dois-je avoir peur ou apprécier ce geste ? J’ai arrêté de respirer durant de longues secondes.

« Je vais m’occuper de toi. Le conseil familial a été long et houleux, ils voulaient t’enfermer ou t’isoler. Heureusement, j’ai pu les convaincre que tu allais progresser et devenir un immense atout pour notre famille. »

Je ne comprends pas. Enfin, si, je comprends. Mais je ne comprends pas ce revirement. Pourtant, sur le moment, je veux la croire. Ces mots deviennent d’un coup ma seule chance de retrouver, peut-être un jour, un semblant de paix intérieure. Et, évidemment, je sais qu’Alma va m’imposer des conditions strictes. Je n’ai pas le choix. Je ne peux plus me reposer que sur elle, désormais.

« Dorénavant, je vais prendre intégralement en charge ton éducation et ton entrainement. Je te dirais quoi faire et quand le faire. Il faut que tu me fasses confiance. »

Me dire « quoi faire et quand le faire »… Oh, je sais. C’est clairement un piège. C’est malsain, abusif, injuste et tout ce que vous voulez et si je hais ma mère aujourd’hui, c’est bien à cause de l’éducation qu’elle n’a cessé de me servir dès cet instant. J’ai tout appris d’elle. L’impassibilité. La hauteur. Ecraser les autres. Mentir. Manipuler. Pour l’homme de foi que je suis devenu, c’est bien ironique d’avoir signé un tel contrat, hein ? Je n’ai même pas de remords. La fin justifie les moyens, après tout.

Il faut me revoir à l’époque, du haut de mes 17 ans. Je n’ai plus personne. Mes souvenirs heureux ont littéralement brûlé. Je ne sais pas quoi faire, mis à part me coucher et attendre de rejoindre Hanz. Que l’on me dise quoi faire, c’est tout ce que je voulais pour survivre. Ça me parait facile. C’est le contrat idéal. Je fais une croix sur le sentimental, je me rends à la gouvernance d’Alma. Et je sais quels mots elle voulait maintenant entendre.

« …Je suis prêt. »

Elle m’a offert l’un de ses rares sourires satisfaits.  


*****

« Patouille ! Patouille, reviens ici !! »

La petite husky courre en remuant la queue à travers tout le monastère. C’est qu’elle a réussi à récupérer une lance je ne sais où et ne veut pas la rendre à son propriétaire, ou même à moi… alors que pourtant, on s’entend bien, normalement. Patouille, la chienne de Siegfried- du moine supérieur Nagel est ma seule amie depuis que je suis devenu novice et d’ailleurs, je n’en veux pas d’autres. D’ordinaire, Patouille est joueuse et gentille mais elle tient vraiment à sa lance… ! Dès que je m’approche pour la lui reprendre, de peur qu’elle se blesse, elle grogne et recommence à courir à toute vitesse… mais où veut-elle aller, comme ça ? Je ne fais pas assez d’exercice pour continuer à lui coller au train à une telle vitesse pendant des heures. Gmrbl…

Et la voila qui s’engouffre dans les écuries. Ah, super, maintenant elle va— des hénissements affolés sortent des baraques et je commence à paniquer. Pourvu que…

Oh non. C’est les écuries des pégases. Je n’aime pas ces bêtes là. Trop imprévisibles et… leurs ailes prennent beaucoup trop de place et à tous les coups, ils me frappent avec ! Ce doit être extrêmement inconfortables d’avoir des appendices pareils pleins de plumes sur le dos… bref.

Quand j’entre dans la petite baraque, c’est la folie. Les pégases hénissent et s’agitent et je ne trouve pas Patouille.

« Patouille ?! Patouille, t’es où ?! »

Un petit jappement effrayé sort d’un des box du fond. En esquivant les ailes qui fouettent l’air, j’avance avec prudence et je trouve la petite chienne noire et blanche toute tremblante, ratatinée dans la paille. Elle a lâché sa précieuse lance et couine de peur en voyant les grosses bêtes stupides à ailes s’ébrouer en tout sens.

« Allons, viens, on va sortir. »

J’arrive à la prendre dans mes bras mais elle se débat lorsque j’essaie de l’emmener vers la sortie. Elle se remet à grogner contre les pégases, ce qui n’arrange en rien la situation, surtout pas quand l’un des équidés se met à ruer dans son box, battre des ailes et me repousse au fond du box vide… pile là où on a rassemblé le purain. Super. Quel sagouin a mal fait son travail de nettoyage ?!

