C'est ce matin que j'ai appris avec étonnement la mission qui m'était confiée pour la journée à venir. Cela fait quelques temps déjà que je rêve de me procurer une robe d'archimage, ou même si l'occasion se présente, une robe de sage, mais les sous me manquent. J'aurais bien sûr pu la demander en guise de cadeau d'anniversaire à mes colocataires, mais je ressent l'envie puissante et prenante de marcher de plus en plus vite vers mon indépendance. Ainsi, ce fut rapidement décidé : cette robe, je l'obtiendrais par mon travail. Seulement, celles au plus bas prix tournent autour des 400 sciams, et les quêtes ici proposées ne risque pas de me rapporter plus que quelques bricoles. Idéalement, il faudrait que je réalise plusieurs quêtes pouvant me rapporter chacune au moins 50 sciams, mais le temps me manque. Ainsi en cette journée de liberté, je errais à la recherche d'une quelconque activité répondant à mes attentes. Mes yeux divaguaient entre des quêtes de nourrice, de tourisme, de jardinage… Je haussais les épaules d'un air las, prête déjà à renoncer à mes bonnes intentions et à rentrer à la maison pour profiter de la fraicheur de mon bassin aquatique. Mais je fus alors interpellée par une petite affiche, un peu écartée des autres, comme si elle voulait se cacher. Ce genre de petites choses qui n'attirent pas l'œil des êtres pressés mais offrent généralement une récompense juteuse à ceux qui auraient la patience et la curiosité de s'y pencher dessus plus de quelques secondes. Je me penchais et sortit de ma poche une petite allumette qui éclaira rapidement la petite salle plongée dans la sombre clarté de l'aube. 

"Alors mademoiselle, intéressée par cette quête, peut-être ?"

Je me vois encore sursauter et sentir mon corps redevenir eau sous l'effet de la frayeur. J'ai jeté un regard rapide sur l'homme qui m'avait interpellé. Un grand chapeau noir lui retombait sur le front et cachait une grande partie de son visage, dont l'autre était recouverte par une longue écharpe qui masquait sa bouche. L'individu n'avait visiblement pas la moindre envie d'être remarqué. J'ai tourné la tête, vérifiant avec inquiétude que nous soyons bien seuls, bien qu'au fond de moi je n'espèrerais que la présence de quelqu'un pour me protéger. Mais il s'avéra que l'homme était simplement là pour s'assurer que la quête qui semblait m'intéresser ne tombât pas entre de mauvaises mains. Il me posa d'abord quelques questions, puis ayant finit de me juger, il commença d'une voix grave et sérieuse.

"Et bien, disons que la situation est délicate. La mission dont il est ici question est très délicate, demandant prudence, discrétion, mais surtout le secret le plus total. Une mission diplomatique de négociation très délicate aura bientôt lieu, entre deux diplomates de Caldissia et d'Altissia. Seulement voilà : il se trouve que l'on fait chanter l'un de ces diplomates avec le contenu d'un coffre qui, si il était révélé, provoquerait probablement un accident diplomatique. En effet, ce dernier contient tout un ensemble d'écrits de goût douteux produits par ledit diplomate durant sa jeunesse... Vous devriez retrouver ce coffre avant que son contenu ne soit dévoilé !"


"Combien de temps me laissez vous ?" avais je demandé, intriguée.


"Et bien disons que suis je vous promet 50 sciams, il faudrait que vous ayez retrouvé le coffre dans les plus courts délais. J'entends par là un, ou deux jours au plus tard."


Je fus prise d'un hoquet de surprise, que l'homme remarqua.


"Mais ne craigniez rien, nous avons déjà quelques pistes."


Je hochais la tête et l'homme me tint au courant de l'avancée de l'affaire. Puis, ses dernières recommandations données, il me donna rendez vous le soir même.


"Inutile de vous rappeler, Dame Awalis, que nous comptons sur votre discrétion." Je crus alors apercevoir l'éclat d'une lame aiguisée qui dépassait sa poche, mais peut-être n'était-ce que mon esprit.

