Il me faudra du temps avant de comprendre que mon humeur plus positive et ce sentiment serein en moi qui ont commencé à m'accompagner depuis peu viennent en réalité de ces missives dans lesquelles je laisse mes pensées parler toutes seules comme si elles en éprouvaient l'implacable besoin. Au fond de moi, je sais que j'attendais probablement que le moine me donne des réponses, des pistes, ou des conseils. Qu'il me dise si je vais dans la bonne direction. Quel chemin prendre. Où il faut tourner. J'ignore depuis combien de temps je me suis permis de me reposer sur lui comme ça. Quoique je doute que me reposer est le mot, mais j'éprouve comme un sensation de légèreté depuis que je me suis mis à poser sur les parchemins des émotions que je n'avais pas eu l'occasion de laisser sortir. Mais cela me fait du bien, je crois. Je ne devrais pas abuser et faire comme si le religieux était un journal intime, même s'il a dit que ça ne le dérangeait pas. Mais je ne veux pas prendre trop de place. Je ne veux pas lui fermer une opportunité de s'exprimer à son tour.
Mais je suis toujours parcouru de cette impatience indescriptible lorsque je reçois une lettre et que je peux sentir même sans l'avoir entre les mains que ce sera celle de mon correspondant Eossien. Je n'y prêtais pas forcément attention avant, mais je me sers de plus en plus de la sensibilité de mon odorat pour reconnaître des senteurs qui me sont devenues familières et sur lesquelles je peux désormais attribuer des visages, à défaut de noms, ou l'inverse. Mes sens s'affinent au fur et à mesure que je les utilise ; ce qui est pratique car j'ai de moins en moins de mal à m'en servir. J'ose davantage qu'avant. Je me sens progressivement plus à l'aise. J'ai appris à vivre avec, me rendant compte que c'était beaucoup plus simple d'accepter cette part de moi plutôt que de la rejeter en pensant que mon sang d'animorphe allait se rendormir. Mais c'est depuis que je l'ai embrassé, au contraire, qu'il a cessé de bouillir et de s'agiter, me laissant plus libre de mes mouvements.
Allongé devant le feu de cheminée alors que je caresse distraitement Smaug, les traits de mon visage se détendent dès les premières lignes, quand je reconnais à présent son écriture et sa manière de s'adresser à moi.
Ce qu'il dit au début est vrai. J'ai effectivement trouvé qu'il ne s'exprimait pas assez sur son ressenti personnel. Mais je ne pensais pas que cela allait me retomber dessus. Je suis surpris mais je ne réfute pas ses propos, car je le sais observateur et moi peu toujours conscient de mes propres actions. Je ne me rendais pas compte que je ne m'exprimais pas suffisamment sur ce qui me tracasse. Une habitude qui ne m'a jamais quitté, mais quand j'y pense, ce n'est pas faux que je ne me souviens que peu de moments où je me suis confié. J'ai longtemps cru que l'on me dénigrerait si je le faisais. Si je me le permettais. Si j'osais même émettre le moindre commentaire. On me disait que je devrais être reconnaissant envers la communauté. Je le suis. Je pense même que j'ai été plutôt docile. On ferait n'importe quoi, après tout, pour ne recevoir que quelques miettes d'attention. C'est sans doute ridicule mais lorsqu'on est affamé, bah on les prend quand même, les miettes. On ne fait pas le difficile. Je n'avais pas ce luxe de l'être. Je ne m'en offusque pas. J'ai quand même heureusement bien fini et je crois que j'ai, quelque part, une bonne étoile qui a veillé sur moi pendant une partie de ma vie.
C'est donc avec étonnement qu'il aborde le sujet de sa sœur quand je ne m'y attendais pas du tout. Il en parle peu, de sa famille. Je connais son cousin, Daichi (même si connaître est un bien grand mot) et j'ai rencontré sa mère (mais là encore c'est un bien beau terme), mais je ne connais son aînée que par le peu qu'il m'a dit sur elle. Je ne savais pas -ou plus- comment était leur relation entre eux. Mais pas si bonne que ça, de ce que je peux en déduire. Sinon, je crois qu'il en parlerait un peu plus.
Et j'ai apparemment eu juste sur Rosemarie même si on dirait qu'elle ne se souvient pas de moi, ou en tout cas n'a pas voulu en parler autour d'elle. C'est son choix, après tout. Même si elle m'a touché, je ne peux pas affirmer non plus que nous soyons extrêmement proches. En fait, je suis un peu intimidé par le fait de l'aborder à nouveau. J'ai eu l'impression de lui faire peur, l'autre jour. De m'être montré trop imposant.
De ce que je constate, en tout cas, le moine a l'air lui aussi plongé non pas forcément dans doutes, mais il a l'air de songer à certaines choses, à propos de la cité et de ce qu'elle nous cache encore. Et pourtant, le Shimomura est un de ceux qui parcourent les souterrains avec aisance en tant qu'Eclaireur. J'aurais cru qu'il connaîtrait tout sur tout. Mais c'est lui mettre beaucoup de choses sur les épaules.
