Dans un souffle, l'épeiste passe une main sur sa tête, remontant jusqu'à ses cheveux. Le regard cerné et le teint grisâtre, Satoshi avance lentement dans la ville-basse, le pas moins vif et moins rigide que d'ordinaire. Les dernières nuits ont été longues. Trop longues. La dernière attaque s'est éternisée davantage que les autres ; lorsque les Pourritures disparurent finalement, l'aube était bien avancée. Ayant été de garde pendant trop d'heures pour qu'on ne prenne la peine de les compter, on lui avait dit de rentrer chez lui et de se reposer. Le repos, toutefois, ne venait pas. Comment pouvait-il venir ? Son esprit, traître et agaçant, continuait de lui rappeler que ses semblables étaient encore en train de monter la garde, eux.
Alors, frustré par sa propre inutilité, il avait décidé que faire quelques tours dans les terres sauvages ne lui ferait pas de mal. « Un peu de marche tous les jours », disaient les soigneurs ; sûrement qu'une journée à voir des paysages ne pourrait pas faire de mal. Pas comme si c'était véritablement sa motivation : mais c'était une bonne excuse.

Pour ça, toutefois, il lui fallait un cheval. Avec la disparition de la ferme familiale sous les effets du temps, tous ceux qu'il avait pansé et soigné de son enfance à son adolescence avaient disparu. Étrangement, il avait retardé le jour où il faudrait donc en acheter un nouveau, même si cela ne facilitait pas ses missions. Il avait prétendu que ce n'était pas le moment, pendant un temps, se justifiant en invoquant le besoin de subvenir aux besoins de ses parents en priorité. Petit à petit, l'excuse s'érodait. Maintenant, avec ce besoin impérieux de pouvoir être rapide pour fuir si jamais, elle ne tenait plus.
D'un geste calme, Satoshi s'approche des portes principale d'une écurie qu'il avait remarqué il y a quelques jours. Ses pas sont lents ; on jurerait presque qu'il traîne. Puis, finalement, il ose se mettre à toquer. Sa politesse le pousse à ne pas s'inviter outre mesure pour le moment. Il attend qu'on lui ouvre la porte, accueillant la personne venue par un salut.

« Bonjour, excusez-moi de vous déranger. »

Il prend une seconde. Comme d'ordinaire, il n'aime pas parler vite. Toutefois, il ne perd pas de temps dans les détails, choisissant plutôt d'aller au point directement, comme à son habitude.

« Je viens ici car j'ai besoin d'acheter un cheval, de préférence rapide plutôt que pour le trait. En auriez-vous que je pourrais voir ? »

Une petite partie de lui doute, toutefois. L'armée n'aurait-elle pas eu tendance à acheter en masse, ces temps-ci... ? Il espère que non.