« Oh, hé, qu’est-ce qui se passe ici ? »

Je ne reconnais pas la voix du nouveau venu. Mais sa présence semble calmer les chevaux. Il leur parle doucement, leur tapote affectueusement l’encolure… Patouille couine toujours dans mes bras, mais elle s’apaise petit à petit aussi. Je me lève en ramassant la lance au passage, prêt à sortir à mon tour.

« Ah, c’est à cause de vous, tout ce raffut ?! »

Un des abrutis de ma classe nous a surprit. Un razibus blond avec un début de moustache mal rasée et des yeux sombres. Son regard perçant me fixe avec sévérité tandis que je m’avance en essayant de ne pas trop faire attention à lui. Je pensais m’en sortir ainsi, mais le blondin se remet à crier.

« Hé ! C’est ma lance, ça ! Je savais que j’avais vu le clébard du moine sup’ partir avec ! »

Est-il obligé de parler si fort ? Ça me casse les oreilles et ça effraie Patouille. Je le fixe à mon tour, le regard blasé, marque un arrêt pour être certain que ma réaction lasse percute dans son petit cerveau.

« Faut pas se trimballer avec ça dans les écuries, les pégases stressent hyper facilement. »

Bon, il continue. Je m’en fous, de ses pégases, moi. Je fais la moue et me remet à marcher, mais voila qu’il me tapote l’épaule.

« … Et… tu peux me rendre ma lance, sinon ? »

Ah. C’est donc à lui. Bon… je m’exécute sans un mot, désireux de mettre fin à cette rencontre. Une fois que je lui ait remis son bout de métal dans la main, le blond (qui m’a l’air encore plus d’un minus maintenant que je suis à côté de lui) n’a pas l’air de vouloir me laisser tranquille. Toujours à me lorgner de son sale regard, comme s’il était irrité et stréssé en permanence par quelque chose. Je sais que ma présence est crispante, mais si ça lui déplait, alors pourquoi ne me lâche-t-il pas juste la grappe ?!

« … « merci »… ? »
« Hein ? »

Son « merci » a quelque chose de sarcastique et d’irritant. Je ne saisis pas tout de suite, puis je comprend qu’il me demande, à moi, de le remercier. Pour quoi, au juste ?

« Tu pourrais me remercier d’avoir calmé les chevaux et- »[/b][/color]
« Ah, oui, merci. »

Je lui coupe la parole sans vergogne. Je n’ai pas le temps. Je dois aller contempler le mur de la salle d’étude entre deux parchemins de magie. Youpi.

Je presse le pas pour retourner vers la cour du monastère... mais, évidemment, il fallait que le blond aille dans la même direction par le même chemin que moi ! J’ai reposé Patouille à terre et elle ouvre le chemin. Je soupire bruyamment quand l’autre arrive à ma hauteur et semble avoir du mal à suivre la cadence de mes pas… en même temps, quand je fais un pas, lui doit en faire 5.

« Hm… Edenweiss, c’est ça ? Tu ne parles pas beaucoup quand ça ne concerne pas l’étude, hein ? »

… Il va me faire la conversation, évidemment. Il est buté. Ou stupide. Ou les deux.

« Et alors ? »

Si je continue d’être sec, il finira par comprendre que je ne veux pas qu’on m’approche.

« Euh, rien, je pensais pas que tu pouvais parler et avoir un dialogue avec quelqu’un en dehors de... »

Un dialogue ? Il pense vraiment qu’on a eu un « dialogue » ou un « échange », depuis tout à l’heure ? Qu’on apprend des choses l’un sur l’autre ? Je me marre.

« C’est juste qu’habituellement, j’écoute pas. »

Je lui renvois, sans aucun scrupule. Pas comme si lui voulait se lier à moi de toute façon hein… hein ?

« Ah. »

Dans sa voix, je sens sa déception. Heh. Je lui avais dit. Ça lui apprendra à penser que je peux être aimable pour ses beaux yeux.

