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  • See you letter ~ entre novembre 1001 et mars 1002
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    Le dragon n'est plus, miracle est arrivé. Yggdrasil a protégé sa cité. Des mois de siège éreintant cessent, la ville millénaire respire à nouveau. Chaque soir, sous la lueur émeraude et bienveillante du grand arbre, les éossiens fêtent et célèbrent ceux tombés au combat. Après tant d'épreuves, la ville semble reprendre vie...
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    mood du rp dessiné par Rara :


    La neige Altissienne me manquait. Les montagnes recouvertes de ce blanc manteau se dessinent à l'horizon au travers de ma fenêtre. Je suis revenu au bercail avec les honneurs lorsque tout le monde apprit pour mon nouveau grade de Général. Un titre que je suis plus que fier de porter, encore plus sur ces terres qui m'ont vu naître et grandir et que je peux servir d'une manière importante à présent. Rêveur, mes yeux se laissent porter sur les flocons qui tombent devant la vitre. Il est bientôt l'heure de dormir car il se fait déjà tard. A mon bureau, toutefois, une activité me laisse éveillé. J'ai décidé d'écrire une lettre. Pas à Faust puisque je lui en ai envoyé une il n'y a pas longtemps. Pas à Gabryel non plus puisque je ne sais pas s'il a reçu celle que je lui ai déjà envoyé. Attention portée sur la feuille encore vierge de quelconque écrit, je tapote sur la table avec ma plume comme si cela allait me permettre de trouver plus vite l'inspiration. C'est que je suis un peu fébrile d'envoyer une lettre à quelqu'un que je connais mais dont la relation est particulière. J'ignore si nous pouvons nous appeler des amis. Ce n'est pas le bon mot. Ou du moins j'ai du mal à me le figurer encore. Mais notre lien est encore différent d'une amitié. En tout cas, j'apprécie quand même de passer du temps en sa compagnie ; ça c'est une certitude. Je me suis dit que ça lui ferait peut-être plaisir que je lui écrive. Ou pas. Peut-être qu'il va me trouver idiot de le faire. Je ne sais pas. Il n'y a qu'un moyen de le découvrir, j'imagine. Bon, tant pis si ça ne passe pas. S'il ne me répond jamais. J'aurai essayé. Alors enfin je m'y mets et je laisse mes pensées vagabonder ici et là, prenant dans l'encrier ce qu'il me faut de noirceur afin de coucher sur ce papier ce qui me vient en tête.


    Cher moine Shimomura,

    J'espère que vous pardonnerez la maladresse de cette lettre. Je souhaitais vous écrire sans savoir comment m'y prendre, mais sachez que j'assume le ridicule que ces lignes pourront me donner.
    J'espère aussi que vous et votre cousin vous vous portez bien. Depuis quelques jours, me voilà de retour à Altis. Il neige tellement ici qu'il est devenu impossible de distinguer le sol, mais les paysages sont magnifiques. J'espère qu'un jour, j'aurai l'occasion de vous y emmener pour que vous découvriez un peu Altissia. Les chauvins sont rudes quand on ne les connaît pas, mais ils restent très chaleureux sous leurs bons jours et tout le monde s'entraide. Je pense qu'il y a certains principes ici qui ne vous déplairaient pas. Si je peux me le permettre, toutefois, je me suis rendue compte que la ville d'Yggdrasil m'est devenue aussi chère que la capitale montagneuse. Parfois, même, la cité me manque même si je sais que j'y retournerai bientôt. Mais si j'aime mes territoires natales, les différentes cultures autour de l'arbre en font aussi sa richesse.
    Maintenant que nous avons signé le traité de paix avec Caldissia, le pays nous est ouvert plus favorablement. Je n'y suis pas encore allé, mais cela me fera étrange de visiter ces terres qui rimaient autrefois avec champs de bataille. Mais je ne peux qu'être ravi de savoir que mon excursion là-bas ne sera plus pour faire couler le sang. En dépit de ce que j'ai pu penser des Caldissiens, je sais que leur pays est aussi très prospère, et doit être beau à voir.
    Je m'excuse si c'est déplacé de vous parler de voyage quand vous ne pouvez pas encore quitter l'enceinte de la cité. Pour me faire pardonner, permettez que je vous envoie une copie de mon sceau. Cela vous permettra au moins d'envoyer du courrier en-dehors d'Yggdrasil, où vous le souhaitez.

    Amicalement,

    Général Samaël Enodril.


    ______________________


    Spoiler :

    Natsu et Sam by Coba <3

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    Les dernières feuilles d'automne ont fini par tomber. Quand l'hiver arrive, Yggdrasil se découvre et délaisse son manteau pour ne conserver que quelques manches rapiécées, comme si il était pris de fatigue. Comme chaque année, il nous faut donc attendre le retour du printemps en conservant nos ressources et en faisant sans la protection qu'il nous offrait ordinairement du vent et des grandes pluies. Chaque hiver est l'occasion d'une série de rites et de prières dédiées au remerciement de notre arbre ; cette année ne faisait pas l'exception.
    Cela dit, c'était bien la première année où le sanctuaire était ainsi entouré de gardes. Où les racines d'Yggdrasil étaient surveillées par des troupes de militaires aux abois, toujours bien tendus depuis l'incendie. Voir autant d'éossiens réunis dans un même lieu ne les met pas en confiance ; et pour être tout à fait honnête, cela m'amuse assez. Il y a quelque chose de particulièrement plaisant à voir une petite frappe s'inquiéter soudainement des conséquences de ses actions.

    Pourtant, j'ai bien peu de temps à y penser plus que ça. Entre les célébrations à tenir et les réunions nocturnes des éclaireurs, mes journées et mes nuits sont bien chargés ; mais puisque je ne quitte quasiment plus le sanctuaire, personne ne s'en est rendu compte. Enfin, si. Daichi le sait.

    « Tu as du courrier. »

    L'énonciation que fait mon cousin me tire de mes ouvrages, tout juste éclairés par la lueur des bougies. La nuit est tombée depuis un moment, alors je m'étonnais déjà de le voir dans mon bureau à des heures pareilles. Nous nous voyons peu depuis que je suis officieusement parti de chez lui. Je ne passe plus qu'exceptionnellement, pour voir les enfants et montrer que je suis encore en vie, j'imagine : alors sa présence était inhabituelle. Il était encore plus étrange que ce soit pour me dire ça.
    Je n'ai pas l'habitude de recevoir des lettres. Il faut dire qu'il ne s'agit pas d'une habitude très courante par chez nous ; nos échanges épistolaires, avant la Chute, étaient bien peu nombreux. Après tout, la cité n'est pas si grande. Et une fois les élysians arrivés, nous n'avions de toute manière pas le droit de converser avec les habitants des autres villes, donc la question ne se posait pas.
    Qui pourrait... ?
    Perplexe, je saisis la lettre en la dévisageant un peu, comme si je cherchais à reconnaître l'écriture qui porte pourtant bien mon nom. Je reconnais aux inflexions particulières de calligraphie les élysians de l'ouest. Mes sourcils se froncent.
    … Quelqu'un d'Altissia ?
    Sur l'instant, je ne tique pas tout de suite. Il me faut une ou deux secondes, avant que mes sourcils ne se haussent franchement et que mon expression ne se pare de surprise.
    Ne me dites pas que...
    Je me retiens d'ouvrir sur le champ pour confirmer mes soupçons, uniquement retenu par le regard que pose Daichi sur moi. Il ne dit rien. Il semble au contraire m'examiner, même. Comme si il attendait quelque chose de moi, une réaction particulière. Je m'efforce de rendre ma mine aussi neutre que possible.

    « … Merci, Daichi. »

    Je la pose à l'écart avec peut-être plus de raideur que je ne le voudrais. Je ne saurais pas dire pourquoi, et cela m'agace, à vrai dire. Mais je crois voir quelque chose dans son regard morne un... Amusement. Je jugerais qu'il trouve cela très drôle, de me fixer avec cette mine complètement imperturbable.

    « De rien. Bonne soirée, pense à te reposer. »

    Je le salue d'un mouvement de tête, mais je meurs sur l'instant d'envie de lui envoyer ma chaise au visage. Et un pareil accès de frustration ne m'était pas arrivé depuis un moment.

    J'attends que la porte se ferme. Je prends plusieurs secondes, comme pour m'assurer qu'il ne revienne pas d'un instant à l'autre. La situation, autrement, serait embarrassante. J'imagine. Non. Elle n'aurait pas de raison de l'être.

    Sûrement pas car je me suis ensuite dépêché d'ouvrir pour vérifier que j'avais bien raison. Et uniquement ça.
    … 'Moine Shimomura' ? Il m'a pris pour un saint ?
    Perplexe, je lis sans un mot, passant d'une ligne à une autre en étant toutefois parcouru par un mélange étrange de confusion et d'une autre pensée parasite que je n'identifie pas spécifiquement. Je ne comprends pas spécifiquement pourquoi il m'écrit en soi, mais je saisis encore moins pourquoi il me parle des paysages d'Altissia ; et mes sourcils manquent de quitter mon front à un certain passage.
    … Comment ça, m'emmener à Altis ?
    Une demie-douzaine de questions passent dans ma tête, pour peu dire. Je ne l'ai jamais entendu exprimer ce genre de pensées jusque lors, et pour tout dire, sa manière d'écrire est assez différente de sa manière de parler. Mais, pour être honnête, ça ne me surprend pas plus que ça. Il n'est pas particulièrement honnête à l'oral ; et j'ai la sensation qu'il l'est plus à écrit. Enfin. Un intuition, ou une idiotie comme ça.
    Je termine de lire en silence, ne trouvant pas plus de réponses aux questions que je peux me poser.  Je suis juste curieux de trouver effectivement un sceau dans l'enveloppe. Mais pourquoi est-ce qu'il...
    Ah. Ah.

    Il s'attend à ce que je réponde. La pensée me fait m'arrêter sur le coup, étonné et sincèrement perdu, ne sachant ni comment le prendre, ni comment réagir en soi. S'agit-il d'une politesse, pour ne pas que je me sente vexé de ne pas pouvoir répondre ? Je ne vois pas pourquoi il le fait. Pourquoi déjà prendre le temps de me contacter ? Je ne peux pas lui poser la question et je ne le ferai jamais, mais elle me taraude sans que je ne veuille non plus avoir une réponse.
    Je reste un moment à fixer la lettre, sans arriver à une pensée ou à un ensemble de réponses qui ne me satisfassent. Mes pensées ne taraudent sans être productives. Cela m'agace.
    Oh, et puis...

    D'une traite, j'ouvre un tiroir pour en sortir un encrier encore plein et une plume immaculée. J'en tire également du parchemin, que je déroule avant d'arrêter ma plume sur un coin du tissu. J'hésite un instant sur l’appellation. Hors de question de le nommer par son titre. Le prénom, pourtant, serait trop personnel.

    Enodril,

    Excusez la brusquerie de ma réponse, mais je dois avouer ne pas avoir coutume d'écrire. Nous n'avons pas cette habitude et le besoin en Yggdrasil qu'ont ceux des cités plus lointaines. Ainsi, les correspondances ne constituent par exemple qu'une infime partie de nos corpus sacrés, contrairement à ce que j'ai pu entendre de votre religion et de celle des caldissiens.
    En effet, nos coutumes divergent sur ce point. Ironiquement pourtant, je crois que les altissiens d'un côté et de l'autre du continent échangent plus entre eux que deux habitants d'un quartier opposé ne le faisaient chez nous auparavant. J'imagine, en ce sens, que la proximité créé de la distance par la paresse et que l'inverse est tout aussi vrai.

    Je ne peux en revanche que vous croire quant aux paysages d'Altissia, que je connais principalement par les livres d'images que nous avons récupéré récemment lors de la Grande Foire. Je dois avouer être particulièrement curieux de certaines variétés de plantes qui, ironiquement, ne survivent que par les grands froids ; je pense par exemple aux Glas des Givres, ces fleurs qui sont apparemment utilisées pour traiter les grandes brûlures, à l'écorce de Tisonnier d'Argent, qui soulage le cœur, et enfin aux mûres des cimes, dont on nous a conté les miracles contre le scorbut, mais plus particulièrement leur goût. Je ne peux me prononcer quant aux principes dont vous parlez, mais je ne puis vous contredire, n'en ayant pas moi-même l'expérience. Si un jour la possibilité se faisait pour moi de pouvoir faire une brève incartade hors de la cité, sûrement réfléchirais-je à votre proposition.


    Non, non. On retire ça, je ne vais pas...
    J'hésite. Je suis embarrassé à l'idée de l'écrire, mais en même temps... Je ne peux pas ignorer ce qu'il a dit, ce serait impoli. Et en même temps, je n'ai pas envie de refuser non plus. Ce n'est que des hypothèses, mais je trouve l'idée de l'évoquer... Disons que je ne suis pas le plus à l'aise. Je m'empresse presque de sauter sur un autre sujet.

    Pour autant, j'ai avec nous au sanctuaire un certain nombre de livres qui parlent de Caldissia ; j'imagine que je pourrais vous les prêter, si d'aventure vous désiriez vous renseigner davantage avant de vous y rendre. Ils contiennent tant d'informations que je suis moi-même étonné de leur richesse : je me demande si, à tout hasard, ils ne proviendraient pas de Caldis. Les enluminures me semblent en effet trop colorées pour être altissiennes, ou du moins cela ne serait pas cohérent avec la qualité de la reliure : les colorants étant plus accessibles dans le royaume, il n'est pas étonnant d'en voir dans des ouvrages de qualité même moyenne, en comparaison avec les livres altissiens qui en sont souvent dépourvus pour les plus modestes.

    Je ne me rends pas compte que je digresse, que je pars dans des détails qui sont pourtant sûrement barbants. Mais encore une fois, je n'ai pas l'habitude d'écrire de lettres ; alors je n'ai pas d'idée particulière sur ce que je suis supposé y mettre. Je suis la direction de mes pensées d'une manière qui m'est inhabituellement instinctive, mais c'est encore ce qui fonctionne le mieux.
    J'arrive toutefois à la fin de mon flux. J'hésite sur les derniers mots, ne sachant pas si je dois les ajouter ou non.
    Si il m'a donné son sceau, en un sens...
    Pour éviter à mon cousin d'avoir à faire le transport, et car je pense qu'il serait plus sage que les autres moines n'en aient ouïe, vous trouverez dans la même lettre l'adresse à employer si par le futur vous souhaitiez me contacter. Il s'agit de celle d'une amie de confiance, altissienne, que je vois régulièrement.

    Mes joues prennent quelques couleurs alors que je repose ma plume dans l'encrier. Maintenant, j'imagine qu'il faudra que je me remercie Rosie d'avoir accepté de me servir de boîte aux lettres...
    La fin me pose quelques difficultés. 'Amicalement' ? Est-ce que ça n'implique pas de l'amitié ? Mais encore une fois, lui ne semble pas l'avoir employé en ce sens. Je reste embarrassé pendant quelques secondes, n'arrivant pas à me décider, avant de finalement me réfugier vers quelque chose de plus neutre. Il n'y aura plus qu'à l'envoyer demain à l'aube. J'imagine qu'elle arrivera dans cinq à six jours...

    Cordialement,
    Natsume Shimomura.

