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  • Pretty melody | ft. Howl
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    Le dragon n'est plus, miracle est arrivé. Yggdrasil a protégé sa cité. Des mois de siège éreintant cessent, la ville millénaire respire à nouveau. Chaque soir, sous la lueur émeraude et bienveillante du grand arbre, les éossiens fêtent et célèbrent ceux tombés au combat. Après tant d'épreuves, la ville semble reprendre vie...
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    ft. Howl Wintersong [Avril 1001]


    Pretty melody

    « Sing me a song of a lass that is gone, say, could that lass be I? »


    Il existe des jours où, à la surprise générale, je suis plutôt calme. Alors, bien évidemment, il ne faut pas se faire de faux-espoir : calme ne rime pas avec respectueux envers tous et docile. Non, là, ce serait étrange. Mais il y a des matins où je me lève et où ma rage n'est qu'un sentiment subtil dans mon cœur. Ces matins, si rares, où je ne me sens pas oppressé par le poids de la haine, qu'elle soit envers ceux qui contrôlent notre ville ou envers ce corps qui m'est encore parfois si étranger. Pourtant, cela ne fait que quelques jours à peine depuis l'exécution d'Erys. Je devrais bouillonner de rage, mais le contre-coup me rend incroyablement las. Je ne suis pas certain d'avoir réellement digéré tout ce qui s'est passé en cette journée du 5 Avril. Et puis, il faut l'avouer, j'ai été bien occupé. Avec les inondations, les habitants d'Yggdrasil ont eu très peu de répit. Notre maison a été légèrement touchée et retirer de l'eau imbibée dans tous les recoins de notre habitation n'a pas été une mince affaire. En plus, si le temps est doux, il n'est pas chaud pour autant et l'humidité s'est révélée être un véritable calvaire. De quoi perturber ma mère encore une fois et je crains ne pas l'avoir entendue de toute la semaine. Pour le moment, tant que son état n'empire pas, je préfère ne pas penser à ce que son mutisme implique.

    La boutique de fleurs est fermée pour aujourd'hui, à cause des inondations mais aussi parce que le cœur n'y est pas. Il semble difficile de reprendre une vie normale après les événements de ces deniers jours. Les Eossiens sont encore en colère et tristes et l'ambiance dans la Cité est pesante. Au moins, je n'ai pas à dire bonjour à plusieurs personnes chaque jour ; les citoyens semblent se méfier les uns des autres et cet esprit me convient complètement. Je savais bien que j'avais raison de me méfier de tout le monde. Alors après, je sais, je fais encore preuve de mauvaise foi. Parce qu'en soi, la situation n'a pas dégénéré tant que ça. Bon, d'accord, des pavés lancés, des animorphes et magimorphes qui ont... légèrement dépassé les limites, mais il n'y a pas eu de mort - à ma connaissance - en dehors de notre anachorète. Et à mon grand étonnement, les autorités ont plutôt bien réagi, et ont tenté de ne pas utiliser de violence pour nous maîtriser. Il n'empêche que sans eux, rien ce la ne serait arrivé. Certains pensent encore que l'inondation était une intervention d'Yggdrasil, et moi-même j'en suis de plus en plus persuadé. Donc, dans tous les cas, je ne pardonne ni les Caldissiens ni les Altissiens.

    J'ai décidé de lire aujourd'hui, pour retrouver ma complicité avec un monde qui a longtemps été mon seul refuge. Mais les mots qui devraient m'être si familiers me font vite mal à la tête. Je n'arrête pas de penser à tout ce qui s'est passé, et surtout, lire ne fait que me rappeler mon ignorance concernant les mille dernières années qui se sont écoulées sans nous. Je ne pense pas pouvoir un jour rattraper tout mon retard et cette pensée me terrifie : pour quelqu'un qui voulait devenir historien, l'histoire n'a pas tourné en sa faveur. Frustré et agacé, je décide donc d'enfiler plus de vêtements pour sortir prendre l'air. Rester enfermé à ruminer ne fera pas avancer les choses, et je peux sentir le regard agacé de ma mère dans mon dos. Si je la dérange...

    Mes pas me guident sans que j'y pense vraiment vers le quartier des Loisirs. Un lieu bien différent de ce qu'il était autrefois, certainement plus peuplé et plus organisé. Je me rappelle avec nostalgie ces rares moments où ma mère me laissait aller au cœur de la ville, et même le temps d'un court séjour, j'en avais apprécié chaque instant. Maintenant, la sensation n'est plus la même. Je me sens vite submergé par le monde, par tous ces inconnus que je ne connaîtrai jamais. Tout ce que les Eossiens ont perdu en si peu de temps pour eux, c'est immense et irréparable. Et tout ce malheur qui continue de s'abattre... perdu dans mes pensées, je ne me suis pas rendu compte m'être aventuré dans la partie du quartier généralement réservé aux musiciens. Il n'est pas rare d'en voir dans les rues, qu'ils chantent ou utilisent leurs instruments de bois. L'ambiance de suite est plus apaisante et joyeuse. Les artistes créent peu importe le contexte, et je me sens aussitôt revigoré par les mélodies. Heureusement, il existe encore des choses dans ce monde qui sont capables de réunir toutes les différences et de faire sourire enfants comme adultes. Mon ouïe est rapidement attirée par une jolie voix qui chante des paroles que je ne reconnais pas. En posant mon regard sur le chanteur, la surprise est totale : je me rends compte tout d'abord que c'est une sirène, de celles qui sont apparues le jour de l'exécution, et ma curiosité est piquée au vif. Personne ne sait pourquoi elles ont mis un an de plus à se réveiller et surtout, personne ne sait pourquoi elles ont été complètement oubliées durant cette période. Mais surtout, ce qui me choc le plus, c'est de réaliser à quel point ce visage m'est familier.

    _ Howl ! Howl, c'est toi ? m'exclamé-je une fois son chant terminé. Je euh... je suis Elyas, on était à l'école ensemble avant... avant tout ça. Tout va bien ? Je me doute que ces derniers jours ont dû être un choc pour toi.

    Je ne sais pas trop pourquoi j'ai décidé de lui parler autant, mais je me souviens d'Howl comme étant un des rares enfants qui ne s'est pas ouvertement moqué de moi à l'époque. Et puis je ressens une certaine sympathie envers lui aussi ; je me souviens que trop bien de mon propre réveil, de la découverte d'une réalité qui n'est plus la nôtre. La période doit rendre les choses encore plus difficiles de son côté, et même si je suis une brute pas très sociable, je ne suis pas complètement mal élevé. Et puis c'est un Eossien de mon âge, peut-être serons-nous amenés à parler rébellion. Dans ce cas, je suis beaucoup plus intéressé. S'il n'est pas encore impliqué, je veux bien me faire une joie de lui montrer comment ça se passe, ici.