« Tu as écouté quand je parlais de- »
« Non. »

Je le sens indigné et l’entend souffler et inspirer par le nez. Je vois qu’il va plutôt être de ceux qui s’agacent, pas de ceux qui se taisent et abandonne. Pas que cela fasse une grande différence au final.

« Ça te plait d’être aussi infect et con ?! »

Insinue-t-il que je prend du plaisir à traiter les gens comme je le fais ? C’est complètement faux. Ce n’est pas un choix délibéré. Je ne peux pas me permettre de laisser les gens m’approcher. Même si je le voulais, cela me retomberait dessus. Sur eux aussi, accessoirement, mais bon… ça, c’est pas mon problème.

« Quoi ? C’est pas la peine de me juger. Je suis pas là pour me faire des amis ou pour m’amuser, contrairement à d’autres. »

Ah, oui, bon, je sais ce que vous pensez « pourquoi les gens ne te jugeraient pas, si toi tu te le permet ? ». Hm. Ben… Parce que voila.

« Pardon ?! Tu crois que je suis là pour la rigolade ?! »

Ben, s’il se sent offensé c’est bien que c’est le cas, non ? Il n’y a que la vérité qui blesse d’abord.

« Tu penses que t’es le seul à subir la pression de ta famille? A être interdit de ce que tu veux à causes de leurs ambitions ?! »

Oh, non, qu’il ne me sorte pas les violons, ouin ouin ouin je chiale. Il m’énerve.

« De quoi tu parles… je ne t’ai pas demandé de me raconter ta vie. »

Non, entendre que quelqu’un traverse une situation semblable à la mienne ne me soulagera pas. Ne me fera pas me sentir moins seul.

« Ne prends pas ton cas pour une généralité. Je ne suis surement pas comme toi. »

Si Hildawagner se sent isolé, ce n’est pas mon problème. En plus, c’est lui qui est toujours entouré d’imbéciles qui crient tout le temps. Il n’a qu’à savoir ce qu’il veut. Et il ne peut pas se comparer à moi. Nous ne nous ressemblons pas.

« Ta vie est une promenade de santé, comparée à la mienne. »

Oh, je ne connais pas la vie du blondin qui me lance des regards assassins depuis tout à l’heure. Je n’ai pas besoin. Peut-être que des gens l’on eu encore plus dur mais… pourquoi est-ce que cela devrait m’importer ?! Je ne demande qu’à ce qu’on me laisse tranquille, pourquoi est-ce que c’est si difficile à comprendre ?! Ca y est, il m’a agacé. Quand je suis agacé je…

« J’ai pas d’ambition. Tout ce que je veux, c’est mourir. »

…je deviens impulsif et je ne pense plus à ce que je dis. Je me mets à vouloir provoquer des réactions fortes chez les autres. Aussi fortes que mon propre malaise, en fait. Bon sang… Pourquoi est-ce que je lui ait dit ça ?!

« …Quoi…? »

Martin s’est arrêté et je perçois le trouble dans sa voix. Mon souffle s’écourte. J’ai définitivement perdu mon calme et je sens que je vais encore dire des stupidités. Des choses que je ne devrais pas dire en public. Enfin, le bon côté, c’est qu’avec tout ça, il va bien finir par fuir et me laisser.

« « Heureusement », ma mère fait en sorte que je fasse quelque chose pour l’oublier. Héhé. »

Abruti. Contrôles toi.
« Contrôles-toi », « Contrôles-toi », « Contrôles-toi ». La voix de ma mère passe en boucle dans mon crane. Me contrôler. Oui. C’est tout ce qui importe. Me contrôler pour éviter le pire. Mais… c’est quoi le pire… qu’est-ce que je pourrais faire de pire que ce que j’ai déjà…

«  … E-Edenweiss… T’es sûr que ça va… ? »

Mon ventre me fait mal. J’ai des vertiges et la nausée me prend à la gorge. Mes avant-bras sont douloureux tandis que je revis ce fameux jour où tout a brûlé. L’odeur est dans mes narines et ne part pas. Le crépitement et mes propres hurlements dans mes oreilles.
Ça suffit. Je n’ai pas besoin de ça.

« Contrôles-toi », « Contrôles-toi », « Contrôles-toi ». Concentre-toi sur ma voix ». « Contrôles tes flammes ».