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    Natsu grogne et fixe des fleurs en #8A4B08

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    Oui, j'étais... Fébrile. A l'idée de recevoir une réponse, tout d'abord. Puis ensuite à l'idée de ce qui pouvait se trouver dans cette dite réponse si jamais elle me parvenait. Si jamais il décidait de renvoyer un courrier pour poursuivre ce début de correspondance. S'il l'accepte, tout d'abord. Les jours se sont succédés tout à fait normalement comme si de rien n'était, mais au fond, mes pensées étaient tournées sans cesse vers cette lettre que j'avais envoyé. Quand il allait la recevoir. Comment il réagirait en la lisant. Est-ce qu'il déciderait d'y donner suite. Des questions qui m'ont taraudé sans que je puisse en parler à qui que ce soit. Cela m'a même parfois tenu éveillé tard dans la nuit. Je me demandais d'ailleurs ce que Shimomura faisait de ses propres journées à lui. S'il était au temple. Comment il allait. Est-ce qu'il était heureux. Nerveux et impatient, j'ai préféré en fait me dire qu'il avait été trop gêné par ma lettre pour y répondre. Jusqu'à ce que le facteur me fasse parvenir un jour un courrier bien spécial. J'ai failli me jeter sur lui quand il m'a tendu le morceau de papier, le prenant presque comme un malpropre, avant de lui souhaiter quand même bonne journée et de m'enfermer dans ma chambre pour en lire le contenu.
    Je dois calmer mes ardeurs et surtout mon agitation car dès que je lis mon nom, j'ai l'impression qu'il ne va pas me dire des choses plaisantes. Mais je me rappelle aussi qu'on ne s'est jamais vraiment adressé par nos prénoms, et jusque là, ça ne me semblait pas si bizarre. Sur papier, c'est un peu différent, maintenant que j'y pense. Sans plus tarder, mes yeux vagabondent sur le reste. Je lis ses mots religieusement, comme s'il s'agissait d'un texte sacré très important. Il évoque ce que je crois être un semblant de désir d'arpenter les routes Altissiennes. En dépit de l'avis qu'il a des habitants d'Altissia, je devine qu'il reste curieux de voir à quoi ressemble le pays. L'idée de venir en visite ici n'est pas écartée, de ce que je comprends à ses paroles. Il faut juste... qu'il y soit autorisé. Ne puis-je rien faire contre ça, d'ailleurs ?..
    Il veut bien même que j'emprunte quelques ouvrages sur la question de Caldissia. Je me trouve flatté de cette attention quand j'ai l'impression qu'il ne proposerait pas ça à n'importe quel militaire rouge qu'il croiserait. Cette lettre me fascine tant que je la relis plusieurs fois. Inconsciemment, un sourire s'est étendu sur mes lèvres. Mince, car je n'ai pas vraiment fait exprès, mais cela suffit pour qu'on trouverait ça bizarre que je réagisse pareille à une lettre qui ne viendrait pas de quelqu'un de très proche de moi. Et pourtant, s'il y a une chose que je sens et que je distingue, c'est que ça me fait plaisir qu'il m'ait quand même répondu. Moins hésitant que la première fois, je me redresse pour chercher plume et encrier afin de lui répondre. Puis, en relisant une nouvelle fois ce qu'il m'a adressé, je réalise deux choses : la première est que j'aurais quelque chose à aller chercher avant de lui répondre, et la seconde c'est que l'adresse qu'il m'a indiqué ne m'est pas inconnue. Serait-ce la même... Non, impossible... Si ?..
    Mon désir de lui répondre tout de suite est effacé au profit d'une volonté. Celle de partir en chasse de quelques herbacés.
    Mais il ne me faut pas longtemps avant de pouvoir me mettre à lui répondre tout à fait, s'étonnant à l'occasion de mes gestes plus précis et rapides autour de la plume. Je change également quelques tournures de phrases afin de coller à ce qu'il m'a délivré, ne voulant pas le mettre mal à l'aise avec des formulations maladroites.


    Shimomura,

    Pour être honnête, je ne savais pas si vous alliez vraiment me répondre, mais vous lire n'est nullement désagréable. Je suis toutefois surpris d'apprendre que les Eossiens n'ont pas pareille coutume alors qu'ils semblent aussi solidaires entre eux que les Altissiens. Je ne doute pas néanmoins que les liens entre eux ne doivent pas être moins forts pour autant. J'ai encore beaucoup à apprendre à leur contact -et au vôtre- quant aux différences qui régissent entre les peuples et les ressemblances qui s'y trouvent. Mais il y a quelque chose de fascinant à comparer les coutumes quand les graines que nos ancêtres ont planté pour former Altissia et Caldissia proviennent en fait du même arbre et que ses fruits se sont entredéchirés des années durant. Si vous avez donc en effet quelques ouvrages intéressants sur Caldissia et Caldis, je les emprunterai volontiers, plus encore si vous me les conseillez. Et si les Caldissiens n'y sont pas dépeints d'une mauvaise manière, il est en effet impossible qu'il s'agisse d'ouvrages d'Altissia. Mais il me tarde de vous montrer que nos montagnes majestueuses n'ont pas à jalouser les oasis resplendissants de nos voisins du sud, et surtout de vous montrer à quoi ressemblent les fameux mammouths si célèbres chez nous.
    Encore faudrait-il que vous supportiez toutefois l'alimentation locale qui est assez différente de la nourriture traditionnelle Eossienne dont vous m'aviez parlé une fois. Je ne sais si vous vous êtes déjà aventuré dans une auberge Altissienne que l'on trouve à Yggdrasil mais je pense que nos soupes et ragoûts pourraient vous plaire. Je connais d'ailleurs un très bon cuisinier qui pourra vous faire découvrir des merveilles de chez nous.


    "Et peut-être pourrais-je vous y amener", ai-je manqué d'ajouter. Mon cerveau a bugué un court instant avant de rayer ce début de phrase pour ne pas éveiller de soupçons. On serait étonné pourtant de mon écriture que je soigne tout particulièrement quand j'écris, aimant l'élégance de l'écriture cursive. Cela fait un peu tâche. Zut. Je tente de palier le tout en dessinant par dessus, et bientôt, au milieu du texte, une zone avec des montagnes faites à l'encre de plume se dessinent. Cela cache un peu la grossièreté de la rayure.

    PS : Je vous ai envoyé avec cette lettre quelques échantillons des fleurs dont vous me parliez, puisque certaines d'entre elles ne poussent qu'en cette saison hivernale. Je vous montrerai un jour les coins où elles fleurissent le plus, si vous le désirez.

    Je regarde la lettre devenue colis. Je ne connaissais pas certaines plantes dont il a parlé mais me suis renseigné afin de lui apporter ce que je pouvais. Il ne me demandait pas spécialement de les lui envoyer mais... ça me faisait plaisir de le faire. Il ne peut pas venir ici, après tout. Alors j'aimerais lui apporter un peu de ce qu'il y a ici, comme s'il avait pu fouler cette terre enneigée.

    Amicalement,

    Samaël Enodril.



    ______________________


    Spoiler :

    Natsu et Sam by Coba <3

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    Je n'avais jamais envoyé de courrier jusque là, alors cela n'a pas été évident en soi. Pourtant, quand le messager a remarqué le sceau sur ma lettre, il a tout de suite changé de registre de langage ; et je vous assure que cela m'a tellement dégoûté que j'ai prié pour ne pas avoir à le refaire, que mon correspondant m'ignore et ne décide pas de me contacter à nouveau. Cela m'aurait évité, en plus, d'avoir à réfléchir à la raison qui me pousse à ne pas le faire.
    Les jours passent. Décembre approche, et avec lui les premières journées plus froides de l'année. Le sanctuaire, en revanche, est plus actif que jamais ; je vois les visages de ceux qui n'ont nulle part où aller se multiplier. Nombre d'entre nous n'arrivent plus à payer leur pain ; et ceux qui ne peuvent vivre dans le logement auquel ils ont été assignés ne peuvent pas rester dans le froid. Le sanctuaire, toutefois, ne sera bientôt pas assez grand. Il nous manque les terres et les bâtisses que nous possédions fut un temps dans la Ville-Haute, mais qui ne sont plus entre nos mains. Alors il faut faire avec, serrer les gens. Les mettre en ligne pour distribuer ce que nous arrivons à récupérer des nôtres même si les dotations se font plus rares. Les journées sont longues ; les nuits d'autant plus. Je ne vois pas les jours s'écouler.
    Le matin, toutefois, lorsque je me lèvre à l'aube, je pense distraitement au fait qu'il doit faire bien plus froid en Altissia.

    J'avais presque oublié cette histoire, inconsciemment ; et lorsque Rosie me remet une boite remise par un messager, je suis d'autant plus surpris, au delà du seul fait qu'Enodril ait visiblement décidé de m'écrire à nouveau. En bredouillant des remerciements, je finis donc par ramener la boite dans mon bureau, non sans être aussi confus que curieux. Ne me dites pas qu'il n'avait plus d'enveloppe... ? C'est en tous cas la seule théorie qui fait sens sur l'instant.

    Je l'ouvre sans un mot, les sourcils froncés et la mine perplexe. Mes joues se couvrent toutefois immédiatement de rouge quand je découvre ce que j'y trouve, inondant mon visage d'une chaleur qui me fait éloigner mon regard tout de suite, comme si cela allait empirer la situation.
    Mais... Mais quel... Crétin !
    J'ignore pourquoi je réagis ainsi alors que la sensation chaleureuse dans mon poitrine indique pourtant tout le contraire de mes pensées. L'impression est étrange. Je ne comprends, en revanche, pas pourquoi Enodril a pris la peine de récupérer toutes ces plantes ; et je suis tellement confus que cela m'agacerait presque. Croyait-il que c'était une demande de ma part ? J'espère que non. Embarrassé, je me promets intérieurement de ne plus rien mentionner de similaire. Cela pourrait arriver de nouveau, et je souhaite déjà disparaître sur place alors que je n'ai même pas encore lu son courrier.

    Prenant mon courage à deux mains et évitant soigneusement de trop regarder le contenu de la boîte, je finis par déplier le courrier pour commencer à le lire. J'en profite d'ailleurs pour me poser à nouveau sur mon fauteuil et me mettre à l'aise.
    … Tiens, le « moine » a disparu. Il essaie de coller à ma manière d'écrire... ? Peut-être que... Ah, oui, la signature a changé aussi.

    Je passe d'un extrême à l'autre de la lettre, curieux de ce changement un instant, avant de finalement me retourner vers son contenu. Mes oreilles prennent quelques couleurs face à son premier commentaire.
    Yggdrasil, je préférais quand il était malhonnête, finalement.

    Le voilà, toutefois, qui revient sur sa proposition de la dernière fois, à ma surprise, ce qui me fait tapoter du pied nerveusement au sol, comme pour me défouler de la montée d'incertitude que cela fait remonter chez moi.
    'Il me tarde' ? Comment ça ? 
    Je devrais peut-être ne pas me poser autant de questions, il est vrai.

    Je suis étonné, par ailleurs, que son écriture soit aussi appliquée. La cursive n'est pas simple à lire pour nombre d'entre nous, habitués à un espacement très réduits et une utilisation des caractères bien plus rigoureuses. Au-delà, je l'aurais cru plus adepte des pâtés et autres tâches, tiens. Je m'amuse toutefois de constater qu'il a déguisé une rature sous un paysage montagneux. L'observation me tire un sourire amusé. Distraitement et sans m'en rendre compte, je me dis que je le reconnais bien là.

    C'est finalement à la fin qu'il mentionne le contenu de la boite, et je ne peux pas m'empêcher de couvrir mon visage d'une main en grommelant, embarrassé et ne sachant comment réagir. Dans un soupir, presque exaspéré par sa... Gentillesse.... ? Pourquoi le suis-je ? Si c'était pour quelqu'un d'autre, je trouverais que c'est un trait honorable. Qu'est-ce qui est différent ?
    Dans tous les cas, je ne lui réponds pas tout de suite. Ou du moins, je pose volontairement le courrier sur le côté, comme pour éviter d'y penser, choisissant plutôt de me focaliser sur un parchemin quelconque que je devais traduire pour une leçon de demain. C'est, en tous cas, ce que j'essaie de faire.

    Je n'y arrive pas. Malgré mes tentatives, les mots me brûlent la gorge : il me faut toutefois une heure ou deux pour me l'admettre. Pour, dans un soupir exaspéré et énervé, finir par déposer négligemment le parchemin sur le côté et finalement tirer, à nouveau, de quoi écrire.

    Enodril,

    La solidarité n'implique pas nécessairement l'amicalité : c'est en tous cas quelque chose que j'ai pu observer au sein des miens. Il est vrai que les différences culturelles sont profondes avec les caldissiens et les altissiens, mais je peux en revanche vous assurer que le goût pour les soupes et autres ragoûts a peut-être été hérité de notre cuisine.
    Il m'étonne d'ailleurs que vous ne l'ayez pas remarqué, mais les rues de notre quartier fourmillent de marchands de ragoûts et de bouillons, peut-être en revanche bien plus épicés que ce que vous connaissez. L'écuelle étant par exemple un plat que nous ne préparons que lors des fêtes familiales, j'imagine que vous ne pourrez pas y goûter aisément ; il faudra, à l'occasion que je dépoussière quelques vieux livres de cuisine. Nous en avons en effet peu, et ils sont anciens, car nous mettons peu sur parchemin nos coutumes.


    … Je viens de l'inviter à dîner, là, n'est-ce pas ?
    Je ne réalise qu'après coup ce que je viens de faire. Je m'arrête une seconde, les joues rougies par la gêne de ma hardiesse, bien que mon intention soit purement bénévolente. J'hésite à raturer, laissant ma plume planer sur les mots, le regard incertain. Mais, finalement, mon esprit réfléchit bien vite à une excuse.
    … Ce sera un remerciement pour la fois où il m'a invité à déjeuner chez lui.
    J'imagine. Il a sans doute oublié, mais c'est suffisant pour moi. Je reviens tout de suite sur un sujet quelconque.

    Par exemple, nous avions entendu parler de créatures semblables aux mammouths avant la Chute ; mais nous en connaissions les dires de nos ancêtres, si bien que lorsque venait le moment d'illustrer un ouvrage, nous les représentions comme d'immenses taureaux. Nous savons maintenant que ce n'est pas vrai, mais nous n'en avons en effet pas d'illustrations crédibles.

    Je ne peux, en outre, pas non plus ne pas évoquer le cadeau qu'il m'a fait. Et là-dessus, je cogite davantage. J'ignore quoi dire. J'ignore quoi dire, jusqu'à ce que mon regard ne s'arrête sur un objet gardé bien précieusement sur mon étagère, et qui fait passer dans mes yeux de étincelle quand je finis enfin par trouver une idée. Ma plume retrouve le chemin du parchemin.

    Je ne saurai toutefois pas vous mentir en vous disant que la peine que vous vous êtes donnés à récolter ces fleurs ne m'embarrasse pas ; je vous en remercie malgré tout.
    Vous trouverez avec cette lettre un peu de thé aux oeils-de-cerf que je prépare plus rarement pour quelques occasions. Je ne vous donnerai pas trop d'indications sur son goût, mais sachez que si vous le faites infuser à des températures différentes, vous pourriez être surpris.

    Cordialement,
    Natsume Shimomura.