    Dernière édition par Elyas A. Maresh le Lun 15 Juin 2020 - 13:07, édité 1 fois

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    Pretty melody | ft. Howl Howl_e11


    Mille ans. Mille ans de sommeil pour les Eossiens. Une année supplémentaire encore pour les sirènes. Autant dire que ce fut un réel choc pour Howl et sa famille. Il n'a pas voulu y croire sur le moment, persuadé qu'il n'avait sombré dans l'inconscience que pendant une durée n'excédant pas deux jours. Comme il s'était trompé... Mais lui parler de la Chute fut compliquée, surtout lorsqu'il avait demandé pourquoi personne ne s'était soucié de la disparition de leur espèce. C'était difficile d'encaisser le fait qu'ils les avaient tous oublié, même les habitants natifs d'Yggdrasil. Après la confusion étaient venus les larmes, les cris, le déni. Coup dur encore quand on leur a expliqué qu'ils ne possédaient plus l'élevage d'huîtres qui leur permettait de subvenir à leurs besoins, que leur précieuse côte marine avait été rachetée par un noble Caldissien et qu'ils leur devaient maintenant une part de leur profit. Ils étaient devenus dépendants de quelqu'un. D'un parfait inconnu qui avait envahi leur territoire au même titre que les autres. La vérité était encore pénible à réaliser. Sans quelques visages familiers comme ses parents ou le moine Natsume, il aurait eu encore plus de mal à supporter le coup. Mais après les crises, le vide était venu. Howl se sentait à présent comme une coquille sans âme, à la recherche de quelque chose pour le motiver. Quelques jours après le réveil des sirènes éossiennes, sa précieuse lyre à la main -qu'il avait pu conserver-, il avait enfin accepté de parcourir les rues d'Yggdrasil à nouveau. Les Eossiens étaient tout ce qui arrivait à lui réchauffer un peu le cœur. Au détour d'une petite place, quelques personnes s'étaient réunies pour faire de la musique. Pour la première fois depuis le réveil, l'appel des notes fit résonner quelque chose ne lui. Attiré instinctivement, il se rapprocha des musiciens, n'osant toutefois pas les déranger. Il laissa ses oreilles écouter le son des instruments. C'était joli, mélodieux... Et presque inspirant. S'il avait davantage la tête à ça, il se serait joint avec plaisir en temps normal à cette petite troupe autour de laquelle quelques enfants s'étaient rassemblés. Dans ces moments-là, il oubliait facilement que rien n'était plus comme avant, dans les faits. Mais la musique réussissait à l'apaiser.

    Au bout de quelques minutes à rester immobile, il s'assit sur un banc un peu surélevé en pierre pour profiter de la scène encore un peu, fermant les yeux afin de profiter de la mélodie. Mais les troubadours cessèrent leurs activités pour faire une petite pause. Howl était un peu déçu qu'ils s'arrêtent si vite. Les spectateurs se dispersaient en plus déjà. Il n'avait plus la foi de bouger de sa place, alors il resta un moment comme ça. Son doigt glissa tout à coup sans le vouloir sur l'une des cordes de son instrument. Il y jouait si quotidiennement avant... Mais depuis le Réveil, il n'y avait pas touché. Cela lui faisait presque étrange de le faire sonner, mais il fit glisser son pouce sur d'autres cordes, faisant sortir d'autres sons. Il n'avait pas le cœur à faire de la musique, mais... Ses doigts firent résonner une mélodie en pinçant les cordes d'un air mélancolique. Il fit sortir de l'instrument un petit air sans prétention dont il se rappelait. Ses yeux magenta se perdirent dans le vague. Sans qu'il ne s'en rende compte, il fit quelques exercices de voix pour s'entraîner en suivant la mélodie. Il devait encore la pratiquer, mais elle n'avait presque rien perdu de son timbre clair. Quand il fut plus à l'aise, il se permit de chanter quelques paroles, se décontractant de plus en plus.

    Bientôt, il se mit à chanter tout à fait d'une voix légère. Les musiciens aux alentours, curieux, se remirent à leurs propres instruments comme pour l'accompagner. Les enfants qui les regardaient se rassemblèrent de nouveau, curieux du nouveau venu à la chevelure vert pâle. L'esprit ailleurs, il chantait comme si le monde n'existait plus autour de lui. Il s'en échapperait bien, à l'heure actuelle, vu tous les repères qu'il a perdu. Ce n'est que lorsqu'il a fini de chanter qu'il se rend compte de pairs d'yeux qui se sont mis à le scruter. Surpris, il tressaute sur place avant d'être accueilli par quelques applaudissements ; bien maigres, certes, mais il retrouva une légère sensation dans sa poitrine qui s'éveilla de nouveau, et il hocha maladroitement de la tête devant son auditoire comme pour le remercier.
    Mais une voix s'éleva dans l'air lorsque la foule se dispersa un peu. Il entendit son nom fendre l'air. Curieux, il tourna la tête vers celui qui l'appelait, et aperçut un jeune garçon qui s'approchait de lui. Ses cheveux roux et son regard bleu lui disait vaguement quelque chose, mais il ne réussit qu'à se rappeler de qui il était au moment où il lui redonna son nom. Sur le coup, les yeux de Howl s'écarquillèrent.

    « … Elyas ! »

    Il se souvenait de lui, à présent. Comme il le lui avait dit, ils s'étaient rencontrés à l'école. L'adolescent ne lui avait jamais paru hostile, alors il n'en avait pas de mauvais souvenirs. Retrouver quelqu'un qui n'était pas un étranger pour lui raviva une petite chaleur au creux de son ventre. Pour la première fois depuis qu'il était sorti de son long, très long sommeil, il sourit faiblement. Sur le coup, il ne sait pas trop quoi lui répondre mais descend au moins de son banc pour aller le saluer.

    « Je... »

    Les mots se perdirent toutefois dans sa gorge lorsqu'il voulut lui répondre. Que dire, de toute façon, à part l'évidence ?

    « C'était... C'était tellement la panique, je... Je ne sais pas... »

    Il serra sa lyre contre lui par réflexe, comme pour tenter de calmer ses pensées brumeuses. Mais revoir Elyas lui rappela de doux souvenirs d'enfance qui venaient calmer un peu le choc qui le parasite depuis son réveil. Il ne sut pas quoi dire sur le coup, hormis la seule émotion qui le parcourait en apercevant le rouquin.

    « Je... Je suis content de te voir. »

    L'une des premières choses qu'il pouvait affirmer, en somme. Tout ce bousculait dans sa tête depuis une semaine, mais certains sentiments ressortaient pour lui éclaircir la vue de temps à autre. Son regard se porta un instant sur l'environnement autour.