Entre mes mains, les flammes deviennent plus blêmes. Grisâtres, pour finalement devenir complètement blanches, signe que je les apprivoise, qu’elles se laissent modeler par ma magie. Mes paumes me brûlent mais je tiens bon. Si je cède à la peur de la douleur, au malaise créé par mes souvenirs traumatiques, alors les flammes déborderont et me blesseront à nouveau. Les iris gris de Mère m’observent depuis l’autre côté du terrain d’entrainement.

« Visualises la flamme ». « Contrôles-là ». « Façonne-la ».

Je visualise la flamme. Ma respiration se régularise. Se bloque. Je contrôle la situation. Je me contrôle. Je n’exploserais pas à nouveau. Je ne brûlerais pas.

« Fais pas cette tête. Je plaisantais, évidemment. »

La flamme se métamorphose et mon état avec elle. Façonne-la. Façonne ta réalité avec les mensonges. Un jour, tes mensonges n’en seront plus.

« Abruti. Tu vas vraiment me faire croire ça ? »

J’espère bien oui. Je ne suis pas encore assez résilient, on dirait. Qu’importe, Hildawagner va abandonner la conversation ici. Comme les autres. Ce n’est pas grave.

« Je sais pas ce qui t’es arrivé mais… je t’assure que… que les choses finissent par s’arranger. »

Des encouragements, maintenant ? Bon, très bien, je m’étais trompé. Il n’est pas stupide. Il est simplement d’une naïveté effarante. C’est un peu la même chose, finalement. Je ne saurais être touché par sa sollicitude mais je… je ressens quand même un pincement au cœur quand je reprend la parole.

« Pas pour moi. »

Ma résignation fait froncer les sourcils au blond qui va pour se diriger vers les terrain d’entrainement, tandis que je dois rejoindre les quartiers de Siegfried puis la bibliothèque. Enfin, nous chemins se séparent. Je vais enfin arrêter d’entendre ses--

« Bah, évidemment, abruti ! Tant que tu voudras pas avancer, rien ne changera et tu continueras de souffrir ! »

Pourquoi est-ce qu’avec ces simples mots, il parvient à me clouer le bec ? Que sait-il de ma vie pour avancer ça ? J’ai essayé d’agir… on voit bien comment ça s’est terminé. Maintenant, je ne suis qu’une serpillère qui attend qu’on lui donne des ordres. Car marcher selon mes propres désirs me fait mal. Me brûle. Et brûlera certainement tous les autres qui s’approchent. « Tu es dangereux », « la magie de cet enfant ne devrait pas être aussi forte à son âge, c’est une aberration de la nature ». Alma ne les a pas contredits. Elle fait ça pour mon bien.

Donc.. non. Ça ne changera pas. Je ne veux pas que ça change. Et même si je le voulais, ce serait inutile.

« J-je dois ramener Patouille à Sieg- au moine supérieur. »

Je regarde mes pieds et accélère le pas en direction du bâtiment. Je courre dès que je suis hors du regard inquisiteur du Hildawagner pour ramener le toutou. Cela fait, je me suis caché à la bibliothèque, le nez dans un livre jusqu’à une heure tardive, jusqu’à ce que Siegfried me trouve endormi entre deux étagères endormies et m’aide à regagner mon lit.

*****


Ce n’est pas la première fois que je suis sur un champ de bataille. En revanche, c’est la première fois qu’Alma n’est pas là pour me surveiller. Je n’aime pas particulièrement me battre. Je suis doué en magie, c’est vrai et pas mauvais avec une claymore, à ce qu’il paraît. Mais tout ça, c’est un peu fatigant. Et ça me casse les oreilles. Je n’aime pas retrouver mon armure et mes robes salies de sang séchée et de traces de brulures… c’est dégoutant et pénible à nettoyer. L’odeur du métal, de la chair qui brûle et de la mort me prend toujours au nez. Même avec toutes ces sollicitations sensorielles insupportables, je devrais me contrôler. A quoi bon, finalement ? Est-ce que ce n’est pas ça, ce qu’elle veut, finalement ? Toutes les conditions sont réunies pour que je finisse par sortir de mon impassibilité de façade. On me pousse à bout en permanence et on s’attend à ce que je résiste à mes émotions toute ma vie ?

