Wreck [Basmath-Conan]

Basmath dans un bar à boire sa tristesse ? Non, bien sûr que non. Basmath, dans un bar à fixer le vide avec un verre d’eau pas trop loin ? Oui, ça se fait. Elle est encore au Chat Noir, ce soir. Elle essaye de manger quelque chose. C’est tout petit, mais son estomac semble tellement noué que ça ne fait rien. Elle ne fait que le fixer. Judith. C’est tout ce qu’elle a en tête et à chaque fois qu’elle y pense, elle a le vertige. La seule personne qui lui restait, sa petite soeur, la détestait plus que tout.

Bah meurs alors.

C’est tout ce qu’elle avait en tête pour l’instant. Ces paroles qui l’avaient poignardée de manière si cruelle, qui l’avaient ébranlée jusqu’à son âme. Et Basmath ne pouvait rien y faire. Elle méritait ce sort.

Si seulement elle l’avait écoutée, sa soeur, si seulement elle avait été avec elle pour défendre sa famille, si seulement elle avait pu empêcher la mort d’A--

Haut-le-coeur qui la prend soudainement. Oh merde attendez, non, pas encore. Bas’ met une main sur sa bouche, puis, sur son torse, comme si ça allait pouvoir faire quelque chose. Elle prend une grande respiration, puis expire… Inspire, expire… Mais elle sent déjà la salive qui s’accumule dans sa bouche. C’est trop tard. Et quand le visage aux cheveux roux, la peau sombre et ses grands yeux roses lui reviennent à l’esprit, s’en est trop pour elle. Rapidement, Bas se lève et jette de l’argent sur la table avant de déguerpir dehors en vitesse.

Encore une fois, elle vomit. Elle se vide le ventre, déjà qu’il est assez vide, quelque chose en sort. Elle tombe à genoux, les larmes se mettant à couler sur ses joues. Elle tremble. Elle se sent pas bien. Pas bien du tout. Elle en peut plus. Basmath n’en peut juste plus de tout ça.

Et puis elle entend des pas arriver vers elle. Aucune idée c’est qui, avant de lever la tête et de revoir Conan qui, encore une fois, la voyait à son ‘’meileur’’. La soldate n’arrive pas à parler du tout. Ce ne sont que des sanglots, des hoquettements et des bruits un peu dégueulasses qui sortent de sa bouche.

Après un bout à passer comme ça, ses sanglots se calment, mais pas ses tremblements. Elle pose une main sur l’épaule de Conan, recherchant le moindre réconfort qu’elle pouvait avoir.


« Je peux…. Je peux plus….. J’en peux plus….. »


Elle secoue la tête, repensant à Judith, à ses parents, son petit frère et Ayla encore. Ça aurait dû être elle, à sa place. Ça aurait dû être elle à la place d’Isaac.

Le regard noyé de larmes, Basmath lève les yeux vers ceux de Conan. Elle ne sait pas pourquoi il est là, mais elle s’en fout. Elle veut juste que quelqu’un la serre dans ses bras.

La tête qui tourne, Basmath tente du mieux qu’elle peut de tout rentrer à l’intérieur. Comem avant, ça avait fonctionné pendant des années, alors pourquoi ? Pourquoi maintenant ? Non, elle savait pourquoi, Judith. Judith était vivante, mais elle la détestait. Cette pensée fait couler encore plus de larmes des yeux rouges de la jeune femme qui a envie que tout s’arrête.

Alors elle sent les petits gestes de Conan, des gestes qui se veulent réconfortants, mais clairement mal à l’aise. La soldate essaye de se concentrer sur ses geste. Sur sa main dans ses cheveux, dans son dos. Elle essaye de ne penser à rien d’autre. Elle s’en fout. Elle se fout de tout. C’est ce qu’elle essaye de se faire croire, même si c’est difficile. Vraiment difficile.

Après de longues, longues, looongues minutes à pleurer comme ça, les larmes s’arrêtent. Elle manque de force. Son estomac est trop noué, sa gorge serrée, et elle se sent juste complètement épuisée. Alors elle se retire, doucement, des bras de Conan, avant de faire quelques pas pour s’éloigner de l’odeur désagréable de sa propre régurgitation. Elle se laisse tomber contre le mur, lentement, mollement.


« Merde…. »


C’est tout ce qu’elle arrive à dire. Tout est de la merde en ce moment. La louve-garou frotte ses yeux endoloris, rouges et bouffis par tous ces pleurs. Elle se sent stupide. Encore une fois, Conan la voyait à son plus bas. Tellement basse, qu’elle était rendue sous la terre. C’était pitoyable. Si Papa ou Maman voyaient ça… S’ils voyaient ce que leur fille est devenue aujourd’hui.

D’autres larmes se mettent à couler, doucement, sur ses joues, son regard rouge se tournant vers le blond.


« J’suis vraiment désolée, Conan je…… »


Elle sent qu’elle devrait lui expliquer. Lui dire tout. Elle est déjà au bout du rouleau, le ventre vide, alors… Tant qu’elle ne se met pas à parler d’Ayla, elle se disait que tout allait bien se passer. Probablement.


« Ma soeur… Ma petite soeur. »


Les mots sortent difficilement de sa gorge, chacun semble prendre une force inimaginable. Mais elle se sent obligée d’en parler.


« Je croyais… Je la croyais morte. Comme toute ma… Ma famille. Mais non. Elle est vivante. »


Petit sourire, très très léger. Il fallait qu’elle s’accroche à ça. Cette petite, minuscule lueur d’espoir qui lui rappelait que Judith était en vie. En vie et, même si elle aurait des séquelles de ce qui lui est arrivé pour le restant de sa vie, au moins, elle…. Elle pourrait vivre. Le minuscule sourire de Basmath se transforme en grimace presque douloureuse.