Quand je reçois une lettre, c'est devenu mon rituel de lui écrire avant de dormir. Cela me détend et me repose. Et sauf en cas d'imprévu, je ne mets vraiment pas longtemps à lui répondre. Tant et si bien d'ailleurs que je n'ai pas vu le temps passer et que je viens de réaliser que cela fait plus de trois-quatre mois que nous nous écrivons.
Shimomura,
Pour le moment, la météo est des plus clémente. J'ose espérer que la tempête qui est tombée sur Altis était la dernière, mais je reste aux aguets au moindre changement climatique brusque. Je dois avouer toutefois que cela me touche que vous vous inquiétiez de la sorte à mon égard.
Je ne peux pas nier que je parle effectivement peu de moi ou des choses qui me tourmentent. Ce n'est pas une habitude que j'ai prise en grandissant, ma situation étant délicate. C'était impensable pour moi que je me plaigne un jour alors que je devais m'estimer chanceux que l'on me laisse tout de même une chance. Je ne sais pas non plus si on pourrait trouver un intérêt à ma propre histoire. Je me montre néanmoins curieux de celle des autres.
Mais je peux vous dire, si vous voulez savoir, que je crois avoir rencontré votre Rosemarie -s'il s'agit bien de la même- sur un marché il y a quelques mois. C'est un odeur que j'ai parfois reconnu sur vous. Je ne suis guère étonné qu'elle ne vous ait pas parlé de moi. Je ne suis en rien quelqu'un de mémorable ou qui vaille la peine qu'on se rappelle de lui. Du moins, Rosemarie fut si gentille qu'il ne vaut mieux pas que je l'importune davantage. Cette coïncidence reste cependant amusante et j'espère qu'elle se porte bien de son côté.
Vous m'aviez parlé de votre sœur, une fois, il y a un moment. Je ne la connais que par ce que vous m'avez dit d'elle, mais même si je n'ai pas grandi avec fratrie à mes côtés, je ne vois pas ce que vous voudriez faire d'autre que l'aider. Si elle ne s'en rend peut-être pas compte tout de suite, je suis sûr qu'elle finira par en prendre conscience. Mais les relations familiales sont souvent les plus compliquées et ce qui est arrivé dernièrement en Yggdrasil ne doit pas détendre tout le monde.
Vous semblez toutefois de plus en plus bousculés par certaines questions dont j'ignore souvent la nature, mais cette histoire d'interrogations, que ce soit à propos de la cité ou autre, n'est sûrement pas anodine. L'arbre en lui-même semble renfermer bien des secrets qu'il est le seul à détenir, et je pense que s'il veut un jour nous les partager, ce sera à lui d'en décider.
Je continuerai de prier Oros pour que les températures soient un peu plus douces, au moins jusqu'à mon retour. Ce dernier est prévu dans un peu plus d'un mois. J'espère que vous avez retrouvé les livres de cuisine dont vous me parliez, car nous aurons du pain sur la planche à ce moment-là.
Amicalement,
Samaël Enodril.
Mais je suis toujours parcouru de cette impatience indescriptible lorsque je reçois une lettre et que je peux sentir même sans l'avoir entre les mains que ce sera celle de mon correspondant Eossien. Je n'y prêtais pas forcément attention avant, mais je me sers de plus en plus de la sensibilité de mon odorat pour reconnaître des senteurs qui me sont devenues familières et sur lesquelles je peux désormais attribuer des visages, à défaut de noms, ou l'inverse. Mes sens s'affinent au fur et à mesure que je les utilise ; ce qui est pratique car j'ai de moins en moins de mal à m'en servir. J'ose davantage qu'avant. Je me sens progressivement plus à l'aise. J'ai appris à vivre avec, me rendant compte que c'était beaucoup plus simple d'accepter cette part de moi plutôt que de la rejeter en pensant que mon sang d'animorphe allait se rendormir. Mais c'est depuis que je l'ai embrassé, au contraire, qu'il a cessé de bouillir et de s'agiter, me laissant plus libre de mes mouvements.
Allongé devant le feu de cheminée alors que je caresse distraitement Smaug, les traits de mon visage se détendent dès les premières lignes, quand je reconnais à présent son écriture et sa manière de s'adresser à moi.
Ce qu'il dit au début est vrai. J'ai effectivement trouvé qu'il ne s'exprimait pas assez sur son ressenti personnel. Mais je ne pensais pas que cela allait me retomber dessus. Je suis surpris mais je ne réfute pas ses propos, car je le sais observateur et moi peu toujours conscient de mes propres actions. Je ne me rendais pas compte que je ne m'exprimais pas suffisamment sur ce qui me tracasse. Une habitude qui ne m'a jamais quitté, mais quand j'y pense, ce n'est pas faux que je ne me souviens que peu de moments où je me suis confié. J'ai longtemps cru que l'on me dénigrerait si je le faisais. Si je me le permettais. Si j'osais même émettre le moindre commentaire. On me disait que je devrais être reconnaissant envers la communauté. Je le suis. Je pense même que j'ai été plutôt docile. On ferait n'importe quoi, après tout, pour ne recevoir que quelques miettes d'attention. C'est sans doute ridicule mais lorsqu'on est affamé, bah on les prend quand même, les miettes. On ne fait pas le difficile. Je n'avais pas ce luxe de l'être. Je ne m'en offusque pas. J'ai quand même heureusement bien fini et je crois que j'ai, quelque part, une bonne étoile qui a veillé sur moi pendant une partie de ma vie.
