Morgana Donovan

Je suis née à Altis, le 2 décembre 980. Au cœur d'un hiver froid et rugueux, j'ai poussé mon premier cri annonçant ma venue sur Elysia. Mais je ne pourrais pas vous dire à l'heure actuelle si ma mère a un jour aimé mon père. Lui, c'est sûr, il en a été amoureux. Du moins, assez pour la prendre comme toute première épouse et pour faire un enfant avec : moi. Ce que j'ai toujours su, c'est que ma génitrice était née roturière mais que son charisme a amené son mari (désormais ex-mari) dans ses bras et que cela a suffit pour le convaincre de se marier avec pour en faire une noble comme lui. Mon père ? Félix Donovan. Ce nom vous dit peut-être quelque chose puisqu'il s'agit d'un des frères cadets de Faust Donovan, ambassadeur actuel Altissien sur Yggdrasil. La famille Donovan est prestigieuse, à Altissia. Ils sont représentés par des loups et célèbres pour leurs animorphes lupins. Mais je n'en suis pas une ; j'ai hérité des gênes de ma mère, qui est aussi une nymphe de glace, donc. Cela importait peu, toutefois, puisque les Donovan étaient ouvert face à la diversité. Je suis donc fille de Félix Donovan et Marion Oritèle, nièce de Faust, Clive et Elliott Donovan, et... cousine de beaucoup de monde.

Étant née noble et dans une famille aisée, je n'ai jamais manqué de rien. Si ma mère se montrait stricte, mon père, lui, était complètement gaga. Imaginez, en plus, j'étais sa première gamine, sa petite fifille adorée. Alors j'ai été choyée comme pas possible. Cela m'a donné ce caractère vaniteux et prétentieux que j'ai aujourd'hui. J'ai grandi dans le luxe et l'affection d'une famille paternelle. Marion, elle... Il ne fallait jamais lui demander la moindre attention. C'était elle, qui te la donnait quand elle, elle le voulait. Sinon, tu te faisais constamment repoussée. 'Du travail' disait-elle. Si mon père a toujours été dans l'armée, ma mère s'est servie de son anoblissement pour monter les échelons en politique. D'ailleurs, elle m'a poussé depuis ma naissance à suivre ses traces. Je ne savais pas trop ce que je voulais faire, mais dans tous les cas, je ne voulais pas aller à l'armée, alors je ne me suis pas particulièrement opposée à sa volonté. C'est d'ailleurs elle qui s'est entièrement occupée de mon éducation. Soudoyant de l'argent à son mari, elle n'hésitait pas à se racheter des robes hors de prix et surtout à me payer les meilleurs précepteurs. Je ne faisais pas l'école avec les autres : elle m'obligeait à rester à la maison et à l'accompagner durant les soirées mondaines pour me présenter les 'amis' qu'elle s'était faite dans la haute sphère afin de faire de moi une 'dame du monde' quand j'allai être adulte. Depuis toute petite, même si je m'y ennuyais parfois, j'ai appris à montrer mes plus beaux sourires factices pour lui faire plaisir et qu'elle me laisse tranquille. J'ai dû savoir parler correctement, écrire correctement, jouer du piano correctement, m'habiller correctement... Je ne cherchais que son attention. Alors je faisais tout ce qu'elle disait. Et dans ces moments-là, elle me souriait en retour. J'étais contente. J'ai donc continué à être obéissante. Mère semblait heureuse. Je ne sais pas si elle l'était vraiment, à ce moment-là.

Puis, un jour, tout a bousculé. Mon père était gentil. Très gentil. Il l'est toujours, même. J'ai reçu de lui tout l'amour qu'il pouvait me donner. Mais bon, de l'amour, il en avait à revendre aux autres. Un peu trop, d'ailleurs. Tant et si bien qu'il a fini par divorcer de ma mère pour aller avec d'autres personnes. Plusieurs fois. Et autant dire que Marion ne l'a pas très bien pris. Elle était furieuse et a tenté de garder le plus de biens possibles, allant jusqu'à discuter d'une garde exclusive pour moi, mais ça, elle ne l'a pas obtenu. J'avais environ cinq ans. J'avais déclaré vouloir rester avec mon père alors ce fut garde alternée. Par la suite, mon père s'est donc remarié plusieurs fois après ça. Il n'avait plus vraiment de sentiments pour Mère, de toute manière. Alors il est allé faire d'autres enfants. Mais elle a tenté à quelques reprises de faire éclater ses unions suivantes de peur que mes demi-frères et demi-sœurs héritent de tout à ma place et que je sois délaissée. Je n'avais pas particulièrement d'animosité envers ma fratrie. Il faut dire qu'ils m'aimaient bien, eux, mes cadets. Ils m'admiraient, même. Alors si j'étais détestable pour le premier, je me suis considérablement adoucie pour les suivants et surtout en grandissant. Je ne suis toutefois pas quelqu'un qui montre beaucoup d'affection en générale, me montrant souvent réservée et froide à cet égard. Ma famille (surtout du côté paternel) est pourtant une exception puisque je peux me montrer moins sèche avec eux qu'avec les autres.