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    Natsu grogne et fixe des fleurs en #8A4B08

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    J'espérais que le colis lui fasse plaisir. Qu'il pense à moi en découvrant les fleurs que je lui ai envoyé. Qu'il se dise... Eh bien, je ne sais pas trop, mais qu'il se souvienne qu'elles viennent de ma part parce que ça me faisait plaisir de les lui donner. J'espérais qu'il en soit flatté plutôt que gêné. Les jours se sont succédés normalement, mais je mentirais si je disais que je n'attendais pas avec plus de hâte encore de savoir si le moine allait à nouveau me répondre. Ou non. En tout cas, je suis désormais rassuré de savoir que ses courriers me parviennent bien et que le sceau a été utile. En fait, en le lui en donnant une copie, je voulais surtout lui signifier que, s'il le désirait, il pouvait envoyer des lettres à qui il voulait, désormais. Que je souhaitais lui donner un peu de cette liberté. Mais je comprends mieux qu'il ait pu trouver ça étrange que je lui écrive si les natifs ne sont pas accoutumé à le faire entre eux. Au moins, en tout cas, ça n'a pas l'air de le déranger en soit. Cela doit juste être... inhabituel pour lui. Ma dernière lettre ne l'obligeait pas à y répondre, toutefois. Qui me dit qu'il le fera ? Et pourquoi cela m'importe autant, surtout ?
    Comme si ça allait permettre à une potentielle lettre de me parvenir, je décide de faire comme si je n'attendais rien, me contentant de m'occuper de mes tâches habituelles. Mais j'ai bien du mal. Cela me hante quand même. Même s'il ne m'écrit plus en retour, j'ai besoin de savoir si oui ou non je vais recevoir à nouveau du courrier de sa part. Je voudrais me calmer. Penser à autre. Mais ça traîne un peu dans un coin de ma tête. De toute façon, je sais que je ne dois pas me dire que ça arriverait tout de suite. J'ai du temps. Du temps.

    Et cela m'était presque sorti de l'esprit. Jusqu'à un matin où on sonna à ma port pour me donner une lettre. Là encore je devais me faire à l'idée que ça ne devait pas forcément s'agir de lui, mais je reconnais aussitôt l'écriture sur l'enveloppe. L'écriture et l'odeur. Pas seulement celles de plantes, mais aussi la sienne, qui me rappelle aussi Yggdrasil et ce que j'ai vécu là-bas. Installé à ma chaise, j'ouvre sans plus tarder la missive pour y découvrir non pas juste un parchemin mais également des sachets qui ressemble à du thé ou de la tisane, qui sentent d'ailleurs plutôt bon. Mes joues se mettent à prendre des couleurs, flatté, lorsque je comprends aisément qu'il m'a retourné un présent, du moins je pense qu'il s'agit de ça.
    Alors je lis les premières lignes, ou plutôt je les dévore comme je le ferai pour un bouquin que j'adore, repassant même sur certains mots plusieurs fois pour être sûr de bien l'avoir compris, et à la fois pour savourer chaque lettre qui se dessinent sur le papier.
    Pour le début, néanmoins, je me sens tout à coup gêné de constater qu'il a raison. Maintenant qu'il l'évoque, je me souviens de certaines échoppes d'où s'échappaient des fumets qui me rappelaient parfois les ragoûts d'Altissia. Evidemment, puisque ce sont nos ancêtres, il y a des choses qui se ressemblent et qui paraissent logiques quand on y pense.
    Il doit me prendre pour un idiot...
    J'ai un peu honte de me dire que la cuisine d'ici n'a en effet peut-être pas grand chose d'exceptionnel quand on considère que, comme pour la cuisine Caldissienne, leurs origines se trouvent dans les mets Eossiens. Tout ce que j'ai mis dans mon courrier d'avant ne doit nullement l'impressionner...
    Surprise néanmoins quand il me dit qu'il ressortiras... les livres de cuisine.
    Il veut bien me les prêter ?.. Ou... Ou les cuisiner pour moi ?..
    Mon visage prend une nouvelle fois des teintes rouges et chaudes. Je ressens dans ma poitrine quelque chose d'agréable, sans pouvoir le décrire. Les recettes Eossiennes, on ne doit pas les partager avec n'importe qui, je présume. Surtout avec des Altissiens ou des Caldissiens. Alors qu'il me le propose... Cela m'honore.
    Tout comme cela m'honore qu'il se soit souvenu de notre discussion sur les mammouths, ou plutôt la brève description que j'ai pu lui en faire. Je l'avais oublié, d'ailleurs, jusqu'à ce qu'il me le rappelle dans ce message. Comme je l'imaginais aussi, le thé était bien un cadeau. Cela ne me laisse pas indifférent de l'imaginer en train de les mettre dans l'enveloppe avec l'objectif de me les offrir. Un sourire idiot aux lèvres, je regarde ledit thé avec émerveillement. Il m'est venu une idée. Mais avant ça, je dois d'abord aller à la bibliothèque.
    Smaug ne m'a jamais vu aussi enthousiaste, je crois, quand je reviens du magasin. Il sent que je suis de bonne humeur, et vient à moi pour quémander gratouilles et caresses que je lui donne généreusement même si je n'ai qu'une envie : répondre. Ce que je fais après quelques minutes de jeu en compagnie de ma boule de poils favorite.

    Shimomura,

    Pour des raisons évidentes, je n'ai jamais pu m'attarder sur les marchés Eossiens, quand bien même au sein des quartiers les odeurs m'ont bien souvent donné l'eau à la bouche, mais la dernière fois, un moine bien impoli m'a roulé dans la boue. Si vous retrouvez ces livres de cuisine, toutefois, je me ferai une joie de découvrir les recettes qu'ils renferment et pourquoi pas y goûter en votre compagnie.
    Est-ce que tout va bien à Yggdrasil ? Avec mon départ de plusieurs semaines, je n'ai pas pris de nouvelles de la cité dernièrement. Mais il y a des choses et des personnes là-bas qui commencent à me manquer. J'aime lire et écrire mais j'espère que mes lettres ne vous ennuient pas. Cela m'ennuierait que vous vous forciez à me répondre. Je peux aussi attendre de revenir pour que nous puissions nous voir. Je demanderai quand même à mon ambassadeur s'il n'y a pas un moyen que je puisse vous faire découvrir les paysages nordiques d'ici.
    En attendant, vous me direz des nouvelles des fleurs que je vous ai envoyé. Ont-elles bien les vertus que vous m'avez décrites ?

    Mon regard se reporte sur ce que j'ai acheté au magasin. J'emballe soigneusement ma trouvaille afin qu'elle ne soit pas trop abîmée dans le transport. Il sera peut-être étonné de recevoir un nouveau colis, mais lui qui aime la lecture... J'aimerais que cela le divertisse.

    PS : en parlant de livre, j'ai pensé à vous avec cette histoire de mammouth. Voici un ouvrage illustré traitant des créatures que nous pouvons trouver à Altissia, avec un dessin précis pour chaque espèce. Je ne sais pas si cela pourra vous être utile, mais au moins, les mammouths n'auront définitivement plus de secrets pour vous.

    Amicalement,

    Samaël Enodril.


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    Spoiler :

    Natsu et Sam by Coba <3

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    J'ai dû enterrer un enfant ce matin.
    Le cœur de l'hiver est arrivé. Le prix des céréales, du pain et de la viande a fini par monter : même la récupération de l'eau est devenue plus complexe. D'ordinaire, malgré les occasionnelles périodes de soudures et de disettes, nous arrivions toujours à nous organiser de telle manière à ce que personne ne souffre du froid et du manque de nourriture. Mais les règles, maintenant, ne sont plus les mêmes. Nous n'avons plus autant de stock, et une grande partie de la nourriture va d'abord à la ville-haute, puis aux élysians, avant que nous ne récupérions les restes à prix fort. Les adultes supportent mal, mais survivent ; pas les plus fragiles.
    J'ai demandé à un novice de me remplacer pour cette nuit de garde, en lui faisant savoir que je serais disponible, au besoin, dans mon bureau. Mais je n'arrivais pas à me concentrer. Mes pensées étaient parasitées, envahies par l'image de ce petit cercueil que j'ai fait descendre en faisant mine de ne pas entendre les cris de détresse de sa mère. Même alors que je passe un peu d'eau sur mon visage pour me garder éveillé, j'ai l'impression de les entendre encore résonner dans mes oreilles.

    Le colis est arrivé plus tôt dans la journée. Contrairement à d'ordinaire, en revanche, je ne l'ai pas ouvert tout de suite. Je l'ai mis de côté, sans y penser, trop préoccupé par ce que j'avais à faire. Les heures sont passées lentement et vite à la fois ; le soir venu, j'ai l'impression d'avoir déjà oublié tout ce qui s'est passé. Mais les images reviennent alors, comme des éclats, des piques qui font remuer une nausée désagréable dans ma gorge. Je me dis, sans doute naïvement, que cela me fera penser à autre chose.

    Je l'ouvre sans un mot, le silence du sanctuaire me paraissant plus lourd que d'ordinaire. J'y trouve en premier lieu en premier lieu un livre, d'une reliure dont je devine immédiatement la qualité au premier coup d’œil. Mes yeux ne s'illuminent pas à sa vue, toutefois. La mine morne, je l'inspecte quelques secondes, perplexe, avant de l'ouvrir pour le feuilleter distraitement mais avec délicatesse, mon regard s'arrêtant sur les croquis  de créatures d'Altissia que j'y trouve. Ils sont colorés, et d'une étonnante précision, comme si il avait été réalisés devant une bête immobile plutôt qu'en représentation d'une description. Je ne bouge pas sur l'instant. Je ne comprends pas le sens de ce que je crois comprendre être un cadeau, ayant un peu oublié nos échanges entre temps. Sur l'instant, la seule pensée est bien plus terne.
    J'aurais aimé que nous n'ayons jamais à connaître tout cela, maintenant.
    Ce n'est pas de sa faute. Et je sens dans son présent une gentillesse désintéressée qui n'a rien à voir avec l'amertume qui me parcoure, alors un nœud de culpabilité se forme dans mon ventre quand je me rends compte de mes propres pensées.
    Imbécile. Il n'est pas responsable de...
    Non, pas directement. Mais tout de même. Parfois, la réalité de nos situations me remonte violemment au visage. Parfois, j'oublie aussi le sens de ce sceau sur sa missive, ou du moins j'essaie de ne pas y penser. Je me mens à moi-même. Est-ce que je fais quelque chose de mal ? Est-ce que je ne tourne pas non plus le dos aux miens, quelque part ? Je n'ai pas envie de creuser pour trouver la réponse. Ces simples pensées font s'enserrer ma gorge, comme si elles allaient m'étouffer. J'hésite, sur l'instant, à laisser ce courrier à plus tard, quitte à ce que ça ne soit jamais. Je pourrais prétendre qu'elle s'est perdue en route. Plusieurs secondes passent, avant que je ne soupire lourdement et ne finisse par me décider à l'ouvrir. Je ne suis plus à ça près.

    Mes épaules se détendent légèrement, quasiment instinctivement. Comme si je baissais ma garde, l'espace d'un instant, le temps que mes yeux parcourent les mots, parcourent une écriture que je commence à reconnaître si bien que je peux même deviner les moments où ce dernier a dû remettre de l'encre sur sa plume par les irrégularités qui s'y trouvent. Ses premiers commentaires me tirent un rictus désabusé et las, faisant note de ne pas lui dire que même dans un marché, il y a de fortes chances qu'il ne goûtera pas à la plupart de nos plats ; il arrive souvent que les marchands donnent les assiettes les plus maigres aux élysians, pour économiser et en garder davantage pour les nôtres. Ce n'est pas leur faute et ce n'est pas juste, mais nous n'avons pas vraiment le choix. Rien de tout ça n'est juste.
    Il est vrai, toutefois, que je l'ai bousculé, la première fois. Je ne le regrette toujours pas, d'ailleurs, mais je ne crois pas ressentir dans sa voix une vraie forme de reproche, malgré son ton : il semble plutôt plaisanter. S'en amuser, là où il s'était indigné comme un coq il y a bientôt huit mois. Je me demande, parfois, si une partie de lui a compris ce qui s'était joué sur jour-là et si il n'aurait pas quelques regrets. Est-ce ce que je pense connaître de lui, ou est-ce que c'est ce que j'aimerais croire ? Je n'en sais rien. Sans doute un peu des deux, si j'en arrive à l'inviter à dîner comme je l'ai fait ; j'avais presque oublié cette histoire, à vrai dire. Maintenant, ça me semble d'autant plus ironique.

    Devant sa question sur l'état d'Yggdrasil, toutefois, ma gorge se noue. Ma main se serre contre le parchemin dans un réflexe mêlant frustration et peine. Oui, tout va 'bien', ici. Tout va bien dans la dans le quartier des loisirs, dans l'immonde quartier des armes qui a supplanté nos jardins communs, tout va bien dans le quartier des affaires, et tout va très bien dans la Ville-Haute, en dépit de leurs pleurnicheries. Il n'y a bien que dans la Ville-Basse, que la situation est plus minorée.  Tout va bien, sauf pour nous, qui supportons toute la dureté de l'hiver à la place des autres. Mais est-ce vraiment la question ? Sommes nous-mêmes comptés comme une part d'Yggdrasil, à force ? Ou plutôt comme des parasites dont on tolère juste la présence par faute de mieux ? Je ne sais pas.
    Ce n'est pas ce qu'il voulait dire, du tout. Je crois sentir dans son écriture une forme de curiosité sincère, mais comprendrait-il même ce que cela veut dire ? Est-ce que cela servirait même à quelque chose, de le dire ? Non. Je ne crois pas. Je me demande, à le lire, si je ne ferais pas que brouiller ce qui doit sans doute être une distraction pour lui. Mais je ne comprends pas son insistance à tenter de me faire quitter les Grands Murs. Quel est l'intérêt, pour lui ? Pourquoi même continuer de m'écrire, si ce n'est pas juste pour s'occuper... ?

    La gorge nouée, je repense toutefois aux fleurs qu'il m'a envoyé lorsqu'il les évoque. C'est bien ironique, d'ailleurs. Les oeil-de-givre soulagent les brûlures et non les affres du froid. Mais je vois et je sens à ses mots qu'il était simplement heureux que cela soit utilisé. Qu'il a pris la peine de trouver un ouvrage rare afin que je puisse y trouver des dessins détaillés, des dessins de mammouth, même. La première fois qu'il m'en avait parlé, j'avais eu l'impression de voir une toute autre personne que le capitaine arrogant et imbus de sa personne que je n'avais pas eu de remords à envoyer au sol.  Il avait une curiosité, un enthousiasme, une volonté de partager et de faire découvrir à d'autres ce qu'il trouvait fascinant ; une bienveillance, une gentillesse et une humilité qui m'avaient pris de surprise. J'avais été presque sous le choc, pendant quelques secondes.
    Et en le lisant, je n'ai pas l'impression d'avoir face à ce moi le général d'une armée que je haïs viscéralement.