« Tant que tu ne voudras pas avancer, rien ne changera »

La vue du regard sombre du blondin, ses sourcils froncés et son regard brillant d’irritation… ça a animé quelque chose en moi. Quelque chose d’excitant. Qui me donne envie de provoquer le destin, peu importe les conséquences. Je ne suis pas faible, contrairement à ce qu’Alma semble croire. Hildawagner semble être le seul à voir qu’il est impensable de me sous estimer et de gâcher mon potentiel comme on me l’ordonne depuis des années. Pourquoi faire après tout… je ne suis pas leur larbin. Du moins… je n’ai pas envie de l’être toute ma vie.


Je sais bien que si je laisse ma magie exploser, les choses seraient finies bien plus rapidement. Nous avons l’avantage du terrain et du nombre, la victoire est assurée, je ne vois pas l’intérêt d’être excessivement prudents comme le préconisent souvent ma mère et mon oncle. Ils veulent faire des prisonniers pour rentrer dans les bonnes grâces de nos suzerain qui l’a ordonné mais… quel est l’intérêt quand nous connaissons déjà les prochains déplacements de nos adversaires ? Je suis assez intelligent pour diriger mes subordonnés vers la victoire, à mon âge. Alma dirait que je me surestime mais… finalement, si je l’écoute, je ne devrais jamais exploiter mon plein potentiel. Pourquoi me contrôler quand je ne sais même pas pourquoi je me contrôle ?!

Je sens les flammes qui crépitent en moi, dans mes mains. Mes étincelles blanches qui ne demandent qu’à montrer ce dont elles sont capables.

« Monsieur ? Vos yeux… »

Mes doigts, sans que mon bras ne bouge, esquissent un geste latéral. Mon mur de flammes qui s’étendait autour de notre groupe se rassemble vers l’avant et double en hauteur. Le brasier blanc se change en colonne de feu, qui ne cesse de prendre de l’ampleur et s’étend en onde de choc qui stoppe un instant nos assaillants.

« J’en ai marre. Vu leur nombre et la désorganisation de leurs rangs, la victoire est déjà assurée, alors finissons-en. »

J’ordonne, en faisant signe aux autres de fondre sur l’ennemi. Je sens la résistance de ceux qui m’entourent.

« Nous ne pouvons… votre mère a dit que… »

Je serre le poing et les flammes gagnent encore en puissance, gagnant les barricades ennemies, happant les soldats aux étendards bleus et or dans leur sillage. Tout brûlera bientôt dans un grand incendie d’une blancheur immaculée. Je sens mon corps se réchauffer, mes yeux et mes bras me piquer sans encore me brûler. Je sais que je force sans doute mais je m’en moque. Je me sens vivant pour la première fois depuis des mois.  

« Monsieur ! »

J’avance sans rien dire pour que le feu continue de gagner du terrain.

« Si vous ne voulez rien faire, alors au moins, protégez-moi. »

En me voyant partir lentement mais surement vers les rangs resserrés de nos adversaires, mes subordonnés ont fini par s’exécuter. Avec leur participation, tout fut rapidement terminé. Pas de prisonniers. Emballé, c’est pesé ! Je me fiche bien de la victoire que les autres célèbrent, je veux simplement rentrer plus tôt, manger à ma faim, boire une tisane et lire un bon livre avant de dormir.

Avant de partir, cependant, je demeure un peu à regarder mon œuvre. Contrairement à ce que dit Alma, tout ce que je produis n’est pas complètement raté. Ces flammes blanches, qui illuminent le ciel tapissé d’étoiles cachées derrière les volutes de fumée s’allient si bien avec le décor enneigé des montagnes au loin… eh bah, vous savez quoi, ce joli panorama, c’est moi qui l’ai fait.

Je m’arrête encore un instant sur la crète en rentrant vers le monastère et contemple les feux follets immaculés au loin, seuls résidus de lumière en contrebas dans la nuit désormais complète. C’est beau… et ce n’est pas quelque chose que l’on m’a ordonné. Je peux donc… faire des choses qui sont belles. Qui animent mon cœur et me réchauffent à l’intérieur.

« Ça te plait d’être aussi infect et con ? »
« Abruti. »

Les échos de la voix d’Hildawagner dans ma tête. Ça aussi, ça me réchauffe à l’intérieur. Ses réactions franches que j’ai provoquées m’ont secoué. La provocation, c’est tout ce qui me reste pour me lier aux autres, hein. Je ne sais pas comment on peut faire autrement. Le souvenir de ses regards exaspérés me font vibrer. Je veux les revoir. Je souris en repensant à la manière dont il a prononcé mon nom, un peu plus tôt.  