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Et c'est ainsi que je me retrouve en ce frais matin, devant la majestueuse porte de l'Académie magique. Mon cœur dans ma poitrine bat à la chamade, mais une grande inspiration canalise mon inquiétude. Aucun écart ne m'est permis. Oh, mais qu'est-ce qui m'as pris d'accepter cette mission ? Je pousse la lourde porte et pénètre dans l'antre du savoir. Des livres, des livres, partout des livres. Trouver celui que je cherche reviendrait à chercher une aiguille dans une botte de foin, sachant que d'après mon informateur, quelques personnes ont déjà essayé et personne jusqu'ici ne l'a pu trouver. Je promène mes doigts le long des murs, mon regard actif et jamais au repos. Instinctivement, je me dirige vers le fond de la bibliothèque, partie la moins éclairée et moins occupée par les intellectuels de la ville en guise de nouvelles connaissances. Je passe à côté d'un petit groupe de jeunes qui me lancent un regard intrigué à la vision de mon corps aquatique. Il est vrai que je montre rarement au jour mon apparence naturelle, mais en ces périodes de trouble, la colère prends souvent le dessus et le naturel revient au galop. Je me retrouve alors dans une situation des plus embarrassantes : mon interlocuteur a devant ses yeux la preuve que ses mots sont blessants on m'ont fait perdre le contrôle. Ainsi en cette journée qui s'annonce mouvementée, j'ai préféré ne pas prendre le risque de me trahir devant une bibliothécaire suspicieuse ou quelque représentant de l'ordre curieux de savoir ce que je recherche en trainant ainsi dans les parties les plus sombres de l'Académie. Je tire alors les rideaux de la petite salle dans laquelle j'ai pénétré et saisit une bougie que j'allume avec soin. Je commence alors à arpenter les rayons, les étagère, déjà fatiguée de ce petit jeu qui ne semble mener à rien. Mais c'est lorsque je commence à perdre espoir que je suis interpellée par un petit reflet sur ma cheville droite. Dans l'eau c'est reflété avec la lumière l'image d'un petit livre jaune, rare couleur dans les étalages de cette pièce. Intriguée, je rapproche la flamme de l'ouvrage et constate avec un ravissement quelque peu excessif qu'il s'agit bien de "L'Inventaire des Cactus et Cactacea présents dans les Terres de Caldissia". Mais je ravale bien rapidement ma joie, inquiète à l'idée qu'un individu quelconque me remarque et soit intrigué par mon choix de lecture. J'exerce alors, comme m'a indiqué l'homme de l'aube, une petite pression sur le livre situé au sol et remarque avec émerveillement que se trouve derrière lui un trou béant. Je plonge la main dedans, mais me sens alors attirée par le fond. Mon corps bascule, et je saute. Un piège. Dans l'obscurité dans laquelle je me trouve, je remarque tout de même que je me retrouve prise dans un filet, et qu'à mes côtés se trouve un coffre en ébène, surement placé ici pour narguer le malfaiteur. Ainsi j'ai trouvé l'objet de mes convoitises, mais me voilà enfermée. Dans la panique, j'arrache la serrure tranchante du coffre et tente de couper les mailles du filet avec difficulté. 

Je ne sais pas combien de temps j'ai ainsi passé afférée à me libérer de mon triste sort dans la panique et l'inquiétude que quelqu'un me trouve, mais je sens ainsi le filet céder et le lourds poids de mon corps contre le sol. Je gémit et prends alors forme humaine, inquiète de voir à quel point je me suis blessée dans l'aventure. Quelques égratignures, rien de plus. Me voilà soulagée. A présent remonter ne doit pas être bien compliqué. Je lance le filet à la surface, répétant le geste plusieurs fois jusqu'à ce qu'une extrémité s'accroche à une vise de l'étagère et m'offre ainsi la possibilité de grimper dessus tel une échelle. Seulement une fois arrivée avec bien des difficultés en haut, et remis le livre à sa place, je remarque avec effroi que le coffre dans mon escalade s'était ouvert. Il me semble que quelques lettres sont manquantes puisqu'il n'est point rempli à ras bord. Peut-être suis-je en train de perdre quelques sciams ? L'hypothèse de retourner dans le trou est bien vite écartée lorsque j'entends des pas rapides qui se rapprochent de moi. Mes activités ont du faire bien du bruit, puisque les individus semblent être plusieurs. Je reprends rapidement forme aquatique, et glisse le coffre derrière une étagère, puis fait mine d'examiner les rayons. Les deux hommes qui se dressent devant moi semblent être surpris.

"Quelque chose ne va pas, Madame ?" 
"Je vous demande pardon ?" Lui dis-je en souriant d'un air intrigué.
"Nous avons entendu pas mal de raffut venant d'ici, tout va bien ?"
"Oh ! Oui, je suis confuse, j'ai seulement fait tomber une série d'ouvrages… Excusez ma maladresse." 

Les deux hommes repartit, je saisis le coffre et me rue vers la sortie. 

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Me voilà donc, en fin de journée, dans la sombre et terriblement inquiétante atmosphère des bas fonds, le coffre aux pieds, souriant à l'homme de l'aube. 

"J'ai malheureusement égaré quelques lettres dans le trou où étais caché le coffre. Mais j'ai terminé mon travail à temps, n'est-ce pas ?"