The beginning of something | Conan

La blanche et rouge prend une grande respiration. C’était la première fois qu’elle sortait réellement en de longues années. Avec quelqu’un, en tout cas. Un petit verre pour remercier Conan de l’avoir tant aidée, rien de plus. Non, rien de plus, sinon, elle savait qu’elle ne se sentirait pas bien.

Devant l’entrée du Chat Noir, Basmath hésite un moment. Il y a tellement de choses qui se bousculent dans sa tête, tellement de choses qu’elle aimerait ne pas penser. Le visage souriant d’Ayla, cette nuit encore qui la hante et la bête en elle. Tout ça, c’est beaucoup.

Allez, Bas’, c’est pas ton style d’angoisser pour quelque chose comme ça. Fonce.

Alors elle entre dans le bar en cette chaude soirée de juillet déjà bien avancée. Bien des gens parlent ensemble, mais ça semble tout de même tranquille, ce soir. Basmath jette un coup d’oeil rapide aux personnes présentes, voyant des visages qu’elle avait déjà vus avant. Petit sourire en coin, avant d’apercevoir le blond platine, un peu plus loin. Doucement, elle se dirige vers lui. Il est de dos, il ne la verra pas arriver avec le petit cadeau qu’elle lui faisait.

Une fois juste à ses cotés, la louve-garou dépose le bouclier de Conan sur le comptoir, sans même le regarder. Elle prend une place sur le tabouret, juste après.


« J’vais prendre un verre de whiskey, s’il-vous plait. »


Le barman lui fait un petit signe de la tête et s’exécute. Pendant qu’il travaille, Basmath se tourne vers Conan avec un petit sourire (un peu fière, faut l’avouer). Elle était certaine qu’il ne s’attendait pas à ce qu’elle revienne avec son bouclier.


« Bonsoir, Conan. »


Le jour d'avant, Basmath s'était donnée comme mission d'aller chercher le bouclier de Conan, pris sous les débris d'une maison. Elle venait de revenir de sa mésaventure dans la foret, mais elle avait tout de même pris le temps de faire ça. Elle lui devait bien ça, en vrai. Après ce qu'il avait empêché. Ça n'avait pas été facile à trouver, en vrai. La maison s'était complètement effondrée et il avait fallu que la soldate fouille un peu partout. Ça aurait presque été plus simple si elle avait pu lever la maison d'un seul coup...

Mais bon.

Son air est sérieux, mais Basmath comprend que ce bouclier semble beaucoup compter pour lui. Autant par le fait qu’il ne fait que le fixer, qu’il commande de l’alcool décapant pour le nettoyer. Au début, la louve-garou pensait qu’il allait vraiment boire ça….

Son commentaire sur la ville haute la fait sourire, alors qu’elle pose son coude sur le comptoir, le visage dans la main en regardant Conan nettoyer très précieusement son bouclier.


« Nah je sais, mais… D’une manière ou d’une autre, j’ai pas trop le choix d’aller dans ce coin-là. Donc bon, autant te rendre la pareille. »


Bas’ prend une gorgée de son whiskey, laissant l’alcool descendre doucement dans sa gorge. Ça faisait un bon petit moment qu’elle avait rien pris, alors ça faisait du bien. Et puis le blanc qui se met à parler encore et le sourire de la soldate disprait doucement. Oui, elle avait dormi, mais…


« Ma ‘’condition’’ m’empêche de me reposer réellement. Je dors, mais mon corps reste toujours fatigué. Je n’ai pas réellement dormi depuis 6 ans. »


Petite réalisation de la mate que ça faisait longtemps qu’elle avait tout perdu. Sa sœur, sa famille, Ayla. Tout dans le même mois… Et qu’elle avait été maudite par cette malédiction. La jeune femme fait un petit sourire triste et boit une autre gorgée de son whiskey, avant de déposer son verre sur le comptoir.


« Et disons que j’ai beaucoup de choses en tête, ces temps-ci. »


Les Éclaireurs, le feu, tout ça. Tout ce qui s’était passé dans les dernières semaines, ça lui en demandait beaucoup. En tant que soldate, elle se devait de garder l’ordre et d’obéir à ses supérieurs. Mais c’était difficile, des fois, terriblement difficile quand certains ordres allaient contre ses propres valeurs. Basmath voulait protéger les plus faibles, réduire les injustices.


« Et toi, t’as réussi à trouver une autre grotte pour te planquer ? Daisy ne s'ennuie pas trop de moi ? »


Petit sourire à sa tentative de semi-blague.