« Edenweiss. »

Hildawagner… Martin.  
J’aimerais bien qu’il m’appelle par mon prénom.

*****


Je reconnais l’humeur de mère à la manière dont elle marche. Etant donné qu’elle ne donne pas beaucoup d’autres indices visuels, le son de sa démarche est devenu le meilleur indicateur de son agacement envers ma personne. Lorsque j’entends ses pieds s’affoler sur les dalles de l’entrée, je sais d’avance ce qui m’attend et je me tend, m’immobilisant sur place comme si cela allait atténuer la douleur imminente.

Le coup claque contre ma joue. J’encaisse la brulure qui envahit mon visage sans broncher. Je bouge à peine. Pourtant, dans mon état de fatigue, je devrais avoir la larme facile. Mais je ne flanche pas. Comme un sac de frappe qui oscille doucement sur le côté et qui se remet en place en un instant. Sur le moment, je ne comprends pas et regarde docilement le sol en attendant le sermon qui s’en vient. Je ne prête nullement attention à mon oncle Ernzt, bien mal à l’aise à mes côtés en présence de sa sœur qui me fusille surement du regard.

« Qu’est-ce que je t’ai appris ces dernières années ?! »

Hm… le contrôle, à ce qu’il paraît.
Qui c’est qui peut pas se contrôler maintenant, hein ? Héhé.

« Tu es toujours incapable de contrôler tes flammes, à quoi est-ce que cela sert que je te défende devant le conseil si tu ne peux même pas te retenir de faire des ravages une fois que je ne te surveille plus ?! Ce genre de zèle va donner une réputation de forcenés bellicistes à notre famille… » Elle résiste à me frapper une fois de plus. « Et ne me refais plus jamais passer pour--- tu es encore incapable de commander des troupes. Était-ce si compliqué de prendre ton mal en patience et de faire ce qu’on te demandait ?! »

Je cligne des yeux, soudain perturbé. Pourquoi… pourquoi, cette fois en particulier… pourquoi perd-t-elle ainsi son calme ? Elle n’explose pas non plus, mais sa voix est définitivement altérée par quelque émotion qui la met profondément mal à l’aise. Je ne saurais dire mais… j’ai déclenché cette quelque chose d’inhabituel chez elle. Mes actes, ma magie, ce que j’ai réalisé avec il y a quelques heures… oui… ce sont mes actions qui la mettent dans tous ses états. Mes actions. Ce qu’elle pense contrôler mieux que n’importe quoi d’autre. Ce que je pensais qu’elle- Jamais je n’aurais pensé pouvoir produire ça chez elle.

« …Qu’est-ce qui te fait sourire ? »

Je ne m’étais même pas rendu compte du mouvement progressif de ma tête vers le haut, de ma vue qui s’était fixée dans les iris de ma génitrice. Des commissures de mes lèvres qui venaient de se redresser très légèrement.

…Tiens… ? Je ne m’étais jamais rendu compte jusqu’à aujourd’hui, mais je la dépasse d’une tête.

Une sensation de satisfaction m’envahit lorsqu’Alma constate que je ne baisse pas les yeux et hausse d’avantage les sourcils. Elle fait un pas en arrière, un geste défensif. Peut-être a-t-elle la main mise sur ma personne mais… ce soir, pour moi, c’est une victoire.

« Va manger et déguerpis. Et demain, sois levé à 4 heures. Tu auras des explications et des excuses à faire à notre seigneur. »

Et la voilà partie. Toujours de son pas irrité et bruyant. Je ne sais pas si mon sourire a disparu ou demeure. Mais ce soir-là, une réalisation que je n’allais pas être prêt d’oublier m’a frappé :

Finalement, peut-être qu’Alma n’a pas autant de contrôle sur moi que ce que je m’imaginais.

Peut-être bien qu’un jour, je serais plus fort qu’elle.
Et que je pourrais venger Hanz.
Peut-être, que, finalement, tout ça va finir par avoir un sens.

