Puppy eyes {PV Sammy

Je... Ne sais pas quoi faire. Du tout. Désemparé et confus, je fixe la boite que l'on a déposé devant le sanctuaire ce matin avec désarroi et incertitude. Mais qu'est-ce que je vais faire de ça... Et quelle espèce de sac de fiente a pu les déposer sans même prévenir ? Mes crocs se mettraient presque à sortir. Grmbl. Je vous jure, si j'attrape le responsable, je le- !

« Wouf ! »

Un jappement enthousiaste me fait baisser les yeux sur la boîte que je porte, et sur son précieux contenu. Cinq paires d'yeux me fixent avec fascination et enthousiasme. Je ne m'attendais pas du tout à devoir m'occuper d'un seul coup de cinq petits bergers caucasiens, mais je n'ai pas eu grand choix, il faut le dire. C'est à moi qu'on a collé cette tâche pour une raison que j'ignore, et... Et je suis plus que désemparé. Je n'ai jamais eu de chien. Je les aime beaucoup, m-mais... Mais cela fait beaucoup d'un coup pour moi.
Avec hésitation, je finis enfin par toquer à la porte, ravalant finalement mon ego qui souffre un peu, je dois l'avouer. Mais je ne connais pas grand monde qui pourrait m'aider à l'heure actuelle, alors j'ai fini devant la porte d'Enodril. Yggdrasil, c'est un peu honteux. Quand il finit par ouvrir, j'aurais presque envie de mourir sur place.

« D-désolé de vous déranger, m-mais, euh... Quelqu'un a posé ça au sanctuaire, et je suis un peu dépassé-ééé ! »

Comme si l'odeur d'un de leurs semblables les réveillait d'un coup, les chiots se mettent à s'agiter et à japper pour pointer leur tête hors de la boîte. Leurs grands yeux émerveillés et attentifs se fixent sur l'altissien, la queue battant vivement l'air. Mon regard est désemparé.
À l'aide.

J'attends qu'il ait fini de s'extasier en tapotant des doigts sur la boîte, quelque peu... Désemparé, on va dire. N-non, mais d'accord, ils sont très mignons, mais ce n'est pas le sujet. Et ça m'arrangerait que l'on bouge un peu, car ils s'agitent, et le poids commence à être beaucoup pour mes bras. Je ne me fais donc pas prier lorsqu'il me fait signe pour poser le paquet à terre et soupirerait presque de soulagement lorsque les petits se mettent à en sortir les uns après les autres. Fiou... Déjà, étant donné qu'ils sont plus intéressés par Enodril que par moi sur le moment, je peux souffler davantage, les regardant distraitement sans trop m'approcher. Il me faut déjà les distinguer, les reconnaître, pour être plus à l'aise.
… Et passer au dessus des plaisanteries d'un goût très douteux de la part de mon interlocuteur, qui me font afficher la mine la plus blasée que je puisse convoquer. Je ne m'empêche pas de rouler lourdemment des yeux.

« On vous a déjà dit que vous étiez lourd... ? »

J'aurais pu le prendre littéralement si je n'avais pas conscience, vu sa tête, qu'il était en train de se moquer de moi. Je commence à le reconnaître chez lui, à force de le croiser, et... De le voir s'installer dans mon bureau à quelques occasions.

« Quelqu'un les a laissé comme ça sans autre explication. Je suppose que cette personne s'est dit que nous pourrions nous en occuper, mais... »

En me mettant accroupi, je caresse distraitement la tête d'un des petits, mon expression se faisant plus tendre et douce l'espace de quelques instants. Je garde le regard sur les chiots, cherchant moins mes mots que d'ordinaire.

« Je n'ai jamais eu de chien. Ou de chat. Et ils sont très énergiques, alors je n'arrive pas à les gérer. »

Alors oui, au final, j'ai... Fait le choix de venir voir un animorphe chien. Ce n'est pas vraiment ce qu'il y a de mieux, mais c'est la seule idée qui me parut un peu près sensée.

« Pas bien compliqué »... Hé, ce n'est pas de ma faute, si je ne suis pas habitué ! Vous avez déjà tenté d'empêcher cinq boules de poils agitées de ne pas détruire ou manger tout ce qu'elles trouvent ? … Si oui, sachez que c'était sûrement plus facile pour vous que pour moi. Je ne réponds donc pas à sa question, me contentant d'observer Enodril lorsque les chiots finissent par le renverser pour le léchouiller. Etonné de sa soudaine... Douceur et gentillesse, si je puis dire, je reste à fixer la scène sans un mot, clignant des yeux comme si j'avais du mal à saisir ce que je voyais. Uh. Ce doit être la première fois que je le vois... Comme ça ? … Naturel ? J'ai du mal à savoir. Cela me rend très perplexe. Je ne sais pas vraiment décrire ce que je ressens. C'est chaleureux.
Je hoche de la tête devant sa question. Je n'ai pas vu la personne qui les avait déposé, ni les quelques moines que j'ai interrogé à ce propos ensuite. Je suppose donc qu'elle est partie au plus vite, ce qui ferait sens. Mais la suite me fait garder le silence sur le moment. J'ai malheureusement une idée sur la réponse.