    « Cela me fait bizarre de me dire... Que... Que nous nous sommes endormis depuis tant d'années. Mais... J'ai l'impression en même temps que... Que rien n'a changé. »

    Un frisson lui échappa alors qu'il serra son instrument à cordes un peu plus contre lui comme si cela pouvait le parer du stress qui le parcourait encore aujourd'hui. Non, définitivement... Il ne réalisait pas encore qu'un millénaire était passé. La ville ne semblait pas avoir vieilli du tout si ce n'est que les rues étaient bien plus peuplées et que certains établissements avaient changé.



    Pretty melody | ft. Howl Paques11
    Et voilà le quatrième lapin !
    Qu'est-ce que c'est joli, par ici... Presque autant que la cave aux cristaux, de ce qu'on dit. Mais vous pourriez y croiser de sales bêtes, si vous n'êtes pas prudents...

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    ft. Howl Wintersong [Avril 1001]


    Pretty melody

    « You've gotta be so cold to make it in this world. »


    Je me souviens de la première fois où j'ai reconnu un visage autre que celui de ma mère après le Réveil. C'était une animorphe un peu plus jeune que moi, aux cheveux à la couleur du soleil. Une petite fille qui avait l'habitude de danser sur la place du village les soirs de fêtes et sa capacité à se mouvoir et à ne faire qu'une avec son corps m'avait impressionné. Je ne lui avais jamais adressé la parole, mais le seul fait de reconnaître quelque chose de familier dans ses traits avait suffi à me rassurer un peu. A apaiser la terreur qui avait pris place au creux de mon ventre et ne l'avait jamais quitté, telle une araignée tissant sa toile pour y rester l'éternité. J'avais rencontré plusieurs anciennes connaissances par la suite, et chacune me confortait dans l'idée que je n'étais pas seul dans tout ça. Même si je parlais à peu d'Eossiens, leur présence m'était nécessaire. La mort de notre anachorète avait cependant légèrement changé la donne, puisque, si je condamnais fermement son exécution et la façon dont son procès a été conduit, il n'empêche que le doute sur son innocence s'est infusé en moi à la manière d'un terrible poison. Je n'aime pas les Caldissiens et Altissiens il est vrai, mais le meurtre n'est pas un crime que je supporte. Surtout lorsqu'il est réalisé de manière aussi insidieuse. Et si c'est un de mes confrères Eossiens qui l'a fait... alors je peux encore moins faire confiance aux autres que ce que je pensais. Cette simple pensée m'épuise.

    Mais quand je vois Howl me reconnaître, son regard qui s'agrandit et s'illumine à la vue d'un visage connu, je ne peux pas m'empêcher de sourire doucement. Je suis peut-être une des premières têtes en dehors de sa famille qu'il croise et qui ne lui est pas étrangère. Même si nous ne nous connaissons que de l'école et que nous avons peu échangé, je reste une partie de son passé, quelque chose que nous avons partagé et que seuls les Eossiens peuvent comprendre. C'est peut-être la première personne dans cette ville qui est contente de me voir et qui va même l'affirmer à voix haute. Je suis obligé de lâcher un soupir sarcastique qui passe inaperçu. Il est fort probable qu'Howl finisse par se lasser de moi, voire me détester, comme tous ceux qui ont un jour essayé de me côtoyer. Je ne peux pas dire que je pourrai lui en vouloir ; je sais mon caractère exécrable et mes mots blessants la plupart du temps. Ce n'est qu'une question de temps avant qu'il s'en rende compte. Mais en attendant, je me contente d'hocher la tête et de regarder autour de moi pour suivre le fil de ses pensées. J'ai eu le temps de m'habituer à la nouvelle configuration de la Cité, mais je comprends totalement ce qu'il veut dire.

    _ La ville s'est endormie avec nous, c'est normal qu'elle ait si peu changé. Sans l'arrivée des Caldissiens et Altissiens, nous aurions pu la retrouver intacte...

    Mes paroles sont chargées d'une immense amertume que je n'essaie même pas de cacher. Je pense que ma haine pour les deux autres Cités n'est une surprise pour personne, à l'inverse de ma condition d'automate. Les quelques pavés que j'ai lancés sur les gardes lors de l'exécution d'Erys ont certainement scellé l'avis que se faisaient les uns et les autres sur ma personne. En toute honnêteté, je ne pourrais pas en avoir moins rien à faire. Je voudrais hurler ma colère sur tous les toits, et il est possible que je finisse par le faire.

    _ En tout cas, je suis content de te voir aussi ! C'était super cool votre arrivée, aux Sirènes. En pleines tensions comme ça, à sortir d'une vague d'eau salée. Vous savez vous faire remarquer !

    J'esquisse un sourire qui me semble presque entièrement sincère. J'espère pouvoir détendre l'atmosphère, comme si mon seul rôle était de protéger Howl et d'entendre son rire. Je me souviens de lui comme étant un enfant globalement doux et gentil et je n'ai pas envie que le contexte actuel lui enlève cette part de lui-même. Mais au fond, je sais que c'est peine perdue ; le Réveil a bouleversé toutes nos vies et les Sirènes ne seront malheureusement pas en reste. Il est inconcevable qu'après tout ça, même les plus calmes le restent. Je soupire, incroyablement lessivé. Puis je note la lyre pressée contre la poitrine du jeune homme et je me rappelle de la raison pour laquelle je suis venu lui parler en premier lieu.

    _ Et je suis hm... content... de voir que le Réveil ne t'a pas privé de ta jolie voix. C'était super, ce que tu chantais-là. Tu comptes te lancer dans une carrière ?

    Un ton amusé, mais pas pour le moins curieux. Si chanter est une chose qui le rend heureux, alors je suis prêt à le soutenir, à faire le moindre petit geste pour que les Eossiens ne se sentent pas totalement exclus de leur propre lieu de naissance.

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    Cela lui faisait du bien de parler avec un natif qui pourrait le comprendre. Il se sentait un peu moins seul, surtout avec un jeune de son âge qui lui rappelait une partie de son enfance. Parmi le choc qui subsistait, c'était au moins quelque chose auquel il pouvait se raccrocher, et c'était mieux que rien. Elyas, contrairement à lui, avait pu voir la ville se peupler petit à petit avec l'invasion des Altissiens et des Caldissiens ; mais pour Howl, c'était comme si tout s'était déroulé du jour au lendemain, alors c'est peu dire qu'il est perdu. Déjà que les Eossiens sont désormais tous concentrés dans un même quartier... Mais entendre parler de leurs envahisseurs lui fit crisper les mains sur son instrument à cordes. Après l'épisode traumatique et la peur du 5 avril, il avait finalement développé une haine envers ceux qui leur avaient tout pris. C'était peu dire, qu'il déteste les Altissiens et les Caldissiens. Il avait bien envie de les renvoyer là d'où ils venaient, et de ce qu'il pouvait comprendre dans les propos et le ton de l'autre, il n'était guère le seul.