Il… Il vient vraiment juste de boire son alcool. Basmath reste surprise, une seconde ou deux, puis se rappelle que c’était le même gars qui avait survécu à une nuit complète en 1v1 contre une louve-garou en colère. La blanche et rouge ne fait que cligner des yeux quelques fois, préférant ignorer ce détail.

Son petit commentaire lui fait souffler des narines avec un petit sourire en coin. Oui oui son chien avait pissé sur sa jambe hahaha. L’odeur était restée sur ses vêtements qu’elle avait brûlés. Elle ? Nah. En tout cas, pas de ce qu’elle pouvait sentir même avec son odorat plus développé.


« Ouais ouais, c’est ça. »


La prochaine question, par contre, la rend un peu inconfortable. Pas parce qu’elle ne veut pas lui répondre, mais avec les derniers temps, sa fierté d’être dans l’armée de Caldissia descendait de plus en plus. Elle avait été recrutée en temps de guerre et maintenant, elle essayait de garder la paix à Yggdrasil, mais… Les jeux politiques et les hauts placés semblaient faire ce qu’ils voulaient. Quand on est que Lieutenant, le pouvoir qu’on peut accomplir est beaucoup plus petit. Basmath fait un soupir en se frottant le visage et boit une gorgée de son verre, encore une fois. Petit à petit, ce dernier était en train de se vider.


« J’suis…. J’fais partie de l’armée. Je suis Lieutenante dans l’armée de Caldis. »


Sa voix est basse, clairement, elle sait que c’est vraiment pas tout le monde qui aime les soldats. Au moins, le barman semblait s’en foutre. Il savait bien qui elle était, comme elle ne faisait pas de cachoteries. Il semblait juger les gens avec ce qu’ils était, pas ce qu’ils avaient comme travail.

Bas’ soupire encore. Elle s’attend presque à ce que Conan s’en aille, en vrai. Qui voudrait passer du temps avec une soldate ? Une soldate louve-garou qui arrive à peine à tenir debout, tellement elle est fatiguée. Si c’était pas l’habitude de vivre dans cet état constamment… Non, en vrai, même avec ça, on se demande comment elle fait pour continuer. La Lieutenante redemande un verre de whiskey, poliment, avant de tourner son regard sur le blanc.


« Ça ne me donne pas de très longues nuits de sommeil. »

Il y a un silence. Un long silence, et Basmath le sent, l’air est beaucoup plus électrique. Pas qu’elle peut lui en vouloir, hein. En vrai, au début, la jeune femme n’avait voulu que rejoindre l’armée que pour subvenir à sa famille. C’était un travail payant qui lui permettait d’envoyer tous ses revenus de manière stable à sa famille. Et pendant un bout de temps, ça fonctionnait plutôt bien. Même si, pour ça, elle devait participer à la guerre…

Mais quand tout le monde est mort, quand Judith, Isaac et papa sont morts, eh bien… L’armée, c’était tout ce qu’elle connaissait. Sans parler d’Ayla.

Une vague de vertige lui passe dans le corps, puis, elle entend Conan lui poser une question. Sa voix est neutre, sérieuse, il ne la regarde pas. La guerrière, elle, tourne la tête vers lui, quelques secondes, avant de retourner le regard sur son verre.


« Non. »


Les soupçons de Bas’ se confirment. Il était bien un Solo. Bien qu’elle n’avait pas tout de suite reconnu l’armure, plus le temps passait et…. Ouais, pas de doute. En plus qu’il était là, à la bataille du lac.


« J’étais à l’autre bout du pays. Je suis arrivée à Yggdrasil après l’exécution… Pour garder la paix. »


Petit rire ironique avec une gorgée de whiskey. Bande d’hypocrites. Ils voulaient qu’elle garde l’ordre, mais en même temps, ils manigancent des plans en blâmant les Éossiens. Quelle merde. Basmath se frotte le visage, rudement.


« T’as vu où ça nous a mené. »


Les Éclaireurs, le feu, tout ça et les révélations sur l’exécution. Il semblait qu’à chaque pas que Basmath essayait de faire pour la paix, les politiciens et les hauts-placés de l’armée en faisait 4 en arrière.


« As-tu… Réussi à avoir d’autres informations ? »


Sans donner trop de détails, Basmath brûlait d’envie de lui demander depuis la dernière fois. Mais avec tout le truc du loup-garou, ça lui avait complètement quitté l’esprit.