*****


La nuit se passa. Apaisante, pour une fois. Cela faisait des mois que mon sommeil n’avait pas été aussi profond et agréable. Pas de cauchemars. J’ai rêvé d’un enfant ailé qui riait aux éclats en planant au milieu de nuages aux visages souriants. Il ressemblait à Hanz. Je me rappelle m’être posé la question en me réveillant : est-ce qu’Hanz est plus heureux, là où il est ? Je suis persuadé qu’il ne le sera pas réellement tant que je n’aurais pas vengé sa disparition. Son âme… c’est à moi de l’apaiser, maintenant, n’est-ce pas ?

Alma m’envoie des regards suspicieux quand elle me voit bien coiffé et mieux apprêté que d’habitude, quand nous nous apprêtons à partir. Notre seigneur lige, Dame Hildawagner, avait visiblement très envie de me taper sur les doigts mais s’est contentée de me sermonner tandis que je lançais des coups d’œil distraits aux tapisseries de sa demeure. J’ai répondu quelques « oui Dame Hildawagner », « je comprends, ça ne se reproduira pas » et des excuses formelles pour que tout cela soit rapidement expédié. Je pouvais sentir l’emprise du regard de ma mère sur moi, mais je sais qu’elle se foutait tout autant que moi des paroles de notre seigneur.

Puis, nous sommes rentrés au Monastère et quelques jours plus tard, je retournais à mes études. Dans le plus grand des calmes, comme si rien n’était arrivé.  J’ai revu père, enfin, Siegfried, pour prendre un thé avec des biscuits. Il m’a dit que j’avais meilleure mine, ces derniers jours et m’a resservi du gâteau. Mes recherches en elysian ancien et sur les anciennes prophéties oronistes avancent. Les choses me paraissent plus simples ces derniers jours. J’ai la sensation d’être un peu plus léger. Enfin, pas jusqu’à dire que je nage en plein dans le fun de la life et que je croque la vie à pleines dents, hein, berk. C’est juste que des fois, ce n’est pas désagréable de ne pas avoir l’envie de se foutre en l’air. Même si je sais que ça ne risque pas de durer et que le poids de cette certitude n’est pas prête de quitter mes épaules.

Il a fallu qu’une petite semaine passe pour que je croise Hildawagner à nouveau. Aussi étrange que cela puisse paraître, ses petits yeux sombres et ses sourcils froncés m’avaient un peu manqué. Enfin « manqué » n’est pas le bon mot. C’est simplement que ma vie sociale se limite à deux personnes : Siegfried et lui, qui m’a adréssé la parole une fois. Et qui m’a engueulé car je l’ai bien cherché. Et Patouille, évidemment. Autant faire avec ce qu’on me met entre les pattes, hein, y’a pas de raison que je me donne plus de mal. Je fais comme si je ne voyais pas le blond à l’air renfrogné m’apercevoir et se rapprocher de moi dans la bibliothèque. Je laisse faire, attend qu’il m’adresse la parole en premier car je n’aime pas avoir à le faire moi-même.

« Je crois que je te dois des remerciements. »

Par contre, s’il pouvait être plus clair, ça m’arrangerait. Pas de suspense pendant que je travaille, ça me distrait.

« Hein ? »

Dis-je de mon habituelle et mélodieuse voix, monocorde aimable comme une porte de prison.

« Ma mère est hors de ses gonds depuis qu’elle a appris pour ce que tu as fait, l’autre jour, dans la région d’Albrandt. »

Je me sens étrangement flatté. C’est vrai que je me suis bien amusé et je ne peux pas m’empêcher de sourire en coin, mi-fier, mi-amusé.

« Ah, ça. C’était un joli brasier blanc. Dommage que tu n’aies pas pu le voir. »

Je baisse légèrement la tête sur le côté en observant mon interlocuteur. Un sourire indéchiffrable se forme sur mon visage. Martin cligne des yeux et un silence passe entre nous. Bien que distrait l’espace d’un instant, le blondin revient vite au sujet initial de notre conversation.