    Cependant, rappeler son arrivée à son camarade n'était peut-être pas la plus brillante idée. Une boule se forma dans la gorge de la sirène quand elle se souvint du jour où elle et ses congénères se sont réveillées. Et ce n'était pas aussi 'fun' que ce que l'elfe décrit, même si Howl aurait préféré en parler avec autant de désinvolture. Mais pour lui, ce fut surtout un moment affreux à passer. Dès qu'il s'était détaché de la vague, il avait tout de suite été pris pour cible par des soldats. Heureusement que le moine Natsume était là, se dit-il encore aujourd'hui, sinon il aurait sans doute fini dans un bocal ou transformé en steak de poisson. Sur le coup, il ne répondit pas au rouquin et se contenta de déglutir en détournant un peu le regard, souhaitant ne pas repenser à ce qui s'est passé il y a quelques jours.
    Heureusement, il n'eut pas à se terrer bien longtemps dans des souvenirs fort déplaisants. Elyas le prit de court en lui faisant un compliment auquel il ne s'attendait pas du tout. Il s'immobilisa d'un coup en écarquillant les yeux, ses joues prenant automatiquement une teinte rouge. Son cœur rata un battement et il bafouilla, ne sachant que dire face à la gentillesse du plus grand.

    « Euh... Je-Je-Je.... »

    Il avait bien du mal à impressionner son entourage de sirènes quand ils avaient tous une jolie voix alors entendre cela de la part d'une personne extérieure lui faisait plaisir. Mais il restait très timide quant à ses capacités de chanteur car il avait encore du mal à avouer haut et fort qu'il souhaitait faire carrière dans ce domaine. De plus, c'était la première fois qu'il osait chanter un peu depuis son réveil et il avait eu effectivement cette peur que sa voix se soit brisée ou enrouée entre-temps et qu'il ne puisse plus exercer sa passion. Mais s'il n'avait rien perdu de son talent, alors cela le rassurait, et il était flatté que le plus âgé le remarque aussi.

    « Je ne sais pas... Peut-être... M-Mais c'est gentil de me dire ça. »

    Un léger sourire se dessina sur ses lèvres. Il y avait longtemps qu'on ne l'avait pas encouragé dans ses rêves. Cela lui faisait du bien de se sentir soutenu dans un projet qui lui tenait à cœur, même si les conditions actuelles ne lui permettaient pas totalement de le caresser en entier. Il se permit pourtant de se confier un peu plus à l'autre Eossien.

    « J'aimerais bien... être chanteur. Mais... Mes parents voudraient que je reprenne leur suite. »

    Ou plutôt, ils considéraient ça comme une affaire entendue. Ne souhaitant pas s'opposer à eux pour le moment, Howl n'osait pas leur faire part de ce qu'il désirait et s'efforçait de les aider dans la perliculture quand bien même ce n'était pas ce qui l'animait le plus. Il vibrait tant quand il pouvait chanter librement que partir à la chasse aux huîtres perlières lui paraissait bien fade, à côté.

    « Je ne peux pas les décevoir. Surtout depuis... Depuis que ce Caldissien prend une part de nos profits. »

    Sa mine s'assombrit un peu. Quand il pensait à tout l'argent qu'ils perdaient, en devant donner une partie à ce Caldissien de malheur... Cela le mettait hors de lui, et il lui en fallait beaucoup pour le faire enrager ainsi. Et dire qu'ils étaient si tranquilles, avant... Il était certain en plus que rien n'aurait finalement changé si ces envahisseurs ne s'étaient pas installés chez eux pour bousculer leurs habitudes. Mais plus les jours passaient, plus il avait du mal à les supporter.

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    ft. Howl Wintersong [Avril 1001]


    Pretty melody

    « I'm an apostrophe, I'm just a symbol to remind you that there's more to see. »


    Je me rends rapidement compte que ma tentative pour détendre l'atmosphère n'a pas été fructueuse, et il est vrai que j'aurais peut-être dû éviter de lui rappeler son arrivée, un souvenir que je me doute ancré dans son esprit à jamais, qui n'a rien de drôle ni de classe. Je n'ai pas pu m'en empêcher cependant, parce qu'après tout, ne vaut-il mieux pas en rire qu'en pleurer ? Cette pensée m'arrache un soupir. J'ai compris il y a longtemps que tout le monde ne pense pas comme moi et que certains de mes mots peuvent blesser, mais apparemment je n'ai pas encore suffisamment retenu la leçon. J'ai parlé sans vraiment réfléchir, plus pour combler un vide qu'autre chose. Je ne parle pas très souvent avec les autres habitants d'Yggdrasil, même pas les Eossiens, mais quand j'engage une conversation, je suis rapidement gêné par les silences qui peuvent se créer ou les moments de gêne. Alors je préfère parler, quitte à dire une ineptie, pour ne pas avoir à supporter le manque de conversation. Au fond, j'ai l'impression que les silences sont là pour que l'autre puisse prendre le temps de me juger, d'analyser ma posture et mon comportement. Je ne sais pas si c'est réellement vrai, mais le simple fait de l'imaginer me rend incroyablement mal à l'aise. Pourtant, je n'ai pas cette impression de la part de la Sirène ; je me doute bien qu'il doit être suffisamment préoccupé par ses propres problèmes pour ne pas avoir de temps à perdre à m'observer, mais j'ai du mal à me détacher de cette pensée incisive. En tout cas, je ne peux pas lui en vouloir de ne pas me répondre, et je me sens aussitôt coupable lorsque je vois ses mains ses crisper.

    Heureusement, parler de chant semble distraire Howl, voire même l'animer d'une flamme nouvelle. Sa timidité est palpable, sa nervosité est presque contagieuse, mais je peux voir que chanter est réellement ce qui lui plaît. Je suis content d'avoir vu juste avec ce compliment et lui retourne aussitôt son sourire. Je n'ai pas l'habitude à ce que l'on qualifie mes mots de « gentils », je n'aspire pas vraiment à ce qu'ils le soient, mais je dois avouer que la satisfaction que je peux voir dans le regard de l'Eossien m'est réjouissante. J'espère avoir rattrapé mon erreur de tout à l'heure, et je me promets de ne plus mentionner son réveil, du moins pas avec humour. Le traumatisme lié à cet événement est sérieux et je n'ai pas envie de causer plus de mal. Je m'apprête à lui répondre pour l'encourager, mais la jeune sirène continue, m'expliquant qu'il ne peut pas céder à ses rêves à cause du commerce de ses parents qu'ils voudraient qu'il continue. A la mention du Caldissien qui profite de leurs ventes, ma rage qui s'était un peu calmée au début de la conversation revient me frapper de plein fouet. Bien évidemment, il fallait qu'un des intrus se mêle de leurs affaires et se donne le droit de les utiliser. Je sens mes mains se refermer sur elles-mêmes, créant une boule si nerveuse que mes jointures commencent à blanchir.