Je n'ai toujours pas bougé depuis tout à l'heure, et je bouge encore moins lorsque l'altissien finit par leur ramener de la nourriture et de l'eau, sur lequel les bestioles se jettent sans plus attendre. Uh. Quelque peu impressionné sur la scène qui se joue devant moi, j'en oublie presque que je n'ai rien dit depuis tout à l'heure. L'un des petits semble toutefois rester à l'écart, comme méfiant. Au lieu de cela, il s'approche pour me renifler, et je ne dis rien sur l'instant, le fixant juste en clignant des yeux. C'est finalement à ce moment que je choisis de parler de nouveau.

« … Je ne peux pas prendre la décision de les laisser au sanctuaire par moi-même. Je ne crois pas que cela passera. Quand ils seront adultes, ils mangeront beaucoup et... Je ne crois pas que les autres moines supérieurs seront d'accord.  »

Pour ne pas dire qu'ils refuseront. Et je ne crois pas que les soldats déjà bien énervés ces derniers temps apprécieront de voir cinq grands chiens-loups devant le sanctuaire ; déjà qu'ils nous em-.... Enquiquinnent assez comme ça, nous n'avons pas besoin d'une dose de méfiance supplémentaire. Pour autant... Mon regard se voile un peu alors que ma main, avec hésitation, se pose finalement sur la tête du chiot qui me tournait autour. La bête me fixe avec curiosité. Je me permets, finalement, de gratter doucement son crâne et ses oreilles.

« Mais je ne peux pas... Je ne veux pas les abandonner. »

J'en serais bien incapable. Il m'a suffit de les voir quelques instants pour m'en sentir immédiatement responsable.

Son optimisme est... Admirable, si je puis dire, mais je reste toutefois perplexe pour le moment. J'ai du mal à me persuader de la même chose, alors j'admirerais presque cette capacité si je n'étais pas déjà en train de réfléchir à une manière de régler le problème. J'ai évidemment pensé à les faire adopter, mais... D'une part, je sais que je ne les donnerais pas à n'importe qui : je serais sélectif, par crainte de les envoyer auprès de mauvais maîtres. Et d'autre part... Où pourraient-ils vivre, en attendant ? Je ne peux pas les garder dans mon bureau...
… Et particulièrement pas quand je vois les bêtises qu'ils font : je sursaute brusquemment lorsque le vase tombe et grimace, plus que gêné.

« D-désolé ! »

Je me sens coupable, par défaut, de leurs bêtises. Je vais devoir racheter un vase, je le sens... Embarrassé, je n'ose plus bouger sur l'instant, suivant seulement des yeux les chiots et leurs idioties qu'ils semblent capables de réaliser à la suite sans le moindre problème.
Je suis au départ curieux de ce qu'ils veulent atteindre et qu'Enodril défend si ardemment ; je ne me doute de rien au départ, m'attendant à quelque chose de quelconque, mais ma curiosité me fait relever le regard. Mes joues s'enflamment lorsque je finis par le reconnaître.
Mais c'est.... ?
Mais... Mais pourquoi l'avoir gardé ? Je suis confus autant que vaguement embarrassé et peut-être flatté, au fond, mais je ne serais pas capable de le distinguer. Je suis plus gêné qu'autre chose et détourne le regard en espérant que les secondes qui passent rendront la situation moins complexe à gérer pour moi. Son offre me prend toutefois par surprise.

« C'est... C'est gentil de votre part. »

Je cligne des yeux d'un air bien stupide, ne m'étant pas vraiment attendu à ça. Il est vrai que ce serait pratique, mais... Je ne suis pas sûr que lui déléguer mes responsabilités (car je me dis déjà que ce sont les miennes) soit non plus la meilleure des solutions.

« … Vous voulez bien m'aider à leur trouver des familles ? Je ne suis pas... Doué, pour faire ce genre de discussion. »

Pas doué tout court, dirais-je avec une certaine morne si j'étais préoccupé par cela à l'instant. Mais... Il ne faut pas se mentir, je vais avoir besoin d'aide.
Alors que j'étais encore accroupi, le chiot qui lèchait mes doigts il y a quelques minutes prit la décision, soudaine et venu de je ne sais où, de sauter sur mes genoux sans plus attendre. Je finis donc assis sans trop l'avoir voulu, pendant que le chien s'installe confortablement sur mes jambes, sans vraiment me laisser le choix. Je m'en retrouve un peu désemparé.