    Mes doigts se serrent. Un poids dans ma poitrine s'alourdit, tombe jusqu'à mes poumons ; ma respiration s'est arrêtée l'espace d'un instant. Je sens mes yeux qui commencent à me piquer. Je m'en veux, mais ce n'est pas la seule raison de mon état. Je le sais. C'est l'amertume de toute cette journée qui me retombe d'un coup entre les tripes, comme si c'était soudainement tombé. Je suis ridicule. Je pose le courrier un instant, effaçant rageusement les larmes qui veulent malgré moi sortir et que je rejette presque violemment, m'essuyant les yeux avec vigueur.  Non. Non, ça ne doit pas...
    Je ne lui réponds pas le soir-même. Il me faut deux jours pour que je me décide finalement à reprendre ma plume, à l'aube d'une matinée.

    Enodril,

    J'ai employé une partie des fleurs que vous m'avez envoyé à la préparation d'onguents apaisants pour mes patients souffrant de brûlures au long terme. Leurs retours ont été particulièrement positifs : leurs plaies sont devenues bien plus supportables. Je ne peux que vous remercier en leur nom et dans le mien.


    Le feraient-ils, si ils savaient d'où venaient leurs médicaments ? Je ne peux pas dire. Mais de mon côté, je sais que c'est vrai. Il n'avait pas à le faire et ça n'a pas été fait pour une autre raison que parce qu'il m'apprécie. Je le réalise, maintenant. Je ne le comprends pas, mais c'est un fait. En même temps, que nous ne puissions profiter des médecines élysiannes que par le biais de dons a quelque chose de désagréable à saisir. Je vois tant de visages passer, et tant de leurs expressions pourraient être soulagées avec bien peu.

    De même, je vous remercie pour l'ouvrage que vous m'avez fait venir. Je pense l'utiliser auprès de mes élèves, afin que leur éducation sur ce point soit plus riche que n'a été la nôtre. Je suis en revanche gêné de ne rien pouvoir vous envoyer en retour, nos ouvrages étant soumis à un strict protocole pour les prêts. Sachez toutefois que je me porte garant si jamais vous en aviez besoin.

    Je me garde de dire que je prétendrais les avoir pris pour moi-même. Les autres moines n'ont vraiment pas besoin d'entendre parler de tout ça. Surtout pas en ce moment. J'hésite, d'ailleurs, à mentir. Prétendre que tout va bien. Ma plume plane sur le papier sans que je n'arrive toutefois à le faire, au final. Je n'en ai pas l'énergie.

    Je ne peux en revanche prétendre que tout va bien.

    Disons plutôt que je ne veux pas.

    L'Hiver a toujours été une période rude, mais les restrictions, le manque d'accès à des terres cultivables, la cherté et la pauvreté sont bien plus rudes à combattre qu'une simple disette ou période de froid comme nous avions l'habitude de connaître. Le sanctuaire est plein de l'aube à la nuit tombée. Nous tentons d'endiguer le mal, mais nous ne pouvons que tenter de traiter de les conséquences. J'ai la chance d'être plus privilégié que mes pairs par mon statut, mais même cette pensée me révulse sincèrement. Il me semble presque devenu obscène de prendre trois repas complets par jour.

    J'hésite à raturer. Je ne me plains pas, mais j'ai la sensation qu'il risque de me faire une remarque là-dessus, mais en même temps... N'est-ce pas vrai ? Je n'arrive même plus à finir mes parts de fruits. Je les garde pour les enfants que je vois la journée, me contentant du minimum pour que mon corps et ma magie puissent être aussi efficaces que possible.

    J'ose espérer que les températures plus clémentes de ces dernières journées vont faire diminuer le nombre de malades, mais l'hiver n'est encore qu'à son début.

    Il ne semble pas que le reste d'Yggdrasil subisse les mêmes maux.

    Je rature comme je le peux cette dernière phrase. Il ne sert à rien de le dire. C'est évident. Je ne veux pas qu'il pense que je me montre passif-agressif, alors je m'efforce de faire en sorte de le rendre le moins visible possible. J'espère seulement qu'il n'arrivera pas à lire.

    Sachez seulement que je ne me force pas à répondre. Il n'est pas de mon habitude de perdre mon temps par politesse ; je crois, par ailleurs, que vous en avez de clairs souvenirs.

    Cordialement,
    Natsume Shimomura.


    Un rictus faible mais vaguement amusé passe sur mon visage lorsque je termine d'écrire. En effet, je crois l'avoir assez souvent insulté et malmené pour qu'il ait eu les preuves.
    J'ai du mal, en revanche, à écrire davantage aujourd'hui. Je me sens, néanmoins, un peu mieux. Un peu plus léger. Un peu plus à l'aise avec moi-même, notamment, comme si avoir couché sur papier avait changé quelque chose, mais ça n'a pas forcément de sens. En envoyant cette lettre, d'ailleurs, je suis hanté par cette question ; pourquoi est-ce que cela me fait du bien ?

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    Natsu grogne et fixe des fleurs en #8A4B08

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    C'est particulier de revenir après un an dans un endroit où on est adulé et respecté de part et d'autre du pays. Mes exploits et mon titre de Général ont fait le tour de la capitale et on m'a honoré pour ce grade, même si les hommages à Adélaïdes pleuvaient aussi dans les villages que j'ai visité lorsque j'ai décidé de faire un peu le tour des terres Altissiennes. J'ai participé à quelques missions par-ci par-là car la criminalité n'a pas disparu pendant mon absence et celle d'une partie de l'armée. J'ai donné quelques cours à de jeunes chevaliers et soldats également à la demande de certaines écoles. Ils avaient l'air heureux que je leur donne des conseils. Je n'ai pas encore la réputation de Faust, mais puisqu'il est reparti plus tôt que moi, je le remplace donc également et les élèves sont quand même concentrés sur ce que je leur dis en général, comme pendus à mes lèvres. Une attention qui me fait plaisir et aurait tendance à faire enfler mes chevilles. Cela change d'Yggdrasil où, si une partie de la population m'observe avec les mêmes expressions, une autre me dévisage avec peur ou mépris. C'est moi qui ai décidé de rester vivre dans les Quartiers Eossiens en dépit de mon logement de fonction flambant neuf dans la Ville Haute. Mais... J'ai préféré demeurer là où j'étais. Allez savoir pourquoi, d'ailleurs. Je cherchais sans doute à comprendre un peu plus ces natifs avec qui nous partageons l'arbre. Je cherchais sans doute à comprendre un peu ce moine, aussi, avec qui je correspond désormais depuis plusieurs jours. J'espère qu'il n'a pas de problème, là où il se trouve. Je n'oublie pas qu'il fait partie des Eclaireurs, après tout ; et même si j'ai faussé sa mort pour lui éviter des ennuis et qu'on le laisse un peu tranquille, ça ne veut pas dire qu'il est hors de danger. Je ne veux pas non plus qu'on l'embête à cause de nos lettres. Un Eossien qui correspond avec un Altissien... Cela doit sembler étrange, aux yeux de sa communauté. Si seulement ils le savent. Mais je devine que Shimomura se garde bien de leur révéler. C'est un peu un secret.

    C'est un soir, cette fois, que je découvre une lettre dans ma boîte. Smaug sautille au niveau de cette dernière. Je crois qu'il a deviné que j'étais de bonne humeur quand je l'ouvrais. Et effectivement, un petit sourire s'est immédiatement collé à mes lèvres quand je l'ai sorti et que j'ai reconnu, une fois de plus, cette écriture aux traits plus bruts que les miens, mais auquel je ne peux m'empêcher de trouver quand même du charme. J'attends toutefois d'avoir fini de dîner pour l'ouvrir malgré mon impatience car je sais que je ne penserai qu'à y répondre une fois que je l'aurais ouverte. Une fois dans mon lit, avec une tasse de thé d'oeil-de-cerf (un bien étrange nom pour une bonne boisson), je détache délicatement l'enveloppe pour en extraire le parchemin, comme à chaque fois. Smaug est couché à mes pieds en train d'essayer de dormir.

    Son premier paragraphe me tire déjà un sourire chaleureux. Cela me donne au moins l'impression d'avoir pu lui être un peu utile. D'avoir fait quelque chose même si j'étais loin. D'avoir pu aider les Eossiens à ma manière, même si ce fut bien maigre. Je crois que... à force de connaître le magimorphe, je suis devenu plus sensible à ce qu'ils vivent. C'est assez idiot, en soit. Il aura fallu que j'en côtoie un plus intimement pour que je finisse par en avoir réellement quelque chose à faire, même si l'effort reste bien maigre. L'ouvrage aussi semble avoir plu. J'en suis soulagé. Ce n'était pas un cadeau exceptionnel, mais ça me faisait plaisir de lui faire découvrir des choses. Je ne lui demande bien sûr rien en retour. Je serais satisfait s'il... s'il continue de m'écrire aussi. C'est rassurant d'avoir de ses nouvelles. Cela veut dire que tout a l'air normal, à Yggdrasil.

    Du moins, je l'espérais.
    Les prochaines lignes annoncent la couleur, et je crains aussitôt le pire. La situation est en fait assez critique, et je ne le comprends que maintenant. Je ne m'en rendais pas compte. Je ne le savais pas. Pendant que je profitais de la beauté de la saison et de ce qu'elle nous offre ici, je ne songeais même pas à ce qui se passait sur Yggdrasil. Alors que je lis la suite, mon sourire s'est tout à fait fané, remplacé par des traits plus anxieux, moins assurés. Je comprends comme cela doit être difficile d'être au sein de la cité actuellement. Problèmes avec la nourriture, les prix, les maladies, la météo...
    Une sorte de malaise me prend au ventre. Je sens mes yeux s'humidifier un peu. Lentement. Sûrement. Je ne m'attendais pas à recevoir de mauvaises nouvelles aujourd'hui. Je devine pourtant que s'il a fini par me les révéler, c'est qu'il s'agit d'une période vraiment critique. Je tente même de deviner ce qu'il a raturer.
    "... reste d'Yggdrasil... subisse... maux"
    Non. Pourquoi l'aurait-il barré ? Pas parce qu'il aurait fait une faute. Parce qu'il ne voulait pas que je puisse lire. Il doit s'être ravisé sur une pensée. J'en suis sûr. Je fais pareil. Puis je vois un "pas", finalement, placé devant.
    "Il... pas... le reste d'Yggdrasil... subisse... maux".
    Oh.
    Non. Je comprends. Il veut dire qu'il n'y a que leurs quartiers qui sont touchés.
    Cela ne me surprend pas.
    Non. Attends. Pourquoi je n'en suis pas surpris ? Pourquoi je pense ça ? Pourquoi l'inverse m'aurait paru bizarre ?
    C'est logique. Je le sais, en plus. Ils ne possèdent aucune terre, déjà... Ils auraient pu se réfugier dans nos monastères ou même les temples omnistes, il y en a plein. Mais ils n'ont pas dû pouvoir y entrer, même avec ce qui arrive.
    Les engrenages tournent. Je perçois enfin les problèmes qui peuvent se poser avec les lois qui ont été faites. Mais je ne prenais même pas la peine de m'y attarder, auparavant.
    Je suis juste alors néanmoins surpris qu'il ait précisé qu'il ne se forçait pas pour les réponses. Il y a un sérieux qui s'est rajouté par rapport aux lettres précédentes, mais je sais ce qu'il tente de me dire. Cela rend le poids dans ma poitrine moins lourd.

    J'aurais du mal à dormir cette nuit-là. Comme si ses mots me hantaient. Mais en dépit du peu de sommeil accumulés, je ne sens pas la fatigue le lendemain. Sentant mon inquiétude par rapport à la lettre, Smaug vient se blottir contre moi. Sa présence me fait un peu de bien. Mais les jours suivants, manger devient plus difficile, comme si je culpabilisais de pouvoir le faire désormais. Ne pas me sustenter serait toutefois aussi idiot quand j'ai cette chance de pouvoir le faire. C'est juste compliqué.
    Je n'ose pas répondre à cette missive tout de suite non plus. Je cherche les mots. Ils demeurent durs à trouver en cette période. Quoique je dise, je ne peux pas comprendre ce qu'il traverse. J'aimerais le soutenir. Pouvoir aider. Je me sens si impuissant, à l'heure actuelle... Mais je sais qu'il y a toujours de la nourriture, par exemple, dans les cuisines et les garde-mangers des casernes. Il y a toujours trop, d'ailleurs. Du moins, c'est fait pour qu'on soit bien nourri et qu'on ne meurt pas de faim. Mais la guerre étant passée de mode, je suppose... que nous pouvons partager un peu avec les Eossiens, si c'est possible. Et nous avons aussi probablement des couvertures ou du mobiliers de libre. Peut-être même des toits disponibles... Pendant des jours je réfléchis. En tant que Général, je me renseigne sur ce qui m'est possible de faire. Et je peux effectivement faire quelque chose.

    Je me trouve une motivation. Et j'écris une nouvelle lettre. Mais pas au moine. J'en envoie une d'abord à Faust, puis à Gabryel, afin de savoir s'ils pourront m'aider dans ma démarche. Puis, enfin, après avoir préparé un nouveau colis, je me mets à rédiger la réponse, même si j'ai le cœur encore pesant de ce qu'il m'a avoué.

    Shimomura,

    Savoir que les difficultés que vous traversez me peine. J'aimerais pouvoir faire quelque chose. Mais je vous remercie pour votre honnêteté, car je la préfère à un mensonge rassurant mais lourd à porter. J'aurais fini de toute façon par comprendre au moment de mon retour, qui ne devrait plus tarder.

    Il fut difficile d'avoir de l'appétit en connaissant votre situation sur place, mais j'ai pu goûter au thé que vous m'avez envoyé. Cela m'a réchauffé au cœur de cette hiver rude ici aussi, et j'ai été en effet bien surpris des effluves qui s'en dégageaient lorsque je varier la température de l'eau.
    Cela ne pourra malheureusement pas régler le problème, mais je vous ai quand même envoyé autre chose. C'est bien peu, mais j'espère que cela pourra au pire vous changez les idées, au mieux vous remontez un peu le moral. Il suffit de mélanger cela avec un peu de lait à la température désirée.

    Je n'attendais pas de vous à ce que vous répondiez forcément à la première lettre que je vous ai fait parvenir, mais sachez que je suis heureux que vous l'avez fait tout de même.

    Amicalement,

    Samaël Enodril.


    Ma lettre est plus courte. Je ne peux pas vraiment dire grand chose sur le moment, de peur qu'il le prenne mal, que ça ne soit pas le moment, ou que ce soit déplacé. J'espère que mon honnêteté arrivera au moins à le toucher quelque part. Ça, et le cacao que je lui envoie. Il fut assez de lui parler de chocolat chaud quand la première étape est d'abord qu'il en goûte avant d'en vanter les mérites. Mais pour ma part, ça m'a toujours fait beaucoup de bien. Des souvenirs d'enfance qui sont restés une habitude dans les moments où ça n'allait pas fort.

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    Spoiler :

    Natsu et Sam by Coba <3

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    Une fois la lettre envoyée, j'ai fait comme si il ne s'était rien passé. Je suis retourné à mes obligations bien vite, comme si je n'avais rien dit, comme si tout cela ne m'avait rien fait. Je ne peux pas me permettre de passer trop de temps dans les geignements en ce moment ; et je ne le fais, puisque je suis toujours occupé. Je prends le minimum de repos nécessaire et je garde l’œil ouvert ; car, malgré ce qui se passe, je dois tout de même garder un peu de mon temps pour les éclaireurs, bien que ma présence s’amenuise ces temps-ci.
    Les jours de suivent et se ressemblent. Ils sont gris, ternes, froids et désagréables. Fut un temps, l'hiver était pour moi synonyme d'enfermement : j'avais l'interdiction totale de quitter la maison puisqu'il pouvait m'être fatal très rapidement. C'était pour moi la saison de l'ennui, du gris, de la mine désolée de ma mère lorsqu'elle tentait de trouver de quoi occuper mes journées. Maintenant, je suis devenu assez fort pour pouvoir sortir ; mais la sensation qui me traîne dans l'estomac est la même que celle de ces années-là. Le même sentiment de gris.