    _ Oh... je suis vraiment désolé.

    Mon ton est à la fois compatissant et sec, me maîtrisant du mieux que possible pour ne pas paraître agressif. Howl est suffisamment bouleversé, il n'a pas besoin de ma colère. Mais je sais que ce n'est qu'une question de temps avant qu'elle n'explose, et j'espère être rentré d'ici là. Je tente de me concentrer sur ma respiration et mon corps se détend un peu après plusieurs inspirations. J'ai toujours envie de frapper un mur, mais je peux me retenir. Je me rapproche doucement de l'Eossien pour ne pas attirer l'attention sur nous et j'ai presque l'impression que les gens autour de nous ont disparu. Si seulement.

    _ Ma mère aussi doit donner une part de ses revenus, mais à un Altissien, cette fois-ci. Je sais... je sais que c'est difficile, et qu'on a envie que nos parents soient heureux et riches. Mais ce n'est pas à toi-ce n'est pas à nous de payer pour ce qu'on fait les Altissiens et les Caldissiens. Tu dois pouvoir voler de tes propres ailes et faire ce qui te plaît. Et si c'est chanter... eh bien tu devrais foncer. Tu as toutes les capacités pour faire carrière. Ne... ne les laisse pas te prendre ça.

    Mes derniers mots le supplient presque et je déteste que ma voix ressorte si vulnérable. Depuis le réveil, je n'ai pas réussi à me plonger dans un seul livre d'histoire, ma seule véritable passion autrefois. Sans cette flamme pour me faire vibrer, je me sens lentement consumé par la haine qui a pris place dans chacune de mes pensées, sans rien pour me raccrocher. Peut-être que je suis déjà perdu, seul écho de ce que je fus autrefois, une bombe à retardement qui n'attend qu'à détonner. Mais si Howl peut garder une part de lui-même... alors c'est qu'il y a de l'espoir. Pas pour moi, mais pour ma mère et tous ces Eossiens qui ont vu leurs vies basculer du jour au lendemain. Pour la plupart, nous subissons toute cette mascarade depuis un an, et peut-être avons-nous cessé de nous battre. Mais pour la Sirène, tout est encore nouveau, il est encore temps pour lui de faire les bons choix. Ou au moins de ne pas abandonner.

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    Cela ne servait à rien de repenser à leur exploiteur Caldissien. Mais Howl sentait qu'il pouvait faire confiance à son camarade et lui expliquer un peu mieux ce qui l'empêche de complètement embraser son rêve. Chanter devant un public... Oui, c'était ce qui l'animait. Mais il ne pouvait pas se permettre de trop se laisser aller à cet égard. Il devait assurer son devoir de descendant et ses parents plaçaient de grands espoirs en lui, même s'il aspirait à une vie complètement différente. Au moins, Elyas était quelqu'un à qui il pouvait se confier. Il était jeune, lui aussi, peut-être faisaient-ils fassent tous les deux à des problèmes similaires... En se rappelant du nom de l'elfe, il s'était souvenu aussi d'un vague commerce de fleurs qu'il gérait avec sa mère, s'il se souvenait bien. De belles fleurs, qui plus est... Howl les adorait, les fleurs. Il n'hésitait pas à s'en parer dès qu'il en trouvait à son goût.
    La compassion de l'autre lui réchauffa au moins un peu le cœur. Il sentait dans sa voix qu'il était sincère et cela le toucha plus qu'il ne le pensait. Durant cette période de trouble où les sirènes Eossiennes venaient à peine de refaire surface plus tard que les autres, le moindre soutien était précieux. Il fut surtout surpris de la détermination de son ami quant à sa passion pour le chant. Il ne s'attendait pas à ce que l'autre tienne tant à ce qu'il poursuive son rêve, mais il fut flatté de l'attention qu'il lui portait à cet instant. Peu à peu, le plus jeune se détendit. Le rouquin ne lui avait jamais inspiré de la méfiance, bien au contraire, mais il redécouvrait un jeune homme plutôt avenant et bienveillant. Malgré sa légère maladresse, il sentait qu'il ne voulait pas mal faire. Alors ses encouragement lui tirèrent un sourire doux et il sentit ses joues le chauffer légèrement. Vu qu'il ne pouvait pas beaucoup parler de son objectif à ses parents, il était content de savoir que quelqu'un le supportait dans cette voie.

    « Je me demande si ça peut être aussi simple... Mais... Merci. C'est gentil. »

    Il se sentait un petit peu moins seul. C'était agréable. Peut-être bien que les Eossiens qui se sont réveillés même avant eux pouvaient les comprendre, après tout, et qu'ils pouvaient leur être solidaires malgré le fait qu'ils les avaient tous oublié durant une année entière. C'était le moment pour les sirènes de leur montrer qu'elles existaient à nouveau. Peut-être... Peut-être qu'il pourrait se servir de sa voix pour montrer à tous le talent de leur espèce ?.. Et si c'était Elyas qui avait raison ? Y'avait-il un moyen pour qu'il se fasse une place dans ce nouveau monde, après tout ?.. Ce serait bien, se disait le cadet.
    Cadet qui reporta son attention sur le plus grand. Il trouvait que le sujet avait déjà été assez focalisé sur lui. Et puis... Il était désireux d'en savoir plus sur l'elfe. Ils n'avaient jamais trop pris le temps et l'occasion de se parler à cœur ouvert, et il n'y avait pas meilleur moment que maintenant pour Howl de se confier sur certaines choses qu'il gardait profondément en lui.

    « Toi aussi... il y a quelque chose qui te passionne, non ?.. Tu n'avais pas une boutique de fleurs ? E-Est-ce que tu l'as toujours ? »

    Ses pensées négatives s'envolaient progressivement. Elyas était une petite lueur d'espoir parmi les rares qu'il avait pu trouver depuis son réveil. C'était peu de choses, mais cela lui permettait de sortir la tête de l'eau (sans mauvais jeu de mot) de temps à autre. Il ne pouvait pas toujours rester enfermé chez lui ou dans les fonds marins, même s'il s'agissait d'une sacrée cachette et que, contrairement à d'autres endroits, les profondeurs du lac près de chez lui n'avaient pas changé d'un corail.