Ballottant entre mes parents divorcés, j'ai fini par devenir scribe quand j'eus quinze ans pour me fixer enfin à quelque chose. Je tentais parfois désespérément d'obtenir un peu d'attention maternelle mais je compris un jour que c'était peine perdue, alors j'ai abandonné. Mon père me gâtait et m'offrait beaucoup de liberté quand j'étais avec lui, alors même si je ne l'ai pas toujours montré, je me suis rapprochée de lui, et ça faisait du bien de ne pas avoir quelqu'un pour me donner des ordres en permanence et me dicter ma conduite. En plus, je les aimais bien, les membres Donovan. Ma grand-mère Kagami a toujours été très gentille et douce. Je n'avais pas eu la chance de connaître Karl, mais Père m'en parlait des tas de fois comme un héros à qui il aimerait ressembler. Mes oncles étaient des modèles. Ils s'étaient toujours bien occupés de moi et Oncle Clive m'a donné son amour pour les livres d'histoire. Son jumeau était peut-être un peu moins studieux mais il savait imposer le respect en tant que chef de famille et j'admirais beaucoup son épouse, qui possédait un charisme certain mais avec une rare élégance tout de même. Mes cousins étaient, eux, mes compagnons de jeu préférés que je m'amusais un peu trop parfois à martyriser, surtout les enfants de Faust. J'ai souvent embêté Kenaï, Alice et Morgane. Axel, lui, n'a que trois ans d'écart avec moi mais j'en faisais un peu mon souffre-douleur. J'étais assez perdue quand Karl a été ramené à la vie, mais j'en ai profité pour en apprendre un peu plus sur lui. C'est bien le seul nécromate que j'ai toujours respecté.
Mère, de son côté, avait bien une sœur plus jeune, mais elle avait perdu contact avec ses proches depuis longtemps, comme s'ils n'avaient jamais existé. Elle ne voulait plus avoir affaire à des 'pauvres', disait-elle. Sans doute qu'elle niait ses origines de roturière et ne les assumait plus du tout. Même si j'ai été élevée dans le luxe, je trouvais juste son comportement exécrable et lâche. Bien sûr, je ne lui ai jamais dit.

Dans mon travail de scribe, je me montre appliquée, sérieuse et attentive. On ne tarit pas d'éloges à mon égard et je fais la fierté de ma mère qui rêve déjà de me voir devenir quelqu'un d'important. Je le souhaite également, mais pour des raisons différentes. Ouverte et sociable, j'étale la culture que j'ai apprise dans les livres et cela fait son plus bel effet auprès des nobles que je rencontre et de qui j'obtiens les bonnes grâces. Cependant, assister aux fêtes bourgeoises et me forcer à sourire et fausser la bonne humeur m'épuisent plus que je ne l'aurais pensé. Au moins, si je ne suis pas épanouie, je crois avoir trouvé quelque chose qui m'occupe. En 999, pourtant, vient une période où j'en voudrais beaucoup à mon cousin Axel d'avoir provoqué une blessure grave à Faust. Je me montre plus froide et surtout rancunière, ne réalisant pas qu'il s'en veut déjà probablement beaucoup. Sur le moment, je m'en fiche, persuadée seulement que c'est de sa faute.

En l'an 1000, en plus d'avoir atteint un millénaire, le légendaire arbre d'Yggdrasil refait surface avec ses habitants à son bord. Aussitôt, je rêve d'y aller pour fouler cette terre mythique, mais je suis interdite de sortie du territoire tant que je n'ai pas atteint au moins un rang de diplomate. Je dois, en attendant, regarder de loin la vie s'y écouler et la paix être signée. Une bonne nouvelle, en soit, même si je reste très méfiante de nos rivaux de toujours. Je profite toutefois de mon cloisonnement à Altissia pour perfectionner ma magie élémentaire. Même si je n'ai pas une relation très stable avec ma génitrice, je suis contente de ces gênes de nymphe dont j'ai hérité. Cela ne me sert pas dans mon travail mais cela me permet de m'en déconnecter un petit peu aussi. En parallèle, je m'applique toujours plus, jusqu'à enfin devenir diplomate en 1001.
Puisque mon oncle Faust, devenu ambassadeur, est parvenu à Yggdrasil, je suis autorisée à le suivre malgré les tensions qui ont repris leur cours au sein de la cité. Une fois qu'il est alors bien installée et puisque j'ai atteint enfin la majorité, je peux vivre seule sur Yggdrasil et débarque donc dans la Ville Haute en mai de l'année 1001. Mon salaire de diplomate ne m'aide pas bien sûr, mais j'ai reçu un peu d'argent de la part de mes parents. Je crois que Père s'attend à ce que Tonton me fasse découvrir la ville, mais je n'ai pas vraiment besoin d'aide. Pour la première fois, je me sens vraiment libre et indépendante, prête à conquérir Elysia toute entière.