    Je suis presque étonné de voir que je reçois une nouvelle lettre. Je ne me serais pas attendu à ce qu'Enodril réponde, après ça. Après tout... Je m'étais laissé aller à m'épancher sottement, alors j'aurais compris qu'il ignore ce que j'ai écrit. Vu le temps qui avait passé, en plus, de manière bien inhabituelle, c'est ce que j'avais cru saisir. Lorsque je finis par reconnaître son écriture sur un courrier, je suis presque nerveux. J'aimerais retourner en arrière et retirer ces maudites lignes de ma précédente missive, mais c'est bien trop tard. Je ne crains pas sa réaction en soi ; disons plutôt... Que je n'aime pas m'exprimer ainsi. Je n'aime pas m'épancher de cette manière.
    Lorsque je finis par lire les lignes qui me sont adressées, toutefois, je suis en premier lieu soulagé de voir qu'il n'a pas mal pris que je dise crûment les choses – et qu'il l'a davantage vu comme une marque d'honnêteté que comme les complaintes pathétiques d'un moine incapable. Je sais qu'il n'aurait pas pensé ainsi, mais étrangement, le voir écrit de cette manière me permet de ne pas croire ces choses au sujet de moi-même.

    J'avais oublié lui avoir envoyé du thé, d'ailleurs. Il arrive toutefois à me tirer une inflexion de mes lèvres presque semblable à un sourire quand je constate qu'il a pris la peine de m'envoyer du cacao. Je me rappelle, brièvement, de son expression indignée lorsque je lui avais raconté ne jamais avoir goûté de chocolat chaud. Elle m'avait embarrassée sur l'instant, mais je trouve ça assez amusant, mine de rien maintenant. Et je sens dans sa volonté de m'en envoyer, en plus de la brièveté de ses mots, qu'il fait attention à ce qu'il dit. Je revois un peu de couleur dans ma journée fade. Ce n'est pas grand chose, en soi, mais cela me touche, qu'il veuille à ce point que j'aille mieux. Je suppose que je peux bien essayer de préparer cette boisson, alors...

    Lorsque je finis par revenir écrire, c'est la nuit même. Les urgences s'accumulent, mais j'ai trouvé quelques minutes pour faire mon expérience. Et elle ne fut pas très concluante, à vrai dire. Pas du tout, même. Dans une grimace, malgré l'état déplorable des mes vêtements, je finis par sortir une plume. Je ne suis pas à une tâche près.

    Enodril,

    Votre attention me touche. Je crois, en revanche, que j'ai dû mal comprendre vos instructions ; en effet, je me suis retrouvé avec une mixture pâteuse au goût excessivement acre et gras. A tout hasard, sauriez-vous me dire comment faire disparaître une tâche de cacao sur un tissu en lin... ? Je crois avoir empiré la situation en passant par une solution aux plantes.
    Je dois avouer qu'en dépit que la promesse que je vous ai faite, je ne suis pas particulièrement bon cuisinier en temps normal. Je maîtrise quelques rares recettes car je les ai vu réalisées des centaines de fois par ma mère, mais la majeure partie de ce domaine m'échappe. Il est donc possible que le problème de mon chocolat chaud ne soit autre que moi-même.

    En revanche, je suis embêté de vous faire part que si Yû semble être en bonne voie d'arriver à sa taille adulte, il ne semble toujours pas s'être calmé dans ses sottises. En effet, et j'en suis désolé, mais je crois avoir retrouvé les restes d'une de vos capes ; la couleur m'a indiqué qu'il ne s'agissait pas d'une des miennes, et je crois vous avoir vu avec au sanctuaire. Et je précise bien qu'il s'agit de ce qu'il en reste, puisqu’il n'en reste maintenant plus que des morceaux, Yû ayant visiblement décidé de faire ses dents dessus. Je suis sincèrement confus et désolé ; en guise d'excuse, vous trouverez ci-joint une écharpe que j'avais tressé mais n'avait jamais utilisé jusque lors.

    Amicalement,
    Natsume Shimomura


    Je m'arrête. Immédiatement, interdit et presque alerté par ce que j'ai moi-même inscrit sur le parchemin, mon regard s'arrêtant sur ce seul mot que je m'interdisais pourtant d'utiliser auparavant. Amicalement. Je ne sais pas si je l'ai employé par habitude qu'il le fasse ou si c'est quelque chose d'autre – ou plutôt, je ne veux pas le savoir. Je pourrais le raturer, mais je ne voudrais pas qu'il croit que l'idée me dégoûte viscéralement. J'hésite. Je pourrais réécrire toute la lettre. Je pourrais, mais en ai-je vraiment l'envie... ?
    Finalement, je laisse tel quel.





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    Les lettres de Faust et Gabryel envoyées en urgence ont dû normalement arriver plus vite que celle du moine, j'avais bien précisé qu'il fallait que les concernés les reçoivent dans les plus brefs délais et le fait que cela vise à la fois un Général et à la fois un Ambassadeur a dû faire comprendre l'importance de la mission, même si j'avoue abuser de mon autorité pour faire passer du courrier en priorité. Je ne sais pas si j'espérais obtenir réponse de sa part, mais il semblerait qu'il m'en ait quand même faite une. Sera-t-elle aussi terrible que la précédente ?..
    Non, j'aurais dû m'y attendre. Pas besoin de tergiverser à ce propos après tout et il a besoin de penser à autre chose avant tout. Moi aussi, d'ailleurs. Au moins, cela marche un peu puisque je glousse en imaginant l'incident qui a dû se produire avec la poudre de cacao et le lait. J'ai un peu pitié du moine en me disant qu'il a dû faire une drôle de tête lorsqu'il y a goûté.
    Je ne m'attendais pas à ce que Yû soit évoqué, mais je me rappelle avec attendrissement de ce chiot qu'il a gardé de son côté. Chiot qui a dû bien grandir depuis le temps. L'Eossien semble embêté pour ma cape. Je trouve ça touchant. Il veut prendre soin de mes affaires. Mais si ce n'était qu'une malheureuse cape, pas de quoi en faire un fromage. L'évocation de l'écharpe me fait néanmoins tiquer. Il y a bien un paquet, mais je n'avais pas pris la peine de l'ouvrir, trop concentré sur le contenu de la lettre plutôt que sur celui du colis. J'étais trop nerveux de savoir quelles nouvelles il allait m'apporter, après celles de l'autre jour... Je déballe pourtant bien une écharpe devant laquelle j'écarquille un peu les yeux. Elle est jolie, et très douce au toucher. C'est lui qui l'a faite ?.. Quel travail... Je suis admiratif. Je ne saurais même pas me faire des gants. Il pourrait peut-être m'apprendre...
    Sur l'écharpe, en tout cas, son odeur est assez forte. Je me rapproche instinctivement du cache-col. Ce n'est pas un parfum désagréable, en fait. Cela me fait quelque chose dans la poitrine. Elle bat un peu plus vite. Et je souris doucement.
    Il a mis "Amicalement" à la fin de sa lettre. Quelque chose a changé. Mes joues chauffent un peu de voir qu'il a modifié pour mettre une signature plus avenante. Ou alors j'ai déteint sur lui.

    Shimomura,

    Je ne suis pas très doué en explications, je suis désolé. La mixture que vous avez obtenu a sans doute été générée par un lait bien trop chaud. Il faut le chauffer sans le faire bouillir, normalement, et vous obtiendrez un liquide plus ou moins légèrement pâteux, dans lequel vous pouvez rajouter un peu de sucre ou de vanille pour adoucir l'amertume.
    En ce qui concerne votre problème de tâche, n'ayez crainte, c'est très facile de l'enlever. Vous pouvez prendre du vinaigre blanc ou du jus de citron et frotter contre la trace indésirable avec de l'eau froide. Normalement, votre tissu devrait être comme neuf en peu de temps. J'ai fait des chocolats chauds ma spécialité. Je vous montrerai comment je les fais quand je serai de retour, et vous m'en direz des nouvelles. En ce qui concerne la cuisine, je n'oserais me vanter mais nous pourrions toujours essayer ensemble.

    Quant à Yû, je suis ravi de savoir qu'il se développe bien. Smaug aussi est plein d'énergie et ne manque pas de fougue. Je crois d'ailleurs qu'il a hâte de revoir son frère. Ne vous inquiétez donc pas pour la cape. Elle n'avait sans doute pas une grande valeur sentimentale, si je l'ai laissé négligemment quelque part. Je suis donc gêné de recevoir un vêtement aussi somptueux, mais je suis très honoré de ce présent. J'ignorais par ailleurs que vous saviez tressé ainsi.

    Amicalement,

    Samaël Enodril.


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    Les jours passent. Je dirais d'ordinaire qu'ils se ressemblent, mais ce n'est pas exactement le cas : il y a deux jours, au beau milieu de la nuit et alors que la majorité des moines étaient endormis, un groupe non-identifiable est arrivé pour distribuer de la nourriture et du textile. J'étais assoupi sur mon bureau à ce moment-là, mais le bruit m'avait alerté ; mon ouïe fine étant bien utile pour monter la garde à l'occasion. Je n'ai pas vraiment compris, car nous n'avons pas eu le temps d'obtenir leurs motivations et leur origine. J'ai vérifié, par la suite, si il ne s'agit pas d'un groupe d'éclaireurs ; mais non. Non, mais la question continue toutefois de me déranger. Perplexe, j'avais ordonné aux novices qui souhaitaient les suivre de rester sur le côté : par réflexe, je me suis montré méfiant. Il aurait pu s'agir d'un piège. Quand j'y repense, deux jours plus tard, je n'en suis pas exactement sûr.
    Néanmoins, l'important est que nos avons pu donner un peu plus aux enfants, aux personnes enceintes et aux personnes âgées. Nous avons gardé une restriction pour les adultes afin de ne pas épuiser les stocks, en dépit de ceux que nous venions d'obtenir. Il ne fallait pas que la différence de traitement soit trop soudaine ; par méfiance, j'ai conseillé à mes pairs de faire comme si de rien n'était. Nous avons augmenté les doses, discrètement, rajouté plus de légumes et de viande quand nous en avions afin de diminuer les cas de carence qui se multipliaient parmi les nôtres. Il est encore trop tôt pour observer des résultats concrets, mais je crois que les effets commencent déjà à se faire sentir. Le nombre de conflits et de tensions a radicalement baissé. Psychologiquement, je crois qu'il y a eu une amélioration.

    Sans surprise, je suis donc moins fatigué. Mon sommeil est moins perturbé par des disputes et des cris nocturnes. J'ai repris quelques couleurs, malgré le fait que l'inquiétude me fait toujours porter de lourdes cernes. Et lorsque je finis par recevoir un courrier, je l'accueille avec l'esprit plus clair, les pensées moines noires.
    Je prends le temps de retourner sur mon fauteuil et de la lire avec attention, ne retenant pas un gloussement désabusé face à ses explications. En effet, je comprends mieux mon erreur. Je ne lui dirais pas que la vanille est excessivement coûteuse et qu'il faudra donc se contenter de sucre si nous en trouvons, car ce n'est pas la plus grande des priorités pour le moment. Il n'a pas toujours contact avec la réalité, disons ; mais je vois qu'il veut bien faire, ce qui ne me rend pas blasé par son conseil mais m'amuse plus qu'autre chose. En plus, je vais prendre note de ce qu'il dit sur la manière de nettoyer du chocolat.

    Le rouge me monte toutefois aux joues quand j'arrive au compliment qu'il fait sur l'écharpe que je lui ai envoyé, ne m'étant pas réellement attendu à ça ; et pour être honnête, j'aurais aimé qu'il ne le fasse pas, passant une main sur son visage comme si cela pouvait aider à faire descendre la température qui s'est élevée. Je voulais simplement me rattraper, pas nécessairement... Rah. Gêné, je repose la lettre et pars m'occuper de mes robes tâchées par le chocolat avant de retourner à mon bureau pour écrire, en espérant que cela fasse passer l'embarras.

    Enodril,

    Merci pour vos conseils sur le retrait des tâches : ils ont bien fonctionné et on ne croira donc pas que je suis couvert de boue lorsque je donnerais cours. Je ne peux qu'en revanche que vous prévenir que toute tentative de cuisiner avec moi serait réalisée à vos risques et périls.


    L'écriture me laisse un léger sourire. Je ne me rends même pas compte que... J'ai presque envie que cela arrive. Le mot « hâte » serait peut-être trop fort. C'est autre chose, et je ne le réalise même pas. C'est une sensation qui n'est pas désagréable, et je n'ai pas envie de l'interroger après toutes ces journées moroses.

    Je suis heureux de savoir que Smaug se porte bien. Il m'a toujours semblé de bonne constitution, alors je ne suis pas surpris qu'il soit aussi énergique ; je pense d'ailleurs que tout comme Yû, sa race doit le prédestiner à être particulièrement à l'aise dans les environnements montagneux.

    Mais pour être tout à fait honnête, il n'y a normalement pas d'adulte parmi les nôtres qui ne sache pas coudre, à minima pour réparer ses propres vêtements ou pour réaliser quelques étoffes, même très minimes. En effet, la plupart des travaux domestiques sont considérées chez nous comme des éléments à connaître par tous ; la couture, la pêche, le travail du bois et l'agriculture sont aussi importants que la lecture, l'écriture et l'arithmétique. Il me semble toutefois que ce n'est pas le cas en Altissia et en Caldissia.

    Je mentirais si je disais que je suis aussi compétent que ne le sont mes pairs ; en effet, n'ayant pas été à l'école durant mon enfance, j'avais accumulé de sévères lacunes dans des compétences aussi importantes. Ce qui, en soi, est particulièrement embêtant lorsque l'on s'occupe d'enfants ; et je ne parlerais pas des jouets de mes cousins que je me retrouvais incapable de raccommoder il y a encore peu de temps.
    C'est seulement il y a quelques mois maintenant que j'ai pu partiellement rattraper mon retard, à l'aide de l'amie qui reçoit vos courriers à ma place. L'écharpe que je vous ai envoyé est, de ce fait, un exercice que je réalisais sous son apprentissage.

    C'est aussi pour cela que je vous rassure sur sa qualité qui n'est pas si grande que dans vos dires : vous trouverez un certain nombre de raccordements disgracieux, et la laine que j'ai utilisé est bien plus grossière qu'elle ne pourrait l'être, puisque je ne suis pas assez doué pour en manipuler d'autres.

    Si toutefois elle vous est utile, j'en serais satisfait.


    Une seconde d'hésitation, à nouveau. Sur la fin, encore. Mon trait veut signer « Cordialement » ; mais je repense à la dernière formule que j'avais utilisé la fois précédente. Prendra-t-il cela comme un changement volontaire de ma part ? Comme une marque négative ? Ce n'est pas mon intention. Mais puisqu'il n'a rien souligné, je me dis qu'il ne l'a pas mal pris et que je ne suis pas passé comme impoli. Alors, dans un souffle que je relâche sans même m'en rendre compte, je finis par signer.

