Le Général Lion - Layos Nukéma [Terminé]

La famille Nukéma n'avait jamais été une famille célèbre, marquante ou particulièrement spéciale. Il s'agissait simplement d'une famille d'animorphe roturière ayant une vie tranquille loin des grandes villes humaines. La famille de Layos se trouvait dans un petit village à quelques centaines de kilomètres de la frontière Caldissienne, suffisamment proche pour être affecté par la guerre mais assez éloigné pour ne pas être le centre des combats. Il était difficile de dire que la vie était calme dans un lieu si proche de la guerre mais elle n'en était pas moins convenable. C'était un petit village éclectique, il y avait en son sein autant des bergers que des pillards de champ de bataille, autant des soldats prêts au combat que quelques troubadours. Il n'y avait pas de réelle discrimination, le regard étant tourné vers l'ennemi Caldissien, et c'était la raison pour laquelle la famille Nukéma s'installa à cet endroit.

Hélias était un animorphe lynx, un agriculteur apprécié et toujours blagueur. Chionne était quant à elle une animorphe lionne et une potière d'exception ayant toujours de bon conseil. Ils eurent un premier enfant, Galen qui n'avait malheureusement pas hérité des gênes animorphes. Quelques années plus tard, encore au milieu de l'hiver, Mako et Layos naquirent. Et chance étonnante, les deux petits étaient des animorphes parfaits. Mako était une jolie petite lynx tandis que Layos était un lionceau trop aventureux.

Etant le seul humain de la famille, Galen vit assez mal le fait d'être "exclu" de l'héritage familiale, la jalousie d'être un "simple humain" le rendant vite amer. S'il essaya de maintenir une façade enthousiaste pendant un certain temps, elle finit par se briser et il quitta la maison familiale dès qu'il eut quinze ans pour poursuivre son apprentissage au loin. Les jumeaux n'eurent jamais une relation très complice avec leur grand frère qui les regardait toujours avec une certaine froideur et même s'ils furent tristes de son départ, ils ne pleurèrent pas son absence.

Grandir dans un petit village si proche de la frontière, cela voulait dire vivre avec la constante peur que les combats se déplacent jusqu'à eux, voir les soldats revenir gravement blessés ou ne jamais revenir, toujours se méfier des étrangers qui n'étaient peut-être pas du bon royaume et c'était surtout vivre dans une complète et violente haine de l'ennemi au serpent bleu. Dans les jeux comme dans les histoires, les jumeaux ont toujours vu Caldissia comme le méchant à abattre et en qui on ne peut pas faire confiance. Pourtant, leur haine profonde de Caldissia ne commença pas à cette époque. Il fallait attendre l’Attaque pour qu’elle apparaisse.

Sinon, ils eurent une enfance plutôt heureuse. Le village ne faisant presque pas de discrimination, les jumeaux ne furent jamais rejetés ou détestés. Il s’agissait d’enfants un peu distraits, préférant aller jouer plutôt que d’étudier, mais qui n’étaient pas foncièrement méchants ou perturbateurs. Mako et Layos étaient toujours ensembles et inséparables, ils se quittaient rarement et étaient très fusionnels. Tout le monde dans le village avait l’habitude de voir un lionceau et une petite lynx se poursuivre et jouer sur la place, tout allait bien dans le meilleur des mondes. Jusqu’à ce que l’Attaque survienne.

Les jumeaux avaient à peine quinze ans quand cela survint. En une nuit à peine, des soldats Caldissiens envahirent le village et le mirent à feu et à sang. Personne ne savait ce qu’il s’était passé, pourquoi l’armée Altisienne n’avait pas réussi à les retenir et à empêcher ce massacre. Mais le résultat était-là, le village brûlait et ils devaient s’enfuir le plus loin possible, avec d’autres enfants, pendant que leurs parents protégeaient le village. Les petits coururent encore et encore et eurent la chance de ne pas être rattrapé par un soldat ennemi. Mais en retournant au village deux jours plus tard, les jumeaux étaient devenus orphelin.



L'Attaque et la mort de leurs parents marqua un tournant définitif dans la vie des jumeaux. La rancœur que Layos ressentait envers les Caldissiens à la suite de cela était si puissante qu'il décida de quitter sa sœur et le village pour s'engager dans l'armée. Il voulait absolument se venger et l'armée était la solution la plus efficace pour cela, même si cela voulait dire laisser Mako et tout ce qu'il connaissait derrière.

Mako ne lui en voulu pas de son départ, elle comprenait parfaitement bien qu'elle ne voulait suivre le même chemin. Elle voulait partir loin des combats, à l'aventure et découvrir tous les secrets du monde sans participer à cette guerre sans fin. Alors ils se dirent adieux en promettant de se retrouver un jour, quand la guerre sera enfin finie. Mais les combats s'éternisant, les jumeaux se perdirent de vue et ne se sont jamais retrouvés. Layos pense aujourd'hui que sa sœur est morte et qu'il ne la reverra jamais.