« O-oh, euh... P-petit, tu ne peux pas... »

Je bredouille, confus et perplexe quant à son désir de monter sur moi. Je suppose que j'émets un peu de chaleur... ? Hésitant, j'ai du mal à être naturel, mais je finis par me rendre compte qu'il ne sert à rien de protester. Ma voix se fait plus calme alors que je commence à le caresser, parlant distraitement et sans vraiment y réfléchir.

« … J'ai toujours un peur de leur faire mal. »

C'est inconscient. Mais... D'une part, je ne suis pas adroit, alors cela arrive, que je blesse sans le vouloir. Puis... Je ne sais pas. J'ai inconsciemment intégré, du fait que ce qu'on a pu me dire sur mon espèce, que j'étais sûrement dangereux pour ce qui était fragile. Alors je fais attention. Trop, peut-être.

Je sais, dans le fond, que je ne lui ferais pas de mal. Mais il y a cette crainte dans le fond de ma tête qui revient à chaque fois que je touche ou que je m'approche de quelque chose de fragile, peu importe à quel point je tente d'être raisonnable. Même si maintenant qu'Enodril le dit, vu leur taille et leur poids... Je crois que je n'ai pas vraiment à m'inquiéter, alors je me détends, ne serait-ce que qu'inconsciemment.
Sa question m'étonne car je suis surpris qu'il le devine, mais... Après quelques secondes, un sourire mi-désabusé mi-amusé s'étire sur mes traits. Ce doit être évident, quand j'y pense. Est-ce que je passe pour un idiot... ? Sans doute, mais je n'y peux pas grand chose, j'imagine.
Mais comme il le dit, le chiot sur mes genoux semble bien décidé à ne pas bouger de là, et semble en plus particulièrement à l'aise, ce qui me surprend d'autant plus. Uh... T-tant mieux. Cela me flatte, alors je ne dis rien et me contente de caresser la tête du chiot. Cela semble lui suffire ; voilà une créature qui n'est pas bien compliquée à comprendre, au moins. Plus détendu, je prends donc le temps de répondre à la question rhétorique d'Enodril.

« Ma mère ne voulait pas. Il y avait des chances que si un animal ramène une maladie, cela me... Enfin... Du coup, elle me faisait quelques invocations, pour me passer l'envie. Ça ne marchait pas très bien, mais je ne voulais pas lui faire de peine. »

Je hausse distraitement des épaules. Dire ce genre de choses ne me dérange pas en soi, même si cela ramène quelques pics dans ma poitrine. Mais maintenant que j'y pense... Lui non plus, n'a pas vraiment eu d'animal de compagnie, n'est-ce pas ? Je n'ose toutefois pas nommer le sujet à voix haute. Je sais qu'il est encore sensible.

Je glousse un peu devant sa plaisanterie. En réalité, mon corps ne craint plus vraiment ce genre de choses aujourd'hui. Je n'ai pas non plus une santé de fer, mais je ne risque plus grand chose en sortant l'hiver, par exemple, et de toute façon, je ne crois pas que cela changerait grand chose à mes décisions. J'aime beaucoup trop la liberté pour supporter de rester enfermé. Plutôt mourir que de l'être à nouveau.
Il est vrai que je décide de ce que je fais, mais... Je pense qu'au contraire, maman aurait eu tendance à m'encourager. Dès que j'ai pu commencer à sortir, elle était la première à vouloir que je tente tout ce que je pouvais tenter. Je crois qu'elle s'en voulait, dans le fond, comme si elle était responsable d'avoir fait le nécessaire pour que je survive.

Je mets quelques secondes à comprendre ce qu'il veut dire. Clignant des yeux, surpris, mes épaules se redressent comme si elles sursautaient. Mon regard passe du chiot endormi sur mes genoux à l'altissien en face de moi, des lueurs de confusion et de panique dans les yeux.

« M-mais... ! Je n'y connais rien, e-et il y a sûrement des personnes m-mieux que... »

Un bâillement bruyant me fait me taire sur l'instant, alors que le chiot se remet confortablement en place de telle sorte à ce que sa tête soit posée sur ma jambe et que son ventre soit à découvert. Ma bouche se ferme alors que je continue de le caresser avec plus d'hésitation.

« … Je ne sais même pas comment éduquer un chien. »

Les enfants, je connais. Les adultes à guider, j'ai fini par apprendre aussi. Mais les animaux... Disons que je n'en ai jamais eu l'expérience.

