Les verres trinquent. Les lustres s'allument. Les convives parlent de tout et de rien. Les vêtements font chatoyer de leurs couleurs nobles. Les bijoux brillent. La musique s'élève. Et moi je regarde mon champagne sans trop savoir pourquoi je suis venue. Je n'ai même pas pu emmener Alex avec moi, pour cette fois. Mère m'a forcé à me déplacer jusqu'à cette soirée bourgeoise pour me présenter à quelques unes de ses nouvelles amies auprès desquelles elle a fait tant d'éloges de moi. Et surtout de sa propre personne. Mais c'est pour qu'elles me voient que j'ai été obligée de l'accompagner. J'aime ces dîners autant que je les déteste. Ils sont frivoles mais amusants, quelque part. Il n'y a que la présence de ma génitrice pour me gâcher mes plaisirs. Je soupire. Elle m'a délaissé pour parler affaires avec quelques personnes hautement placées. Malgré ce que je peux penser d'elle, elle est parvenue à s'en sortir sans Papa pour continuer de l'entretenir. Comme un vautour, elle a saisi les plus belles occasions afin de s'attirer les faveurs des plus riches Altissiens et, par la suite, des plus riches Caldissiens. Je devrais admirer cette détermination et en prendre de la graine, c'est ce qu'elle m'a toujours répété. Et il est vrai que j'aspire à continuer dans le luxe pour ne jamais manquer de rien et me faire tout servir sur un plateau d'argent. Seulement, je suis plus difficile en concession que ma génitrice et refuse bien souvent de m'incliner devant les autres ; c'est ce qui a provoqué mon impopularité dans certaines soirées dans lesquelles je ne suis plus revenue. Mais tant mieux ; elles n'en valaient pas le coût. Si je veux me faire une place dans ce monde, toutefois, je dois trouver, moi aussi, des moyens de répandre mon nom sur toutes les lèvres. Et pour cela, je dois viser des personnes connues et célèbres. Mon regard bleu glacé observe la salle comme si elle cherchait à l'analyser. De loin, au milieu d'une partie de la foule, j'aperçois une chevelure blanche et des yeux de la même couleur sur un visage que je crois reconnaître. Ne serait-ce pas une des Conseillères ?.. Cela pourrait être parfait...
Un verre toujours à la main, je me faufile jusqu'à elle en essayant d'avoir l'air la plus naturelle possible, comme si je me trouvais près d'elle par pu hasard. J'esquisse une mine surprise.
« Madame Delacroix. Vous êtes resplendissante, comme toujours. »
Je bois une gorgée de mon verre, un mince sourire aux lèvres.
« Vous n'avez peut-être jamais entendu parler de moi... Je suis Morgana Donovan, la nièce de Faust Donovan. Je suis toutefois bien moins populaire que mon oncle. »
J'aime faire jouer mon lien avec l'Ambassadeur. Cela est gratifiant pour les contacts que je peux me faire ; en général, quand il s'agit d'Altissien, c'est d'autant plus simple de les amadouer en leur disant que je fais partie de la famille proche de Faust. Ce serait mal vu pour les autres de tenter de prouver le contraire, de toute façon, puisque, pour une fois, je ne mens pas.