La vie à l'armée n'était définitivement pas ce qu'il avait imaginé. Auparavant, Layos n'avait jamais été traité différemment des autres parce qu'il était d'une espèce différente. Pour la première fois de sa vie, il faisait face à de la discrimination et le jeune lion eut beaucoup de mal à l'accepter. Il n'arrivait pas à comprendre pourquoi il était moins reconnu ou apprécié que les autres. Pourquoi il devait faire deux fois plus d'effort que les autres pour un même résultat, pourquoi certains s'acharnait sur lui en se moquant et en le ridiculisant et pourquoi on dévisageait sa queue et ses oreilles comme si elles étaient la cause du problème.

Petit à petit, Layos commença à détester son héritage animorphe qui le faisait être rejeté et mal vu par tous. Complètement seul face à cette situation, le jeune lion n'avait personne vers qui se tourner pour confier ses inquiétudes et problèmes. D'autant plus que l'absence de Mako se faisait de plus en plus sentir, n'ayant auparavant jamais été séparée d'elle plus de quelques heures. Alors il finit par totalement rejeter le côté animorphe en lui, espérant ainsi pouvoir être mieux intégré et faire face à moins de rejet et de haine.

Il commença à cacher ses oreilles sous un bandeau ou un chapeau, faisant attention à ce qu'elles soient le moins repérable possible. Seul sa queue permettait de deviner sa nature, ne pouvant la cacher car étant essentielle à son équilibre. Il arrêta de ronronner quand il était content, de grogner comme ses instincts lui dictait. Et il arrêta définitivement de se transformer. Layos était à présent un humain plus fort que la moyenne avec une longue queue derrière lui, rien de plus. Si cela aida son intégration et lui fit subir moins de discrimination, rejeter une partie de soi n'était jamais facile, en particulier pour le jeune lion qu'il était.



Cette situation dura environ sept ans. Sept années durant lesquelles Layos rejeta complément son côté lion pour apparaître le plus humain possible aux yeux des autres. Et s'il croisait un autre animorphe, il détournait le regard et s'en éloignait autant que possible. Il ne voulait plus avoir le moindre contact avec ceux de son espèce et avait presque honte de son héritage. Finalement, au milieu d'une violente bataille que Layos fut obligé d'accepter entièrement ses origines.

Lors d'un conflit particulièrement violent à la frontière des royaumes, l'escadron dont faisait partie Layos fut isolé des autres en territoire Caldissien. La situation était critique, ils étaient sur une terre inconnue et à la merci de leurs ennemis si ces derniers les découvraient. La peur se faisait sentir dans les rangs et l'insécurité rendait tout le monde à cran, d'autant plus que la jungle et les marais rendaient tout déplacement dangereux.

Finalement, le capitaine de l'escadron décida d'agir en appelant Layos. Le lion ne comprit pas immédiatement pourquoi sa présence était essentiel à la suite des opérations, il n'était encore qu'un lieutenant tout juste promut et n'avait rien d'exceptionnel à ses yeux. Quand le capitaine lui demanda de prendre sa forme animale pour être un éclaireur pouvant se déplacer rapidement et surveiller les déplacements ennemis, il eut du mal à l'accepter. Il avait rejeté sa nature pendant des années, voulant oublier qui il était réellement et le voilà forcé de l'accepter à nouveau pour sauver ses camarades.

Après une conversation difficile avec son capitaine, où ce dernier lui ordonna de le faire sans discuter et l'insulta au passage d'être un lâche en refusant d'accepter qui il était, Layos prit sa forme animale pour la première fois depuis sept ans. Et la vue du lion impressionna bon nombre de personne. Fini le jeune lion adolescent à la crinière encore fine et inégale, il y avait maintenant à sa place un immense lion en parfaite santé, à la crinière épaisse et royale. La vision était presque dantesque pour les soldats apeurés par la situation et fit reprendre du courage à bon nombre de combattants.

Layos se mit donc à explorer et surveiller les environs, guidant petit à petit l'escadron vers la frontière et Altissia. Plus agile et sensible à son environnement sous cette forme, il put avertir du moindre danger et contourner le plus gros des troupes Caldissiennes en toute sécurité. Et si quelques soldats ennemis tombèrent sur lui, ils ne firent pas long feu sous ses crocs. Au bout de plusieurs heures d'avancer prudente et silencieuse, l'escadron atteignit enfin le bon côté de la frontière en sécurité et avec un minimum de perte.

