avec Généramaël
« Thirésiaaaaaaaaaaaaaaaaas ? »
L’accent mondain de la voix de Morticulus résonne dans la grande demeure. Agacé d’avance par le laius que son invocateur va lui servir en prévention de la soirée à venir. Probablement rien qui sorte de l’ordinaire… « Surveilles mes arrières avec précaution », « ne te mêle aux invités que si ceux-ci te le demandent expressément », « ne refuses pas si l’on t’invite », « ne sois pas impoli, pour une fois », « enlèves la moitié des bijoux que tu portes, les convives vont finir par croire que tu es aussi aisé qu’eux et risquent d’être confus en découvrant que tu es à leur service… ». Le volatile multicolore a l’habitude. Il ne bronche pas et se contente de hocher la tête machinalement, retire également, à regret, certains bijoux de sa tenue qu’il avait pourtant mis des heures à parfaire dans sa chambre.
« Bien, bien, bien, tout me semble prêt… »
Le vieux mage procède alors à vérifier si son invocation a bien retenu la liste des invités de la soirée. Pendant qu’il interroge Thirésias, Morticullus se rappelle de quelque chose d’important.
« Oh ! J’ai oublié de te dire ! Nous avons un invité qui s’est annoncé à la dernière minute. Il s’agit du général Altissien… »
Morne jusque-là, le regard du gros poulet bien apprêté s’illumine.
Samaël va venir ?! Moi qui pensais qu’il aurait oublié ma proposition.
C’est qu’Enodril doit être bien occupé, vu son grade. Surtout ces temps-ci. La ville a été assiégée de nombreuses fois ces dernières mois. Et maintenant, il y a beaucoup a reconstruire. Thirésias n’a, malheureusement, pas pu aller aider, que ce soit aux portes de la ville lors des attaques ou dans les quartiers eossiens, toujours délaissés. Morticullus, mort de peur, n’a pas du tout apprécié que son invocation le laisse seul lors de l’attaque du Gardien (alors qu’il était sans conscience tout du long). Maintenant, le vieux caldissien ne passe pas une journée sans parler des sentinelles et comme celles-ci permettraient à Thirésias de se discipliner. Ce type de menace fonctionne évidemment très bien pour garder l’ancien éclaireur aussi sage que possible.
Tout le bazar des derniers mois n’a jamais empêché le nécromancien de continuer à faire la fête avec ses amis de la noblesse. L’eossien, pour sa part, ne sait toujours pas comment il parvient encore à résister au craquage complet, face à l’insouciance et à l’impunité dégoutante dont font preuve tous ces gens riches. Mais, ce soir, au moins, un visage familier sera présent pour égayer la soirée de l’emplumé qui n’a pas eu le droit à beaucoup de distractions, ces derniers temps.
« Ce sera l’occasion de lui parler de toi… et des sentinelles. »
AH. Bah oui, évidemment.
L’enthousiasme de Thirésias retombe directement jusqu’aux semelles de ses spartiates. La gorge serrée, il ne répond rien.
« Enfin… je n’ai pas l’habitude de parler de mes recherches et de l’histoire aux militaires… particulièrement les altissiens. Je compte sur toi pour faire en sorte qu’il comprenne bien mon propos. »
Plein d’entrain (à sa manière), Morticullus prend congé et laisse à son « serviteur » un peu de temps supplémentaire pour se préparer et vaquer à d’autres occupations. Une pause, en somme. Le magimorphe en profite pour se reposer un peu, bouquiner sur son lit et se faire joli en se maquillant, puis s’en alla détendre ses ailes dans le jardin. Avec tout ça, l’heure a déjà bien avancé et Thirésias doit descendre dans la grande salle de la demeure pour accueillir les convives et protéger son invocateur des multiples dangers inexistants.
Son regard balaye la grande pièce déjà remplie de nobles occupés à discuter de choses plus ou moins intéressantes. Dans son coin, les sens aviaires de Thirésias lui permettent d’observer et d’écouter quelques ragots croustillants afin de se distraire. Monseigneur de la Friponnette est déjà passablement éméché et commence à parler de sa dernière fiction incluant clairement l’ambassadeur d’Altissia et le chef du quartier des affaires (changer leurs noms ne trempe absolument personne). La baronne Moudugenou est encore venue avec le mari de Madame de Platdufiak en pensant que personne n’a compris que ces trois là sont amant.e.s… une soirée plutôt ordinaire. Attentif, l’emplumé jette tout de même des regards vers l’entrée, en espérant voir Samaël se pointer.
J’espère que Morticullus ne va pas m’humilier devant lui.
En se rendant compte que le contexte n’est finalement pas idéal pour revoir un peut-être futur ami, Thirésias rumine un peu. Il est cependant tiré de ses pensées par la voix de son invocateur qui échange avec un homme châtain à la voix et au sourire familier.
« Général ! Vous voila ! Nous vous attentions pour commencer nos échanges ! »
L’emplumé en profite pour franchir les quelques mètres qui le séparent de Samaël et vient le saluer.
« Samaël ! Vous êtes venu ! »
L’attitude de Morticullus change immédiatement. Le vieux mage lance un regard des plus froids à son serviteur.
« C’est « Général Enodril », je te prie. »
Le piaf veut dire quelque chose, mais serre les dents et se tait. Morticullus ne lui fait pas peur en tant que personne, mais il a bien assez de moyens de pressions pour rendre la vie pénible à Thirésias.
« Ne faites pas trop attention à lui… »
L’invocateur échange quelques courbettes conformes à l’étiquette et fait la conversation au sujet du temps, de la soirée, des invités présents. Puis, sans un regard à son invocation il continue.
« Guides donc le général vers le buffet. Présentes le aux autres invités et… restes poli. »
Thirésias hoche la tête machinalement. Il ravale son orgueil et tout ce qu’il voudrait dire à son invocateur, quitte à passer pour le dernier des lâches devant Samaël. Il veut juste que cela se termine au plus vite. Une fois le caldissien éloigné, le magimorphe soupire enfin et se détend. Il envoie un sourire d’excuse a son « invité ».
« …Hm… bref… Vous voulez manger quelque chose ? »