va être une pure soirée (non)
avec Aurhododendron
Le seigneur Ignatus Alcibiade Morticullus est connu en Caldissia pour ses soirées culturelles, auxquelles il convie les nobles de tous horizons. C’est tout naturellement que l’ancien professeur erudit a décidé de continuer ses fameux concours d’étalement de culture, où chacun peut faire des concours de qui aura la plus grosse. C’est comme ça que Thirésias voit les choses, en tout cas. Un rassemblement de gens hautains et qui pensent avoir tout vu et tout vécu car, un jour, ils sont allé faire une retraite avec des moines dans le désert et ça les a « complètement transcendé-han ». Evidemment, les choses ne se sont pas améliorées depuis que Morticullus et ses potes prennent du bon temps en Yggdrasil. Leurs histoires de retraites silencieuses se sont changées en « je suis allé aux quarties eossiens, comme c’est dépaysant, comme ces gens sont exotiques ! ». Et c’est bien pire. Car c’est là que Morticullus saute sur l’occasion pour présenter son garde du corps invoqué « exotique » à l’assemblée et que Thirésias ne peux rien faire d’autre que prier l’Eos pour que ça passe vite.
Les choses semblent s’être calmées depuis les premières frappes de éclaireurs. Les gens sont plus méfiants et s’autorisent moins à l’approcher de manière intrusive, ou à le toucher sans autorisation. Morticullus l’a prié de se mettre un peu plus à l’écart que d’habitude, sans toutefois le quitter des yeux car « on ne sait jamais ». Vu comme le vieil érudit est capable d’endormir ses convives juste en parlant, cela dit, il est peu probable que quiconque ait assez d’énergie pour l’attaquer dans un lieu public.
Je ne sais même pas pourquoi on voudrait l’attaquer, à vrai dire ? Est-ce qu’il possède des recherches ultra-secrètes et convoitées ? Pfff… il n’y a bien que les nobles pour s’attacher à ce point à des choses aussi futiles.
Il parait que dans sa jeunesse, Ignatus Alcibiade était bien plus charismatique et passionnant. Désormais, il ennuie tout le monde et les invités ne viennent plus le voir lui ou écouter ses lectures. Ceux qui ont le malheur de se trouver auprès de lui quand il commence à étaler sa culture peinent à rester debout. Les autres vaquent entre eux à leurs occupations et s’amusent en ricanant et en parlant d’art, de théâtre, de littérature, de magie et des grands jeux caldissiens. Thirésias aimerait bien retourner au théâtre, d’ailleurs. Et se tenter aux grands jeux, également. C’est un caprice d’invocation « privilégiée » que d’avoir eu la chance d’aller voir de grands spectacles caldissiens, certes, mais bon. Ce n’est pas l’emplumé qui va s’en plaindre.
En regardant au dehors, Thirésias soupire en réalisant que la soirée est très loin d’être terminée. Il est parti pour rester dans son coin à faire de la figuration pour un moment encore. Si seulement il pouvait s’éclipser. Ou trouver une personne qui daignerait parler avec lui sans être interrogé en permanence sur ses origines et qu’on lui demande de lui toucher ses jolies plumes et sa peau écailleuse.
Avoir un échange normal, pour une fois, en fait, ce serait bien.
A vrai dire… est-ce que Morticullus s’apercevrait de son absence de sitôt ? Il est parti dans une de ses tirades interminables et semble très inspiré. Le magimorphe commence à le connaître. Il sait que dans cet état, il ne reviendra pas tout de suite à la réalité. Aussi, Thirésias s’autorise à faire quelques pas sur le côté, dans la direction de la porte de sortie, au moins pour passer quelques minutes à l’air, sur la terrasse ou dans le jardin, à observer autre chose que le dos du vieux nerd.
Une fois dehors, le gros poulet inspire profondément et s’étire. Il descend doucement les marches puis fait un peu les cent pas sur l’herbe, secouant ses ailes au passage. Thirésias ne s’aperçoit pas tout de suite qu’il a envoyé un coup de vent dans une convive qui passait par là. Il se retourne en sentant une présence et s’aperçoit qu’en s’ébrouant, il a décoiffé une invitée. En s’éclairant la gorge, le piaf s’incline par habitude, face à la noblesse.
« Oh, veuillez m'excuser, Madame, je ne vous avais point vu. »
Surpris tout de même de voir quelqu’un dehors, alors que tout le monde est en haut, à faire la fête, le magimorphe penche la tête sur le côté.
« Vous… partez déjà ? Je suis navré si la soirée n’est pas à votre convenance. »
Son ton est quelque peu sarcastique. Et il n'a pas l'air d'être réellement ennuyé, aussi.
Mais ne vous en faites pas, vous n’êtes pas la seule à vous faire chier. Vous êtes surement mieux à prendre congé, croyez-moi… Mais pourquoi c’est moi qui doit m’excuser, en plus… ? Hurrrg.
Dommage que l’étiquette l’empêche de dire le fond de sa pensée, hein.