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    ft. Howl Wintersong [Avril 1001]


    Pretty melody

    « If only I could go back when I was me. »


    Bien sûr, ce n'est pas aussi simple. La volonté seule ne suffira pas à convaincre la Sirène d'abandonner le commerce de ses parents pour se lancer dans sa carrière de chanteur. Il existe, à l'heure actuelle, encore trop de variables qui l'empêchent de pouvoir suivre ses rêves. Il faut déjà être capable de comprendre le monde qui nous entoure, savoir à qui on a affaire, et si j'ai eu le temps d'apprendre à connaître les noms des habitants d'Yggdrasil en un an, Howl vient à peine de se réveiller. Il a encore trop de choses à digérer et devenir chanteur maintenant risquerait de lui ajouter du stress en plus. Mais je peux voir à quel point mes mots ont eu un impact sur mon camarade Eossien et je me réjouis de voir un sourire naître sur ses lèvres. Le rouge qui colore ses joues offre un contraste amusant avec ses cheveux verts, et il est possible que son visage, presque éclatant, me fasse rougir aussi. Il y a quelque chose de vraiment agréable à le voir sourire. J'en viens à me demander comment c'est possible que nous n'ayons pas été plus proches lorsque nous étions à l'école ; Howl ne semble pas avoir une seule once de méchanceté en lui et nous aurions peut-être pu être alliés, à défaut d'amis. J'imagine que c'était sûrement ma faute, trop occupé à lire mes livres sans lever les yeux vers ceux qui en valent la peine. Je me contentais des moqueries de certains de mes camarades et j'ai eu le tort de tous les mettre dans le même panier. Au moins, le réveil est peut-être un bon moyen de réparer tout cela.

    Sa question me prend de court et cette fois-ci je ne peux vraiment pas empêcher un rougissement de me réchauffer la peau. Je ne pensais pas qu'il se souviendrait de la boutique de fleurs de ma mère et, non pas que je l'admettrais à voix haute, ça me touche de savoir qu'il a retenu ça de moi. Il y a tant de choses pas très agréables qui auraient pu lui revenir, mais c'est le parfum des fleurs qui lui vient en premier. C'est à mon tour de sourire, mais très rapidement je sens mes mécanismes de défense s'enclencher. Déjà, je n'aime pas quand la conversation est tournée vers moi. Non pas par altruisme pur - je ne suis qu'un être vivant, j'apprécie de temps à autre être le centre de l'attention -, mais parce que je n'ai vraiment pas envie que Howl découvre à quel point je suis une coquille vide. Sans grand centre d'intérêt, animé seulement par une colère qui n'est peut-être pas toujours légitime. Je sais que le silence qui suit n'est pas le plus agréable, mais je suis partagé entre lui mentir et dire la vérité, au risque qu'il se lasse de moi rapidement. Je prends ce temps de réflexion pour m'asseoir à côté de lui, le regard fixé sur l'horizon, suffisamment proche de lui pour qu'il puisse m'entendre mais assez éloigné pour ne pas avoir à le frôler. Je n'ai jamais voulu plaire aux autres, mais l'envie de construire une amitié, ou ne serait-ce qu'une relation cordiale avec Howl me démange. Même les solitaires comme moi ont parfois besoin d'avoir de personnes à qui se raccrocher. Et qui serait mieux qu'un Eossien de mon âge, qui a un rêve et qui ne me fuit pas juste en me voyant ?

    _ C'est euh... c'est la boutique de ma mère, principalement. Mais oui, elle l'a toujours. Je l'aide souvent, mais c'est plus son domaine à elle.

    Je lui offre un sourire désolé, comme pour m'excuser de mon manque d'intérêt pour le commerce de ma mère. Pourtant, les fleurs, ça aurait pu me passionner. Grâce à elle, j'ai toujours baigné là-dedans et je suis à peu près sûr de pouvoir réciter le nom de toutes les plantes qui poussent sur Yggdrasil, mais j'ai toujours trouvé la nature éphémère, même si elle est magnifique. Une fleur meurt aussi vite qu'elle a éclos, et cette fragilité me rappelle peut-être un peu trop la mienne, celle d'un automate qui peut disparaître par un simple éclat de pierre. Je soupire, le regard toujours au loin.

    _ Je hm... j'adorais lire et-et étudier l'histoire. Mais j'ai du mal à m'y remettre... c'est assez difficile de s'intéresser au passé quand on a manqué les mille dernières années.

    Une remarque que j'aurais voulue sarcastique mais qui ressort bien plus triste au final. Mais étrangement, je n'ai pas peur qu'Howl se moque de moi. Après tout, s'il y a bien une personne qui peut comprendre ce que ça fait d'avoir mille ans de sa vie arrachés, c'est bien lui. Mais je n'ai pas envie de m'éterniser sur ô combien je suis inintéressant. Je tente aussitôt de reprendre un ton plus détaché et léger.

    _ Enfin bref. Je suis bien loin d'avoir une passion qui me propulsera au sommet de la gloire comme toi. Au moins, je pourrai dire que « je connais personnellement le grand chanteur Howl », et franchement, ça en jette !

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    Laissant l'elfe s'asseoir à côté de lui, Howl se surprenait à sourire naturellement depuis son Réveil chaotique. Se rappeler de la boutique de fleurs et savoir qu'elle existait toujours réchauffa un peu le cœur de la sirène. Au moins une chose qui n'avait pas bougé. L'invasion des Altissiens et Caldissiens avait changé bien des habitudes mais il était soulagé si le commerce des Maresh était toujours fleurissant (et c'est le cas de le dire). Evidemment, cependant, il n'était pas improbable que Elyas veuille faire autre chose de sa vie que s'occuper des fleurs. Howl voulait après tout lui-même faire autre chose que s'occuper des perles... Il ignorait cependant que l'adolescent s'intéressait à l'histoire. Un bon moyen d'en apprendre un peu plus sur lui, s'il continuait de se confier ainsi. Et le blondin l'écoutait avec une attention toute particulière. Il ressentait pourtant sa peine jusqu'au fond de lui, et cela attrista le Wintersong. Ce serait injuste si lui arrivait à atteindre son objectif et pas le rouquin. Pour autant, quand ce dernier changea de sujet, le chanteur amateur joua le jeu et sourit de nouveau.

    « Haha, si seulement !.. Mais je ne sais même pas comment je vais faire ça. Je ne suis que... qu'un Eossien, désormais. J'ignore qui voudrait m'écouter. »

    Il détourna le regard, un peu gêné. Il était flatté de l'intérêt que lui portait l'autre quand bien même ils ne s'étaient pas beaucoup parlé plus que ça autrefois. Mais c'était... plaisant d'entendre quelqu'un le soutenir à ce niveau alors qu'il n'avait jamais osé en parler à personne, pas même à ses parents. C'était sûrement plus simple de se confier à quelqu'un qu'on ne connaissait pas vraiment mais qui était, en quelque sorte, à la fois étranger et familier. Mais plus le temps passait, plus Howl avait envie de connaître Elyas, car il ne semblait pas réellement quelqu'un de méchant, au contraire. Mais il était mal à l'aise que l'elfe se minimise à ce point. Il essaya de le réconforter.