C'est donc avec étonnement qu'il aborde le sujet de sa sœur quand je ne m'y attendais pas du tout. Il en parle peu, de sa famille. Je connais son cousin, Daichi (même si connaître est un bien grand mot) et j'ai rencontré sa mère (mais là encore c'est un bien beau terme), mais je ne connais son aînée que par le peu qu'il m'a dit sur elle. Je ne savais pas -ou plus- comment était leur relation entre eux. Mais pas si bonne que ça, de ce que je peux en déduire. Sinon, je crois qu'il en parlerait un peu plus.
Et j'ai apparemment eu juste sur Rosemarie même si on dirait qu'elle ne se souvient pas de moi, ou en tout cas n'a pas voulu en parler autour d'elle. C'est son choix, après tout. Même si elle m'a touché, je ne peux pas affirmer non plus que nous soyons extrêmement proches. En fait, je suis un peu intimidé par le fait de l'aborder à nouveau. J'ai eu l'impression de lui faire peur, l'autre jour. De m'être montré trop imposant.
De ce que je constate, en tout cas, le moine a l'air lui aussi plongé non pas forcément dans doutes, mais il a l'air de songer à certaines choses, à propos de la cité et de ce qu'elle nous cache encore. Et pourtant, le Shimomura est un de ceux qui parcourent les souterrains avec aisance en tant qu'Eclaireur. J'aurais cru qu'il connaîtrait tout sur tout. Mais c'est lui mettre beaucoup de choses sur les épaules.
Quand je reçois une lettre, c'est devenu mon rituel de lui écrire avant de dormir. Cela me détend et me repose. Et sauf en cas d'imprévu, je ne mets vraiment pas longtemps à lui répondre. Tant et si bien d'ailleurs que je n'ai pas vu le temps passer et que je viens de réaliser que cela fait plus de trois-quatre mois que nous nous écrivons.
Shimomura,
Pour le moment, la météo est des plus clémente. J'ose espérer que la tempête qui est tombée sur Altis était la dernière, mais je reste aux aguets au moindre changement climatique brusque. Je dois avouer toutefois que cela me touche que vous vous inquiétiez de la sorte à mon égard.
Je ne peux pas nier que je parle effectivement peu de moi ou des choses qui me tourmentent. Ce n'est pas une habitude que j'ai prise en grandissant, ma situation étant délicate. C'était impensable pour moi que je me plaigne un jour alors que je devais m'estimer chanceux que l'on me laisse tout de même une chance. Je ne sais pas non plus si on pourrait trouver un intérêt à ma propre histoire. Je me montre néanmoins curieux de celle des autres.
Mais je peux vous dire, si vous voulez savoir, que je crois avoir rencontré votre Rosemarie -s'il s'agit bien de la même- sur un marché il y a quelques mois. C'est un odeur que j'ai parfois reconnu sur vous. Je ne suis guère étonné qu'elle ne vous ait pas parlé de moi. Je ne suis en rien quelqu'un de mémorable ou qui vaille la peine qu'on se rappelle de lui. Du moins, Rosemarie fut si gentille qu'il ne vaut mieux pas que je l'importune davantage. Cette coïncidence reste cependant amusante et j'espère qu'elle se porte bien de son côté.
Vous m'aviez parlé de votre sœur, une fois, il y a un moment. Je ne la connais que par ce que vous m'avez dit d'elle, mais même si je n'ai pas grandi avec fratrie à mes côtés, je ne vois pas ce que vous voudriez faire d'autre que l'aider. Si elle ne s'en rend peut-être pas compte tout de suite, je suis sûr qu'elle finira par en prendre conscience. Mais les relations familiales sont souvent les plus compliquées et ce qui est arrivé dernièrement en Yggdrasil ne doit pas détendre tout le monde.
Vous semblez toutefois de plus en plus bousculés par certaines questions dont j'ignore souvent la nature, mais cette histoire d'interrogations, que ce soit à propos de la cité ou autre, n'est sûrement pas anodine. L'arbre en lui-même semble renfermer bien des secrets qu'il est le seul à détenir, et je pense que s'il veut un jour nous les partager, ce sera à lui d'en décider.
Je continuerai de prier Oros pour que les températures soient un peu plus douces, au moins jusqu'à mon retour. Ce dernier est prévu dans un peu plus d'un mois. J'espère que vous avez retrouvé les livres de cuisine dont vous me parliez, car nous aurons du pain sur la planche à ce moment-là.
Amicalement,
Samaël Enodril.
Spoiler :
Natsu et Sam by Coba <3