Soulagé, l'animorphe put enfin reprendre sa forme humaine. Il était toujours mal à l'aise sous cette forme et espérait pouvoir reprendre une vie normale malgré cet écart, que personne n'allait recommencer à le haïr et discriminer à cause de ça. La surprise qu'il ressentit en étant remercié et célébré par tout l'escadron pour son action n'eut alors pas d'égal. Pour la première fois depuis son entrée dans l'armée, on applaudissait le fait qu'il soit un animorphe. S'il ne l'avait pas été, le régiment serait certainement mort en Caldissie depuis longtemps.

Cela marqua profondément le lion qui recommença, doucement, à reconnaître cet héritage. Cela mit un certain temps, des années de haine envers soi ne disparaissaient pas en un coup de vent, mais Layos finit par s'accepter pleinement et ne plus cacher cet héritage. Et il devint d'autant plus sensible face aux situations de discriminations envers d'autres espèces, n'hésitant pas à intervenir quand certains de ses subordonnés devenaient insultants envers un autre, qu'importe qu'il soit civil ou soldat.

Rapidement, le lion devint connu dans les rangs pour cela et rares étaient ceux osant s'opposer à lui sur ce sujet, d'autant plus que personne ne voulait avoir à faire avec un lion de mauvais poil. Layos se fit la promesse de faire son maximum pour faire disparaître la discrimination dans l'armée et que plus aucun jeune n'en subisse les conséquences comme lui auparavant.



Layos était un capitaine depuis quelques années quand le changement de dynastie eut lieu et qu'Adélaïde prit la tête d'Altissia en tant qu'impératrice. Il n'hésita pas longtemps à la suivre et à la soutenir, voyant en elle une dirigeante forte qui dirigera avec talent le royaume. Il appréciait énormément sa noblesse d'esprit et son audace, elle était l'impératrice idéal pour Altissia et le lion n'hésita pas à se mettre entièrement à son service, devenant un de ses premiers partisans.

Le pays étant encore fragile par la prise de pouvoir récente et par les nouvelles réformes qu'Adélaïde mettait en place, Layos ne chauma pas durant cette période, et cela même s'il resta à l'écart des combats. Il s'assura qu'aucun coup d'état par des nobles mécontents et pas assez effrayés par la puissance de l'impératrice ne se mit en place, que les détracteurs finissent en prison, que les réformes soient appliquées et respectés, que personne ne salisse le nom d'Adélaïde et ainsi de suite. Son dévouement presque aveugle pour l'impératrice salué ou maudit en fonction des nobles et remarqué par Adélaïde elle-même.

Il eut ainsi l'honneur de la rencontrer plusieurs fois et quand la situation politique se calma enfin et que seule la guerre contre Caldissia causait des problèmes, il fut remercié de cette dévotion par un important cadeau : celui de l'anoblissement. Le lion eut beaucoup de peine à y croire au début mais les faits étaient là, il reçut une terre et un titre de noblesse, devenant le premier représentant de la famille Nukéma.

Layos fit honneur à ce cadeau en redoublant d'effort sur le champ de bataille et en soutenant de son mieux l'impératrice. Devenant général quelques années plus tard, l'animorphe resta ainsi proche de l'impératrice et devint un de ses conseillers au fil des années. Layos vit même son respect et admiration pour Adélaïde grandir encore avec les années passées à ses côtés. Et si certaines mauvaises langues parlaient d'une liaison secrète entre les deux, ce n'était que des mensonges. Après tout, qu'importe les sentiments du lion, l'impératrice n'aurait jamais été infidèle.



Le lion avait encore du mal à croire en ces paroles. Lui, le général le plus approprié pour gérer et maintenir la Paix ? Alors qu'il avait eu tant de mal à l'accepter ? Ça ressemblait bien plus à une blague qu'autre chose. La seule paix qu'il pensait être possible était une paix dans un monde où Caldissia aurait disparu. Mais il comprenait que la situation demandait la paix et se retint de contester ou de montrer de façon trop évidente sa haine des Caldissiens.

Après tout, les dernières années de guerre avaient été extrêmement violente et cette Paix était la bienvenue. Layos n'était plus directement sur le champ de bataille depuis sa promotion en tant que général mais il avait ressenti comme tout le monde les affres de la guerre. La découverte d'Yggdrasil changea la donne et avec la fin des combats, le lion dû ravaler sa haine pour prouver qu'il était un bon général pour ses troupes. L'année passa sans problème évident et il se faisait doucement à sa tâche.

Mais le calme et la tranquillité ne pouvait pas durer bien entendu. Adélaïde perdit la vie lors de l'anniversaire de la Paix. Et Layos eut beaucoup de mal à accepter sa mort. Alors il se promit de retrouver et de venger la mort de celle qu'il admirait avec autant d'ardeur. Il ne peut accuser personne sans preuve mais il fait partie des rares qui ne soupçonne pas les Eossiens. Même si le roi Caldissien est également mort, il reste persuadé que la faute revient en priorité au royaume ennemi. Et il fera tout pour trouver le coupable.