    « J'imagine que nous appartenons au passé, désormais... Hé... Il y a peut-être quelque chose à en tirer aussi. »

    D'un geste quelque peu audacieux, il posa doucement une main sur l'épaule de son camarade pour lui signifier qu'il était à ses côtés. Le Réveil était peut-être survenu de manière affreuse, mais au moins... Au moins il pouvait repartir sur de bonnes bases avec des personnes qu'il n'avait pas soupçonné auparavant. Et encore, pour Elyas, cela faisait un an qu'il n'avait pas vu Howl ; pour ce dernier, c'était comme si tout ça ne s'était passé que dans l'intervalle d'une semaine et pas en un millénaire. Il n'arrivait toujours pas à y croire, d'ailleurs. C'était tellement... Surréaliste, quand il y songeait. Sans doute mettra-t-il beaucoup de temps à s'y faire, mais les preuves sont irréfutables et il devra vivre avec. Comme ça lui faisait encore froid dans le dos, il n'y pensait pas plus que ça quand il avait autre chose sur lequel se focaliser, et en l'occurrence, il profita du fait que son ami avait changé de sujet tout à l'heure pour y revenir brièvement.

    « Je compte sur toi pour me faire redescendre si jamais la... 'gloire' me monte à la tête. »

    Il lui lança une œillade complice avant de glousser un peu, se moquant de lui-même. Il espérait quand même que les chances pour qu'il prenne la grosse tête soient minces, mais comme il n'a jamais vécu ça, il ne pouvait pas dire être totalement immunisé non plus. Au moins, la présence d'Elyas pourra l'aider à garder un pied sur terre, si ça dérape dans sa vie.

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    ft. Howl Wintersong [Avril 1001]


    Pretty melody

    « If only I could go back when I was me. »


    Je constate que le détournement de conversation a fonctionné et j'en suis soulagé. Je peux voir à la réaction de la Sirène que ma tristesse passagère a été contagieuse, et je n'ai pas envie de le rendre triste ou de lui faire penser à toutes ces choses que nous avons perdues. Je suis quand même touché de l'attention qu'il porte à mes paroles, je côtoie si peu de gens, et maman n'est plus tellement à l'écoute depuis le Réveil, que j'ai perdu l'habitude d'être écouté. Je ne peux pas nier que c'est une sensation fort agréable. Je me doute que si j'avais plus de choses à lui confier, Howl m'écouterait sans jamais me juger, sans même m'interrompre. Peut-être même que si je lui disais là, de suite, que j'étais un automate, il réagirait bien, mais des années de préservation m'en empêchent. Et puis peut-être que, malgré lui, sa perception de ma personne changerait. Me verrait-il encore comme une personne tout simplement ? Après tout, je ne suis pas réel. Je ne suis pas fait de chair, comme lui. Tout est faux, chez-moi. Je ne pourrais pas lui en vouloir de fuir. Mais je n'en ai pas envie. Alors je me tais. Je me tais et je l'écoute à mon tour, comme le ferait un vrai Elfe. Son interrogation est légitime, mais je ne peux définitivement pas le laisser dire ça.

    « Mais moi, je t'écouterai ! Ma mère, ta famille. Tous les Eossiens qui vivent dans l'attente depuis un an ou, pour vous les Sirènes, quelques jours. Et ta musique saura toucher même les coeurs de pierre des Caldissiens et Altissiens. Parce que la musique, c'est universel. Ce n'est pas quelque chose qui appartient juste à Altissia, ou Caldissia, ni même à nous. Tu as du talent, ou tu n'en as pas. C'est tout. Et toi, tu en as. »

    J'ai peur de l'effrayer à m'emballer autant, mais je refuse de le laisser penser que juste parce qu'il est Eossien, il ne pourra pas lancer sa carrière. Pour moi, c'est justement parce qu'il est Eossien que sa musique aura du succès. Parce qu'il est plus vieux d'un millénaire que tous ces idiots en rouge et bleu, parce qu'il est proche de la nature, des éléments, et qu'il sait aussi bien ce que c'est de souffrir que de rire. Les Eossiens ont un pouvoir que le royaume et l'empire ne connaissent pas. Et j'ai peut-être tort de faire de telles différences, mais tant que les étrangers ne seront pas repartis sur leurs propres terres, je me sais incapable de concevoir le monde autrement. J'ai prononcé ces derniers mots avec vivacité, mais je sens mes nerfs se calmer lorsque Howl essaie à son tour de me réconforter. Je suis obligé de lui répondre par un sourire, même si sa main sur mon épaule me tend, si bien que je dois me concentrer pour ne pas m'éloigner. C'est un geste qui se veut rassurant, je le sais, mais j'ai l'impression que s'il laisse sa main plus longtemps, il finira par découvrir que mon corps n'est pas comme le sien. Qu'il n'est pas normal. Mais j'ai surtout envie de m'appuyer contre lui, de profiter de la chaleur qui irradie de sa main et m'affirme son soutien. Quand on se refuse tout contact physique, c'est incroyable comme un geste aussi simple peut signifier beaucoup. Je veux haïr cette main sur mon épaule, mais je parviens à peine à cacher ma déception lorsqu'il la retire. Je déteste cette sensation, de vouloir et de ne pas vouloir à la fois. Je me concentre sur notre échange pour ne pas trahir mes émotions.

    « Tu as raison, j'imagine... on ne peut pas savoir ce que l'avenir nous réserve. »

    J'en suis difficilement convaincu, mais je lui offre un demi-sourire sincère. Il ne sert à rien d'être pessimiste, et pour le coup, on ne sait vraiment pas ce qui peut se passer avec le temps. Par exemple, si on m'avait dit deux semaines auparavant que je passerai du temps avec une Sirène, au calme, sans avoir envie de me cacher ou de l'assassiner comme les trois-quarts des êtres vivants et moins vivants d'Yggdrasil, je ne l'aurais pas cru. C'est donc une bonne surprise à laquelle je ne m'attendais pas. Sa dernière remarque me fait rire et je lui rends son regard complice. A ce moment-là, j'ai vraiment l'impression d'avoir dix-sept ans, de planifier mon avenir sans me soucier de tout ce qui ne pourrait pas aller. Le sentiment ne dure pas très longtemps, mais c'est déjà une immense victoire.

