Début août 1001 | Longue histoire |
avec Dr House
En un sens, quand j'y pense... Est-ce que je ne suis pas la première personne à qui il se confie depuis un moment ? Je ne sais pas. C'est du moins l'impression qu'il donne. Surtout s'il ne veut pas que les personnes concernées s'inquiètent. Là-dessus, je ne peux pas dire que je ne comprends pas. Moi non plus, je ne voudrais pas que mes proches s'inquiètent. Mais plus parce que je me dis que je ne vaux pas la peine que l'on se fasse du souci pour moi. Je sais que c'est inévitable, quand on apprécie quelqu'un. Même si je fais confiance à Faust, par exemple, et que je sais que c'est un grand guerrier, cela ne m'a jamais empêché d'être nerveux qu'il lui arrive un truc sur le champ de bataille. Et c'est normal. Parce que nous sommes bien peu de choses, au final, et que je ne compte plus le nombre de morts dont j'ai été témoin. Le nombre de fois où j'ai espéré qu'il n'en fasse pas partie. Lui aussi, a dû se soucier de moi, j'imagine. Au moins un peu. Plus Shimomura me parle à cœur ouvert, plus au contraire, si j'étais ami avec lui, je m'inquiéterais aussi à son encontre. Je le fais pour chaque personne qui m'est cher. Après tout, c'est normal de souhaiter le bonheur d'un être aimé. Si je me mets à rire un peu de sa plaisanterie quant à ma gourmandise, cela ne me fait pas oublier ce que je peux penser de lui. J'ai rêvé toute ma vie d'être un modèle, et j'espère encore le devenir dans le futur si je ne le suis pas maintenant, mais je prends peu à peu conscience des défauts que je peux avoir et je sais que c'est loin d'être glorieux, alors à sa place, je ne considérerais pas ça comme si ce n'était rien.« Je n'ai pas l'air d'être un exemple à suivre. Si nous nous ressemblons, c'est à vous de voir si c'est important ou non. »
J'esquisse un sourire dubitatif. Il a l'air de ne pas assez prendre au sérieux son propre bien-être. Je peux pourtant maintenant voir plus clairement qu'il est loin d'être à l'aise à l'idée de parler de lui. La peur d'être trop 'égocentrique', peut-être... Cela semble bien le préoccuper, ça aussi. Distraitement, je fais mine de piquer un fruit avec le bout de ma fourchette.
« Mais... à trop prendre sur vous, vous allez finir par exploser. »
Et ça, pas la peine d'être un génie pour le deviner. Je peux... progressivement sentir ce genre de choses en lui, même si j'ignore comment. Il a une tête de quelqu'un qui en entend bien trop pour en échange trop peu en dire.
« Vous savez ce qui se passe, quand on remplit un saladier à ras bord ?.. »
Je prends un bol avant de le remplir de fruits, accompagnant mes paroles par des gestes. Bientôt, il se garnit entièrement jusqu'à ce que je ne puisse plus en rajouter sans que ça ne tombe sur les côtés.
« Ça finit par déborder. »
Je m'arrête au moment où des morceaux tombent sur la table pour illustrer mon propos. Mon regard s'arrête ensuite le récipient plein à craquer, se faisant plus pensif. Ma voix devient plus calme et moins enjouée.
« Comme la colère des Eossiens que nous avons nourri. Elle a finit par déborder, elle aussi. »
Des pommes, des poires, des bananes, des raisins... Comme pour le bol, cette rage des natifs ne s'est pas limité à un seul groupe parmi eux. Elle s'est répandue dans tous les corps de métier possible, car ils ont été victimes de la même chose et que Erys comme ses successeurs sont des figures importantes de leur mouvement qu'on a touché. Qu'on s'est approprié. Qu'on a sali. Qu'on a bafoué. Pour faire taire cette petite flamme qu'ils portaient. Pour l'éteindre. Mais au lieu de l'étouffer, elle s'est transmise et elle a grandi. Et d'elle est née, entre autre, les Eclaireurs d'aujourd'hui. Avec tout ça, il y a en effet de quoi s'inquiéter pour les personnes touchées indirectement ou non.
« S'il y a des gens pour qui vous comptez, c'est bien naïf de croire qu'ils ne s'inquiètent pas. Peut-être le font-ils déjà. »
Je finis par hausser les épaules. Moi, j'en suis persuadé, que s'il a des connaissances amicales, alors ils se font déjà du souci pour lui. Cela coule de source. Par ailleurs, s'il me dit ça, c'est que ces personnes n'ont jamais été témoins des états dans lesquels je l'ai connu. Le regard plus sérieux, je remets lentement les morceaux de fruits de là où je les avais pris, en piquant quelques uns au passage. Mes yeux sont rivés vers les motifs de la table en bois. Je n'y fais pas attention, en vérité. Mes pensées sont plongées dans des souvenirs qui commencent à remonter. Du moins, qui me paraissent à présent lointains, très lointains, alors qu'ils ne sont pas arrivés il y a si longtemps que ça, pourtant. Mais j'entends de nouveau des cris, des larmes, et je sens une colère et une peine que je n'ai pas oublié même après des mois. Les images d'un dragon à piques qui laisse éclater sa colère. Il s'agissait bien de lui.
« Parce qu'après tout, vous avez déjà explosé, à quelques reprises. Je l'ai vu. Nul doute qu'un jour, à force, ils finiront par le voir aussi. Comme vous dites, vous ne savez pas mentir. »
En silence, je repose calmement mes couverts avant de me lever pour commencer à débarrasser une fois que j'ai fini mon bol de fruits. Je ne suis pas là pour lui faire une quelconque morale. Je ne les connais pas, ces gens dont ils parlent. Mais pour moi, c'est une évidence. Je n'ai pas eu à m'inquiéter dans ces moments-là parce que je ne l'appréciais par forcément, mais à la place de ses proches, j'aurais été, en effet, mort d'inquiétude.
Dernière édition par Samaël Enodril le Lun 5 Avr 2021 - 1:54, édité 1 fois