Je ne suis pas rassuré, mais je me mens un peu pour dissimuler le fait que je ne serais pas fondamentalement contre le fait de m'occuper d'un animal. Alors même si j'aurais tendance à ne pas écouter car je ne suis pas sûr de tout cela... Ce qu'il me dit me rassure un peu. Je ne m'en rends pas compte, mais je lui fais confiance à ce sujet. Peut-être sur d'autres, aussi, mais ce n'est pas quelque chose que je réalise. Du doute commence à s'immiscer dans mes pensées. Mes doigts tapotent ma cuisse nerveusement alors que l'idée commence à faire son bout de chemin dans mon esprit.
J'observe la scène qui suit avec curiosité et étonnement, choisissant de garder le silence alors que l'altissien se met soudainement à jouer avec les petits dans sa forme canine. La scène... M'attendrit, je dois le dire. Mon regard se fait plus doux. Je dois avouer que c'est assez amusant et... Touchant, quelque part. D'une certaine manière aussi, je suis content de voir qu'il a cessé de se faire du mouron par rapport à cette apparence. Laissant la scène se faire, je ne peux toutefois pas m'empêcher de commenter au bout d'un certain temps, l'expression rieuse et amusée.

« Hm. En effet. Je ne vois pas trop la différence ; même tendance à accumuler les bêtises. »

Et je glousse bêtement. Au même moment, l'un des chiots parvient à se dresser jusqu'à la nuque du malamute et affiche une mine fière, visiblement très content de son exploit. Son expression arrogante me fait penser à quelque chose, tient...

« … Eh bien, on trouve même de sacrés ressemblances. »

Et j'éclate de rire subitement, comme si j'avais soudainement oublié mon inquiétude et ma panique de tout à l'heure. Je me sens bien, tiens. C'est étrange... Cela ne me fait pas ça souvent.

Oh oh. Je commencerais presque à suer en voyant Enodril se retourner dans ma direction et aboyer quelque chose que je ne comprends pas, mais qui attire immédiatement l'attention des petits. Celui sur mes genoux hausse d'un coup les oreilles, comme alertés, et file comme un éclair. Mes yeux s'écarquillent et si je tente de faire un pas de recul, c'est trop tard ; un énorme malamute me tombe dessus et me fait trébucher à terre, ma vision maintenant cachée par la boîte qu'il a mis sur ma tête. Uf, il pèse son poids, le bougre ! Qu'il y aille doucement sur la bière, un peu ! Amusé malgré tout, je ne peux pas m'empêcher de glousser alors que je me débats comme je le peux.

« T-traîtrise ! Au bûcher ! »

Mes gesticulations ne font toutefois pas le poids face à celui, combiné, d'un husky et de 4 petits surexcités. Mais même lorsque le plus gros s'en va, leurs mouvements rapides et imprévisibles me gardent au sol pendant un petit moment. Au bout d'instants qui me semblent trop long, je finis par accepter mon sort et cesse de bouger, la mine défaite et les joues gonflées. Mais, malgré tout... Il faisait longtemps que je ne m'étais pas amusé comme ça.


Fort heureusement, et comme l'avait prévu Enodril, il ne fut pas compliqué de trouver des maisons pour les chiots. Ou du moins, trois d'entre eux ; en une journée, j'estimais que ce n'était déjà pas mal. Mais les deux derniers n'ont toujours pas trouvé preneurs. Enfin... Un seul en réalité. Car celui de tout à l'heure refuse de quitter mes pieds ; et lorsqu'une personne s'en est approchée, il s'est immédiatement mis à me coller les pattes. Lorsque l'altissien le mentionne, je ne dis rien, me contentant de reposer mon regard vers le petit berger qui semble en effet bien à l'aise sur moi, battant de la queue alors qu'il profite de sa sieste bien méritée.

« Hm. Peut-être. »

J'ai encore du mal à l'admettre, mais... Plus les heures passent, et plus je sais que j'aurais bien du mal à le voir partir, maintenant. Donc même si je ne le dis pas oralement, c'est quelque chose qui semble assez crédible dans ma tête pour que je ne proteste pas vraiment, me contentant de reporter mon regard vers le dernier petit, bien occupé à faire la sieste. Il est vrai qu'il s'agit du seul qui n'a pas encore trouvé son humain. Enfin, même si il est assez à l'aise sur le canap-...
... Et si... ?

Sans un mot, je me relève tranquillement pour venir saisir le dernier, qui se réveille doucement de sa sieste en me fixant d'un air confus mais encore ensommeillé. Je finis par me rapprocher d'Enodril, et pose l'animal sur ses genoux. Immédiatement, le petit se love de nouveau, comme si de rien n'était. Un léger sourire passe sur mon visage.

« Hmpf. Je crois que celui-là est bien à l'aise ici, de toute façon. Et si je devais choisir quelqu'un à qui le confier... »

Je n'aurais pas de doutes à avoir sur sa sécurité et son bien-être. Si je considère qu'Enodril est très pénible par moments, il est toutefois très attentif aux besoins de ses animaux – ou du moins, de ce que j'ai pu voir. Et quelque part... Je crois que ça lui fera un peu de bien.