« C’était satisfaisant de la voir perdre son calme en comprenant que c’était un novice binoclard et en plus le fils Edenweiss qui avait foutu la merde. »
« « Novice binoclard » ? Héhé. »

C’est fou comme tout le monde me sous-estime. Ils verront, les vieux, quand je prendrais leur succession un jour. Enfin, c’est vrai que cette petite rébellion m’a fait beaucoup de bien à l’égo. Je ne pète pas la forme et des arc-en-ciels non plus mais c’est certain que je me sens mieux, désormais. Et en plus, ça a plu à Hildawagner. Difficile de retenir un léger sourire en coin. Je crois que mon interlocuteur le remarque et quand je le regarde, je vois bien qu’il est intrigué.

« Quoi ? »

Fait-il, sans quitter son air amusé et un peu fier. J’hausse les épaules.

« .. Rien. Pour une fois, je comprends ta satisfaction. »

Car c’est exactement ce que j’ai ressenti après avoir vu Alma sortir de ses gonds. Enfin, ma joue a un peu moins apprécié, mais bon. Je ne suis plus vraiment à ça près.
Mon expression se fait plus malicieuse maintenant que nous avons clos le sujet et que je constate que Martin n’a pas l’air de partir. Je souffle légèrement du nez et me penche par-dessus mon ouvrage, mon visage posé sur mes mains.

« Hm. Bon, alors, maintenant, tu vas arrêter de me surveiller ? »

Mes yeux fixent ses pupilles brunes, soudaient distraites par mes mots. Le Hildawagner se tend et son front se ride d’embarras.

« Euh.. de quoi tu parles.. ? »

Je ne prends pas la peine de m’expliquer, il sait très bien à quoi je fais allusion. Je l’ai vu me surveiller de loin, quand je m’isolais, ces derniers jours. Probablement à cause de ce que je lui avais dit la dernière fois. Il est possible que j’avais mes yeux sur lui également. Puis, j’ai quelque peu l’habitude qu’on me suive et qu’on me surveille. J’allais finir par le remarquer.

« C’est-y pas mignon. Tu t’inquiétais pour moi ? »

Voila que Martin grogne à nouveau. Il soupire et retrousse les narines d’un air exaspéré, puis croise les bras dans son habituelle attitude de petit soldat coincé du bulbe  (mais un peu adorable, avouez-le).

« Si tu faisais une connerie je l’aurais eu sur la conscience ! »

Qu’il finit par admettre au sortir d’une longue série de « grmblblb » tous plus ridicules les uns que les autres.

« Ben voyons. »

J’hausse les sourcils et roule des yeux sans perdre mon sourire suffisant. J’ai envie de le taquiner encore d’avantage. Il n’a pas l’air de tant détester ma présence que ça, finalement. Et puis, s’il s’enfuit, ce ne sera pas bien grave. Je ne le poursuivrais pas. Mais lui, je suis sûr qu’il reviendra.

« T’es sûr que c’est pas plutôt que je te plais ? »

Lâchais-je finalement, les yeux dans les yeux du Hildawagner. Celui-ci ne cache pas sa surprise et son visage se décompose en une grimace forcée.

« … Berk. Les dépressifs comme toi, c’est pas mon truc. »

Je hausse les épaules et ne le retient pas quand il se lève et s’appuie sur le dossier de sa chaise. Il me tause tandis que je retourne à ma lecture, puis glousse un coup avant de rétorquer :

« Changes de coupe, déjà et on en reparle. »

Oh, c’est tout ? Il n’est pas si difficile qu’il le prétendait il y a quelques secondes, finalement.

« Viens me couper les cheveux, alors, si ça te démange à ce point. »
« Dans tes rêves. »

S’étouffe-t-il sans arrêter de grimacer. Martin tourne enfin les talons et je le retiens encore un instant, grâce à quelques mots.

« Hm… dommage. Et moi qui me disait que finalement, tu me plaisais peut-être. »

Bah, quoi. J’ai que 22 ans, pardonnez-moi de m’enflammer pour bien peu de choses et notamment pour un blondinet mignon qui rentre dans mon jeu. Et puis, dans mon état j’ai besoin de distractions. Ça tombe bien, car Martin me semble parfait pour remplir ce rôle.

« T’es trop bizarre. »

Ah, il me trouve bizarre, maintenant. Et il s’en va. Bouhouhou. Martin, comme un mirage, tu me quittes. Mais tu reviendras, j’en suis sûr. Je suis trop pénible pour qu’on m’oublie, à ce qu’il paraît.





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Helmut se fout de ton avis et méprise ton existence en #333399