    Amicalement,
    Natsume Shimomura

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    Natsu grogne et fixe des fleurs en #8A4B08

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    L'écharpe me tient chaud. Cela fait du bien, en plein hiver. Je n'hésite pas à sauter dans la neige, la crainte de prendre froid s'étant envolé maintenant que je me sais bien couvert de la tête aux pieds. Smaug me fait un plaisir de me suivre, sa fourrure le protégeant des basses températures montagneuses. Yggdrasil sera un gros changement quand nous y retournerons. J'ai l'impression de prendre des vacances. Ce n'est pas désagréable non plus, mais j'ai commencé à être familier au paysage de cet arbre immense qui renferme encore plein de mystères. Je suis au moins rassuré que Faust m'ait confirmé qu'il avait bien reçu la lettre et que tout s'était déroulé sans encombre. Je sais les risques que j'encours à faire des choses pareilles. Je dois être discret pour ne pas me faire taper sur les doigts car j'ai conscience que je ne suis pas censé faire ça. Je ne suis pas censé aider les Eossiens à la place de mes supérieurs, mais j'ai l'impression que ce n'est pas leur priorité, de toute façon. Heureusement que j'ai eu le soutien d'au moins un Ambassadeur et d'un Général, ça facilite quand même grandement la tâche. Tout semble s'être bien passé durant l'opération, au moins. J'espère que cela aidera un peu les natifs. Est-ce que Shimomura va deviner qu'il s'agit de mon initiative ?.. Peut-être. Peut-être pas. Il n'a pas non plus besoin de le savoir. Je ne veux pas qu'il croit que c'était un acte intéressé.
    Mais lui parler de chocolat m'a donné envie. C'est donc devant une tasse de cacao que je découvre le contenu de sa lettre suivante. Là encore, je ne pensais pas qu'il allait m'en renvoyer une, mais un sourire léger apparaît sur mon visage quand je commence à la lire. Je ne le retrouverai donc pas couverts de tâches quand je rentrerai, c'est déjà ça. Il me parle un peu plus de l'éducation de leur communauté. La façon dont ils doivent apprendre toutes ces choses quand nos connaissances, en comparaison, semblent tout à coup maigres. Tout ce qui est pêche, couture et le reste sont réservés à une certaine partie de la population, comme l'est le maniement des armes pour certains autres. Mais quand j'y pense, et quand je vois ce qu'il a pu faire avec son savoir en couture qu'il juge faible par rapport à celui de ses camarades, je me dis que ça n'aurait pas été inutile que nous l'apprenions également. Hé, c'est plus drôle que faire la guerre... Malgré ce qu'il dit sur cette écharpe, je ne vois aucun des défauts qu'il pointe. Je la trouve confortable, chaleureuse, douce, et jolie. Je suis surpris de déceler encore son odeur dessus, d'ailleurs, depuis le temps. Peut-être mon odorat de chien qui décèle les effluves même anciennes...
    En tout cas, j'ai l'impression, à travers ses mots et la façon dont il les écrit, qu'il va un peu mieux que la dernière fois. Je ne sais pas, je me fais peut-être des idées. Mais c'est la sensation que j'ai. J'aimerais que ce soit vrai. J'aimerais que ce soit un peu grâce à moi, aussi, mais je n'ose y songer. C'est idiot de me donner autant d'importance. Je ne le suis pas vraiment. Néanmoins il me tarde de répondre à ce dernier courrier tout de même.

    Shimomura,

    Vous pouvez donc être satisfait car elle m'est plus qu'utile. Je la mets chaque jour pour me préserver du froid mordant du Nord, auquel je suis habitué mais que j'ai encore tendance à sous-estimer. Je suis impressionné également de savoir que vous savez faire tant de choses. J'ai l'impression que nous sommes un peu ignorants en comparaison. Nous avons nos propres savoirs mais je ne sais pas faire grand chose d'autre que la guerre, ce qui me porte un peu préjudice en ces temps de période. Un mal mineur pour un bien majeur.
    Plus je côtoie les Altissiens restés en Altissia, et plus je pense qu'ils devraient venir voir Yggdrasil, un jour. L'union des peuples nous a été beaucoup plus bénéfique que ce que je pensais, même si des Altissiens ont pu voyager jusqu'à Caldissia et inversement, les aidant à laisser nos différends d'un millénaire de côté, je l'espère pour de bon. Je pense aussi qu'il y a des connaissances chez nos voisins et même chez vous que nous pourrions partager afin de resserrer les liens fragiles qui existent à Yggdrasil. J'ai moi-même rêvé à un ère idyllique où nous serions définitivement en paix mais je suppose que ce n'est pas si simple que j'ai été un peu trop optimiste. Je présume que les temps étaient moins chaotiques avant la Chute, puisque vous n'étiez pas aussi divisés que nous ne le sommes aujourd'hui. Je sais bien qu'il n'y a pas vraiment eu d'Âge d'Or en fin de compte, mais plus je vois le monde qui m'entoure, plus je me plais à imaginer que le monde d'avant été quand même plus serein. Mais peut-être que je me trompe. Il n'y a que vous et les autres Eossiens pour être les témoins vivants d'un passé que l'on a tenté d'effacer.


    ... Quoi ?
    Je regarde une nouvelle fois ce que j'ai écrit. La dernière phrase paraît sorti de nulle part. Il est certain qu'elle est de mon fait mais j'ignore ce qui me prend de mettre à plat un fait pareil. On a tenté de l'effacer ?..
    Je repense à ce que le moine m'avait dit à propos des quartiers détruits. De ceux qu'on a démoli pour construire à la place qui est le quartier des armes et le quartier des loisirs, entre autre. Je pense à ce sentiment troublant qui m'avait pris lorsque j'ai visiter des logements où je pouvais discerner je-ne-sais-comment la présence des anciens occupants. Mon odorat surdéveloppé m'a fait découvrir des parfums qui n'appartenaient à personne en apparence mais m'a fait comprendre plus tard que c'était là aussi des traces du passage ancien de natifs. Comme quand on emménage dans un endroit qui a connu mille familles auparavant. Sauf que je sais la vérité derrière l'expulsion des Eossiens. Qu'elle m'est devenue claire quand j'ai essayé de remettre les éléments dans l'ordre et que les principaux concernés me l'ont fait saisir de leur point de vue. La visite guidée de Thirésias me revient aussi en mémoire.
    Que faire. Dois-je laisser cette phrase ? Ou la barrer ? Est-ce que... on pourrait vérifier le contenu de ces lettres ?..
    Je ne sais pas pourquoi j'hésite en fait. Enfin, si. Je l'aurais laissé si j'étais honnête avec moi-même. Je veux barrer uniquement parce que je ne sais pas si on pourrait intercepter cet échange, ou comment il le prendrait. Je ne devrais probablement pas trop me prendre la tête non plus dessus. Mais... Je rature quand même. Juste un peu. Assez pour que ça ait l'air de rien. Pas trop pour qu'il puisse quand même la comprendre s'il en a envie. S'il veut savoir ce que j'en pense. La vérité c'est que je n'ai pas envie de lui mentir, je crois. J'ai mis ça sans réfléchir mais je sais que ça trahit ce que je pense réellement, et si je l'ai écrit instinctivement, c'est peut-être parce que j'avais envie de le partager.

    Je me rends compte que je dis probablement beaucoup de banalités, en fin de compte. Cela doit être ennuyant, à force, je m'en excuse. Mais puisque je ne sais pas coudre et que vous ne savez pas cuisinier, je pense que nous pourrions apprendre ensemble chacun quelque chose de l'autre, la prochaine fois. Mon côté gourmet parle sûrement, mais je n'ai pas eu l'occasion de goûter à beaucoup de cuisine Eossienne et je pensais que vous pourriez peut-être m'aider à les découvrir. Je serais également intéressé d'en savoir plus sur les plats qui correspondent aux cérémonies et aux fêtes de chez vous. Ou qui étaient, fut un temps, de chez nous.
    Amicalement,

    Samaël Enodril.


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    Spoiler :

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    Les jours passent. L'année s'achève et janvier arrive, lentement, sûrement. Les nuits me paraissent plus longues et les journées plus courtes, moins intenses. L'hiver reste rude, mais il est devenu plus supportable : le sanctuaire est encore bien rempli, mais il n'est plus plein à craquer. Je suis encore perplexe de ce qui est arrivé, me méfiant comme de la peste de tout ce qui pourrait sembler être une bonne nouvelle par crainte que cela ne se révèle une mauvaise chose, mais je ne peux nier que je suis soulagé pour le moment. Mes cernes se sont amoindries.
    Nos échanges de courriers sont devenus une habitude, une régularité que je ne questionne même plus, comme si il serait devenu étrange que cela s'arrête. Je serais surpris de la facilité avec laquelle j'ai intégré ce rite si je prenais vraiment le temps de m'interroger à ce sujet ; mais ce n'est pas le cas. Je suis juste... Étrangement satisfait d'avoir de ses nouvelles. De discuter sans avoir à franchement y réfléchir. C'est devenu quelque chose de normal. De plaisant, même. Je saisis un peu mieux, je crois, l'intérêt des correspondances. Il y a des choses qui me semblent plus simples à coucher sur papier qu'à énoncer.

    Je me demande, d'ailleurs, si ce n'est pas son cas non plus. Au fur et à mesure de nos échanges, j'ai eu comme la sensation de le sentir plus à l'aise qu'il ne l'est à l'oral ; et plus sincère, aussi. Quelquefois, même, je l'ai vu faire preuve d'une étonnante humilité, bien différente de la façade d'assurance et de certitude arrogante qu'il pouvait afficher il y a quelques mois, lorsque nous nous connaissions tout au plus de vue. Et, de temps à autre, je repense à cette phrase qu'il avait raturé comme pour essayer de la faire disparaître, espérant sans doute que je ne la vois pas. J'étais resté immobile en la lisant, interdit, ne sachant comment réagir face à ce qui était pourtant une vérité totale, mais qu'il me faisait étrange de lire de sa main. Il avait beau l'avoir raturé, j'avais saisi qu'il ne s'était rendu compte de ce qu'il avait écrit qu'après : était-ce si inconscient que ça ? Avait-il tenté de le rendre invisible par crainte, par rejet ? Je ne saurais dire. Je n'avais rien relevé, choisissant de ne pas l'embarrasser en soulignant ce qu'il avait voulu taire. Mais la question m'avait taraudé. En vérité, à quel point avait-il changé, depuis que je l'avais rencontré... ? M'en étais-je seulement rendu pleinement compte ?

    Bientôt, nous arrivons à la mi-janvier. Nos échanges sont devenus réguliers, tant et si bien que Rosie ne s'étonne plus de me voir venir chez elle une ou deux fois par semaine, que ce soit simplement pour discuter ou pour vérifier qu'elle ne garde rien pour moi. Même le simple fait de m'asseoir à mon bureau et de saisir une plume est devenu parfaitement naturel. Cette fois-ci, toutefois, il y a quelque chose que veux dire. Quelque chose qui me travaille depuis plusieurs jours.

    Enodril,

    J'espère que Smaug se porte bien. Je repensais à votre offre de la dernière fois, et même si je ne saurais être un aussi bon professeur que l'a été Rosemarie pour moi, j'imagine qu'il s'agirait d'une façon plus juste de partager quelques connaissances.

    En outre, je ne connais peut-être que peu de choses sur les correspondances en soi, mais ce que je crois en avoir saisi est que les banalités échangées sont une façon de faire autre chose, comme le fait de prendre des nouvelles ou de maintenir un lien.


    C'est, pour l'instant, ce que j'ai compris. Ces échanges ont été instructifs en ce sens ; et je ne suis pas gêné de l'énoncer clairement, puisque c'est un fait, n'est-ce pas ? Je ne saisissais pas auparavant. Maintenant, c'est différent. Mais ce n'est pas ça, qui me travaillait jusqu'à maintenant. C'est autre chose. Ma plume se fait plus hésitante.

    J'espère que vous m'excuserez de mon intrusivité, mais je me demandais si tout allait bien de votre côté. J'ai constaté, en relisant certains de nos échanges, que vous vous préoccupez souvent de savoir comment se passent les choses ici, mais que vous ne partagez jamais votre propre situation. Est-ce que vous avez trouvé ce que vous cherchiez à Altis ?

    Je ne veux pas me mêler de ce qui ne me regarde pas. J'ai horreur de mettre le pied là où je ne suis pas supposé le mettre ; ou du moins, dans un cadre social. Je ne suis pas gêné de ne pas suivre les règles, mais déroger aux limites des autres est quelque chose qui me met mal à l'aise. J'ai hésité à rajouter ce point, mais c'est une autre nouvelle, apprise récemment, qui m'a fait finalement faire le pas.

    J'ai, en plus de ça, entendu parler du fait qu'une tempête de neige a eu récemment lieu à Altis ; j'ose espérer que rien n'est arrivé.

    Il s'agit, ironiquement, du point le plus important de ma lettre. Cette petite phrase, l'air de rien, incrustée juste avant la fin. La seule question qui me travaille depuis plusieurs jours. Qui me travaille un peu trop.

    Amicalement,
    Natsume Shimomura


    La signature m'est devenue naturelle. Comme tout ça. Je ne m'interroge plus ; c'est simplement devenu un échange plaisant et quotidien. Mais, aujourd'hui, mes pensées sont parasitées par une sensation d'inquiétude qui m'agace et ne disparaître pas de sitôt. Enfin, pas tant que Rosie ne me donnera pas une nouvelle missive avec le même air amusé que je ne saisis pas vraiment.

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    Natsu grogne et fixe des fleurs en #8A4B08

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    Le climat rude d'Altissia, c'est quelque chose. Bien loin de la "douceur" d'Yggdrasil en hiver. Car pour quelqu'un qui a connu le froid des hautes altitudes, la période de décembre à février autour de l'arbre semble bien léger en comparaison. Cela a toujours été une excuse pour moi de manger des choses grasses sans trop culpabiliser de me péter le foie. C'est surtout aussi les périodes où les grosses bêtes à poils osent sortir sans craindre de mourir de froid. Les chiens aux poils longs et doux, les mammouths, les panthères des neiges... Tout autant de créatures majestueuses que nous avons la chance d'avoir dans nos montagnes. J'en ai profité aussi pour rendre visite aux Donovan, plus particulièrement à mes filleuls, Soren et Sofia, que je n'avais pas vu depuis longtemps. Cela m'a fait plaisir de les revoir. J'espère qu'un jour d'ailleurs ils pourront nous rejoindre à Yggdrasil, ou du moins passer faire une visite pour voir à quoi ça ressemble. Je pense qu'ils seraient fascinés par l'aspect de la cité en elle-même, surtout cet arbre qui recouvre une partie de cette dernière.
    Nous avons d'ailleurs traversé sur une partie du pays une vague de froid assez violente, dont des tempêtes de neige qui ont bloqué une dizaine de villages. J'ai été missionné sur place pour tenter de mettre en sécurité les habitants en dégageant des voies pour qu'ils puissent s'abriter dans des endroits plus sûrs, mais c'était laborieux et quelques soldats ont été blessé dans des chutes de neige. Mais pendant ce temps, j'ai continué de parler au moine à travers nos lettres. Je ne sais pas si je suis le seul à ressentir ça, mais j'ai l'impression que ça nous a rapproché, ironiquement, de s'écrire et de converser à distance. J'en ai appris un peu plus sur lui et sur ce qu'il faisait actuellement à Yggdrasil. Il m'avait dit que la situation s'était légèrement améliorée. J'ai l'espoir d'avoir un peu contribué à ça, même si je ne me fais pas non plus d'illusions : ça n'a peut-être rien à voir. Sans doute que pour palier le manque d'impuissance que je ressens quand je suis loin d'Yggdrasil, je m'occupe la tête comme je peux en soutenant les villageois et en m'occupant de quelques affaires administratives à Altis. J'ai ce besoin de me sentir utile autant que possible, après avoir pris mon temps pour me reposer convenablement. Mais quoi que je fasse, je finis par attendre la fin de la semaine pour savoir si j'ai reçu une lettre ou pas. Même ma mèr-... Lyra m'a écrit pour me demander des nouvelles. Je ne l'ai pas encore répondu, néanmoins. Je le ferai une fois que j'aurais répondu à celle de Natsume. Cela me mettra au moins de bonne humeur.