    « Tu rêves, je vais avoir encore plus la grosse tête que toi ! Quand tu vas faire des concerts, tu vas être stressé, alors qu'à côté je serai juste la personne la plus excitée au monde. D'où tu as vu que j'avais les pieds sur terre ? C'est bien mal me connaître, mon cher. On n'est pas Eossien si on n'a pas au minimum la tête dans les nuages ! »

    Malgré moi, je repense douloureusement à ma mère qui est perdue dans le ciel depuis bien trop longtemps déjà. Pourtant, je me souviens d'elle comme d'une Elfe rationnelle et pragmatique, mais peut-être que je me suis toujours fait des illusions sur elle. Aucun être rationnel n'irait façonner une gemme pour en faire son enfant. Et avec le Réveil, je doute que les Eossiens se raccrochent encore à la raison. Ce qui nous arrive est fou, et rien d'autre ne peut l'expliquer. Mais je préfère chasser ces pensées de mon esprit pour ne pas briser l'ambiance légère qui s'était installée.

    « Est-ce que tu me chanterais un de tes morceaux ? »

    Une demande audacieuse qui s'est formée entre mes lèvres sans mon consentement. Je suis d'abord gêné de lui demander de se dévoiler ainsi ; après tout nous nous connaissons à peine et peut-être est-il timide en ce qui concerne sa musique, mais je me rends rapidement compte que ma requête est sincère. J'ai vraiment envie de l'entendre chanter, d'une oreille plus attentive que lorsque je l'ai coupé tout à l'heure. Mais s'il ne veut pas, je ne l'obligerai pas, bien sûr. Je ne peux malgré tout pas nier que ça me ferait plaisir.

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    L'emballement de celui qu'il considérait désormais comme un ami fut si soudain qu'il sursauta malgré lui. Il ne s'était pas attendu à ce que Elyas soit aussi sûr de ses capacités. Il avait l'air de croire tellement en lui... Son attention touchait la sirène qui ne savait pas quoi dire face à tant d'enthousiasme. Il était soutenu par au moins une personne, c'était déjà un bon début ; et encore, il n'en espérait pas tant. Il est peut-être juste stupéfait de voir qu'il lui faisait confiance à ce point alors qu'ils n'étaient pas si proches avant, mais Howl n'allait pas certainement rejeter cette gentillesse qui s'offrait à lui. Il ne pensait pas que l'elfe pouvait être ainsi avec les autres, mais ça fit sourire timidement le Wintersong qui sentit ses joues se colorer d'un rose léger. Et il avait raison. Il n'y avait pas d'excuses qui pourraient empêcher Howl de s'exprimer grâce à sa musique, et peut-être pourrait-il toucher autant les Eossiens que les autres. Peut-être... Peut-être pourrait-il changer les relations entre les gens s'il arrivait à les atteindre au plus profond d'eux ?..
    Qu'est-ce que je raconte, moi... C'est impossible. Je rêve. Mais... Mais si Elyas croit en moi...
    Alors il pouvait tenter de croire en lui, lui aussi. Et les paroles du plus grand étaient vraiment très encourageantes. Il était intimidé par tant d'ardeurs de sa part, certes, mais c'était touchant, quelque part, et il fallait bien que quelqu'un arrive à convaincre le blond qu'il pouvait faire des choses de sa passion. En revanche, il s'attendait encore moins à ce que l'autre veuille écouter un de ses morceaux.

    « O-Oh m-m-mais je-je... Je ne sais pas... »

    Aussi rouge qu'un coquelicot, le teint pâle de la sirène ne parvint pas cette fois à cacher la gêne qu'il ressentait. Il pensait déjà ne pas mériter autant d'éloges de la part de son camarade, trouvant que ce dernier attendait beaucoup trop de lui. Et s'il le décevait ?.. S'il ne répondait pas à ses attentes ?.. Tous les espoirs qu'il plaçait en lui allait partir en fumée. Serrant sa lyre contre lui, son regard se porta sur le sol qu'il trouvera soudainement très beau à admirer.

    « Je-Je peux essayer... »

    Il ne savait pas trop pourquoi il acceptait au final, mais si Elyas voulait vraiment l'entendre, alors il ne pouvait pas refuser, puisque ça avait l'air de lui faire tant plaisir... Il avait un rêve à réaliser, et s'il ne s'y prenait pas dès que possible, alors qu'on l'encourageait, jamais il ne pourrait décoller. Et puis, il peut bien s'entraîner devant l'autre ; il savait qu'il ne serait pas jugé farouchement. Cela avait au moins le mérite de le détendre un peu. Redressant son dos, il se mit dans une posture plus confortable et desserra sa prise sur son instrument pour la place de manière à ce que ses doigts glissent et pincent facilement les cordes. Mais qu'est-ce qu'il pouvait bien chanter ?.. De l'impro ?.. Il réfléchit à un morceau qu'il pourrait jouer, mais il n'avait pas fini d'écrire les paroles de la plupart de ses chansons. Et puis, il était encore trop peu à l'aise avec son propre style pour oser les chanter maintenant. Heureusement, il avait une idée du sujet qu'il voulait aborder à présent, alors qu'il se demandait vers quelle registre se tourner.
    ... Bon. Allons-y pour de l'improvisation.
    Ses doigts sur les cordes, il commença à les faire résonner pour en sortir une mélodie calme sur ce qu'il avait vécu ces derniers jours. Après s'être éclairci la gorge, sa voix commença à résonner.

    « ♪ Je me suis endormi pendant un millénaire,
    Emporté au réveil par le flot des mers,
    Je me suis retrouvé seul et apeuré,
    Au milieu de soldats armés. ♫ »


    Au moins, quand il chantait, la timidité disparaissait et il pouvait se focaliser uniquement sur la justesse de la musique. Les souvenirs de cette journée sont pénibles à se rappeler, mais il avait envie, en présence de quelqu'un qui pouvait le comprendre, de mettre des mots sur ce qu'il avait traversé quand il s'était réveillé en pleine cohue, des épées déjà pointées sur lui. Cela aurait été encore plus traumatisant pour lui, si Shimomura ne l'avait pas sauvé en se transformant en dragon. Mais il n'y avait pas que lui.

    « ♪ Depuis ce jour, je suis perdu et désemparé,
    Heureusement aujourd'hui j'ai retrouvé,
    Un ami sur lequel je peux compter,
    Un ami sur lequel je peux compter... ♫ »


    Avec une relative aisance, il pince les cordes sans avoir besoin de les voir pour que les notes accompagnent son timbre clair et cristallin. Ses gênes de sirène lui permettaient de faire raisonner naturellement sa voix comme une véritable acoustique. Mais il décida d'arrêter sa chanson ici. En terminant, son regard se releva de lui-même vers l'elfe roux. Nul besoin d'être un génie pour savoir de qui le plus petit parle dans son histoire. Puisque grâce à lui il avait retrouvé le moral, il voulait tout simplement lui rendre hommage.

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