Rien. Urgh. Basmath s’en attendait, en vrai. Cet homme n’avait probablement connu que ce qu’il avait besoin de connaitre. Basmath hoche la tête, silencieusement, alors que Conan, lui, se met à se tourner vers elle. Ça va être sérieux, elle le sent, alors Bas’ le regarde tout aussi sérieusement.

Quand il mentionne le général, les sourcils de la blanche et rouge se froncent. General De Venomania ? Il s’était battu contre lui, cette soirée là ? Et il était venu pour le tuer…. Hm. Basmath reste silencieuse, très pensive, encore une fois. Il fallait qu’elle… Non, son métier de soldate, sa carrière, tout ça, lui criait d’arrêter cet homme. Ce Solo.

Mais la suite de ses paroles viennent la frapper dans son cœur. Les valeurs qu’il venait de dire là, c’était pas mal ce que la louve-garou avait comme priorité, aussi. Alors pendant un long moment, Basmath ne dit rien. Elle fixe son verre d’alcool, sans bouger. Elle sait qu’elle devrait l’arrêter. Elle le sait.

Elle en est incapable.


« Tu sais que je devrais t’arrêter... »


Elle fait tourner son whiskey dans son verre, doucement, frotte ses yeux fatigués avec ses doigts, avant de tourner la tête, petit sourire aux lèvres. Un simple sourire doux et plus chaleureux qu’elle n’aurait cru faire. En vrai, s’il protégeait les Éossiens…. Elle ne devrait pas l’arrêter. Pas aujourd’hui, en tout cas.


« Mais bon, je suis pas en service, en ce moment. »


Elle hausse les épaules, mollement, comme si tout ça, c’était hors de son contrôle et qu’elle ne pouvait rien faire pour régler ça. Et juste comme ça, elle boit tout son verre d’un coup, laissant l’alcool lui brûler la gorge.


« Par contre, tu sais que… Si jamais je suis auprès de mon Général, si tu…. Réessayes. »


Elle ne veut pas dire ces mots, mais il a été très franc avec elle, alors elle lui devait le même respect.


« Je vais devoir le défendre avec ma vie. »

La mort la plus conne de sa vie ? Oui, peut-être. En vrai, depuis le feu, Basmath avait énormément de difficulté à garder sa confiance envers l’armée. C’était la seule chose qu’elle connaissait, maintenant, même si tout lui rappelait Ayla. Et comment elle avait failli à sa famille, comment elle aurait pu être là pour Judith et Isaac et papa, alors…. Pourquoi restait-elle ? Peut-être qu’elle voulait souffrir, inconsciemment. Ça lui semblait plus juste.

Conan continue de parler, d’une manière, la complimentant sur ce qu’elle était. Mais en même temps, non. Parce qu’elle n’était pas dans son élément. Basmath hausse les épaules, encore une fois, fixant son verre vide.


« Peut-être que j’le mérite, tout ça. »


Petit soufflement de nez nerveux, ironique, avant qu’elle ne demande un autre verre au barman avec un sourire doux. Elle sentait que l’alcool commençait à lui titiller les bouts des doigts. Une fois le verre rempli devant elle, par contre, elle ne fait rien. Ne fait que regarder sa réflection dans celui-ci. C’que ses cernes sont énormes, merde.


« J’ai rejoint l’armée pour soutenir ma famille. Ils étaient nomades et pas très riches. Ça les a aidés, un moment. »


Sa gorge se serre. Pourquoi elle lui comptait tout ça ? Peut-être que c’était l’alcool. Peut-être que c’était que, finalement, elle avait besoin que tout ça, ça sorte de son système. Mais Basmath ne fait que faire bouger légèrement l’alcool dans son verre, pendant un long moment, pensive.


« Jusqu’à ce que la guerre les rattrape, j’imagine… »


Papa, Judith, Isaac. Tous morts. Et maman, la dernière fois qu’elle l’avait vue…. Elle n’allait pas très bien. Elle essayait de sourire, mais ça se voyait. Ça se sentait. Elle se retenait de pleurer. Et mamie non plus, elle n’allait pas tarder. D’ici quelques années, si ce n’était pas déjà le cas, elle serait la dernière Yeshua. La dernière de cette lignée qui semblait maudite par tous les malheurs du monde. Basmath tourne le regard vers Conan, ne remarquant même pas qu’elle avait une larme qui coulait sur sa joue.


« L’armée, c’est tout ce qui me reste, même si c’est de la merde. »


Le seul endroit ou elle pouvait faire une vrai différence et aider les autres. C'est ce qu'elle se disait, en tout cas.

