Wylan Sonnertag, yeah that's my name

Wylan est un garçon élevé avec une cuillère en argent dans la bouche, aux yeux brillants d'innocence et d'une curiosité encouragée par l'absence d'expériences malencontreuses d'une enfance protégée. Fils d'un riche marchand, la vie se défilait devant lui tel un tapis rouge tout tracé, seul héritier des nombreux contrats que son père gérait haut la main. La famille n'avait pas le sang bleu, leur noblesse n'était pas ancienne et reconnue avec déférence dans les sphères les plus hautes de la capitale. Mais l'argent achetait aussi sûrement le respect, et le père de Wylan savait plus que tout l'utiliser à ce but. Tout cet argent durement gagné, il l'utilisait pour construire sa réputation dans la capitale, il ne s'arrêterait pas avant que son nom ne soit dans toutes les bouches, écrit sur tous les murs.

Si seulement son fils n'était pas un crétin incapable de déchiffrer la moindre phrase, incapable de poser la moindre opération.

Il y avait d'abord eu le déni. Il y avait eu les meilleurs tuteurs du royaume défilant dans le salon, les sommes dépensées comme autant d'investissement dans une marchandise précieuse, les regards incompréhensifs. Mais le garçon aux doigts de fée lorsqu'il s'agissait de s'asseoir au piano était incapable d'écrire son propre prénom. Il resterait à jamais incapable de signer le moindre contrat de son nom de famille, incapable de calculer les pertes et les gains d'un mois d'activité. Alors il y avait eu les sanctions, les insultes. Pas de coups, les Von Avenbjork se voulaient sophistiqués. Mais Wylan était devenu le paria, le fils inutile, ignoré par son père qui ne communiquait avec lui que par lettres données par les domestiques. Lettres pleines de mots écrits à l'encre précieuse, pleines de choses que Wylan ne pourrait jamais lire. La punition d'une trahison, celle de ne pas être à la hauteur.

La mère de Wylan, Aria Von Avenbjork, née Aria Sonnertag ne venait pas d'une noble famille. Elle était la seule chose que Wylan ait jamais vu d'humain venant de son père. Il avait cru durant longtemps que celui-ci ait pu vraiment être amoureux d'Aria. Mais Aria lui avait donné un fils inutile, puis été tombée malade. Wylan se souvient de son odeur, des histoires qu'elle racontait de champs et de caravanes dans le désert. Le monde d'Aria semblé fait d'amour et de soleil, une simplicité fantaisiste dans la vie du jeune Wylan faite d'un enchaînement d'enseignements, de cérémonies et de réunions commerciales dans lesquelles on l'habillait d'un bel habit pour le faire se tenir debout derrière son père. Donner l'illusion que l'avenir de leurs routes marchandes étaient malgré tout assurée. Wylan n'était qu'un pion permettant la signatures de nouveaux contrats avantageux, tant qu'il n'ouvrait pas sa bouche. Sa mère était son refuge. Jusqu'à ce qu'elle ne tombe malade, alors que le garçon n'était âgé que de 12 ans, âge auquel son père perdit espoir et commença à le délaisser. Peut-être était-ce le climat de la demeure qui atteignit son coeur, son esprit. Aria oubliait, les choses, les gens. Elle passait ses journées à peindre en chantonnant. Parfois, elle prenait Wylan prêt d'elle et lui caressait tendrement les cheveux. Parfois, il voyait dans son regard qu'elle se demandait qui était ce jeune garçon qui passait prêt d'elle pour admirer ses peintures de courses dans le désert, de jungles sauvages, d'enfants gambadant dans un oasis. Cette vie faite de la compagnie des domestiques et d'une mère qui s'oubliait elle même, Wylan s'en contentait malgré tout. Avait-il le droit de vouloir plus ? Et puis un jour, alors que les tuteurs de Wylan se retiraient après une énième défaite éducative, celui-ci eu la surprise d'un père qui l'appela dans son bureau pour la première fois depuis... trop longtemps pour qu'il ne s'en souvienne. Pour la première fois, il lui adressait la parole. Lui annonça la mort de sa mère, qu'il ne la reverrait plus. Wylan n'eut jamais de réponse quant à l'enterrement, jamais le droit de voir le corps. Et s'en fut terminé.

Le jour du commencement de sa 18ème année, un message de son père fut relégué par un domestique au jeune homme : il devait s'en aller effectuer son Périple, rite Omnisien peu répandu. Mais la parole du paternel faisait loi. Il partirait à l'aube le lendemain. Le soleil ne s'était pas levé lorsque le jeune homme fut accompagné à un chameau préparé pour l'occasion. Il regretta s'être retourné une dernière fois à la recherche du regard de son père. Celui-ci n'était pas venu voir son départ. Pour toute possession, Wylan avait emmené un large manteau, quelques chemises de rechange, son violon -son instrument favori qu'il avait pris soin d'emporter le plus discrètement du monde, conscient que cela ne rentrait pas forcément dans les nécessités au Périple - un peu de nourriture et une fine paillasse de voyage.

Après trois jours et trois nuits, Wylan arriva dans le désert. Il y fit une escale pour dormir, et fut réveillé par un sifflement, celui d'une dague fendant l'air et transperçant sa paillasse là où son cou reposait la seconde d'avant. Mû par un réflexe incongru, Wylan avait roulé sur le côté, et se tenait à présent sans oser respirer dans la nuit, le coeur battant. Ses yeux ne décelaient rien dans la noirceur, mais sa main qui tâtait la lame froide de la dague lui confirmait qu'il n'avait pas rêvé. L'homme devrait venir vérifier sa prise, s'approcher pour dépouiller sa victime de ses biens. En faisant le moins de bruit possible, Wylan se saisit de ce qui était son seul réconfort. Un objet qui n'avait rien d'une arme, le violon était tout autant un instrument qu'une oeuvre d'art. Il fit néanmoins tout son effet lorsque son bois précieux s'éclata sur le crâne de l'assaillant, lorsque Wylan utilisa une corde pour l'étrangler, n'ayant malgré tout pas usé d'assez de force pour l'assomer sur le coup avec l'instrument. En fouillant l'homme inconscient, il trouva une lettre et de l'argent. Il était bien incapable de lire ou de reproduire l'écriture, mais il avait vu la signature de son père assez de fois pour la reconnaître, il connaissait par coeur la texture de son papier et le noir profond de son encre, il reconnaissait jusqu'à l'odeur pas encore tout à fait effacée de l'encens qui ambaumait parfois son bureau. Les choses étaient claires. Wylan Von Avenbjork ne devait plus exister.


Ne sachant où aller, c'est tout naturellement que Wylan continua dans la direction vers laquelle il était de toutes façons lancé, le lac sacré duquel avait jaillit Yggdrasil. La cité des nouveaux départs. Pourquoi ne pas y trouver le sien ?