    Je suis rassuré s'il ne se lasse pas de notre correspondance, à vrai dire. Cela semble le divertir tout autant. Tant mieux, en un sens. Si ça ne lui plaisait pas, je sais qu'il n'aurait pas continué. Il n'est pas homm-... personne à s'embarrasser de choses futiles aussi longtemps si ça ne l'intéresse vraiment pas. J'espère aussi qu'il a compris que cette proposition de cuisine, de couture et autre n'est qu'un prétexte pour qu'on passe un peu de temps ensemble. Je ne veux d'ailleurs pas penser trop longtemps au pourquoi de cette envie de passer du temps avec lui, au-delà du fait que je le trouve sympa. C'est drôle, je ne ressens rien de semblable pour Faust ou Gabryel alors que je les apprécie grandement tous les deux. Cela ne s'explique pas, j'imagine.
    Mais mon visage prend des couleurs quand je comprends qu'il s'inquiète pour moi et qu'il demande des nouvelles plus personnelles. Il est vrai que je n'ai pas partagé beaucoup de mon quotidien avec lui mais que j'ai en revanche de mon côté posé beaucoup de questions à son sujet. J'ai imaginé que s'il ne me demandait pas la même chose, c'est que ça ne l'intriguait pas plus que ça. Et ce n'est pas quelque chose qui m'offusque, d'ailleurs. Je ne me trouve pas particulièrement intéressant, et il doit me trouver d'ailleurs assez générique. Je reste un militaire Altissien, après tout. Rien d'exceptionnel et encore moins aux yeux d'un moine Eossien, même si nous avons curieusement fini par bien nous entendre. Il a appris également pour la tempête de neige... J'ignore comment, mais... Je suppose qu'il s'est demandé si... moi, j'allais bien ?
    Ma poitrine se réchauffe progressivement. Cela me fait plaisir. Pas qu'il s'inquiète, disons, mais qu'il pense à moi, et qu'il se demande comment je vais. Un sourire tendre s'est dessiné sur mes lèvres. Je lui réponds de mon lit, qui me semble encore plus moelleux quand je finis de lire ses lettres. J'y repense encore un peu avant de dormir, des fois. Elles restent sur ma table de chevet en compagnie de celles de Faust et de d'autres de mes proches.  


    Shimomura,

    J'ignorais que vous entendriez parler de la tempête, mais si cela peut vous rassurer, je m'en suis sorti indemne, et les dégâts ont surtout été matériels. Il y a eu des blessés, et s'il y a eu aussi des morts, elles n'ont pas été nombreuses. Nous sommes habitués à une météo capricieuse et difficile. J'espère seulement qu'une autre n'arrivera pas tout de suite, car sinon je ne pourrai plus vous envoyer de lettres ni en recevoir. Un avantage de mon animorphie toutefois est que je crains moins le froid qu'avant, et je dois dire que c'est assez agréable. Mais je sens que les congés prennent peu à peu fin, car je me révèle de plus en plus actif sur place. Mon statut ne s'arrête pas aux frontières d'Yggdrasil, après tout, mais l'ambiance est très différente. Je me prépare sans doute progressivement à mon retour au sein de la cité. J'ai aussi au moins pu rendre visite à de la famille aux abords d'Altis, ainsi qu'à l'orphelinat où j'ai grandi. Il est étrange d'y revenir en tant que personnalité respectée, mais cela n'est pas désagréable non plus.

    J'ignore en vérité ce que je voulais trouver en revenant à Altis. Ma venue a Yggdrasil a bousculé beaucoup de choses dans ma vie et je ne suis clairement pas le même que la première fois où j'ai foulé les terres de cet endroit qui renaissait alors de ses cendres. J'ai découvert que je m'étais attaché à Yggdrasil bien plus que je ne le pensais, malgré l'affection que j'éprouve pour la ville où j'ai grandi. Mais pendant des années, quand j'étais enfant, je me sentais un peu comme un étranger, ici. Avec ma popularité grandissante au sein de l'armée, les gens ont changé leur perception de moi et se sont montrés plus ouverts.
    Mais quand je suis arrivé à Yggdrasil, avec tous ces mélanges de populations, je n'étais pas connu de grand monde et les gens ont appris à me rencontrer au travers de qui j'étais et pas d'où je venais. En bien ou en mal, j'étais davantage heureux de savoir qu'au moins on me jugeait à mon caractère et non plus à mon histoire. C'est peut-être pour ça que j'affectionne cette cité.


    ... Mais qu'est-ce qui m'arrive.
    Il y a une chose dont je me suis rendu compte au travers de nos échanges : je me suis montré plus ouvert que jamais je ne l'avais été à l'oral avec lui. Du moins, c'est la sensation que j'ai. Je ne peux ignorer cette facilité déconcertante que j'ai à coucher sur papier des sentiments qui me surprennent moi-même, comme si elles étaient enfouies quelque part en ne demandant qu'à sortir. Ce qui rend au passage mes lettres parfois longues pour rien où je peux me lancer dans une introspection non nécessaire. Mais... Si les futilités ne le dérangent pas... Je ne peux pas nier que cela me fait du bien aussi d'écrire certaines choses. Même si parfois j'ai tout de suite envie de les barrer quand je les pose à l'encre. Aussitôt je me dis aussi toutefois que cela me ferait faire beaucoup de ratures et que je ne souhaite pas lui envoyer des parchemins couverts de tâches ou de pattes de mouche.

    Oui, c'est sans doute ce que je peux dire que j'y ai trouvé. Un second regard sur cette ville et ce pays. Le regard de quelqu'un qui a connu autre chose. J'ai également fait des réalisations qui ne me sautaient pas aux yeux auparavant. Certaines plaisantes, d'autres moins. Mais c'est mieux ainsi.

    Mais ai-je pourtant réellement le droit de demeurer à Yggdrasil ? Il y a des fois où je ne m'y sens pas -ou plus- légitime. Je ne sais pas si c'est normal. Permettez que je porte sur vous le blâme de me faire poser de plus en plus de questions. Vous savez si bien le faire.

    Amicalement,

    Samaël Enodril.


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    Spoiler :

    Natsu et Sam by Coba <3

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    Pendant plusieurs jours, je mentirai si je disais que j'étais complètement à l'aise. L'inquiétude traînait dans un coin de ma tête, comme un tiraillement pénible qui me déconcentrait hors de mes obligations. J'avais besoin de penser à autre chose, et c'est ce que j'ai fait. Peut-être un peu trop. Je me rends même compte que je relâche une expiration que je n'avais pas remarqué avoir retenu, lorsque Rosie me donne finalement sa dernière lettre. Il n'y avait pas de raison de craindre le pire en soi, mais le peu que j'ai connu des tempêtes de neige m'en a laissé une méfiance exacerbée ; en même temps, nous n'avions pas l'habitude de gérer de telles intempéries. Notre ville n'était pas construite pour.

    Et justement, lorsque j'ouvre la missive avec peut-être plus de hâte que je ne le remarque moi-même, c'est bien l'inverse pour Altis. J'esquisse même un léger sourire, quelque peu amusé en imaginant un grand husky face à des mètres de neige. J'imagine, effectivement, qu'il ne doit plus vivre ce qui l'entoure de la même façon, depuis qu'il a pleinement accepté sa nature d'animorphe. Je l'admire un peu, quelque fois, d'être arrivé si vite à s'y faire. De mon côté, je doute que j'aurais eu la même aisance.
    Je tique toutefois lorsqu'il me mentionne avoir rendu visite à « de la famille ». Je connais assez bien son passif familial (en dépit de ma propre volonté) pour froncer les sourcils en lisant cette phrase, perplexe. Depuis quand a-t-il une famille... ? Que sache, il n'a pas d'enfants ou d'autre, alors c'est une nouvelle information.
    En même temps, ce ne sont pas mes affaires.
    Je range ce point dans un coin de ma tête avec un peu d'insistance, même si je sais que cela va me travailler pendant un moment, comme une pensée logée dans un coin de ma tête. Mais tant mieux, en un sens, si il est heureux d'être... Respecté ? C'est cela, oui. Je suis juste dubitatif. Est-ce que cela lui plaît vraiment ? J'ai plus l'impression de le voir comment un plat qu'il tolère ou une pièce de poterie au coin d'un marché.

    Mes sourcils se haussent en découvrant la taille de la lettre qui est définitivement plus longue que d'ordinaire, clignant même des yeux lorsque je le vois devenir plus sincère au fur et à mesure de ses mots. Je ne m'attendais clairement pas à ça en l'interrogeant sur son état, mais c'est comme si... Comme si une digue avait sauté. Comme si il n'en parlait que rarement, et que tout cela trouvait une échappatoire tout à coup. Du moins, c'est la sensation que j'en ai. J'y trouve une étrange similarité avec certains des éonistes que je vois venir, parfois, silencieux, bien propres comme il se doit, et dont le flot de paroles ne s'arrête plus une fois lancé. Depuis combien de temps est-ce que tout cela le travaillait... ?
    Je me demande si quelqu'un lui demande si il va bien, des fois.

    Je peux saisir ce qu'il dit, toutefois. Mon empathie tire quelque chose dans ma poitrine. C'est ce que m'a offert le sanctuaire, lorsque j'ai rejoint les moines : la capacité d'être jugé sur mes actions et su mon tempérament plutôt que sur mon nom de famille et mon adolescence discutable. Je sais que j'attire encore certains regards, mais j'ai été pendant des années obsédé par l'idée de me débarrasser de cette image qui me collait à la peau. Alors je saisis. Je comprends.
    Je le sens toutefois perdu. Confus, quelque part, comme si quelque chose le tracassait. Peut-être est-ce lié à son besoin d'écrire... ? Plus attentif, les yeux plissés, je lis sans un mot, essayant de saisir quelque chose qui ne serait pas directement écrit. J'ai du mal. Il n'est pas particulièrement facile pour moi de saisir sa manière de réfléchir, mais j'ai, au fil du temps, appris à décéler quelques réflexes dans son tempérament, comme celui de désamorcer une phrase sérieuse et lourde par une plaisanterie. Comme maintenant. Une moue désabusée et amusée passe sur mon visage, mais je soupire un peu. L'Imbécile. Quand apprendra-t-il à cesser de jouer au chevalier inflexible... ?

    Je tire ma plume sans perdre plus de temps. Je ne saurais pas dire exactement ce que je vais dire, mais c'est étrangement naturel, comme si j'en avais déjà conscience, quelque part.

    Enodril,
    Vous me voyez rassuré d’apprendre que la tempête n’a causé que des dégâts matériels. Nous n’avons en effet que très rarement eu à subir des catastrophes dues à la neige, mais nous en avons gardé des traces manuscrites qui me permettent d’imaginer à quel point cela peut être rude pour les populations. De notre côté, la saison des pluies n’a pas été un problème cette année, au moins.
    Je peux en effet attester du fait que votre comportement a changé au fur et à mesure des mois.


    Je marque une légère pause. Est-ce nécessaire que je souligne pourquoi ? Il le sait lui-même. Je ne me sens pas de rappeler tout ça, surtout en imaginant que quelqu'un d'autre pourrait éventuellement tomber sur ces courriers. Il y a certaines choses qu'il vaut mieux ne pas se dire à l'écrit, dans notre cas, même si nous sommes ironiquement plus bavards que d'ordinaires. D'autres éléments pressent davantage.

    Je ne peux, en revanche, prétendre au mérite de vous avoir amené à vous poser des questions douloureuses mais nécessaires. Par chez nous, lorsqu’une personne se présente au sanctuaire pour nous interroger et exprimer des doutes, nous considérons que la plupart du temps, elle a déjà conscience de la réponse ; nous ne sommes là que pour les aider à les formuler. Que pour, en somme, donner un coup dans l’écorce d’un arbre et en faire tomber ses fruits. Ma vision des choses est peut-être plus brutale que ne l’est vraiment la réalité : mais je ne saurais m’attribuer le produit de ce qui est une vertu personnelle.

    Je pense que se questionner est une bonne chose. Que s'interroger et interroger le monde dans lequel on vit, quitte à être mal à l'aise face à la réalité de ce qui se produit son confort est une marque d'empathie et de courage à célébrer. C'est quelque chose que je respecte. Alors, dans son cas, je ne peux pas me vanter et me dire que c'est par ma faute ; je crois qu'il l'aurait fait même avec une autre personne, quelque part.
     
    En ce sens, je ne pense pas qu’il existe de droit de rester ou non en Yggdrasil. Nos ancêtres vivaient en autarcie mais voyaient régulièrement des vagues de nouveaux arrivants cherchant un foyer ; je ne pourrais dire qu’ils ont tout le temps été les plus accueillants, mais notre cité n’a jamais grandi autrement qu’ainsi, le nombre d’enfants par foyer n’ayant jamais été très élevé. De ce fait, il serait bien malvenu de décider que les caldissiens et les altissiens ne peuvent y résider, alors que nous les aurions accueilli avant la Chute.
    La question, cela dit, ne me semble pas tant être sur la légitimité à y vivre que la place que vous souhaitez y occuper. Je ne peux néanmoins vous aider sur ce point ; tout simplement car je ne peux arriver à des conclusions qui sont les vôtres. En revanche, je dois admettre admirer le fait de poser cette question : cela illustre une tendance, ou disons plutôt le développement d’une réflexion sur le lien étroit entre action collective et individuelle que je n’ai pas souvent observé ces dernières années.
    Il est, en effet, bien plus facile de reléguer l’endossement de légitimité au collectif et non à sa propre personne. Mon propos n’est pas que le collectif et l’individuel prennent le pas l’un sur l’autre ou que l’un est plus important, mais plutôt que l’individu ne peut pas s’extraire du collectif dont il profite par la simple parole, comme pour s’extraire de toute responsabilité. C’est quelque chose avec lequel je dois moi-même vivre, en tant que moine ou en tant qu’éossien ; c’est aussi une question qui me traverse mais qu’il me semble obligatoire d’accepter.