Basmath sent sa gorge se serrer et son coeur s’accélérer. Elle ne sait même pas pourquoi. Est-ce que c’est à cause de ses mots ? ‘Te reste leur mémoires’. Oui, mais même elles la hantent. Judith, Isaac, Papa…. Ayla…. Ayla oh merde Ayla.

Un coup de sueur froide qui la prend, un coup de vertige aussi. Mais elle se concentre sur lui, sur ses yeux… Rouges, sans pupilles. Huh.


« Je sais. »


Et puis il fait quelque chose qui l’étonne. Qui l’étonne énormément. Il essuie la larme qui lui coulait sur la joue. Une larme que la guerrière ne savait même pas qu’elle était là. La jeune femme reste étonnée et pose sa main sur sa joue, surprise. C’était… Très gentil de sa part. Pas quelque chose auquel elle s’attendait.


« Non, je… J’imagine que non. »


Elle n’ose pas lui dire qu’elle est perdue. Plus le temps passe, plus elle se sent déboussolée. Elle croyait de moins en moins en l’armée. La soldate était en train de diverger. Clairement, il y avait des différences avec leurs… Valeurs.

La jeune femme se retourne vers son verre et en boit une autre gorgée. Il avait raison, d’une manière. Sa famille ne voudrait pas qu’elle reste à l’armée si son cœur n’y était plus. Alors pourquoi restait-elle ? Pour les plus faibles ? Pour elle ? Pour Ayla ?..... Ayla…..

Le vertige qu’elle avait devient de plus en plus fort. Les sueurs froides qu’elle avait, reviennent en force. Elle ne se sent pas bien. Pas bien du tout.


« J-je… Dé-désolée j-je v….Je d-dois y aller. »


Rapidement, Basmath laisse les sicams sur la table et se lève. Elle titube, la main sur la bouche. Elle court jusqu’à la porte de sortie et, se vide l’estomac juste après être sortie, dans la ruelle.

Merde de merde...

Ses mains tremblent, elle ne sait même pas vraiment pourquoi elle a eu se déclenchement. L’image d’Ayla, dans sa tête, les souvenirs d’elle, de cette nuit et tout ça… Oh merde…. La soldate entend quelqu’un sortir de la taverne, mais elle est trop euh… Occupée. Et elle entend la voix de Conan derrière elle. Après quelques secondes, elle s’arrête enfin, à bout de souffle, les larmes aux yeux.

Doucement, elle s’assoit, essuyant sa bouche avec sa main. Urgh… C’est dégueulasse. Elle devrait ramasser ça, c’était pas très plaisant à voir, ni sentir et le barman était gentil avec elle. Elle lui devait ça. Mais dans quelques minutes, là, Basmath prend quelque temps pour se reposer. Et elle entend Conan parler, baissant ses yeux rouges. Ce n’était pas difficile à comprendre, honnêtement, qu’il y avait quelque chose d’autre qui avait causé ça.

Les sueurs froides étaient toujours présentes, par contre. Les tremblements aussi et elle était un peu plus blême qu’au départ de la soirée. Basmath ne fait que secouer la tête, légèrement, incapable de trop parler.


« Je...J’peux pas. »


C’était trop, d’en parler. Elle y arriverait pas. La seule pensée de se mettre à lui raconter tout ça lui donnait d’énormes vagues d’anxiété. Sa main tremblante (la propre) passe dans ses cheveux blancs et rouges, nerveusement, avant qu’elle ne lève les yeux vers Conan encore une fois.


« …..Suis…. Désolée. »


Elle se relève, doucement, juste à temps pour voir le barman sortir avec un truc pour nettoyer. Lui dit qu’il va s’en occuper et d’aller se reposer. L’était bien gentil, en vrai.


« Merci. »


Long soupire saccadé par des tremblements. La louve-garou tourne le regard vers Conan, encore une fois, retrouvant un peu sa capacité à parler, même si on peut sentir que c’est un énorme effort.


« Conan, j’te reverrai une autre fois… Ne perd pas ton bouclier sous une autre maison, d’accord ? »


Petit sourire qui se veut rassurant, mais qui échouera probablement. Puis, elle se met à marcher vers la caserne, doucement, un pas à la fois. Tremblante comme une feuille. Elle veut juste aller dormir. Aller se coucher, au moins. Dans un lit. Et fixer le plafond pendant des heures, probablement.

Ayla… Désolée, Ayla, tellement, tellement désolée.