« Elle me déteste. Elle me blâme pour… Pour ce qui est arrivée. Parce que je n’étais pas là. Pour… »


Pour défendre Isaac. Pour défendre Papa ? Aucune idée de ce qui était arrivé à Papa. Maman et Mamie étaient mortes il n’y avait pas très longtemps de ça. Judith lui avait dit. Alors… Il ne restait que Judith. La seule Yeshua. Basmath ne méritait pas ce nom.


« Elle veut que je meurs. »


La soldate cache son visage avec sa main, essayant de s’empêcher de pleurer. Sa respiration est saccadée et tout ce qu’elle voit en fermant les yeux, c’est Judith qui crie:

BAH MEURS ALORS

Basmath sent quelque chose lui attraper le poignet. C’est la main de Conan et elle le regarde, les yeux rouges. Elle sent que ca va se remettre à exploser. Que les larmes vont se remettre à couler à flot d’un instant à l’autre.

Mais la voix de Conan résonne dans l’air et ses paroles, ses mots, résonnent avec son être. Elle le fixe, le regarde respirer et fait la même chose que lui. En vrai c’est drole, parce que… C’est un truc qu’elle faisait avec Jud, il y a très longtemps de ça. Quand Judith faisait des crises de panique. Et voilà qu’à son tour, on lui renvoie la balle. Si elle n’était pas tant au bord du gouffre, Basmath aurait presque pu en rire d’ironie.

Mais elle fait ce qu’il dit. Inspire… Compte jusqu’à cinq. Expire…. Compte jusqu’à cinq. Encore. Et encore. Et encore.

La louve-garou sent les battements de son cœur se calmer, finalement. Après de longues minutes à répéter cet exercice, la jeune femme détourne le regard et essuie son visage avec sa main.


« Merci... »


Bien que sa peine n’était (bien sûr) pas partie au complet, au moins, elle semblait plus ou moins sous contrôle. La soldate se sent gênée d’être toujours dans une telle position quand elle rencontre Conan. Elle voudrait lui montrer un meilleur côté d’elle, mais il semblait avoir le don d’être là quand elle était à son pire.


« J’ai l’impression que je devrais être… Contente du simple fait qu’elle soit vivante. Mais je... »


Basmath fixe le vide pendant de longues secondes, prenant d’autres grandes respirations. Elle ne sait pas, non plus, comment remercier Conan. C’est la troisième fois qu’il l’aide, comme ça, sans rien demander.


« Pardon… Je devrais pas me remettre à en parler. L’impression que ça va ressortir, encore. »


Son regard rouge se repose sur Conan et Bas’ tente de lui faire un léger, très léger sourire. Elle se sent épuisée, mais elle sait que peu importe si elle essaye ou non, elle n’arrivera pas à s’endormir. Une fois dans son lit, le cerveau n’arrête plus.

Basmath avait réussi à trouver un semblant de calme. Ses yeux étaient encore rouges, sa tête tout aussi assaillie par des pensées négatives de toutes sortes… Mais elle était capable de les ravaler. Elle était capable de respirer.

La voix de Conan résonne encore une fois. Il lui parle de l’autre fois, qu’il semblait pas avoir compris tout de suite. Basmath le regarde, puis, tourne le regard légèrement, presque gênée. Depuis qu’elle l’avait rencontré, Conan ne faisait que la voir sous son coté le plus misérable, le plus faible, le plus bas. Ou bien il était en train de l’aider. Dans tous les cas, elle était vraiment en train de se demander pourquoi il ne la laissait pas tranquille. Elle se sentait comme un poids.

…. Mais est-ce que c’était vraiment nouveau ?


« C...C’est pas grave, Conan. »


Elle essaye de sourire. Bien sûr qu’elle n’avait jamais planifié tout lâcher sur lui, ses mauvaises émotions et tout. Basmath était juste tellement seule qu’elle n’avait pas vraiment de gens à qui parler. Et honnêtement, étant une louve-garou, beaucoup des soldats aimaient mieux ne pas avoir affaire avec elle.

Par contre, les prochains mots de Conan enlèvent le sourire du visage de la soldate. Elle ne sait pas trop quoi répondre à ça, honnêtement. Il ne voulait pas faire de mal, évidemment, il l’a remarqué tout de suite lui-même. Mais c’est… Probablement de la gêne, un malaise social ou un truc comme ça.


« Judith est... C’est la personne que j’aime le plus au monde… Elle est intelligente, forte, rapide. Elle est si belle aussi. E-et-- »


Sa gorge se noue, rapidement, alors qu’elle se rappelle de bons moments qu’elle a passés avec sa sœur, il y a une éternité de ça.


« Ses longs cheveux blonds platines, ses yeux cuivrés, son petit visage à la fois doux et puissant. »


Merde qu’elle l’aime, sa soeur. Elle se sent juste tellement au fond du gouffre, et tout ce qu’il va lui rester d’elle, ce seront ces souvenirs. Même s’ils lui font extrêmement mal.


« Semblerait qu’elle ait perdu son bras et sa jambe quand… Quand elle a essayé de sauver notre petit frère, Isaac. À cause d’une explosion. Elle… Avait vraiment l’air de me détester. »


Basmath fronce les sourcils, une larme lui coulant sur la joue qu’elle essuie rapidement. Son regard se tourne vers Conan encore, puis vers sa main qui lui tient encore le poignet. Basmath fait un petit sourire. Il ne semble même pas avoir remarqué.


« Conan, mon poignet... »


Il est gentil, en vrai.