    ‘Et en tant qu’éclaireur’, mais l’implicite n’a pas besoin d’être énoncé. Peu importe la confiance que je peux avoir sur mon interlocuteur sur ce point, reste qu’il serait stupide de mettre ce fait sur papier. Il le sait déjà, de toute de manière.

    Pour autant, j’accepte avec plaisir le blâme, ou plutôt l’honneur à mon sens, de vous avoir fait découvrir la boue des cochons de notre marché ; il s’agit, à mon sens, d’une façon comme une autre de faire tomber quelques fruits. Ou en l’occurrence, quelques capitaines trop orgueilleux.
    Amicalement,
    Natsume Shimomura.

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    Natsu grogne et fixe des fleurs en #8A4B08

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    Il y a eu un certain regret, après l'envoi de cette lettre. Evidemment, quand elle est partie, impossible de la faire revenir et je n'allai pas en envoyer une seconde juste après pour lui demander d'oublier ce qu'il aurait lu dans la première. Mais une fois que j'ai su qu'elle était en route pour Yggdrasil, je me suis rappelé d'un coup de ce que j'y avais mis et je me suis trouvé tout à coup effroyablement ridicule, en plus d'être égocentrique. Je n'ai fait que parler de moi dans cette missive, après tout. Mais ce qui est fait est fait, je pourrai toujours me rattraper à la suivante. J'étais alors un peu nerveux quand il m'a répondu, mais je me suis senti brusquement plus léger en laissant mes yeux glisser sur ses lignes. Malgré ce que les Elysians ont fait aux natifs, ce courrier est loin d'être vindicatif et il est d'ailleurs assez encourageant, je trouve. Quelque chose de chaleureux qui se dégage de cette lettre. J'ai l'impression qu'il reconnaît l'évolution qui m'a traversé au cours des derniers mois et qu'il tente de me dire que j'ai bien fait de me poser ces questions. Les réponses, comme il dit, je les avais déjà probablement au fond de moi, en effet. D'où sûrement certains instants où je voyais en quelques logiques des explications sur des événements que je ne comprenais pas avant, ou du moins qui ne me sautaient pas aux yeux. Mais même si j'en ai blagué moi-même l'autre jour, je crois que j'ai encore un peu de honte vis-à-vis de cette journée au marché. Quand je pense qu'on s'est battus dans la boue en public... Je peine encore à y croire, c'est assez gênant. Surtout que... Le moine, en vérité, n'a jamais caché un mauvais fond. Nos caractères n'ont pas toujours marché ensemble, mais je ne peux nier qu'il ne s'est jamais vraiment montré très agressif sans raison, quand j'y songe à nouveau.
    L'envie de lui répondre est immédiate, mais je peine à trouver mes mots au début. Il y a des fois où je veux lui répondre mais sans que je ne parvienne à focaliser mes pensées sur des phrases, ou même à trouver quoi dire pour continuer notre correspondance ; pour avoir une excuse de la poursuivre sans qu'il ne s'ennuie.

    Shimomura,

    La place que je souhaite occuper à Yggdrasil est encore une question en suspens à laquelle je ne sais pas si je peux poser tout de suite une réponse, au vu de mes interrogations précédentes et de celles qui m'assaillent encore de temps à autre. Néanmoins si la cueillette de vos fruits fut bonne, je suppose que cela ne fera pas de mal de secouer encore un peu l'arbre pour savoir si quelques uns ne voudraient pas encore tomber.
    Moi qui me trouvais idiot d'avoir de telles pensées une fois que je les avais exprimées, cela me rassure de savoir qu'il ne s'agit en réalité que de pistes pour me guider vers un chemin qui devrait être plus clair. Je me rends compte au fond de moi que j'ai de plus en plus de réponses évidentes qui étaient enfouies mais que je ne me posais pas assez de "pourquoi ?" à ces dernières quand j'aurais dû me montrer plus curieux de ce qui m'entourait. Je dois avouer être tiraillé certaines fois. J'aime Altissia et j'aime mon devoir au sein de l'armée car elle fut si importante, au cours du millénaire qui s'est écoulé, que nous ne pouvons plus la mettre de côté. Mais j'ai l'impression que nos méthodes ne sont pas toujours les bonnes sur Yggdrasil et que ce qui nous convenait à Altis ne marche pas forcément pour la cité dans laquelle nous avons hébergé. Les gens y sont trop différents de nos coutumes et cela nous fait prendre consciences des erreurs que nous avons perpétré pendant des années mais qui n'étaient peut-être pas, en fin de compte, des solutions même pour nous.
    Mais une chose est sûre, c'est que je me plais à Yggdrasil et que je suis intrigué par toutes les facettes de cette ville qui restent encore à découvrir, car je suis certain que nous sommes loin d'en avoir fait le tour, en réalité. J'ai seulement pris conscience de certains choses qui me paraissaient invisibles auparavant. Mais plus je m'en aperçois, et plus je me demande où tout ça va me mener.

    Je ne sais pas encore si nous aurons affaire à de nouveaux conflits entre Eossiens et Elysians. C'est malheureusement quelque chose à prévoir car pour le moment nous ne faisons pas encore ce qu'il faut pour faire régner cette harmonie utopiste à laquelle nombre d'entre nous aspiraient. J'ai rencontré des Altissiens qui soutenaient les Eossiens et allaient même jusque dans leurs quartiers pour leur venir en aide. Si les choses avaient été faites autrement dès le départ, qui sait comment les choses auraient évolué. Je garderai en tout cas un œil attentif sur les événements futurs.

    Je m'excuse quand même pour cette séance surprise d'introspection. Je me rends compte que je me suis laissé emporté. En tant que moine, vous devez déjà écouter la vie de bons nombres de gens, je n'en doute pas. Mais je crois que si je suis autant en l'aise, c'est parce que vous avez souvent des conseils avisés, comme si vous possédiez une sagesse immense. Je sais bien que j'exagère un peu, mais se sentir écouter avec autant de sérénité, je dois dire que c'est fort agréable, et je souhaite seulement que vous ne soyez pas emporté à votre tour par le torrent d'émotions que l'on déverse sur vous, et que vous savez où trouver une épaule pour vous soutenir.

    Par ailleurs, faites-moi penser à remercier votre amie Rosie pour son aide. Il y a plus amusant que de jouer les messagères, mais son soutien est vraiment précieux et rassurant. Je me demandais par ailleurs... si ce n'était pas un requin, par hasard ?

    Amicalement,

    Samaël Enodril.


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    Spoiler :

    Natsu et Sam by Coba <3

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    Je me suis demandé, après l'avoir envoyé, si je n'avais pas dépassé une borne. Une limite imaginaire qui n'aurait pas été clairement tracé jusqu'à maintenant, et que j'aurais trépassée en me montrant trop envahissant, voir moi-même en étant assez prétentieux pour croire que je pouvais me mêler de tout ça et donner mon avis. En revanche, je ne me voyais pas ne rien dire. Et ce qui est fait est fait, j'imagine. Je ne l'imagine pas avoir du mal à ignorer quelque chose dont il se fiche, donc cela me rassure et me permet de ne pas y penser trop souvent.
    De toute manière, j'ai de quoi m'occuper. Malheureusement. C'est bien la troisième fois en une semaine que je ramène Nagisa de la taverne car personne ne s'en serait occupé à ma place. La première fois, elle m'avait simplement accueilli avec son mépris habituel, sans trop que cela ne me dérange. Mais hier, c'était encore davantage. C'était différent. J'ai l'impression de voir son état empirer chaque fois, et cette sensation dérangeante qu'elle me le fait payer lorsqu'elle accroche ses ongles dans mon dos quand elle pourrait se montrer plus douce dans ses gestes. Je ne comprends même pas la moitié de ce qu'elle raconte ; tout ce que j'entends, ce sont des grognements frustrés, acides et rancuniers envers tout et n'importe quoi. Les élysians, principalement. Ceux qui lui ont pris une jambe, qui l'ont privé d'être éclaireuse, de ce qui lui avait permis de trouver une raison d'être malgré toute la difficulté qu'elle avait eu. Puis viennent les autres, les éossiens qui la considéraient mal du fait de notre enfance ; et, plus largement, tous ceux contre qui elle avait pu développer des griefs. Moi y compris.

    Dans un soupir, je jette un coup d'oeil à ses affaires abîmées qu'il faudra que je lui ramène après les avoir lavé. Elles sentent encore l'alcool. Je ne sais pas si je lui rends service en le faisant, au passage. Mais je ne pourrais pas dire que c'est ce que j'essaie de faire : dans le fond, est-ce que ce n'est pas pour moi-même ?
    La tête alourdie par ces pensées parasites, je finis par jeter un coup d'oeil au courrier que j'ai récupéré aujourd'hui. C'est une distraction bien préférée, et de loin ; même lorsque cela tombe sur des sujets plus lourds, je n'ai pas cette sensation désagréable que j'ai en parlant avec ma sœur. Enfin, en la laissant parler toute seule, plutôt. Est-ce que c'est même une conversation, si elle ignore tout ce que je dis ? Non. Je le sais. Mais peu importe.

    Distraitement, je finis donc par ouvrir la lettre sans un mot, dans le même silence nocturne qu'à chaque fois. Je suis étonné de le voir aller droit au but de cette façon, alors mes sourcils se haussent légèrement et je cligne des yeux. D'ordinaire, il a tendance à tourner autour du pot d'une manière que je ne peux pas m'empêcher de trouver agaçante ; mais c'est différent, visiblement, à l'écrit. Plus le temps passe, et plus je me demande qui de nous deux a le plus de mal à s'exprimer, en réalité. La réponse me paraît très différente de ce que j'imaginais à l'origine.
    Il y a quelque chose de différent dans son courrier, cette fois. Je m'étonne de le voir s'exprimer de manière bien plus personnelle, plus humble, plus impliquée. Et si l'on pourrait penser qu'il ment pour se faire bien voir, je sais que ce n'est pas le cas. Plus encore, je crois sentir qu'il est sincère, même si j'ignore quelle arrogance stupide me fait croire ça. J'ai la sensation qu'à force, il m'est devenu plus simple de lire l'implicite dans ses mots. Et je ne peux pas m'empêcher de soupirer quand il s'excuse. Yggdrasil, je vous jure que je vais finir par l'assommer.

    Pour autant, mon regard s'arrête quand il se met à complimenter ma « sagesse », ce qui fait remonter sur mes joues de vives couleurs rouges. Je ne m'y attendais pas et suis pris par surprise, passant une main sur ma joue comme si sa froideur pouvait en tempérer la chaleur. Je ne m'attends jamais à ses compliments, qui sont la plupart du temps aussi mélioratifs que soudains. L'envie de protester est forte, mais quel intérêt ai-je à le faire, à distance ? Je ne peux que supporter le fait que cela me fait plaisir, bien malgré moi, de pouvoir être une aide malgré l'ensemble de mes torts. Oui, cela fait partie de ma vocation, d'écouter les autres. Mais c'est différent, ici. Je n'agis pas en moine. Spirituellement, nos philosophies sont différentes. Je ne me sens pas responsable de lui. C'est encore autre chose.
    Au moins, ce qu'il dit ensuite me permet d'être brièvement distrait. Mon expression se fait étonnée. Tiens donc. Il connaît Rosemarie... ? Il ne semble pas l'avoir entendu parler de lui, mais... Bon, c'est une coïncidence amusante, tout au plus. Piqué de curiosité, je me mets donc en tête de répondre, même si je devrais faire autre chose : m'occuper de ma sœur. Encore.

    Enodril,

    Je suis heureux d'entendre que de parler vous a été bénéfique. Je sais comme vous pensez que je n'exprime pas assez ce qui peut me travailler, mais je ne saurais pas ne pas m'amuser du fait que vous ne sembliez que peu le faire vous-même en temps normal.  Dans tous les cas, ne vous excusez pas ; si je vous ai demandé comment vous alliez, ce n'était pas pour vous inviter à mentir ou à énoncer des platitudes dans une forme de fausse politesse.


    Je déteste ça. Sincèrement, totalement. L'intérêt faussé par volonté d'être bien vu socialement me reste en travers de la gorge, tout comme l'ensemble des pratiques qui ne sont rien d'autre que des coquilles creuses. C'est ce que je croyais percevoir de lui lorsque nous nous étions rencontrés : je m'étais trompé. Je reste embarrassé de la manière dont il me voit.

    Je suis gêné et flatté de vous entendre associer la simple qualité d'écoute à de la sagesse, car j'aurais pas l'audace de prétendre en avoir ; mais je crois que vous n'avez pas souvent été écouté auparavant. Prenez garde à ne pas tomber vous-mêmes dans mes propres travers, et peut-être finirais-je par ouïr votre conseil. Il peut arriver que vous ayez de bonnes idées, après tout.

    Je m'amuse un peu en plaisantant, inconsciemment de meilleure humeur qu'il y a quelques minutes déjà. Cela ne m'étonne plus, à force. Quand j'y repense, toutefois, c'est bien ironique de parler de tout ça maintenant

    Ces temps-ci, le comportement de ma propre sœur me fait douter de mes habitudes ; je me demande même si je lui rends vraiment service en l'aidant.

    La réflexion m'échappe. Coule le long de ma plume, glisse hors de moi comme si il était naturel que j'en parle. Les mots passent et se dépassent les uns après les autres, s'enchaînent, comme le flux de mes pensées dont le rythme s'inscrit dans mon encre : j'écris comme je pense, naturellement. Avec tout l'enchevêtrement que cela peut impliquer.

    Je suis toutefois surpris de votre question, et je comprends donc que vous connaissez déjà Rosemarie. Je suis curieux de ce point ; vous étiez-vous rencontrés auparavant ? Il ne me semble pas qu'elle vous ait déjà évoqué.

    Ma curiosité mal placée ne peut que m'encourager à poser mes questions indiscrètes. Je ne suis, après tout, plus à ça près, n'est-ce pas ? Je dois avouer partager la sienne, d'ailleurs, sur certains points.

    Par ailleurs, le peu que je peux vous dire est que même pour nous, notre cité reste engluée dans les mystères que nous ont laissé nos aïeuls et ceux qui ont mené à notre sommeil. Au-delà du conflit qu'il est légitimes de craindre, je tends à me demander si nous n'en oublierons pas de nous interroger sur d'autres points d'interrogation tout aussi critiques. Ou disons plutôt que nous ne regardons que dans un sens, dans celui que nous côtoyons au jour le jour, sans nous figurer l'image globale.

    Je me laisse un peu aller. Je me rends moi-même compte du fait que ma pensée est un peut-être... Cryptique. Ou que je vais loin. Mais ce sont des questions que je n'ai jamais exprimé jusqu'à d'aborder : pas même auprès des éclaireurs. Pour beaucoup, il serait impensable de dire que la répression que nous subissons des élysians n'est qu'un élément parmi d'autres, un point dans un cercle. Pour moi-même, c'est quelque peu violent à penser. Mais c'est quelque chose sur lequel je me questionne de plus en plus. Enfin, quand j'ai le temps. Ces temps-ci, je passe le peu de temps libre que j'ai à écrire. Je me demande ce que je ferais lorsqu'il sera de retour.

    Dans tous les cas, j'espère pour vous que vous n'aurez pas à vivre d'autres tempêtes avant votre retour,
    Amicalement,
    Natsume Shimomura.

    ______________________

    Natsu grogne et fixe des fleurs en #8A4B08

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